Abstract
Introduction
Chez l’enfant les exacerbations d’asthme sont le plus souvent déclenchées par une infection respiratoire. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’intérêt de l’identification des pathogènes respiratoires chez les enfants hospitalisés pour une exacerbation d’asthme.
Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective incluant tout enfant hospitalisé pour une exacerbation d’asthme dans notre unité entre janvier 2010 et décembre 2011 et analysant la prescription des examens microbiologiques, leurs indications, leur rendement, leur impact sur la prise en charge médicale et leur coût.
Résultats
Cent quatre-vingt-dix-sept enfants ont été inclus. Une recherche d’agent pathogène respiratoire avait été réalisée chez 157 enfants (79,7 %), surtout en cas d’infection oto-rhino-laryngologique (ORL), d’hypoxémie ou de pneumonie. Un virus avait été identifié chez 30 (23,8 %) des 126 enfants prélevés. Les analyses bactériologiques avaient eu un rendement faible puisque seulement 3,2 % des analyses par amplification génique (PCR) pour Mycoplasma pneumoniae avaient été positives (n = 4/125). Aucune autre bactérie n’avait été identifiée. Aucun lien n’a pu être établi entre les résultats microbiologiques et la gravité de l’exacerbation. La prise en charge thérapeutique avait été peu modifiée par ces résultats. Le coût global avait été de plus de 40 400 euros pour les 2 ans d’étude.
Conclusion
D’après nos résultats la recherche de pathogènes respiratoires au cours des exacerbations d’asthme a un intérêt modéré en dehors de l’aspect épidémiologique. L’impact du rhinovirus, du coronavirus, du bocavirus et de l’entérovirus, non recherchés en routine hospitalière, reste cependant à préciser.
Abstract
Background
Asthma is the most common chronic disease in childhood. With its high economic burden, it is considered a disease of major public health importance by the World Health Organization. The link between respiratory tract infections and acute exacerbation has been recognized for a long time. The aim of this retrospective study in routine care was to evaluate our practices concerning microbiological prescriptions in children hospitalized for asthma exacerbation.
Study design
All children aged from 2 to 15 years hospitalized for asthma exacerbation between January 2010 and December 2011 in our unit were included in the study. Microbiological prescriptions, their indications, their results, and their cost were studied.
Results
One hundred ninety-seven children were included in the study. A potential causative agent was sought in 79.7% of the children (n = 157) by immunofluorescence assay (IFA) and/or polymerase chain reaction (PCR). The main indications were upper airway infections, hypoxemia, and pneumonia. Viruses were detected in 23.8% of them (30/126). Mycoplasma pneumoniae was detected by PCR in only 3.2% of these patients (4/125). No other bacterial agent was identified. There was no correlation between the severity of asthma exacerbation and the microbiological diagnosis of infection. The results did not influence the therapy given. These prescriptions represented a substantial cost for each child.
Conclusion
These analyses do not seem to have a real advantage for the patient except for epidemiology. It would be important to conduct a new study analyzing the role of rhinovirus, and of other viruses such as coronavirus, bocavirus, and enterovirus, not routinely investigated in our hospital, and to question the value of these costly microbiological tests.
1. Introduction
L’asthme est une affection chronique très fréquente, dont on estime qu’elle touche près de 10 % des enfants en France. Il s’agit d’une maladie variable dans le temps, marquée par des phases d’exacerbations avec bronchoconstriction et hypersécrétion bronchique sur un fond inflammatoire chronique. Malgré des progrès dans la prise en charge au long cours, ces exacerbations sont encore responsables d’une importante morbi-mortalité, d’un absentéisme scolaire, et d’hospitalisations coûteuses. Les facteurs déclenchant ces exacerbations sont variables. Si les allergènes sont des facteurs classiques chez l’adulte, chez l’enfant les exacerbations sont principalement d’origine infectieuse, liées à des virus, mais aussi, chez les plus de 5 ans à des bactéries intracellulaires comme Mycoplasma pneumoniae [1], [2]. Cette dernière est également incriminée dans les exacerbations d’asthme inaugurales [3]. Lors d’une exacerbation d’asthme chez l’enfant justifiant une hospitalisation, une recherche microbiologique est souvent proposée sans que l’on sache réellement si cela impacte la prise en charge du patient ou le devenir à long terme de son asthme. C’est en tout cas l’attitude adoptée depuis quelques années dans nos unités de pédiatrie générale et de pneumologie pédiatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) Timone à Marseille. Nous avons réalisé une étude rétrospective afin d’évaluer nos pratiques professionnelles et surtout dégager l’intérêt de ces prélèvements microbiologiques en analysant leurs indications, leur rendement, leur impact sur la prise en charge médicale et leur coût.
2. Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective menée dans les unités de pneumopédiatrie et de pédiatrie générale de l’hôpital d’enfants de la Timone au CHU de Marseille incluant tout enfant âgé de 2 à 15 ans hospitalisé entre le 1er janvier 2010 et 31 décembre 2011 pour une exacerbation d’asthme telle que définie par la Société pédiatrique de pneumologie et allergologie [4]. Ont été exclus les nourrissons de moins de 2 ans et les enfants présentant une pathologie sous-jacente comme une atteinte cardiaque, respiratoire, neuromusculaire ou une immunodépression.
2.1. Recueil des données
Pour chaque enfant nous avons recueilli les items suivants : âge, sexe, antécédents (prématurité sans séquelle respiratoire, eczéma, allergie alimentaire, tests cutanés allergologiques et leurs résultats, terrain atopique familial avec notion d’asthme, d’allergie ou d’eczéma chez les apparentés de 1er degré), exposition à un tabagisme in utero ou environnemental. Les caractéristiques de l’asthme ont été précisées : ancienneté, antécédents d’exacerbations avec hospitalisation en unité conventionnelle ou en réanimation, asthme aigu grave (recours au salbutamol intraveineux), traitement de fond, évaluation du contrôle de l’asthme (fréquence des exacerbations et de l’utilisation des bêta-2-mimétiques, toux nocturne, gêne à l’effort dans les 3 mois précédents). Ont également été recherchées la notion de contage, la présence d’une fièvre, d’une rhinite, d’une toux grasse, d’une éruption cutanée, de crépitants à l’auscultation pulmonaire, d’un foyer de pneumonie radiologique et de signes de gravité (hypoxie définie par une saturation pulsée en oxygène [SpO2] < 92 %, nécessité de salbutamol intraveineux, hospitalisation en réanimation). Nous avons noté si une analyse virologique sur aspiration nasopharyngée avait été prescrite et dans l’affirmative pour quel virus : virus respiratoire syncitial (VRS), virus de la grippe A et B, virus parainfluenza, métapneumovirus humain, adénovirus et rhinovirus. L’aspiration douce avait été réalisée par une infirmière ou un kinésithérapeute après instillation de quelques millilitres de sérum physiologique. Le prélèvement a été considéré positif si une identification virale avait été obtenue avec l’une ou l’autre des 2 techniques : immunofluorescence ou amplification génique (PCR). À noter que les techniques d’identification virale et les virus recherchés avaient pu varier d’une période à l’autre de l’étude, sans que le clinicien prescripteur n’en soit obligatoirement informé. Par exemple le VRS et les virus de la grippe n’avaient pas été recherchés en été. La recherche du rhinovirus n’a été possible en routine qu’à partir de novembre 2011, soit seulement pendant les 2 derniers mois de la période d’étude.
Sur le plan bactériologique, les prescriptions et résultats des PCR pour M. pneumoniae, Bordetella pertussis, Chlamydia pneumoniae ou autres, des sérologies pour M. pneumoniae et des analyses cytobactériologiques des crachats (CBC) ont été relevés. La réalisation d’une radiographie du thorax et la présence d’une pneumonie ont été notées ainsi que la prescription d’un traitement antibiotique.
2.2. Analyse statistique
Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel PASW Statistics® version 17.0. Les variables continues ont été présentées sous forme de moyenne ± écart-type ou sous forme de médiane et extrêmes, les variables qualitatives sous forme d’effectifs et de pourcentages. Les comparaisons pour les variables continues ont été faites à l’aide du test-t de Student ou le test de Mann-Whitney et pour les variables qualitatives à l’aide du test du Chi2 ou du test exact de Fisher si les effectifs théoriques étaient inférieurs à 5. Une valeur de p < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative.
3. Résultats
3.1. Caractéristiques de la population
Sur la période étudiée, 474 enfants ont été hospitalisés pour une exacerbation d’asthme, dont 174 enfants avaient moins de 2 ans et 103 présentaient une pathologie sous-jacente. Ainsi, 197 enfants ont été inclus. Leurs principales caractéristiques sont présentées dans le tableau I . Le sex-ratio était de 1,43 et l’âge moyen de 5,8 ans. Il s’agissait de la 1re exacerbation d’asthme pour 44 des enfants (22,3 %). Près de 85 % des enfants (n = 167) avaient eu une radiographie du thorax, notamment en cas de première exacerbation (n = 43/44, 97,7 % versus n = 124/153, 81 % ; p = 0,007) ou d’hypoxémie (n = 120/134, 89,6 % versus n = 47/63, 74,6 % ; p = 0,006). Près d’un tiers des radiographies (n = 54) avaient révélé un foyer de condensation alvéolaire en particulier lors des premières exacerbation (36,4 % versus 24,8 % ; p = 0,007).
Tableau I.
Caractéristiques des 197 enfants âgés de 2 à 15 ans hospitalisés pour une exacerbation d’asthme.
| Nombre de garçons | 116 (58,9 %) |
| Âge moyen | 5,8 ans (2 à 14 ans) |
| Antécédents d’atopie personnelle et/ou familiale | n = 140 (73 %) |
| Diagnostic d’asthme préalable | n = 153 (77,6 %) |
| Traitement de fond | n = 68 (44,4 %) |
| Antécédents d’hospitalisation pour asthme | n = 72 (47 %) |
| Antécédents d’hospitalisation en réanimation | n = 9 (4,6 %) |
| Asthme non contrôlé (donnée sur 145 enfants) | n = 95 (65 %) |
| Critères de gravité de l’exacerbation actuelle | |
| Oxygénothérapie | n = 134 (68 %) |
| Oxygénothérapie à plus de 3 L/min | n = 29 (14,7 %) |
| Hospitalisation en réanimation | n = 2 (1 %) |
| Recherche microbiologique demandée | n = 157 (79,7 %) |
| Virologie nasale prescrite | n = 130 (65,9 %) |
| Examen bactériologique prescrit | n = 127 (64,5 %) |
3.2. Données microbiologiques
Une recherche microbiologique avait été demandée par le médecin en charge de l’enfant dans 157 cas (79,7 %).
3.2.1. Virologie nasale
Une analyse virologique des sécrétions nasales avait été prescrite chez 130 enfants (65,9 %). Elle concernait principalement le VRS (n = 123) et les virus de la grippe (n = 118). Pour 5 enfants le prélèvement avait été répété une ou deux fois. La prescription avait été plus fréquente chez les enfants les plus jeunes (moyenne d’âge 5,3 ans versus 6,6 ans ; p = 0,014), en cas d’hypoxie, de rhinite ou de fièvre (p ≤ 0,05) ou de pneumonie radiologique (p = 0,03). Le caractère connu ou non de l’asthme ainsi que son contrôle n’avait pas eu d’incidence sur la prescription d’un examen virologique ( Tableau II, Tableau III ).
Tableau II.
Prescription et analyse microbiologique des prélèvements nasopharyngés réalisés chez 197 enfants âgés de 2 à 15 ans hospitalisés pour une exacerbation d’asthme.
| Asthme inaugural (n = 44) |
Asthme connu (n = 153) |
Valeur de p | ||
|---|---|---|---|---|
| Virologie nasale | Prescrite | 29/44 (65,9 %) | 101/153 (66 %) | 0,86a |
| Positive | 4/29 (13,7 %) | 30/101 (29,7 %) | 0,14a | |
| Virus respiratoire syncitial | Positif | 3/26 (11,5 %) | 17/93 (18,3 %) | 0,56 |
| Rhinovirus | Positif | 1/1 (100 %) | 8/14 (57,1 %) | 1 |
| Métapneumovirus humain | Positif | 0/21 (0 %) | 1/78 (1,3 %) | 1 |
| Grippe | Positif | 0/20 (0 %) | 3/77 (3,9 %) | 1 |
| Adénovirus | Positif | 0/12 (0 %) | 0/48 (0 %) | – |
| Parainfluenzae | Positif | 0/12 (0 %) | 1/49 (2 %) | 1 |
| Recherche bactérienne | Prescrite | 32/44 (72,7 %) | 95/153 (62 %) | 0,2 |
| Positive | 1/32 (3,1 %) | 3/95 (3,1 %) | 1 | |
| Mycoplasma pneumoniae | PCR positive | 1/32 (3,1 %) | 3/93 (3,2 %) | 1 |
| Sérologie positive | 0/4 (0 %) | 0/4 (0 %) | – | |
| Bordetella pertussis | Positif | 0/1 (0 %) | 0/18 (0 %) | – |
| Chlamydia pneumoniae | Positif | 0/0 (0 %) | 0/2 (0 %) | – |
| Coxiella burnetti | Positif | 0/8 (0 %) | 0/23 (0 %) | – |
PCR : polymerase chain reaction.
Valeur de p donnée par le test de Fisher ou le test du Chi2.
Tableau III.
Prescription et analyse microbiologique des prélèvements nasopharyngés réalisés chez 145 enfants asthmatiques connus en fonction du caractère contrôlé ou non de leur asthme.
| Asthme contrôlé (n = 50) |
Asthme non contrôlé (n = 95) |
Valeur de p | ||
|---|---|---|---|---|
| Virologie nasale | Prescrite | 39/50 (78 %) | 61/95 (64,2 %) | 0,13a |
| Positive | 16/39 (41 %) | 18/61 (29,5 %) | 0,33a | |
| Virus respiratoire syncitial | Positif | 9/35 (25,7 %) | 9/57 (15,8 %) | 0,24 |
| Rhinovirus | Positif | 3/5 (60 %) | 5/9 (55,6 %) | 1 |
| Métapneumovirus humain | Positif | 0/33 (0 %) | 1/44 (2,3 %) | 1 |
| Grippe | Positif | 3/32 (9,4 %) | 0/45 (0 %) | 0,068 |
| Adénovirus | Positif | 0/19 (0 %) | 0/26 (0 %) | – |
| Parainfluenzae | Positif | 0/19 (0 %) | 1/27 (3,7 %) | 1 |
| Recherche bactérienne | Prescrite | 25/50 (50 %) | 67/95 (70,5 %) | 0,006 |
| Positive | 1/25 (4 %) | 3/67 (4,4 %) | 1 | |
| Mycoplasma pneumoniae | PCR positive | 1/25 (4 %) | 3/65 (3,1 %) | 1 |
| Sérologie positive | 0/1 (0 %) | 0/3 (0 %) | – | |
| Bordetella pertussis | Positif | 0/4 (0 %) | 0/14 (0 %) | – |
| Chlamydia pneumoniae | Positif | 0/0 (0 %) | 0/2 (0 %) | – |
| Coxiella burnetti | Positif | 0/7 (0 %) | 0/16 (0 %) | – |
PCR : polymerase chain reaction.
Valeur de p donnée par le test de Fisher ou le test du Chi2.
Trente-quatre virus avaient été identifiés (20 VRS, 9 rhinovirus, 1 métapneumovirus, 3 virus de la grippe, 1 virus parainfluenza) chez 30 enfants soit 23,8 % des enfants prélevés (n = 30/126). Quatre d’entre eux (13,3 %) présentaient une co-infection virale (3 VRS-rhinovirus et 1 VRS-grippe). Aucun lien n’a pu être établi entre la présence d’un virus, le type d’exacerbation et sa gravité.
3.2.2. Bactériologie
Une recherche bactérienne par PCR sur prélèvement nasopharyngé avait été demandée chez 127 enfants (64,5 %). Une CBC avait été demandée pour 8 enfants (4 %) et une sérologie pour M. pneumoniae pour 8 enfants également.
3.2.2.1. M. pneumoniae
Sa recherche avait été effectuée par PCR dans 125 cas (63,5 %). Trois enfants avaient eu 2 prélèvements et 1 enfant en avait eu 5. Ces PCR avaient été plus prescrites en cas d’asthme non contrôlé (73 %) ( tableau III ), d’hypoxémie (76 %) et de foyer de pneumonie radiologique (85 %) (p < 0,05). Elles concernaient dans plus de 80 % des cas des enfants de plus de 3 ans. Les prescriptions de sérologie présentaient les mêmes caractéristiques. La PCR s’était avérée positive chez 4 enfants (3,2 %) : 2 filles et 2 garçons, âgés de 5 à 7 ans, 1 seul présentant une première exacerbation d’asthme. Toutes les sérologies avaient été négatives y compris celle demandée chez un des 4 enfants dont la PCR était positive. Aucun lien n’a pu être établi entre la présence de M. pneumoniae, le type d’exacerbation et sa gravité.
3.2.2.2. B. pertussis
Sa recherche avait été effectuée par PCR dans 19 cas (9,6 %) : en cas de tabagisme environnemental (70,6 % ; p = 0,032) et d’antécédents d’hospitalisation pour exacerbation d’asthme (63,2 % ; p = 0,01). Toutes ces PCR avaient été négatives.
3.2.2.3. Autres germes
C. pneumoniae avait été recherché 2 fois par PCR (1 %) et n’avait pas été identifié. Par ailleurs, nous avons retrouvé 31 recherches par PCR de Coxiella burnetti (15,7 %), toujours associées à d’autres PCR, et ce par erreur de sélection sur le bon de demande. Toutes avaient été négatives. Les CBC demandées majoritairement en présence de crépitants (n = 6/8 ; p = 0,008) ou d’une hypoxémie (n = 8/8 ; p = 0,05) avaient toutes été négatives. Aucun autre lien n’a pu être établi entre ces prescriptions et les caractéristiques de la population, de l’asthme ou de l’exacerbation.
3.3. Traitements antibiotiques
Vingt-sept enfants (14 %) avaient bénéficié d’un traitement antibiotique (13 fois pénicilline ; 10 fois macrolide ; 4 fois association des 2). Un enfant sur cinq traité par antibiotique avait eu au moins une identification virale positive (p = 0,012). Ceux présentant une infection à M. pneumoniae avaient tous été traités par macrolides. En cas de pneumonie radiologique 35 % avaient bénéficié d’un traitement antibiotique versus 5,8 % lorsque la radiographie du thorax était normale (p < 0,001).
3.4. Coût
La recherche de VRS, métapneumovirus, adénovirus, virus parainfluenzae et rhinovirus coûtait en 2013 10,8 euros par virus, celle des virus de la grippe (A, B et H1N1) 270 euros. Les coûts d’une PCR pour M. pneumoniae, B. pertussis, C. pneumoniae et C. Burnetti étaient respectivement de 67,5, 37,8, 8,10 et 10,8 euros. Enfin, une sérologie pour M. pneumoniae coûtait 10,8 euros et une CBC 16,2 euros. Le coût global des examens demandés durant la période d’étude avait été de 40 460 euros soit une moyenne d’environ 205 euros par enfant inclus dans cette étude et de plus de 258 euros par enfant ayant eu un prélèvement microbiologique.
4. Discussion
Notre étude n’avait pas pour but de proposer une évaluation épidémiologique des agents pathogènes observés chez l’enfant en exacerbation d’asthme mais de préciser la prescription dans la réalité des cliniciens, souvent peu au fait des techniques d’identification microbiologique utilisées et n’attendant finalement qu’un résultat positif ou négatif de cette recherche, pour adapter sa prise en charge. L’évaluation de nos pratiques concernant la prescription d’examens microbiologiques et leur intérêt chez des enfants de 2 à 15 ans hospitalisés pour une exacerbation d’asthme a montré la grande fréquence de ces prescriptions (concernant environ 4 enfants sur 5, avec une demande parfois hors de propos : C. burnetti, CBC), leur assez faible rendement en dehors de la recherche de VRS et du rhinovirus (positivité de 23,8 % des prélèvements viraux et de 2,2 % des PCR bactériennes), et leur coût engendré non négligeable.
L’asthme reste un problème majeur de santé publique d’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) [5] et, contrairement à ce qui est observé chez l’adulte, le nombre d’hospitalisations pour exacerbation n’a pas diminué chez l’enfant au cours des 10 dernières années [6]. Les caractéristiques de la population étudiée sont similaires à celles de différentes études prospectives menées en France [6], [7], [8] avec une majorité de garçons (près de 60 %) et un âge médian de 4,8 ans. Plus de trois-quarts des enfants hospitalisés avaient un asthme connu et près de la moitié d’entre eux avait déjà été hospitalisés pour exacerbation d’asthme. Un mauvais contrôle de l’asthme avait été rapporté chez deux-tiers des enfants asthmatiques comme dans le rapport récent de l’Institut de veille sanitaire [7], [8].
Les infections respiratoires sont les principales responsables des exacerbations d’asthme chez l’enfant. Dans les différentes études épidémiologiques prospectives où des prélèvements microbiologiques ont été systématiquement réalisés, le VRS et le rhinovirus sont les principaux agents infectieux identifiés lors des exacerbations d’asthme [1], [2], [9]. Dans l’étude de Freymuth et al. [10] réalisée chez 32 nourrissons et 43 enfants hospitalisés pour une exacerbation sévère, une recherche en immunofluorescence (IF) et en PCR avait identifié un rhinovirus dans 46,9 % des cas et un VRS dans 21,2 %. Dans l’étude de Maffey et al. [2], où 209 enfants âgés de 3 mois à 16 ans avaient été inclus, un agent infectieux avait été trouvé dans 78 % des cas, majoritairement un VRS (40 %) ou un rhinovirus (24,5 %). Enfin, dans l’étude de Thumerelle et al. [1], ayant inclus 82 enfants âgés de 2 à 16 ans hospitalisés pour exacerbation d’asthme, la recherche par PCR du rhinovirus était positive dans 12 % des cas et celle du VRS en IF dans seulement 7,3 %. Les résultats de notre étude sont difficilement comparables puisqu’il s’agissait d’une étude rétrospective pour laquelle les prélèvements avaient été laissés à l’appréciation du prescripteur. Cependant les mêmes virus avaient été identifiés. Le faible taux d’identification virale dans notre étude peut peut-être s’expliquer par une qualité de prélèvements insuffisante, par l’absence de recherche exhaustive de tous les virus respiratoires ou encore par le type de technique d’identification utilisée. Il est probable que le rôle du rhinovirus ait été sous-estimé puisque sa recherche systématique n’avait été possible qu’au cours des 2 derniers mois de l’étude. L’entérovirus, non recherché dans notre étude, avait été trouvé chez 9,8 % des enfants à Caen [10] et chez 15,8 % des enfants de la région Nord-Pas-de-Calais [1]. À l’inverse, comme dans notre étude, les virus de la grippe, l’adénovirus et le virus parainfluenzae semblent plus rares (moins de 5 % des cas) [1], [11]. Si les prélèvements virologiques ont un indéniable intérêt épidémiologique, ils ne permettent pas de prédire la gravité de l’exacerbation et ne modifient pas la prise en charge thérapeutique (22 % des enfants traités par antibiotique dans notre étude avaient au moins une identification virale positive). Tout au plus, ils pourraient diminuer la contagiosité nosocomiale en permettant un regroupement les enfants en fonction de leurs virus. Cependant, la fréquence des co-infections (13,3 % dans notre étude, 22 % dans celle de Maffey [2]) et l’existence de nombreux génotypes différents pour chaque virus rend illusoire cette stratégie. L’idéal serait d’isoler ces patients en chambre particulière, sans faire de prélèvement virologique. Ces considérations doivent cependant être pondérées car les rhinovirus n’avaient été recherchés que sur une période courte et certains virus tels que les coronavirus (OC43, 229E, NL63 et HKU), les entérovirus ou les bocavirus ne l’avaient pas été du tout. De plus, il peut exister une certaine variabilité des résultats selon les saisons et les années.
Plusieurs questions se posent quant à la recherche de M. pneumoniae au cours des exacerbations d’asthme de l’enfant : est-il un facteur d’entretien de l’inflammation chronique favorisant la récurrence d’épisodes sifflants chez un asthmatique connu ? Est-il le plus grand pourvoyeur de primo-exacerbation ? Quelle est la stratégie optimale pour l’identifier [3], [11], [12], [13], [14], [15] ? Il semble de plus que les méthodes d’identification actuelles ne permettent pas de distinguer un portage sain d’une infection symptomatique [16]. Malgré toutes ces limites, une recherche de M. pneumoniae par PCR avait été demandée pour 125 enfants (63,5 %). Le pourcentage de positivité que nous avons observé (3,2 %) correspond à ce qui est rapporté dans la littérature quand seule la PCR est réalisée : 2,2 % dans l’étude de Freymuth et al. [10] et 4,5 % dans celle de Maffey et al. [2]. Avec la sérologie, Biscardi et al. [3] ont montré, chez des enfants de 2 à 15 ans hospitalisés pour une exacerbation sévère, que 20 % des asthmatiques connus (n = 24/119) et 50 % (n = 26/51) de ceux présentant une exacerbation inaugurale étaient séropositifs. D’autres ont rapporté une séroprévalence en cas d’exacerbation d’asthme de seulement 5 % [1]. Nos résultats se rapprochent donc de ceux de Freymuth et al. [10] et de Thumerelle et al. [1] tant pour la primo-exacerbation que pour les exacerbations chez les asthmatiques connus. Esposito et al. [12], dans une étude prospective cas témoin, ont mis en évidence la discordance possible entre les 2 techniques de recherche de M. pneumoniae puisque 22,5 % des sérologies étaient positives (n = 16/71) pour seulement 1 PCR positive. L’approche diagnostique optimale du M. pneumoniae serait donc d’associer PCR et sérologie [11], [17], [18], ce qui n’avait été fait dans notre étude que pour 7 enfants.
Les autres recherches microbiologiques prescrites durant la période d’étude étaient globalement injustifiées. C. pneumoniae est parfois incriminé dans la récurrence des exacerbations d’asthme, même si son rôle est encore plus controversé que celui de M. pneumoniae. Il est retrouvé chez 5 % des enfants en exacerbation ou moins [1], [2], [3], [10] sauf dans l’étude d’Esposito et al. qui a rapporté un taux de positivité de 15,5 % en associant sérologie et PCR [12]. Face à une toux chronique dans un contexte d’asthme déséquilibré il est légitime de suspecter une infection par B. pertussis mais cela ne justifie pas une demande dans près de 10 % des cas comme nous l’avons constaté. De plus, il est intéressant de noter que malgré son inutilité reconnue [19], la demande de CBC n’avait pas disparu et que, par erreur, 31 recherches en PCR de C. Burnetti avaient été prescrites.
Enfin, à l’heure où les économies de santé sont au premier plan, il convient de souligner que la recherche d’agents infectieux respiratoires chez les enfants hospitalisés pour exacerbation d’asthme dans notre unité avait induit un coût de plus de 20 000 euros par an. Il est donc nécessaire de poser à bon escient les indications de ces examens afin d’éviter des dépenses de santé inutiles.
5. Conclusion
Notre étude pose la question de l’intérêt des examens microbiologiques dans les exacerbations d’asthme de l’enfant de plus de 2 ans hospitalisé. Au vu de nos résultats, l’intérêt pratique de ces prélèvements relativement coûteux semble discutable. Aucun lien avec la gravité de l’exacerbation n’a été observé et la prise en charge thérapeutique avait été peu modifiée. Une étude prospective serait cependant nécessaire pour évaluer l’impact du rhinovirus, recherché seulement au cours des 2 derniers mois de notre étude et préciser le rôle d’autres virus comme le coronavirus, le bocavirus et les entérovirus.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références
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