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. 2010 Jul 22;2010(423):37–42. [Article in French] doi: 10.1016/S1773-035X(10)70558-X

Spécificité d’hôte des virus et passages inter-espèces

Host specificity of viruses and inter-species crossing

Michel Segondy 1
PMCID: PMC7140258  PMID: 32288810

Résumé

Les virus possèdent habituellement une spécificité d’hôte et sont inféodés à une espèce animale. Cette spécificité est conditionnée par la sensibilité des cellules au virus et donc par la présence de récepteurs spécifiques sur la cellule hôte. La permissivité de la cellule, c’est-à-dire sa capacité à permettre la réplication du virus, peut également conditionner cette spécificité d’hôte. Toutefois, pour de nombreux virus, cette spécificité d’hôte n’est pas absolue et des passages inter-espèces sont possibles. Les virus provenant d’un réservoir animal pouvant infecter l’homme sont responsables de zoonoses. L’émergence de ces zoonoses est favorisée par les perturbations des équilibres naturels résultant de l’activité humaine. Des mutations peuvent permettre une meilleure adaptation des virus d’origine animale à l’espèce humaine et favoriser ainsi leur propagation épidémique.

Keywords: Virus, transmission, spécificité d’hôte, passage inter-espèces

1. Introduction

Les virus sont capables d’infecter tous les organismes vivants, des plus rudimentaires tels que les bactéries jusqu’aux êtres les plus évolués du règne végétal ou du règne animal. Les virus sont le plus souvent inféodés à une espèce. Cette spécificité d’hôte est toutefois variable selon les virus. En ce qui concerne les virus rencontrés chez l’homme, il existe des virus infectant l’espèce humaine de manière très spécifique, comme par exemple le cytomégalovirus humain alors que d’autre virus infectent l’homme parmi bien d’autres espèces animales comme par exemple le virus de la rage.

Dans l’ensemble du règne animal, il existe un nombre incalculable de virus, la plupart d’entre eux restant certainement encore à découvrir. Certains de ces virus sont susceptibles d’être transmis à l’homme en provocant des maladies potentiellement redoutables. Ces infections transmises de l’animal à l’homme portent le nom de zoonoses ou d’anthropozoonoses. Par ailleurs, certains virus ont pu s’établir dans la population humaine à partir d’un réservoir animal. L’histoire récente témoigne de cette possibilité d’émergence de graves maladies humaines dues à des virus d’origine animale : sida, SARS, pandémies de grippe, etc.

Il est donc important de comprendre les bases de la spécificité d’hôte des virus et les mécanismes par lesquels ces virus peuvent émerger au sein d’une autre espèce que leur espèce d’origine.

2. Les bases de la spécificité d’hôte

Pour être infectée par un virus donné, une cellule doit être d’une part sensible au virus – c’est-à-dire qu’elle doit spécifiquement fixer le virus à sa surface pour permettre sa pénétration – et, d’autre part, permissive à ce virus en lui permettant d’accomplir son cycle de réplication.

Une ou plusieurs protéines ou glycoprotéines formant un récepteur à la surface cellulaire conditionnent la sensibilité de la cellule au virus, alors que certaines protéines intracellulaires peuvent conditionner sa permissivité. D’une espèce animale à une autre, les différences existant au niveau des récepteurs ou des protéines impliquées dans la permissivité cellulaire expliquent la spécificité d’hôte qui sera plus ou moins étroite selon le degré de conservation de ces éléments entre les différentes espèces.

2.1. Sensibilité des cellules au virus

La sensibilité d’une cellule à un virus donné est conditionnée par la présence d’un récepteur à la surface cellulaire. Ces récepteurs, constitués par une ou plusieurs protéines ou glycoprotéines, ont la propriété de se lier à des protéines ou glycoprotéines externes du virus. Il en résulte une fixation du virus à la surface cellulaire ; cette fixation est une étape indispensable à la pénétration du virus dans la cellule. Quelques exemples de récepteurs pour des virus rencontrés en pathologie humaine sont présentés dans le tableau I .

Tableau I.

Exemples de virus humains et de leurs récepteurs.

Virus Récepteurs Cellules exprimant le récepteur Protéines virales reconnues par le récepteur
Poliovirus Human poliovirus receptor (hPVR)* Epithélium intestinal, neurones moteurs VP1
Rhinovirus ICAM-I: molécule d’adhésion intercellulaire Diverses VP1, VP3
Adénovirus Coxsackievirus and adenovirus receptor (CAR)* Intégrines (co-récepteur) Diverses Fibre Base du penton
Parvovirus B19 Antigène P (récepteur primaire) 5 1 intégrines (co-récepteur) Lignée érythrocytaire Progéniteurs érythroïdes VP2 VP2
Virus Epstein-Barr CD21: récepteur pour la fraction C3d du complément Lymphocytes B Gp350/220
Virus Influenza A Acide sialique liée en 2,6 au galactose Cellules épithéliales des voies respiratoires supérieures Hémagglutinine
VIH CD4 (récepteur primaire) CCR5, CXCR4 (co-récepteurs) Lymphocytes, monocytes Gp120
*

Glycoprotéines de la superfamille des immunoglobulines.

Certaines molécules servant de récepteur sont très répandues d’une espèce à l’autre. C’est le cas par exemple de l’acide sialique qui constitue le récepteur des virus de la grippe en se liant à l’hémagglutinine (glycoprotéine de surface) du virus. L’acide sialique, liée au galactose, termine les chaînes oligosaccharidiques des glycoprotéines ou glycolipides présents à la surface cellulaire ( figure 1 ). La distribution ubiquitaire de cette molécule permet aux virus de la grippe A d’infecter différentes espèces animales. Toutefois, des différences de conformation de ce récepteur ont un impact sur la reconnaissance du récepteur par le virus. En particulier, l’hémagglutinine des virus de grippe A humains reconnaît l’acide sialique liée au galactose en liaison 2-6 (récepteur humain) alors que l’hémagglutinine des virus aviaires reconnaît l’acide sialique en liaison 2-3 (récepteur aviaire). Il a été montré dans le cas de la grippe aviaire H5N1 que des mutations responsables d’un changement d’aminoacide au codon 182 et/ou 192 de l’hémagglutinine permettent au virus aviaire de s’adapter au récepteur humain [1]. Par ailleurs, il a été mis en évidence que le porc possédait les deux types de récepteurs et pouvait être infecté par des souches de grippe aviaire et humaine. De ce fait, le porc est une espèce capable « d’humaniser » les virus aviaires et de faciliter ainsi la transmission à l’homme de virus d’origine aviaire [2].

Figure 1.

Figure 1

Récepteur des virus de la grippe A : acide sialique en liaison 2,3 au galactose.

Ce récepteur est reconnu par l’hémagglutinine des virus aviaires. L’hémagglutinine des virus humains reconnaît comme récepteur l’acide sialique en liaison 2,6 au galactose.

2.2. Permissivité des cellules à l’infection virale

La permissivité d’une cellule à un virus donné est conditionnée par la présence de facteurs cellulaires indispensables à la réplication virale. La spécificité des interactions entre les éléments viraux (acides nucléiques, protéines) et les facteurs cellulaires sera le plus souvent un facteur limitant le spectre des espèces sensibles à un virus donné.

Il peut exister également dans les cellules d’une espèce animale donnée des facteurs inhibiteurs s’opposant à la réplication de certains virus. Ainsi, par exemple, des facteurs inhibant la réplication de rétrovirus ont été mis en évidence dans des cellules humaines. Dès 1960, un facteur conférant la résistance au murine leukemia virus (MLV) a été mis en évidence dans des cellules murines et un tel facteur de restriction inhibant la réplication du MLV a été mis en évidence chez l’homme, il s’agit du restriction factor 1 (Ref1) [3]. Un facteur analogue bloquant la réplication de certains rétrovirus a été également découvert dans des cellules de divers primates : le lentiviral factor 1 (Lv1) [4]. En 2004, des protéines responsables de l’inhibition de l’infection du singe rhésus (protéine TRIM5) ou de singes du nouveau monde du genre Aotus (protéine TRIM5-cypA) par HIV-1ont été mises en évidence [5, 6]. Il a été montré que l’ensemble de ces facteurs de restriction appartenaient à la même famille de protéines et qu’ils étaient spécifiques d’espèce [7]. Ces éléments permettent, tout au moins en partie, d’expliquer pourquoi certaines espèces de primates sont résistantes à l’infection par des virus simiens ou humains de l’immunodéficience (SIV/HIV) malgré la présence des récepteurs correspondants.

3. Facteurs de passages inter-espèces

Au cours de l’histoire de l’humanité, il s’est établi un équilibre entre l’homme et les espèces animales avec lesquelles il est en contact. Une rupture de cet équilibre, liée à des changements climatiques ou à la modification des écosystèmes, peut être à l’origine de l’émergence de nouvelles zoonoses. Par ailleurs, des mutations permettant aux virus d’origine animale de mieux s’adapter à l’espèce humaine peuvent faciliter la propagation épidémique de ces virus.

3.1. Changements climatiques

Le réchauffement climatique peut avoir un impact sur la répartition géographique des vecteurs et des infections qu’ils sont susceptibles de transmettre. À la faveur de ce réchauffement, des vecteurs d’arboviroses d’origine tropicale peuvent s’établir dans des zones tempérées. C’est ainsi que Aedes albopictus, pouvant transmettre la dengue et le chikungunya, est en train de coloniser le littoral méditerranéen français [8]. Il ne s’agit pas d’un risque théorique, une épidémie de chikungunya liée à la présence de ce vecteur s’est déclarée en Italie du Nord en 2007 [9].

Des conditions climatiques inhabituelles, en modifiant la densité ou le comportement d’espèces animales constituant un réservoir ou un vecteur de virus peuvent également représenter un facteur de transmission à l’homme. Ainsi, par exemple, un syndrome pulmonaire cliniquement sévère, associé à des hantavirus non identifiés jusqu’alors, est apparu aux États-Unis en 1993 et s’est répandu sur tout le continent américain [10, 11]. Il a été démontré que le virus infectait des souris sylvestres et qu’il était transmis sous forme d’aérosols à partir de leurs excrétas. L’année 1993 avait été marquée par une pullulation de ces souris en raison d’une pluviosité accrue liée au phénomène El Niño. La survenue d’un hiver rigoureux ayant poussé les souris à pénétrer dans les habitations avait favorisé le contact de la population avec les souris et leurs excrétas, entraînant un nombre important de cas [12]. De la même manière, l’incidence des arboviroses transmises par les moustiques en zone tropicale est très liée à la température et la pluviométrie [13].

3.2. Modifications des écosystèmes

Des modifications majeures, essentiellement induites par l’activité humaine, sont intervenues au cours des dernières décennies. En particulier, l’homme a conquis de nouveaux espaces naturels, augmentant les probabilités de rencontre entre les populations humaines et de nouveaux virus. Un exemple frappant concerne l’exploitation des forêts tropicales. Ces forêts sont de plus en plus exploitées et l’homme pénètre de plus en plus profondément dans ces zones où il peut être en contact avec de nouveaux réservoirs animaux. La figure 2 montre, par exemple, l’extension des concessions forestières au Gabon, une situation identique prévalant dans la plupart des pays d’Afrique centrale, en Asie du Sud-est ou en Amérique du Sud. Les origines de l’épidémie du sida ou la plupart des épisodes épidémiques de fièvre hémorragique due au virus Ebola trouvent leur source dans les contacts de l’homme avec des primates vivant au sein de la forêt dense en Afrique [14, 15].

Figure 2.

Figure 2

Extension des concessions forestières au Gabon de 1957 à 1997.

Source: http://www.globalforestwatch.org

3.3. Activité humaine

L’activité humaine a également des répercussions sur le développement de zoonoses. Ainsi, en Afrique subsaharienne, les exploitations forestières donnent lieu à d’importants flux migratoires, à l’urbanisation de ces zones et à l’ouverture de routes qui peuvent faciliter la dissémination de l’infection. Le développement de la prostitution dans ces zones nouvellement urbanisées et dans les grandes villes ainsi que la pratique de transfusions sanguines non sécurisées sont des facteurs d’amplification épidémique. La diffusion interhumaine de l’infection à VIH en Afrique, bien antérieure à l’apparition de l’épidémie dans les pays occidentaux, repose essentiellement sur ces modifications concernant à la fois le milieu naturel et l’activité humaine.

Les transports transcontinentaux permettent de propager rapidement des épidémies d’un continent à l’autre. Lors de l’épidémie de SARS en Chine en 2003, la maladie s’est rapidement propagée par les voyages aériens et le Canada a par exemple été sévèrement touché à partir de patients en provenance de Hong Kong [16]. De la même manière, la pandémie de grippe A (H1N1)v s’est propagée beaucoup plus rapidement à l’échelle planétaire que les pandémies précédentes en raison essentiellement du développement du transport aérien.

Les transports aériens ou de marchandises peuvent véhiculer des arthropodes vecteurs d’arboviroses. Ainsi, les Aedes pouvant transmettre la dengue ou le chikungunya prolifèrent dans les pneus usagés et le commerce international de ces pneus a permis la dissémination de ces moustiques en dehors de leur région asiatique d’origine [17].

Les transports d’animaux sont également un facteur de propagation de zoonoses. Le commerce des volailles a joué un rôle majeur dans les épizooties de grippe aviaire. Le virus West Nile, qui était inconnu sur le contient américain, est apparu à New-York en 1999. À partir de ce foyer new-yorkais, le virus s’est répandu sur le continent américain à partir de 2002, occasionnant plusieurs milliers de cas sévères (encéphalites) et plusieurs centaines de décès. Le séquençage des souches new-yorkaises a démontré qu’elles étaient étroitement apparentées à une souche isolée en 1998 en Israël [18]. L’importation illégale d’oiseaux et/ou l’introduction de moustiques vecteurs est l’hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer le déclenchement de cette épidémie.

Les animaux de compagnie peuvent également être à l’origine d’infections virales chez l’homme. Les rongeurs (rats, souris, hamsters…) sont des hôtes naturels du virus de la chorio-méningite lymphocytaire aisément transmissible à l’homme et pouvant occasionner des méningo-encéphalites sévères, voire mortelles [19]. La recherche de nouveaux animaux de compagnie (NAC) toujours plus inhabituels et exotiques représente à cet égard un risque d’introduction de nouveaux virus chez l’homme [20]

3.4. Mutations

Le passage d’un virus d’une espèce animale à l’homme peut être favorisé par la sélection de mutants mieux adaptés à l’espèce humaine. La possibilité de l’adaptation de souches de virus de la grippe aviaire à l’espèce humaine par mutations au niveau du gène de l’hémagglutinine permettant à celle-ci de se fixer sur l’acide sialique en liaison 2,6 au galactose a déjà été évoquée. Les récepteurs de type 2,3 pour les virus aviaires existent chez l’homme, mais ils sont situés au niveau des alvéoles pulmonaires, la transmission de virus aviaire à l’homme est de ce fait difficile et il n’y a pas de transmission interhumaine de ces virus. Les mutations permettant à l’hémagglutinine de ces virus d’utiliser les récepteurs de type 2,6, situés au niveau de l’épithélium des voies respiratoires supérieures, sont une étape clé pour permettre la transmission interhumaine et donc la diffusion épidémique de ces virus [21].

Il a été montré avec le coronavirus du SARS, que des mutations sur le gène de la glycoprotéine de surface se liant au récepteur cellulaire permettaient au virus de s’adapter à la multiplication sur cellules d’origine humaine [22].

Il a aussi été expérimentalement démontré qu’un nombre limité de mutations permettaient d’adapter l’entérovirus 71 humain à la souris et à le rendre virulent pour celle-ci [23].

4. Principaux virus pathogènes pour l’homme issus d’un réservoir animal

4.1. Virus transmis par un arthropode vecteur : arbovirus

Les arbovirus (arthropod-borne virus) appartiennent à différentes familles de virus ; ils ont comme caractéristique commune d’être transmis par l’intermédiaire d’un arthropode hématophage vecteur (moustique, phlébotome ou tique). La transmission à l’homme par le vecteur n’est pas la conséquence d’un transfert passif du virus mais elle résulte de la réplication du virus dans les glandes salivaires de l’arthropode. Ces virus ont donc la propriété d’infecter à la fois des mammifères, des oiseaux (pour certains d’entre eux) et des arthropodes. Le réservoir de virus est presque toujours un réservoir animal, les arboviroses sont donc des anthropozoonoses. Les virus de la dengue sont un des rares exemples d’arbovirus n’ayant pas de réservoir animal connu mais seulement un réservoir humain. Les principaux arbovirus rencontrés en pathologie humaine sont présentés dans le tableau II .

Tableau II.

Principaux arbovirus rencontrés en pathologie humaine.

Virus Réservoir Vecteur
Flaviridae
V. de la fièvre jaune Primates, homme Aedes (africanus, simpsoni, aegypti)
V. de la dengue (4 sérotypes) Homme Aedes (aegyptii, albopictus)
V. West Nile Oiseaux Culex
V. de l’encéphalite japonaise Oiseaux, porc Culex
V. de l’encéphalite de St-Louis Oiseaux, chauves-souris Culex
V. de l’encéphalite à tiques Rongeurs, ruminants Ixodes**
V. de la FH* d’Omsk Mammifères sauvages Ixodes, Dermacentor**
V. de la FH de la forêt de Kaysanur Mammifères sauvages Haemaphysatis**
Togaviridae
V. Chikungunya Primates, homme Aedes (aegypti, albopictus)
V. O’nyong-nyong Homme, animal ? Anopheles (funestus, gambiense)
V. Tahyna Lièvre, lapin Aedes, Culex
V. de la fièvre de la Ross River Marsupiaux, rongeurs Aedes ; Culex
V. de l’encéphalite équine de l’Est Chevaux, oiseaux Culiseta (melanura, morsitans)
V. de l’encéphalite équine de l’Ouest Chevaux, oiseaux Culex, Culiseta
Bunyaviridae
V. Toscana Phlébotomes Phlébotomus
V. de la fièvre de la Vallée du Rift Bovins, ovins Aedes
V. de l’encéphalite La Crosse Écureuils Aedes triseriatus
V. de la FH Crimée-Congo Animaux domestiques Hyalomma, Amblyomma**
Reoviridae
V. de la fièvre à tiques du Colorado Rongeurs sauvages Dermacentor andersoni**
*

FH : fièvre hémorragique.

**

Tiques.

4.2. Virus d’origine animale rencontrés en pathologie humaine non transmis par un arthropode vecteur

Diverses espèces animales sont infectées par des virus transmissibles à l’homme. Ces virus peuvent être transmis accidentellement par contact entre l’homme et l’animal infecté. Le passage de l’animal à l’homme peut être à l’origine d’infections accidentelles rares, comme par exemple le virus B du singe (Cercopithecine herpesvirus 1) qui, transmis accidentellement à l’homme, est responsable d’une encéphalite mortelle. Néanmoins, ce passage au départ accidentel peut être à l’origine d’une propagation épidémique de grande ampleur : on peut citer par exemple les pandémies de grippe A trouvant leur origine dans des virus aviaires et/ou porcins ou la pandémie de sida résultant du passage du SIVcpz du chimpanzé à l’homme [14]. On peut noter que ces dernières années, des infections graves sporadiques ou épidémiques se sont développées chez l’homme à partir d’un réservoir animal constitué par différentes espèces de chauve-souris [24, 25]. Le tableau III présente les principaux virus transmissibles à l’homme à partir de différents réservoir animaux.

Tableau III.

Principaux virus transmissibles de l’animal à l’homme.

Réservoir animal Virus Hôte intermédiaire éventuel
Oiseaux Orthomyxoviridae
V. grippe A
Porc
Chiroptères (chauves-souris) Rhabdoviridae
V. de la rage*
Coronaviridae
SARS Coronavirus
Filoviridae
V. Ebola
Paramyxoviridae
V. Nipah
V. Hendra
Divers mammifères
Civette
Primates
Porc
Cheval
Rongeurs Arenaviridae
V. chorioméningite lymphocytaire
V. fièvre de Lassa
V. Junin
V. Machupo
V. Guanarito
V. Sabia
Bunyaviridae (à vérifier Hantavirus de l’ancien monde
(Haantan, Puumala)
Hantavirus du nouveau monde
(sin nombre)
Poxviridae
Monkeypox
Primates
Porc Orthomyxoviridae
V. Grippe A
Hepeviridae
Hépatite E
Ovins, caprins Poxviridae
V. Orf
V. du Nodule du trayeur
V. de la vaccine
Canidés (renard, chien Rhabdoviridae
Virus de la rage*
Mammifères divers
Primates Herpesviridae
Cercopithecine herpesvirus 1
Retroviridae
SIVcpz**
SIVsmm***
STLV-1****
Simian foamy virus
*

Le virus de la rage est transmis à l’homme par les canidés essentiellement, mais les chiroptères peuvent représenter une source de contamination dans certaines régions du monde [26, 27].

**

À l’origine du HIV-1 chez l’homme.

***

À l’origine du HIV-2 chez l’homme.

****

À l’origine du virus HTLV-1 chez l’homme.

5. Conclusion

Pour de nombreux virus, la spécificité d’espèce n’est que relative et les passages inter-espèces sont fréquents. Des transmissions de l’animal à homme sont à l’origine d’anthropozoonoses représentant souvent un problème majeur de santé publique. Certains virus animaux se sont particulièrement bien adaptés à l’espèce humaine et ils sont devenus d’authentiques virus humains, avec une transmission interhumaine responsable de leur propagation épidémique. Les virus de la grippe A ou du sida en sont un exemple frappant. Fièvres hémorragiques virales, SARS, syndrome pulmonaire à Hantavirus… des épidémies émergentes inquiétantes se sont développées à partir de réservoirs animaux au cours des deux dernières décennies. La liste des virus pouvant émerger chez l’homme n’est certainement pas close. Les profondes modifications des équilibres naturels générées par l’activité humaine doivent à ce titre inciter à la vigilance.

Conflit d’intérêt : aucun.

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