Skip to main content
Elsevier - PMC COVID-19 Collection logoLink to Elsevier - PMC COVID-19 Collection
. 2008 Jan 3;36(2):299–302. [Article in French] doi: 10.1016/j.lpm.2006.12.005

Les enseignements du SRAS

Lessons from SARS

Arnaud Fontanet 1,
PMCID: PMC7134802  PMID: 17258678

Points essentiels

Les virus peuvent ne pas être adaptés à la transmission interhumaine, et donc être plus faciles à maîtriser, lors de leur première émergence chez l'homme ; d'où l'importance d'une détection précoce par la surveillance des foyers épidémiques inhabituels.

Nos systèmes de santé sont très vulnérables face à des virus ayant un tropisme particulier pour le personnel hospitalier.

La collaboration internationale, tant pour les équipes d'épidémiologistes que de virologues, a été la clef du succès de la lutte contre le SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère).

Nous avons eu beaucoup de chance avec le SRAS : le virus était finalement peu transmissible, et seulement après le début des symptômes, permettant d'identifier et d'isoler les cas avant la période contagieuse.

L'épidémie de SRAS a servi de “répétition générale”, permettant la prise de conscience par les pouvoirs publics des enjeux posés par les pandémies d'origine infectieuse. De nouvelles épidémies, quelles qu'elles soient, sont inéluctables.


En novembre 2002, un coronavirus animal encore inconnu est apparu sur les marchés du sud-est de la Chine avant de mettre en péril les systèmes de santé publique du monde entier. Huit mois plus tard, plus de 8 000 personnes avaient été infectées dans 25 pays sur cinq continents, et 774 étaient mortes d'une nouvelle maladie appelée “Syndrome respiratoire aigu sévère” (SRAS) [1]. Bien que le nombre de décès soit faible comparé à celui d'autres maladies comme le sida ou le paludisme, l'impact du SRAS a été considérable. L'analyse de cette épidémie et de la réponse qui lui a été apportée devrait permettre de mieux nous préparer à de nouvelles menaces, telle la grippe aviaire.

Notion d'émergence et de franchissement de la barrière interespèces

Tout d'abord, le SRAS nous a permis d'étudier les circonstances entourant l'émergence d'un nouvel agent infectieux. Un des scénarios possibles est le suivant. Un coronavirus animal, dont le réservoir pourrait être une petite chauve-souris insectivore du genre Rhinolophus [2], a infecté l'homme en utilisant la civette palmiste masquée (Paguma larvata) comme hôte intermédiaire [3]. Cette émergence serait la conséquence de l'introduction dans l'environnement de l'homme d'une espèce animale sauvage, la civette palmiste masquée. Cette dernière est un mets prisé servi dans les restaurants dits exotiques du Sud-Est de la Chine. Son commerce aurait considérablement augmenté dans un passé récent avec l'accroissement du pouvoir d'achat des consommateurs locaux. La malchance a voulu que les civettes soient infectées par un coronavirus particulier, et que 2 mutations seulement soient nécessaires pour l'adaptation du virus au récepteur ACE-2 de l'épithélium respiratoire humain 4, 5. Le passage à l'homme a vraisemblablement eu lieu sur les marchés ou dans les restaurants locaux : 9 des 23 premiers patients identifiés y avaient en effet travaillé [6].

Un tel scénario peut se reproduire à tout moment, impliquant un autre virus animal et un concours de circonstances aussi complexe que celui qui a amené le coronavirus du SRAS dans les cuisines de la région de Canton. Il est donc peu probable que l'on puisse anticiper ces émergences, et la stratégie actuelle repose sur la surveillance et la détection précoce de foyers épidémiques inhabituels [7]. Il est important d'agir tôt et fort sur un foyer épidémique émergent, car il est vraisemblable qu'un agent infectieux n'est pas adapté à l'homme lors du premier franchissement de la barrière interespèces, et donc plus facile à maîtriser à ce stade. Le SRAS nous en a fourni une illustration intéressante, lors de sa ré-émergence un an plus tard, une fois encore à partir des civettes d'un restaurant de Canton [8]. Les 4 personnes infectées ont eu des formes cliniques bénignes, et n'ont pas été à l'origine de cas secondaires, malgré 257 contacts non protégés en période contagieuse [9], suggérant une capacité réduite pour la transmission interhumaine de souches directement acquises au contact des civettes. L'épidémie débutante a ainsi été facilement maîtrisée. À l'inverse, 1 des 3 épisodes de contamination de laboratoire de 2004 impliquant des souches adaptées à l'homme, car prélevées sur des patients de la période tardive de l'épidémie de 2003, a été à l'origine de plusieurs chaînes de transmission secondaire, accompagnées de cas graves dont un décès [10]. Un même scénario est plausible dans le contexte de la grippe aviaire, où les virus directement contractés au contact des volailles n'ont heureusement pas encore (ou exceptionnellement) été à l'origine de transmission interhumaine [11]. Si une épidémie de grippe aviaire devait survenir, il est vraisemblable que le virus aurait une transmission limitée en phase précoce, justifiant tous les efforts déployés actuellement pour isoler les patients, afin de prévenir l'adaptation du virus à l'homme, et de contenir un foyer épidémique débutant.

Maîtrise des épidémies et société

Le SRAS nous a également rappelé que les méthodes d'investigation traditionnelles des épidémies pouvaient être efficaces. Modes de transmission, durée d'incubation et période de contagiosité ont été rapidement connus [12], avant même que l'agent infectieux ne soit identifié, ce qui a permis d'instaurer des mesures de prévention efficaces associant protection contre les germes respiratoires, isolement des cas, quarantaine des contacts, et restriction des déplacements. Les modèles mathématiques, réalisés a posteriori, suggèrent que parmi toutes ces mesures, les restrictions des déplacements sont celles qui ont potentiellement le plus d'impact [13]. Deux facteurs ont grandement contribué au succès des méthodes de contrôle mises en place : d'une part un taux de reproduction de base R0 (c'est-à-dire le nombre moyen de cas secondaires par cas index dans une population susceptible) modéré, estimé autour de 3 [14] (il est de l'ordre de 10 à 14 lors d'une épidémie de grippe classique), et surtout une période de contagiosité tardive, débutant 3 jours après le début des symptômes, et maximale 1 semaine après [15]. De fait, les patients contagieux étaient facilement identifiables, car symptomatiques, et donc faciles à isoler. À l'inverse, la grippe “classique” est contagieuse dès les prodromes, rendant l'efficacité des mesures d'isolement illusoire, car survenant après la contamination de l'entourage [16].

Le succès obtenu lors de la maîtrise du SRAS ne doit pas pour autant cacher les faiblesses sociétales que l'épidémie a révélées. Tout d'abord, nous avons réalisé à quel point notre système de santé était vulnérable dès lors qu'une infection pouvait toucher le personnel hospitalier. Ce dernier a payé un lourd tribut à l'épidémie, représentant près de la moitié des patients en nombre d'endroits [17]. Les capacités d'accueil des hôpitaux ont été débordées, notamment en raison des mesures draconiennes d'isolement et de décontamination qui devaient être mises en place en parallèle. De fait, les hôpitaux ont souvent dû être fermés, entraînant une paralysie du système de santé des villes les plus touchées. En conséquence, les pouvoirs publics ont depuis renforcé les plans de préparation des hôpitaux en prévision d'épidémies similaires [18]. Pour éviter l'engorgement des hôpitaux, il est par ailleurs prévu, en cas de pandémie aviaire, de préconiser l'isolement à domicile des patients en dehors des formes compliquées [19]. Le personnel hospitalier s'est également trouvé confronté au dilemme éthique entre obligation de soigner et risque de contracter une infection potentiellement létale pour soi et son entourage familial. Un tel dilemme n'avait pas été mis en lumière depuis les débuts de l'épidémie de sida [20], ou lors des épidémies de fièvre hémorragique (Ebola, Marburg) en Afrique. À l'extérieur des hôpitaux, il a fallu adapter la législation dans de nombreux pays pour imposer les isolements et les quarantaines non prévues pour des maladies encore inconnues [21]. La communication s'est révélé être un exercice périlleux, l'anxiété des populations étant particulièrement élevée vis-à-vis d'une maladie transmise par voie respiratoire, touchant les adultes jeunes, potentiellement létale, et à diffusion extrêmement rapide du fait des transports aériens. Après un début hésitant, transparence et exactitude des informations ont été la clef de la communication dans un tel contexte [22]. Enfin, la restriction des déplacements (notamment la fermeture des aéroports en zone épidémique) a certes permis de limiter la diffusion de l'épidémie, mais a eu un coût économique considérable. En effet, le coût global de l'épidémie de SRAS a été estimé à 90 milliards de dollars [23].

Sur un plan positif, le SRAS a souligné l'importance de la collaboration internationale en période épidémique. Le réseau d'épidémiologistes et de laboratoires coordonnés par l'Organisation mondiale de la santé a été particulièrement efficace. Il est remarquable, même si l'information reste anecdotique, que l'on ait pu localiser avec précision le point de départ de l'épidémie mondiale, à savoir l'infection dans l'hôtel M de Hong Kong le 21 février 2003 de 10 clients en partance pour 5 pays différents [24]. Les échanges lors de réunions internationales, conférences téléphoniques, visites d'experts, et la mise en ligne sur Internet d'une information fiable et de conduites à tenir régulièrement mises à jour ont grandement facilité le contrôle de l'épidémie [25]. Les progrès de la biologie moléculaire et la collaboration scientifique entre les différents laboratoires de virologie impliqués ont permis l'identification de l'agent responsable du SRAS en moins de 2 mois [26], alors qu'il avait fallu plus de 2 ans pour identifier le virus responsable du sida.

Conclusion

Sommes-nous aujourd'hui prêts à faire face à de nouvelles pandémies du même type, telles la grippe aviaire ? Le SRAS nous aura appris l'importance d'une réaction internationale forte, et il est remarquable que l'épidémie ait pu être contrôlée, alors que plus de 25 pays ont été touchés. Notre erreur a été une mobilisation tardive, liée au retard de déclaration d'un phénomène épidémique émergent par les autorités chinoises. Notre chance a été d'avoir eu affaire à un agent infectieux relativement peu transmissible, et seulement plusieurs jours après le début des symptômes, permettant un isolement efficace des cas potentiellement contagieux. Le SRAS aura finalement permis de tester nos systèmes de santé publique face à ce nouveau type de menace, et cette “répétition générale” aura été l'occasion d'une prise de conscience par les pouvoirs publics des enjeux posés par les pandémies d'origine infectieuse. Il est vraisemblable que sans le SRAS, la mobilisation internationale sur la grippe aviaire n'aurait pas été de la même ampleur. De nouvelles épidémies, quelles qu'elles soient, sont inéluctables. Espérons que les “enseignements du SRAS” ne resteront pas lettre morte.

Acknowledgments

Conflits d'intérêts : aucun

Références

  • 1.Peiris J.S.M., Guan Y., Yuen K.Y. Severe acute respiratory syndrome. Nat Med. 2004;10:S88–S97. doi: 10.1038/nm1143. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 2.Li W., Shi Z., Yu M., Ren W., Smith C., Epstein J.H. Bats are natural reservoirs of SARS-like coronaviruses. Science. 2005;310:676–679. doi: 10.1126/science.1118391. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 3.Guan Y., Zheng B.J., He Y.Q., Liu X.L., Zhuang Z.X., Cheung C.L. Isolation and characterization of viruses related to the SARS coronavirus from animals in Southern China. Science. 2003;302:276–278. doi: 10.1126/science.1087139. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 4.Li W., Moore M.J., Vasilieva N., Sui J., Wong S.K., Berne M.A. Angiotensin-converting enzyme 2 is a functional receptor for the SARS coronavirus. Nature. 2003;426:450–454. doi: 10.1038/nature02145. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 5.Qu X.X., Hao P., Song X.J., Jiang S.M., Liu Y.X., Wang P.G. Identification of two critical amino acid residues of the severe acute respiratory syndrome coronavirus spike protein for its variation in zoonotic tropism transition via a double substitution strategy. J Biol Chem. 2005;280:29588–29595. doi: 10.1074/jbc.M500662200. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 6.Xu R.H., He J.F., Evans M.R., Peng G.W., Field H.E., Yu D.W. Epidemiological clues to SARS origin in China. Emerg Infect Dis. 2004;10:1030–1037. doi: 10.3201/eid1006.030852. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 7.Heymann D.L., Rodier G. Global surveillance, national surveillance, and SARS. Emerg Infect Dis. 2004;10:173–175. doi: 10.3201/eid1002.031038. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 8.Song H.D., Tu C.C., Zhang G.W., Wang S.Y., Zheng K., Lei L.C. Cross-host evolution of severe acute respiratory syndrome coronavirus in palm civet and human. Proc Natl Acad Sci USA. 2005;102:2430–2435. doi: 10.1073/pnas.0409608102. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 9.Wang M., Yan M., Xu H., Liang W., Kan B., Zheng B. SARS-CoV infection in a restaurant from palm civet. Emerg Infect Dis. 2005;11:1860–1865. doi: 10.3201/eid1112.041293. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 10.Ea Health Organization. Severe Acute Respiratory Syndrome (SARS). Archives. Situation updates – SARS. Disponible sur: http://www.who.int/csr/don/archive/disease/severe_acute_respiratory_syndrome/en/index.html.
  • 11.Ungchusak K., Auewarakul P., Dowell S.F., Kitphati R., Auwanet W., Puthavathana P. Probable person-to-person transmission of avian influenza A (H5N1) N Engl J Med. 2005;352:333–340. doi: 10.1056/NEJMoa044021. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 12.Ea Health Organization. Department of Communicable Disease. Surveillance and response. Consensus document on the epidemiology of severe acute respiratory syndrome (SARS). WHO/CDS/CSR/GAR/2003.11. 17 octobre 2003. Disponible sur : http://www.who.int/csr/sars/en/WHOconsensus.pdf.
  • 13.Riley S., Fraser C., Donnelly C.A., Ghani A., Abu-Raddad L.J., Hedley A.J. Transmission dynamics of the etiological agent of SARS in Hong Kong: impact of public health interventions. Science. 2003;300:1961–1966. doi: 10.1126/science.1086478. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 14.Lipsitch M., Cohen T., Cooper B., Robins J.M., Ma S., James L. Transmission dynamics and control of severe acute respiratory syndrome. Science. 2003;300:1966–1970. doi: 10.1126/science.1086616. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 15.Chan K.H., Poon L.L., Cheng V.C., Guan Y., Hung I.F., Kong J. Detection of SARS coronavirus in patients with suspected SARS. Emerg Infect Dis. 2004;10:294–299. doi: 10.3201/eid1002.030610. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 16.Fraser C., Riley S., Anderson R.M., Ferguson N.M. Factors that make an infectious disease outbreak controllable. Proc Natl Acad Sci USA. 2004;101:6146–6151. doi: 10.1073/pnas.0307506101. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 17.Centers for Disease Control and Prevention Update: severe acute respiratory syndrome – Toronto, Canada, 2003. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2003;52:547–550. [PubMed] [Google Scholar]
  • 18.Loutfy M.R., Wallington T., Rutledge T., Mederski B., Rose K., Kwolek S. Hospital preparedness and SARS. Emerg Infect Dis. 2004;10:771–776. doi: 10.3201/eid1005.030717. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 19.Secrétariat Général de la Défense Nationale. République française. Plan gouvernemental de prévention et de lutte “pandémie grippale”. n°1700 SGDN/PSE/PPS du 6 janvier 2006. Page 7. Disponible sur : http://www.grippeaviaire.gouv.fr/IMG/pdf/Plan_pandemie_grippale_janvier_2006.pdf.
  • 20.Zuger A., Miles S.H. Physicians, AIDS, and occupational risk. Historic traditions and ethical obligations. JAMA. 1987;258:1924–1928. [PubMed] [Google Scholar]
  • 21.Misrahi J.J., Foster J.A., Shaw F.E., Cetron M.S. HHS/CDC legal response to SARS outbreak. Emerg Infect Dis. 2004;10:353–355. doi: 10.3201/eid1002.030721. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 22.Arguin P.M., Navin A.W., Steele S., Weld L.H., Kozarsky P.E. Health Communication during SARS. Emerg Infect Dis. 2004;10:377–380. doi: 10.3201/eid1002.030812. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 23.Finlay B.B., See R.H., Brunham R.C. Rapid response research to emerging infectious diseases: lessons from SARS. Nat Rev Microbiol. 2004;2:602–607. doi: 10.1038/nrmicro930. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 24.Christian M.D., Poutanen S.M., Loutfy M.R., Muller M.P., Low D.E. Severe acute respiratory syndrome. Clin Infect Dis. 2004;38:1420–1427. doi: 10.1086/420743. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 25.World Health Organization. Severe Acute Respiratory Syndrome (SARS). Guidelines, recommendations, descriptions. Disponibles sur: http://www.who.int/csr/sars/guidelines/en/index.html.
  • 26.Drosten C., Günther S., Preiser W., van der Werf S., Brodt H.R., Becker S. Identification of a novel coronavirus in patients with severe acute respiratory syndrome. N Engl J Med. 2003;348:1967–1976. doi: 10.1056/NEJMoa030747. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]

Articles from Presse Medicale (Paris, France : 1983) are provided here courtesy of Elsevier

RESOURCES