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. 2020 Apr 10;24(3):182–187. [Article in French] doi: 10.1016/j.canrad.2020.04.001

Compensation de la dose totale en cas d’interruption temporaire de radiothérapie externe dans le contexte de la pandémie de COVID-19 : mise au point pratique

Practical update of total dose compensation in case of temporary interruption of external radiotherapy in the COVID-19 pandemic context

D Azria a,b,c,d,, C Hennequin e, P Giraud f,g
PMCID: PMC7146696  PMID: 32307313

Abstract

L’étalement est un facteur important de récidive locale et indirectement d’évolution à distance, notamment, en cas de durée de traitement allongée. La pandémie actuelle a un impact sur les patients en cours de radiothérapie qui doivent interrompre leur traitement de manière parfois prolongée du fait de la nécessité de soins respiratoires induits par le COVID-19. Les modèles utilisés de compensation de la dose totale en cas d’interruption prolongée de la radiothérapie sont connus, mais il nous a semblé important de synthétiser afin que chaque oncologue radiothérapeute puisse proposer un traitement le plus optimal possible tant en termes de risque de récidive locale que de protection des tissus sains. L’objectif de ce type de recommandation est d’homogénéiser les pratiques de l’ensemble de la discipline.

Mots clés: Dose totale, Compensation, Radiothérapie, Étalement

1. Introduction

L’étalement est le paramètre radiobiologique qui correspond à la durée totale du traitement (intervalle de temps entre la première et la dernière séance de radiothérapie). Ce paramètre est un facteur important de récidive locale et indirectement d’évolution à distance notamment, en cas de durée de traitement allongée [1].

Les causes de protraction thérapeutique peuvent être nombreuses et les plus fréquemment rencontrées (effets secondaires aigus, panne d’un accélérateur, pont de jours fériés, etc.) ne nécessitent pas de compensation de dose étant donné la brièveté des interruptions, souvent moins de 3 ou 4 jours.

Jusqu’à récemment, certains rares effets secondaires aigus très sévères [2] ou une raison inattendue et exceptionnelle d’arrêt de la radiothérapie nécessitaient des interruptions parfois longues et posaient la question d’une équivalence de dose lorsque l’arrêt dépassait 8 jours.

Le 11 mars 2020, le directeur général de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) a élevé l’infection à SARS-CoV-2 (virus responsable du COVID-19) à un niveau pandémique, avec une évolution exponentielle jusqu’à ce jour du nombre de cas, soit environ 1 300 000 personnes déclarées comme contaminées dans 179 pays du monde et plus de 66 000 morts. Malheureusement, certains patients actuellement en cours de radiothérapie pour le traitement de leur cancer sont infectés par le virus, ce qui les contraint à interrompre temporairement leur radiothérapie pour une durée variable en fonction des symptômes propres à l’infection virale. Certains nécessitent une prise en charge plus importante avec un arrêt de près de 1 mois, voire plus en cas d’assistance respiratoire prolongée.

Dans cet article, nous détaillons les modèles connus de compensation de la dose totale en cas d’interruption prolongée de la radiothérapie avec une approche pratique en fonction des localisations tumorales traitées [3]. Cet article a été écrit avec l’objectif d’aider les oncologues radiothérapeutes et les physiciens médicaux à calculer les doses nécessaires équivalentes notamment, pour les patients qui vont rapidement revenir en radiothérapie après leur traitement spécifique du COVID-19. Plus généralement, il peut s’appliquer à la prise en charge spécifique en cas de désastres, qui malheureusement, peuvent à nouveau survenir [4].

2. Étalement, délai de prolongation, repopulation tumorale

De nombreuses études ont montré que la protraction du traitement pouvait entraîner une perte de 1 à 2 % du taux de contrôle local par jour de prolongation de la durée de traitement en cas de fractionnement classique de 2 Gy par jour et 5 jours par semaine. Ces éléments sont d’autant plus critiques dans les cancers à division cellulaire rapide, comme ceux du col utérin, de la tête et du cou et du poumon [1], [5].

La dose totale requise pour l’obtention d’une réponse tumorale donnée (correspondant généralement à la probabilité du contrôle de 50 % de la tumeur, TCP50, par une radiothérapie délivrée à une dose quotidienne de 2 Gy) varie en fonction de la durée du traitement [3]. La limite au-delà de laquelle cette dose totale dépend de l’étalement est définie par le délai de prolongation. Le délai de prolongation correspond au temps écoulé entre le premier jour du traitement et le début théorique de la repopulation [6].

Dans un étalement initialement programmé inférieur au délai de prolongation, cette dose totale ne dépend pas du temps car dans cet intervalle il existe une faible (voire une absence de) repopulation tumorale pendant le traitement. En revanche, dès que la durée de traitement augmente significativement, la dose totale nécessaire au contrôle tumoral (TCP50) devient dépendante du temps, en rapport avec la capacité de la tumeur à se diviser. Une majoration de la dose totale devient alors nécessaire afin de compenser cette repopulation tumorale.

En pratique, si une interruption d’une durée « t » est survenue dans l’intervalle de temps initialement prévu de traitement « T », la durée d’allongement du traitement sera exactement de durée « t » mais avec une dose de compensation supérieure à la dose totale initialement prévue, à condition de contrôler la tolérance sur les tissus sains environnants.

Cette notion d’« extra-dose » est nécessaire car le traitement est souvent repris dans la période de repopulation avec une iso-TCP50 nécessairement supérieure. Cela est valable si le fractionnement classique est maintenu et que la reprise de la radiothérapie n’inclut pas de séance le week-end et/ou n’utilise pas un hyperfractionnement quotidien.

3. Comment calculer la dose équivalente nécessaire ?

La formule classique du calcul de la dose biologique équivalente (DBE) d’une irradiation homogène dans un tissu en monofractionnement de 1,8 à 2 Gy par séance et par jour et incluant la repopulation tumorale potentielle dépend de trois grands facteurs :

  • la dose totale physique (DTP) ;

  • le facteur d’efficacité relative (FER) ;

  • le facteur de repopulation (FR).

La formule à utiliser est : DBE = DTP × FER − FR

La dose totale physique correspond au produit du nombre de fractions (n) par la dose par fraction (d) :

DTP=n×d

Le facteur d’efficacité relative correspond à l’incrémentation de la dose par fraction ajusté au facteur de fractionnement α/β (en Gy) :

FER=1+dα/β

Le facteur de repopulation correspond au produit de la dose biologique par jour pour compenser la repopulation cellulaire tumorale (K, exprimé en grays par jour) par la différence entre la durée totale du traitement initialement prévue (T) et le délai de prolongation (T prolong) :

FR=K×TTprolong

La formule développée de la dose biologique équivalent devient ainsi :

DBE=n×d×1+d(α/βK×TTprolong

Les paramètres K, T prolong et α/β sont spécifiques du tissu.

En aucun cas, la dose équivalente nécessaire ne se calcule en rajoutant des séances supplémentaires à la fin du traitement. Cette méthode semble pragmatique mais n’est validée dans aucun modèle radiobiologique.

4. Comment utiliser la formule de calcul de la dose biologique équivalente en pratique ?

Cette formule peut être utilisée pour le calcul de la dose biologique équivalente délivrée aussi bien aux tissus sains qu’aux tissus tumoraux.

4.1. Tissus sains à réponse tardive

Pour les tissus sains à réponse tardive (généralement facteurs importants des séquelles à long terme), le taux de prolifération tissulaire est très faible, permettant de négliger le facteur K (en dehors d’une situation de toxicité aiguë sévère avec conséquences irréversibles à long terme).

La formule générale devient alors, avec K  = 0 et donc FR  = 0 :

DBE=n×d×1+d(α/β

Il est généralement accepté de prendre une valeur de 3 pour le rapport α/β avec quelques variantes pour le cerveau et la moelle épinière (α/β = 2 Gy). En outre, lorsque l’on estime que la tolérance aiguë des tissus sains risque d’être difficile, notamment, en cas de nécessité d’« extra-dose » sur la tumeur, une réduction à 2,5 du rapport α/β semble nécessaire.

4.2. Tissus tumoraux

Pour les tissus tumoraux, la formule générale est celle décrite dans le paragraphe précédent incluant tous les facteurs, notamment, ceux représentatifs du temps et de la repopulation potentielle (K, T et T prolong) :

DBE=n×d×1+d(α/βK×TTprolong

4.3. Application pratique

Lorsqu’une interruption temporaire de traitement a été nécessaire, les étapes de calcul de la compensation de la dose totale doivent être réalisées en respectant les étapes suivantes :

  • quantifier le temps de traitement théorique restant à faire (correspond au temps exact d’arrêt) ;

  • quantifier le nombre de fractions qui restent à délivrer ;

  • calculer les doses biologiques équivalentes pour la tumeur considérée et les tissus sains environnants selon les formules ci-dessus ;

  • quantifier l’intervalle de temps entre le jour du début et le jour d’interruption inclus afin de comparer ce délai au délai théorique de prolongation pour la tumeur considérée (T prolong). Les valeurs connues pour certaines tumeurs sont détaillées dans le paragraphe suivant ;

  • quantifier les doses biologiques équivalentes « restantes » des tissus sains et de la tumeur encore à délivrer afin de trouver un compromis dosimétrique théorique du fait des « extra-doses » rajoutées à la reprise.

Il est important de comprendre qu’il s’agit de calculs théoriques, se basant sur des données cliniques fragmentaires le plus souvent. Toute modification du protocole de traitement, et en particulier une augmentation de la dose totale peut entraîner une toxicité tardive importante. Outre l’estimation de la dose tumorale via la méthode proposée, il faut absolument calculer les modifications induites sur les tissus sains par cette augmentation de la dose délivrée. Comme d’habitude, il faut évaluer pour chaque patient la balance entre le bénéfice potentiel apporté sur le contrôle tumoral et les séquelles possibles.

Il est de la responsabilité de l’oncologue radiothérapeute, pour un patient donné, de juger si ces modifications du fractionnement/dose totale sont justifiées.

5. Situations cliniques et diverses valeurs de références

Les cancers détaillés ci-dessous sont ceux pour lesquels les paramètres radiobiologiques ont été publiés, notamment, K et T prolong . Un exemple détaillé de calcul pratique est présenté pour les cancers des voies aérodigestives supérieures.

5.1. Cancers des voies aérodigestives supérieures

Il s’agit de la localisation pour laquelle nous disposons du plus grand nombre de données. L’augmentation de l’étalement se traduit par une perte de taux de contrôle local de 2 à 14 % par semaine d’interruption [7]. Globalement, il serait nécessaire de délivrer une dose supplémentaire de 0,4 à 0,8 Gy/j perdu. Plus précisément, le calcul qui peut être fait est le suivant :

Paramètres radiobiologiques pour les cancers des voies aérodigestives supérieures [3], [8] :

  • pour les tissus sains à réponse tardive : α/β  = 3 Gy ;

  • pour la tumeur : K  = 0,9 Gy/j ;  T prolong  = 28 j ; α/β  = 10 Gy.

Pour un patient qui doit recevoir 70 Gy en 35 fractions de 2 Gy du lundi au vendredi, l’étalement théorique est de 46 jours.

La dose biologique équivalente théorique des tissus sains (K  = 0) est :

DBE3=35×2×1+23=116,7   Gy3

La dose biologique équivalente théorique de la tumeur est :

DBE10=35×2×1+2100,9×4628=8416,2=67,8   Gy10

Si le traitement est, par exemple, interrompu la quatrième semaine pendant 2 semaines et que la reprise de traitement est prévue selon les mêmes modalités, soit cinq fractions de 2 Gy, 5 jours par semaine :

  • le temps de traitement sera en tout allongé de 14 jours par rapport à l’étalement théorique ;

  • avec une valeur de K de 0,9 Gy/j, la DBE10 sera plus faible de 0,9 × 14 = 12,6 Gy10

La DBE10 requise de compensation est égale à la DBE10 avant l’interruption plus la DBE10 après l’interruption moins le facteur de repopulation tumorale :

DBE10   de   compensation=DBE10   préinterruption+DBE10   postinterruptionFR

La DBE10 avant l’interruption correspond à la dose tumorale après 15 fractions réalisées les trois premières semaines :

DBE10   préinterruption=15×2×1+210=36   Gy10

La DBE10 après l’interruption correspond à la dose tumorale qu’il reste à donner avec une dose par fraction « d » sur les 20 fractions manquantes :

DBE10   postinterruption=20×d×1+d10

Le facteur de repopulation tumorale correspond la repopulation tumorale potentielle en considérant que l’étalement a été rallongé de 14 jours, soit T  = 46 j théoriques + 14 j d’interruption (qui correspond également à la durée supplémentaire à faire), soit 60 jours.

FR=K×TTprolong=0,9×6028=28,8

Ainsi, l’équation suivante permettra de trouver la dose par fraction « d » en considérant que la dose totale optimale est celle calculée initialement en l’absence d’interruption (67,8 Gy10) :

36+20×d×1+d1028,8=67,8
d2+10d=30,3
d2+10d30,3=0

Cette équation de second degré est sous la forme ax+ bx + c = 0, avec pour cet exemple : a = 1 ; b = 10 ; c = –30,3. Sa résolution nécessite le calcul du discriminant, Δ.

Δ=b24ac=1004×1×(30,3)=221,2
d1=bΔ2a=10221,22=12,43
d2=b+Δ2a=10+221,22=2,44

La seule solution positive de « d » issue du polynôme du second degré est 2,44 Gy.

5.1.1. En synthèse

Pour la tumeur, la dose par fraction de compensation est de 2,44 Gy, à appliquer aux 20 fractions restantes.

La DBE10 requise de compensation est bien de : 36 + 60,7 – 28,8 = 67,8 Gy10

Pour les tissus sains, la DBE3 avec une telle compensation serait :

DBE3 avant l’interruption + DBE3 après l’interruption (avec K = 0) soit :

15×2×1+23+20×2,44×1+2,443=50+88,5=138,5   Gy

Soit 28,8 Gy supplémentaires à compenser techniquement sur les organes sains. Cela correspond à une augmentation de dose sur les tissus sains de 18,7 % soit un équivalent initial d’un traitement de 82,9 Gy en fractions de 2 Gy.

Ce compromis tumeur/tissus sains est essentiel à bien prendre en compte lors de la nouvelle dosimétrie afin d’éviter des séquelles trop importantes. Une diminution de la dose par fraction après l’interruption sur la tumeur sera alors à décider par l’oncologue radiothérapeute si le risque de séquelles semble inacceptable.

Le plus souvent, la dose par fraction de compensation doit être limitée à 2,25 Gy afin d’obtenir une dose correspondante aux tissus sains acceptable d’équivalent de 128,75 Gy3.

5.2. Cancer du poumon non à petites cellules

Les paramètres radiobiologiques pour les cancers du poumon non à petites cellules ont été publiés [5], [8]. L’impact de l’étalement dans les cancers bronchiques a été clairement mis en évidence en cas de radiothérapie exclusive, mais aussi dans le cadre des associations de chimioradiothérapie concomitante [9], [10]. L’analyse des données du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG) suggère une perte de 2 % des taux de survie globale par jour de traitement perdu [11]. L’importance de l’étalement est encore plus nette dans les cancers bronchiques à petites cellules [12]. Les données concernant les paramètres tumoraux sont cependant moins homogènes que celles des cancers ORL. Classiquement, le rapport α/β du cancer bronchique à petites cellules était considéré aux alentours de 10 Gy [13]. Plus récemment, des données issues de séries de chimioradiothérapie font état d’un rapport α/β plus faible, de l’ordre de 4 Gy (mais avec un facteur K de 0,38 Gy/j) [14]. Des données récentes issues de la radiothérapie stéréotaxique retrouvent plutôt un α/β de 12 à 16 Gy [15].

Paramètres radiobiologiques pour les cancers du poumon non à petites cellules :

  • pour les tissus sains à réponse tardive : α/β = 3 Gy ;

  • pour la tumeur : K = 0,5 Gy/j ;  T prolong estimé à 28 jours ; α/β estimé à 8 Gy.

5.3. Cancer du col utérin

Les paramètres radiobiologiques pour les cancers du col utérin ont été publiés [8], [16]. L’impact de la durée totale du traitement est majeur pour ces cancers [17]. Cela a été confirmé dans le cadre des associations de chimioradiothérapie concomitante, avec une durée optimale inférieure à 56 jours [18].

Paramètres radiobiologiques pour les cancers du col utérin :

  • pour les tissus sains à réponse tardive α/β = 3 Gy ;

  • pour la tumeur : K estimé à 0,8 Gy/jour ;  T prolong estimé à 28 jours ; α/β estimé à 10 Gy.

5.4. Cancer du sein

Les paramètres radiobiologiques pour les cancers du sein ont été publiés [8], [19]. Il faut d’emblée souligner la grande hétérogénéité des cancers du sein, de la tumeur de type luminal A de la patiente âgée à la mastite carcinomateuse triple-négative de la femme jeune. Il apparaît alors difficile de définir des paramètres radiobiologiques pour chaque patiente. Ainsi, les calculs issus des données des séries d’hypofractionnement font état d’un rapport α/β aux alentours de 4 Gy ; mais la plupart des patientes incluses dans ces essais avait des tumeurs de petite taille hormonosensibles [20]. Par ailleurs, qu’en est-il de la repopulation tumorale en postopératoire, dans un environnement très modifié par rapport aux modèles de tumeurs en place. Enfin, l’effet des traitements hormonaux et du trastuzumab sur la progression tumorale est bien démontré et pourrait annuler le facteur prolifératif dans nos équations. Un autre paramètre à prendre en compte est le délai entre la chirurgie et le début de la radiothérapie ; là encore, les données sont discordantes. Classiquement, il doit être inférieur à 12 semaines [21]. Cependant, ces données sont anciennes, et ne prenaient pas en compte la biologie de la tumeur et la qualité des marges chirurgicales (très probablement inférieures à celles réclamée aujourd’hui). Il est important de savoir que même si la radiothérapie a été retardée de plusieurs mois, elle améliore la survie, que ce soit après une mastectomie ou un traitement conservateur [22]. Donc, quand elle est indiquée, la radiothérapie doit être faite, même 12 mois après la chirurgie.

Les paramètres radiobiologiques suivants peuvent être proposés pour les cancers du sein :

  • pour les tissus sains à réponse tardive α/β = 3 Gy ;

  • pour la tumeur : K estimé à 0,3 Gy/jour ;  T prolong estimé à 35 jours ; α/β estimé à 4 Gy.

Il faut cependant souligner, que dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les patientes atteintes d’un cancer du sein sous hormonothérapie sont d’excellentes candidates à un traitement différé à la fin du confinement. Une étude française avait montré, en effet que l’hormonothérapie annulait l’effet du délai après la chirurgie [23]. En outre, il s’agit souvent de patientes âgées, à risque de forme grave de COVID-19, à qui il faut éviter au maximum le risque de contagion. L’hormonothérapie, que ce soit par inhibiteurs de l’aromatase ou par tamoxifène peut très bien être débutée avant l’irradiation et poursuivant pendant celle-ci [24], [25], [26].

5.5. Cancer de la prostate

Les paramètres radiobiologiques pour les cancers de la prostate ont été publiés [8], [27]. L’impact de l’étalement sur le contrôle du cancer de prostate est très discuté [28]. Certaines études récentes, basées sur des patients traités avec des doses supérieures ou égales à 70 Gy, ne retrouvent aucun effet de la durée totale de traitement sur tous les paramètres considérés (contrôle local, survie sans métastases, survie spécifique, survie globale) [29]. A contrario, dans une étude plus ancienne, Thames et al. ont retrouvé un effet délétère de l’étalement, et en particulier, paradoxalement, chez les patients à faible risque [30].

À partir de cette étude, on peut déduire les paramètres radiobiologiques suivants pour les cancers de la prostate :

  • pour les tissus sains à réponse tardive : α/β = 3 Gy ;

  • pour la tumeur : K estimé à 0,2 Gy/jour ;  T prolong estimé à 40 jours ; α/β estimé à 4 Gy.

Cependant, toutes ces études n’ont pas pris en compte l’hormonothérapie associée, qui met totalement au repos, chez les patients qui ne sont pas résistants à la castration, les cellules tumorales. Dans ces conditions, le traitement de ces patients peut être décalé sans impact sur l’efficacité du traitement. Là encore, il s’agit de patients les plus souvent âgés, à haut risque de forme grave de la maladie virale.

Pour les stades favorables (ISUP1), la surveillance active reste le choix thérapeutique premier. Pour les stades intermédiaires de pronostic favorable (ISUP 2), décaler le traitement de quelques semaines apparaît une solution raisonnable. Enfin, pour les autres patients qui nécessitent une suppression androgénique, celle-ci doit être débutée et la radiothérapie décalée à la fin du confinement.

5.6. Autres tumeurs et conclusions

En ce qui concerne les autres maladies, les facteurs ne sont pas connus ou peu d’éléments sont disponibles. Quoi qu’il en soit, les oncologues radiothérapeutes doivent s’efforcer de recalculer les doses de compensation pour au moins certaines tumeurs très sensibles à l’étalement incluant les cancers ORL, du poumon, du col utérin, de l’œsophage, du canal anal, cancers de la peau, cancers de la vulve et du vagin, médulloblastome et les tumeurs neuroectodermiques primitives (PNET), les tumeurs connues comme ayant une prolifération élevée [31].

Lorsque les paramètres radiobiologiques ne sont pas connus pour appliquer les formules mathématiques, il est acquis de compenser la dose par fraction de 0,25 Gy lors des fractions restantes à condition que la reprise soit effectuée en schéma classique d’une séance par jour, 5 jours par semaine. En outre, il importe d’évaluer précisément l’impact de cette « extra-dose » tumorale sur les tissus sains comme détaillé précédemment. L’enjeu du contrôle local est majeur permettant le plus souvent une amélioration de la quantité de vie, mais il faut éviter le plus possible des séquelles graves irréversibles et donc une qualité de vie très réduite.

Ces propositions ne concernent bien entendu que les schémas de radiothérapie normofractionnés (1,8 à 2 Gy par fraction, une fraction par jour, cinq fractions par semaine).

L’hypofractionnement, s’il est tentant dans le contexte de la pandémie de COVID-19, ne doit pas être prescrit en dehors des schémas validés.

Pour les indications pour lesquelles l’hypofractionnement est validé (sein, prostate, glioblastome du patient âgé, métastases osseuses) les recommandations existent déjà et doivent être appliquées dans le contexte [32]. Dans les autres cas où il n’est pas validé (en raison de l’absence de niveau de preuve suffisant), il n’est pas recommandé au risque d’être responsable d’une toxicité tardive inattendue. Dans cette dernière situation, il est préférable de décaler les traitements non urgents, de les annuler quand il s’agit d’indications optionnelles, ou d’appliquer les schémas standard [33].

Contribution des auteurs

DA : conception de l’étude, élaboration de la méthodologie, suivi du projet, ressources, logiciel, supervision, validation, représentation des travaux, rédaction du manuscrit initial, relecture et révision du manuscrit.

CH, PG : conception de l’étude, élaboration de la méthodologie, suivi du projet, ressources, logiciel, supervision, validation, représentation des travaux, relecture et révision du manuscrit.

Financement

Ce travail a bénéficié du soutien financier et logistique du programme « radiobiologie » du Site de recherche intégrée sur le cancer (Siric) Montpellier Cancer: grant INCa_Inserm_DGOS_12553.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

Les auteurs remercient le site de recherche intégrée sur le cancer (Siric) Montpellier Cancer pour leur soutien financier et logistique.

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