Introduction
Les diarrhéesDiarrhée aiguës infectieuses sont responsables, dans les pays en voie de développement, du tiers des décès par déshydratation. Elles restent fréquentes dans nos régions, comme en témoigne la fréquence des toxi-infections alimentaires familiales ou des collectivités (crèches, etc.).
La diarrhée aiguë est définie par l'émission d'au moins trois selles liquides et/ou molles par jour depuis moins de 14 jours. Tous les épisodes diarrhéiques (selles fécales) ou dysentériques (selles aqueuses, non fécales) ne sont pas infectieux. Toutes les diarrhées infectieuses ne sont pas bactériennes : virus, parasites, et accessoirement levures, y jouent un rôle important. Toutes les diarrhées bactériennes ne sont pas dues à des bactéries spécifiques (diarrhées par dysmicrobisme, c'est-à-dire par modification dans l'équilibre des flores intestinales).
Les gastro-entérites aiguës sont l'un des premiers motifs de consultation en médecine générale et en pédiatrie. La déshydratation est leur principale complication chez l'enfant et demande une prise en charge symptomatique sans délai (réhydratation avec des solutions de réhydratation orale), avant ou en même temps que toute investigation microbiologique si celle-ci est faite. Cette conduite est d'autant plus urgente que l'enfant est petit, la déshydratation constituant un signe d'alerte à partir de 5 % de perte de poids corporel, pouvant mettre en jeu le pronostic vital au-delà de 10 %.
La plupart des gastro-entérites sont d'origine virale. Les rotavirus sont responsables de plus de 50 % des cas, surtout chez le nourrisson. Les norovirus surviennent à tout âge et sont souvent liés à une contamination alimentaire (eau, crudités, coquillages), source d'épidémies dans les collectivités (écoles, casernes, hôtels, croisières). Ils sont les principaux agents devant les adénovirus 40 et 41, les astrovirus et les coronavirus. Leur diagnostic est rarement nécessaire dans les gastro-entérites communautaires hivernales, hormis les formes sévères chez le nourrisson hospitalisé (essentiellement rotavirus), les diarrhées chez l'immunodéprimé, les cas groupés et les infections nosocomiales.
En bactériologie, la prescription d'une coproculture doit être envisagée après avoir éliminé une cause non infectieuse de diarrhée grâce à l'examen clinique et l'interrogatoire. Cette prescription est justifiée en cas de diarrhée aiguë survenant dans un contexte anamnestique et clinique évocateur d'une origine bactérienne (fièvre > 40 °C, présence de glaires et/ou sang dans les selles, douleur abdominale, retour de zone endémique, par exemple) ou dans certains contextes particuliers : toxi-infection alimentaire collective (TIAC), patient immunodéprimé, par exemple. Elle s'avère inutile en cas de diarrhée chronique, à l'exception du patient immunodéprimé. Seuls des renseignements cliniques pertinents communiqués au microbiologiste par le clinicien permettent d'orienter la recherche vers des agents pathogènes particuliers. Actuellement, trop de demandes d'analyses pour diarrhées supposées bactériennes ne comportent pas les données cliniques nécessaires et font de la coproculture l'un des examens les moins efficients de la bactériologie.
En cas de persistance des signes cliniques ou dans un contexte de voyage, il est nécessaire de s'orienter vers le diagnostic d'une parasitose.
Étiologie bactérienne des gastro-entérites aiguës
Il existe plus d'une dizaine d'agents bactériens responsables de diarrhées, nécessitant parfois une technique spécifique pour leur recherche.
De nombreuses bactéries sont incriminées dans l'étiologie des diarrhées infectieuses aiguës. Certaines d'entre elles ont un pouvoir entéropathogène bien établi (Salmonella spp., Shigella spp., Campylobacter spp., Yersinia spp., etc.) (Tableau15.1 ). D'autres bactéries sont devenues pathogènes après acquisition de facteurs de virulence. C'est le cas en particulier d'Escherichia coli, espèce représentant 80 % de la flore intestinale aérobie de l'homme. E. coli est à la fois une bactérie commensale et une bactérie entéropathogène par l'expression de facteurs de virulence acquis et/ou constitutifs. Ainsi, un pouvoir entéropathogène est actuellement reconnu pour six pathovars d'E. coli.
Tableau 15.1.
Mécanismes pathogéniques des bactéries entéropathogènes.
Entéro-invasif | Cytotoxique | Toxigénique | Adhérent |
---|---|---|---|
Salmonella | C. difficile | Vibrio cholerae | EPEC |
Shigella | Shigella | Shigella | EHEC |
Y. enterocolitica | EPEC | Y. enterocolitica | EAggEC |
Campylobacter EIEC |
EHEC | ETEC |
Les E. coli entérotoxinogènes (ETEC)Escherichiacolientérotoxinogène (ETEC) sont responsables de diarrhées infantiles dans les pays en voie de développement et de la diarrhée du voyageur. Les E. coli entéro-invasifs (EIEC)Escherichiacolientéro-invasifs (EIEC) sont responsables de dysenteries proches de la shigellose. Les E. coli entérohémorragiques (EHEC)Escherichiacolientérohémorragique (EHEC) sont retrouvés au cours des colites hémorragiques et du syndrome hémolytique et urémique (SHU)Hémolytique et urémique, syndrome (SHU) typique. Les E. coli entéropathogènes (EPEC)Escherichiacolientéropathogène (EPEC) sont la cause de diarrhées infantiles persistantes souvent épidémiques dans les pays en voie de développement. Certains sérotypes d'EPEC ont également été incriminés au cours du SHU.
Les E. coli à adhésion diffuseEscherichiacolià adhésion diffuse (DAEC) (diffusely-adhering E. coli [DAEC]) et les E. coli entéroaggrégatifs (EAggEC)Escherichiacolientéroaggrégatif (EAggEC) sont à l'origine de diarrhées aqueuses persistantes chez l'enfant.
Objectifs de l'examen microbiologique des gastro-entérites
Le but essentiel de la coproculture est de rechercher parmi une flore commensale très abondante des bactéries habituellement absentes et réputées pour leur pouvoir pathogène. La stratégie repose actuellement sur la réalisation d'une coproculture standard a minima avec la recherche des agents les plus fréquents et en dehors d'un contexte clinique.
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Adulte ou enfant de plus de 2 ans et contexte par défaut : réalisation d'une coproculture standard comprenant la recherche de Salmonella spp., de Shigella spp. et de Campylobacter spp. (voire Yersinia spp. sur prescription spécifique).
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Enfant de moins de 2 ans : réalisation d'une coproculture standard en sachant que l'étiologie virale prédomine dans cette tranche d'âge.
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■Contextes cliniques particuliers
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–Voyage récent en « pays tropical » : en présence d'un syndrome cholériforme, il faut rechercher Vibrio cholerae. D'autres bactéries peuvent être responsables de syndromes cholériformes comme les E. coli entérotoxinogènes (ETEC) ou plus rarement Plesiomonas shigelloides. En plus des bactéries recherchées au cours de la coproculture standard, il faut également suspecter d'autres pathogènes : Vibrio parahaemolyticus, Aeromonas spp., E. coli entéro-invasifs (EIEC).
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–Diarrhées par dysmicrobisme secondaire à une antibiothérapie : la majorité des diarrhées postantibiotiques sont bénignes et liées à une modification de la flore colique qui ne métabolise plus suffisamment les hydrates de carbone dans le côlon. Ceux-ci entraînent une augmentation de la pression osmotique et un afflux excessif d'eau intraluminale responsable de diarrhée. Cette diarrhée bénigne est à distinguer de la diarrhée à Clostridium difficile toxinogène dont les formes majeures sont la colite pseudomembraneuse et la colite fulminante. La diarrhée à C. difficile peut survenir pendant l'antibiothérapie ou plusieurs semaines après son arrêt. Les principaux antibiotiques en cause sont les bêta-lactamines, la clindamycine et plus récemment les fluoroquinolones, mais la quasi-totalité des antibiotiques peut être impliquée. Klebsiella oxytoca productrice de cytotoxine est maintenant reconnue comme cause de colite hémorragique postantibiotique.
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–Diarrhées sanglantes : en dehors de Shigella spp. provoquant des diarrhées fréquemment sanglantes, les E. coli producteurs de shigatoxine (STEC) dénommés Escherichia entérohémorragiques chez l'homme (EHEC) doivent être systématiquement recherchés.
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–TIAC : une TIAC est définie par la survenue d'un syndrome gastro-intestinal (diarrhée et/ou vomissement) similaire chez au moins deux personnes ayant partagé un repas en commun. L'isolement d'un agent pathogène n'est donc pas indispensable pour définir une TIAC. Elle doit faire l'objet d'une déclaration obligatoire aux autorités de santé. On distingue habituellement :
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-les TIAC d'incubation courte (1 à 4 heures) non fébriles dues à la présence dans l'aliment ingéré de toxines préalablement sécrétées par Staphylococcus aureus et Bacillus cereus. L'agent pathogène et/ou la toxine sont à rechercher dans l'aliment et non dans les selles ;
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-les TIAC d'incubation longue (12 à 76 heures) dues à Salmonella spp., Yersinia enterocolitica, Campylobacter spp., Vibrio parahaemolyticus, Clostridium perfringens, Bacillus cereus, Aeromonas spp. Une TIAC avec diarrhée sanglante doit impérativement conduire à la recherche d'EHEC.
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–Syndrome pseudo-appendiculaire : il faudra rechercher Campylobacter spp., Yersinia spp.
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–Cas groupés de gastro-entérites d'origine virale : survenant toute l'année, en collectivité et services de gériatrie sous forme de cas groupés ou d'épidémies localisées, les norovirus sont les premiers responsables, suivis des rotavirus.
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–Gastro-entérites nosocomiales virales : le diagnostic est fait par immunodétection ou RT-PCR (reverse transcription polymerase chain reaction) qui permettent de détecter les principaux virus (rotavirus, adénovirus, par exemple) en cause et de renforcer les mesures d'hygiène, en particulier dans les services à risque (néonatologie, oncologie, par exemple).
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–Les coprocultures « réglementaires » : dans certains cas particuliers, une coproculture peut être demandée à titre réglementaire. Ainsi, selon les recommandations du Haut conseil de santé publique, après une diarrhée à Shigella spp., à EHEC ou au décours d'une fièvre typhoïde ou paratyphoïde, la réintégration en collectivité nécessite l'obtention d'un certificat médical attestant de deux coprocultures négatives à 24 heures d'intervalle et 48 heures après l'arrêt des antibiotiques lorsque ceux-ci sont indiqués.
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–Détection de colonisation par des bactéries multirésistantes (BMR).
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–Détection de portage chez le personnel de restauration (Staphylococcus aureus, Salmonella).
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Prélèvement et transport
La coproculture se pratique sur des selles liquides, molles, glaireuses ou hémorragiques, ou sur indications très précises pour des selles solides.
Le prélèvement est réalisé dans les premiers jours de la maladie et, si possible, avant le début de l'antibiothérapie. La prescription d'une seule coproculture est en général suffisante. Les selles sont recueillies dès leur émission. Une aliquote de la selle, du volume d'une noix, est prélevée à l'aide d'une spatule ou d'un flacon-cuillère puis transférée dans un conteneur hermétique transparent propre à usage unique. La partie mucopurulente ou sanglante doit être privilégiée, en cas de présence.
Un écouvillonnage rectal peut se révéler utile notamment chez le nourrisson et le petit enfant, et en particulier dans le cadre d'un SHU post-diarrhée.
Les biopsies de muqueuses rectale ou colique (si réalisées dans un contexte diarrhéique) sont analysées comme des matières fécales. Chez des patients non immunodéprimés, il n'y a pas de supériorité à rechercher les bactéries entéropathogènes à partir de biopsies par rapport au prélèvement standard.
Le prélèvement doit être acheminé rapidement au laboratoire avec la fiche de renseignements cliniques. En cas de prise en charge technique différée, les selles sont conservées à + 4 °C et ensemencées dans les 12 heures au maximum. L'utilisation d'un milieu de conservation tel que le milieu Cary-Blair permet de retarder l'analyse jusqu'à 48 à 72 heures.
Pour les virus, le diagnostic nécessite un prélèvement de selles qui peut être conservé à + 4 °C pendant 24 à 48 heures.
Démarche diagnostique
Examen macroscopique
L'aspect macroscopique des selles sera toujours noté et guidera le choix des milieux de cultures. On doit noter la consistance, la présence de glaires, de pus, de sang.
Examen microscopique
L'examen direct à l'état frais permet de déceler la présence de leucocytes et d'hématies dans les selles (éventuellement de parasites). Il est possible si les selles sont diarrhéiques ou afécales.
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En cas de diarrhée à germes invasifs : il y a présence de leucocytes (Salmonella spp., Shigella spp., Campylobacter spp.).
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En cas de diarrhée à germes entérotoxigéniques : il n'y a pas de leucocytes (V. cholerae, Aeromonas spp., C. difficile).
Cependant, dans certaines diarrhées à bactéries invasives, la présence de leucocytes n'est pas toujours constante.
On note donc la présence de leucocytes, d'hématies, de cellules, la densité et la mobilité de la flore bactérienne (Campylobacter, Vibrio), la présence éventuelle de levures.
L'examen du frottis après coloration de Gram, bien que peu informatif, permet d'apprécier l'importance et l'équilibre de la flore entre les bactéries à Gram positif et à Gram négatif. Une flore équilibrée est composée majoritairement de bacilles à Gram négatif, mais avec toujours présence de bacilles à Gram positif. Toute perturbation notable de cet équilibre doit être signalée. La forme pathognomonique des Campylobacter spp. (Fig.15.1 ) permet de poser le diagnostic dès l'examen direct des selles.
Fig. 15.1.
Campylobacter spp. à la coloration de Gram.
Le mode opératoire est le suivant :
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selle solide : dilution de la selle au 1/10e dans de l'eau distillée ; bien agiter au vortex ; faire un étalement de la suspension sur lame et colorer ;
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selle liquide : déposer directement une goutte de selle sur lame et colorer.
Ensemencement
Milieux, inoculum, durée et température d'incubation
Des milieux sélectifs d'isolement et des milieux d'enrichissement sont utilisés en fonction du contexte clinique.
La recherche de salmonelles et shigelles doit être systématique et doit être effectuée sur un milieu sélectif de type Hektoen ou xylose lysine désoxycholate ou SS (Salmonella-Shigella). Ce dernier milieu, toutefois, ne permet pas l'isolement de S. dysenteriae de type 1. Il existe aussi des milieux chromogènes adaptés à la recherche de Salmonella spp. (SM ID2, OSCM II, etc.).
Ces milieux sont incubés à 35 °C ± 2 °C pendant 24 heures.
Pour la recherche de Salmonella, on ensemence un milieu d'enrichissement au sélénite (milieu de Leifson) ou au tétrathionate (milieu de Mueller-Kauffmann) avec 0,5 ml de selle. Le milieu d'enrichissement est repiqué après 14 à 16 heures d'incubation à 35 °C ± 2 °C afin d'éviter la multiplication des bactéries commensales mal inhibées au-delà de ce délai.
Il n'existe pas de milieu d'enrichissement pour les Shigella.
Le mode opératoire est le suivant :
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dilution de la selle au 1/10e dans de l'eau distillée ;
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■ensemencer systématiquement :
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–une goutte de la dilution en quadrant sur un milieu pour recherche de salmonelle, shigelle (Hektoen, SS, milieux chromogènes) ;
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–une goutte de la dilution en bouillon Mueller-Kauffman (pour l'enrichissement en salmonelle).
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■en fonction du contexte, ensemencer en plus :
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–un milieu de KarmaliMilieu(x)Karmali pour la recherche de Campylobacter pour les enfants de moins de 3 mois et/ou en cas de suspicion à l'examen direct (voir chapitre 31.1) ;
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–selles sanglantes :
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-un milieu MacConkey sorbitolMilieu(x)MacConkey sorbitol pour la recherche d'E. coli O157 et autres EHEC et conserver la selle pour recherche de Shiga-like toxines (voir chapitre 30.2) ;
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-un milieu sélectif pour Yersinia (voir chapitre 30.2) ;
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-un milieu sélectif pour rechercher les Clostridium difficile toxinogènes (voir chapitre 37.3) ;
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–en cas de suspicion de choléra : l'investigation d'un cas de choléra est un examen urgent et spécialisé. La recherche de V. cholerae se fait par ensemencement direct sur milieu gélosé spécifique (thiosulfate-citrate-bile-saccharose [TCBS], par exemple) et parallèlement par enrichissement en eau peptonée alcaline à 1 % de NaCl repiquée après 6 heures d'incubation sur milieu gélosé spécifique (TCBSMilieu(x)TCBS, par exemple ; voir chapitre 30.3).
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–les diarrhées aqueuses de retour de voyage sont le plus souvent liées aux ETEC. La recherche de ce pathotype n'est pas réalisée en pratique courante ;
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–en cas de TIAC, les bactéries les plus fréquemment en cause sont Salmonella spp., C. perfringens, S. aureus et B. cereus. Pour ces deux derniers pathogènes, le syndrome diarrhéique peut être lié à la production d'entérotoxine dans l'aliment en cause. Le diagnostic est du ressort de centres spécialisés certifiés pour l'analyse alimentaire. Plus rarement, une TIAC peut être causée par :
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-Vibrio parahaemolyticus (consommation de coquillages) qui peut être recherché par une étape d'enrichissement puis repiquage sur gélose sélective comme V. cholerae ;
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-Plesiomonas shigelloides (isolement sur une gélose de MacConkey, ou Hektoen) ;
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-C. perfringens (mise en évidence de C. perfringens ou de son entérotoxine dans les selles). C. perfringens peut être recherché également dans l'aliment en cause (préparation culinaire, surtout à base de viandes). Des milieux sélectifs tels que tryptose-sulfite-cyclosérine (TSC) peuvent être utilisés. La recherche de l'entérotoxine dans les selles peut être faite par des tests rapides (ELISA, agglutination particules de latex), en pratique rarement disponibles dans les laboratoires de biologie médicale ;
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-B. cereus : peut être recherché dans les aliments ou dans les selles où le seuil significatif est de 105 UFC/g. La toxine émétisante ou diarrhéique peut être recherchée à partir des colonies isolées.
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un milieu de SabouraudMilieu(x)Sabouraud : si présence de levures à l'examen direct.
La démarche diagnostique de la coproculture est résumée dans la figure15.2 .
Fig. 15.2.
Démarche diagnostique d'une coproculture.
Recherche de salmonelles
L'orientation s'effectue selon l'aspect de colonies :
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sur milieu Hektoen après 24 heures à 37 °C, les colonies suspectes sont H2S + et lactose – ;
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sur la gélose SS, la présence de colonies incolores ou faiblement colorées avec ou sans centre noir est une forte présomption de Salmonella ou de Shigella Shigella ;
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sur les milieux chromogènes, la détection spécifique de l'estérase des Salmonella donne une coloration des colonies variant du rose au mauve (Fig.15.3 ). Sur ces milieux, les selles peuvent présenter une activité C8-estérase, et on peut observer une coloration rose du milieu en début d'isolement. De plus, les Salmonella Dublin, Abortusovis et Gallinarum ne donnent pas de colonies roses mais des colonies blanches ou à coloration faible. Il faut donc toujours comparer avec le milieu Hektoen (présence de colonies sucres négatives, H2S +).
Fig. 15.3.
Aspect des colonies de Salmonella sur milieu chromogène.
On repère trois à cinq colonies suspectes : colonies rose à pourpre sur milieu chromogène et/ou colonies vertes à centre noir (lactose –, saccharose –, salicine –, H2S +, oxydase –) sur milieu Hektoen, et on les identifie en spectrométrie de masse.
Sur une colonie identifiée salmonelle, faire l'antibiogramme et la CMI de l'azithromycine et ensemencer un Kligler-Hajna pour effectuer l'identification sérologique par agglutination à l'aide des immunsérums.
En cas d'indisponibilité de la spectrométrie de masse, identifier 1 à 3 colonies suspectes sur milieu chromogène par API 20 E® + Kligler/Hajna, faire l'antibiogramme et déterminer la CMI à l'azithromycine.
L'identification définitive se fait par les caractères biochimiques et l'étude de la formule antigénique (voir le chapitre 30.2 consacré aux entérobactéries). Un test présomptif des salmonelles consiste en la lyse par les bactériophages spécifiques (phage Salmonella 01 de Felix et Callow, Biorad) pratiquée sur une gélose Mueller-Hinton en déposant une microgoutte d'une suspension phagique. À partir de la 5e heure d'incubation à 37 °C, on peut déjà voir une plage de lyse au niveau du dépôt de la goutte.
Toutes les souches de salmonelles doivent être notifiées au Centre national de référence (CNR) des salmonelles. Les cas pour lesquels les souches devront être envoyées au CNR sont précisés dans le chapitre 30.2.
Recherche de shigelles
Génétiquement, les Shigella sont des E. coli, immobiles, auxotrophes, adaptés à l'homme et porteurs d'un plasmide d'invasivité. L'isolement et l'identification des Shigella spp. sont donc délicats.
Repérer les colonies suspectes sur milieu Hektoen : colonies vertes (lactose –, saccharose –, salicine –, H2S –) oxydase –.
L'identification par spectrométrie de masse ne permet pas de distinction fiable entre Shigella et E. coli mais permet de ne retenir que les colonies dont l'identification sera poursuivie. Il faut donc procéder à une identification biochimique par galerie API 20 E®, ensemencer un milieu Kligler/Hajna et faire un antibiogramme et une CMI de l'azithromycine sur une colonie identifiée E. coli/Shigella.
Diagnostic différentiel du genre Shigella (Tableau15.2)
Tableau 15.2.
Caractères différentiels entre Shigella et certaines souches d'E. coli.
Caractères | Shigella |
E. coli |
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---|---|---|---|
E. coli typique | Alkalescens-dispar | ||
ONPG Gaz en glucose Mobilité LDC Acétate de Trabulsi Citrate Christensen Indole |
d – – – – – d |
+ + + d + + + |
+ – – d d d + |
– le plus souvent négatif ; + : le plus souvent positif ; d : variable d'une espèce à l'autre.
Shigella est à la fois immobile, non gazogène (sauf variété de S. flexneri G), H2S, uréase, LDC, ONPG, citrate Simons, citrate de Christensen et acétate de Trabulsi négatifs.
Diagnostic d'espèce des Shigella (caractères discriminants)
Ce diagnostic est décrit au Tableau15.3 .
Tableau 15.3.
Caractères différentiels des différentes espèces de Shigella.
Caractères | S. dysenteriae | S. flexneri | S. boydii | S. sonnei |
---|---|---|---|---|
ONPG Mannitol Indole ODC |
d – – – |
– + d – |
– + d – |
+ + – + |
– le plus souvent négatif ; + : le plus souvent positif ; d : variable d'une espèce à l'autre.
Identification antigénique des Shigella
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Utiliser une culture en milieu solide non inhibiteur. Faire les agglutinations de préférence à partir des colonies réensemencées sur milieu de Kligler-Hajna.
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Effectuer les agglutinations à l'aide d'immunsérums spécifiques.
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■
Les sérotypes les plus répandus en France sont S. sonnei et S. flexneri.
Envoi de la souche au CNR E. coli-Shigella
Toutes les souches de shigelles sauf S. sonnei (dans ce cas, n'envoyer que la fiche de renseignement complétée pour information) seront envoyées.
La démarche diagnostique de la recherche des salmonelles et shigelles en cas d'indisponibilité de la spectrométrie de masse est résumée dans la figure15.4 .
Fig. 15.4.
Démarche diagnostique pour la mise en évidence des salmonelles et des shigelles.
Recherche de Campylobacter spp
Les Campylobacter spp. représentent désormais la deuxième cause de gastro-entérite bactérienne en France. Elle doit être systématiquement réalisée chez les enfants et pour les adultes sur demande spéciale ou en présence de selles liquides. La culture se fait sur un milieu spécifique (milieu Karmali, de Skirrow ou de Butzler) en 24 à 48 heures à 37 °C en atmosphère micro-aérophile.
Examen direct
L'observation microscopique directe de selles diarrhéiques au microscope à contraste de phase peut permettre un diagnostic avec présence de bactéries présentant une mobilité caractéristique en « vol de mouette ».
L'examen après coloration de Gram met en évidence des petits bacilles à Gram négatif incurvés.
Aspect des colonies
Après 48 heures d'incubation, les colonies suspectes sont repérées. Selon l'humidité du milieu, on retrouve de petites colonies grisâtres convexes à bords réguliers ou des colonies plates muqueuses de forme irrégulière.
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C. fetus : colonies petites, rondes, transparentes.
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C. jejuni : colonies grises, humides, plates et qui ont tendance à s'étaler après 48 heures d'incubation à 37 °C.
Identification
L'identification de l'espèce peut être réalisée par spectrométrie de masse. Dans le cas contraire (tableau 15.4), les caractères suivants sont recherchés :
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oxydase + ;
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très mobiles en « vol de mouette » ;
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petits bacilles à Gram négatif incurvés avec des formes en S ;
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■test à l'hippurate : à partir d'une culture riche sur gélose chocolat Isovitalex® ; suspension laiteuse dans 0,25 ml de NaCl + un disque d'hippurate :
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–incuber 4 heures à 37 °C ;
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–lecture : ajouter 5 gouttes de ninhydrine ;
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–réincuber 10 à 15 minutes (maximum) à 37 °C ;
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–test + : bleu foncé ;
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–test – : incolore, jaune léger, bleu très clair ;
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–envoi de la souche au CNR Campylobacter–Helicobacter.
-
–
Tableau 15.4.
Diagnostic différentiel entre les espèces de Campylobacter.
Catalase | Oxydase | 25 °C | 42 °C | Hippurate | Céfalotine | Acide nalidixique |
H2S (Kligler) |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
C. fetus | + | + | + | – | – | S | R | – |
C.jejuni | + | + | – | + | + | R | S | – |
C.coli | + | + | – | + | – | R | S | + |
Recherche de Yersinia spp
Sur le milieu spécifique pour Yersinia figure15.5, il faut repérer les colonies suspectes :
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en 18 à 24 heures, les colonies de Yersinia sont petites (1 mm), à centre rouge entouré d'une zone translucide à contours irréguliers (dit en « œil de bœuf ») ;
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en 48 heures : les colonies de Yersinia ont un diamètre de 2 à 3 mm et sont entourées d'une zone de précipités de sels biliaires.
Fig. 15.5.
Aspect des Yersinia sur milieu spécifique.
L'identification de l'espèce peut être réalisée par spectrométrie de masse. Dans le cas contraire, les caractères suivants sont recherchés après avoir repiqué les colonies suspectes sur gélose trypticase-soja, incubation à 28 °C (± 2 °C) 18 à 24 heures. En effet, la recherche d'uréase à partir du milieu spécifique Yersinia peut donner de faux négatifs.
Le lendemain, faire une recherche d'uréase à partir des colonies de la gélose trypticase-soja. La recherche est positive dans les 4 heures (peut être parfois plus rapide : 10 minutes).
Si l'uréase est positive : faire une galerie API 20 E® (permet une identification fiable du genre et non de l'espèce), un antibiogramme d'entérobactérie et un Kligler-Hajna. Incuber de 18 à 24 heures à 28 °C (± 2 °C).
Recherche de Clostridium difficile
Clostridium difficile, bacille à Gram positif anaérobie strict, est à l'origine de colites pseudomembraneuses ou de diarrhées postantibiotiques. Cet agent est majoritairement impliqué dans les diarrhées nosocomiales, en particulier chez l'adulte. Le portage digestif asymptomatique de C. difficile est estimé à 3 % dans la population adulte, mais il peut atteindre 15 à 25 % des sujets après un traitement antibiotique ou un séjour dans une unité à forte endémicité. En revanche, un taux de portage élevé est habituellement observé chez les jeunes enfants : 50 à 70 % des enfants de moins de 2 ans sont colonisés.
Les deux facteurs principaux de virulence sont la toxine A et la toxine B. Ce sont des exoprotéines de grande taille.
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La toxine A est nommée entérotoxine, car fortement entérotoxique dans le modèle de l'anse ligaturée de lapin ; elle possède également une activité cytotoxique.
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La toxine B ou cytotoxine est mille fois plus puissante que la A.
Ces toxines inactivent des protéines régulatrices du cytosquelette d'actine (monoglycosylation des protéines Rho).
Les souches non toxinogènes sont considérées comme non virulentes.
Le diagnostic bactériologique repose sur la recherche des toxines. On retiendra qu'il s'agit d'un examen demandé spécifiquement dans un contexte clinique particulier. Le diagnostic bactériologique, mise en évidence de toxines et culture, est détaillé dans le chapitre 37.3.
La grande majorité des souches produisent simultanément les toxines A et B. Leur mise en évidence directement à partir des selles est un excellent marqueur de la présence d'une souche toxinogène de C. difficile.
Recherche des différents pathovars d'Escherichia coli
Les différents pathovars responsables de diarrhées ainsi que leurs sérotypes, les gènes de virulence qui leur sont associés et leur principe d'identification sont résumés dans le tableau.15.5 .
Tableau 15.5.
Caractéristiques des principaux pathovars d'Escherichia coli impliqués dans les diarrhées.
Nom | Acronymes français (anglais) | Pathologie | Sérogroupes O associés | Facteurs de virulence | Support génétique | Principes d'identification |
---|---|---|---|---|---|---|
E. coli entéropathogène | ECEP (EPEC) | Épidémies de diarrhées infantiles aqueuses fébriles | 26, 55, 86, 111, 114, 119, 124, 125, 126, 127, 128, 142 | Intimine (attachement–effacement) | Locus LEE (gènes eae, tir) | Sérotypage (kit commercialisé) |
Fimbriae BFP (adhésion) | Plasmide pEAF (gène bfp) | PCR des gènes eae ou bfp | ||||
E. coli entérohémorragique | ECEH (EHEC, STEC) | Colites hémorragiques sporadiques ou épidémiques, SHU, PTT | 157, 26, 111 | Intimine (attachement–effacement) | Locus LEE (gènes eae, tir) | Sérotypage (kit commercialisé) |
Shigatoxines STX1 et STX2 | Phages (gènes stx1, stx2) |
PCR des gènes stx1 et stx2 | ||||
Entérohémolysine | Plasmide pO157 (gène ehxa) |
|||||
E. coli entérotoxinogène | ECET (ETEC) | Diarrhées infantiles aqueuses (tiers-monde), « tourista » | 6, 8, 15, 20, 25, 27, 63, 78, 80, 85, 115, 128, 139, 148, 153, 159, 167 | CFA (adhésion), entérotoxines ST (thermostable) et LT (thermolabile) | Plasmidique (gènes cfa, est, elt) | PCR des gènes est et elt |
E. coli entéro-invasif | ECEI (EIEC) | Syndrome dysentérique | 28, 29, 124, 136, 143, 144, 152, 164, 167 | Invasines Ipa, inter cell spread, entérotoxine ShET2 | Plasmide pINV (locus ial : gènes ipa, icsA) | Kératite du cobaye (test de Sereny), PCR de détection du plasmide pINV |
E. coli entéro-aggrégatif | ECEAg (EAggEC) | Diarrhées infantiles persistantes (tiers-monde) | 3, 4, 7, 9, 15, 21, 51, 55, 59, 77, 86, 91, 92, 106, 111, 126, 127 | Fimbriae AAF (adhésion), entérotoxines EAST, Pet | Plasmide pAA (gène aaf) | |
E. coli à adhésion diffuse | ECAD (DAEC) | Rôle pathogène discuté | 4, 15, 28, 44, 50, 55, 69, 75, 86, 125, 126, 127, 128 | Adhésines Afa, AIDA |
PTT : purpura thrombopénique thrombocytopénique ; SHU : syndrôme hémolytique et urémique.
Mise en évidence des Escherichia coli entéropathogènes (EPEC)
Il était classique de rechercher, en plus des bactéries responsables de diarrhées, les EPEC, dans les selles liquides de nourrissons présentant un tableau de fièvre avec déshydratation. Le rôle de ces bactéries est actuellement discuté. Dans cette tranche d'âge, les causes principales restent d'origine virale : Rotavirus, Adenovirus. Cette recherche n'est actuellement plus recommandée.
Mise en évidence des Escherichia coli entérohémorragiques (EHEC)
Les EHEC (Fig.15.6 ), encore appelés E. coli producteurs de shigatoxinesEscherichiacoliproducteur de shigatoxines (STEC) (shiga-toxin producing E. coli [STEC]) ou E. coli producteurs de vérotoxines (verotoxin producing E. coli [VTEC]), sont des agents pathogènes associés à des manifestations digestives allant de la diarrhée aqueuse bénigne à la colite hémorragique, pouvant évoluer vers un syndrome hémolytique et urémiqueHémolytique et urémique, syndrome (SHU) (SHU), en particulier chez l'enfant. Le SHU lié à EHEC est létal dans 3 à 5 % des cas et est la première cause d'insuffisance rénale aiguë chez les jeunes enfants dont un tiers conserveront des séquelles rénales. La virulence des EHEC est étroitement liée à la production d'une toxine appelée shigatoxine (Stx). Bien qu'associée le plus souvent à de nombreux autres facteurs de virulence, notamment ceux caractéristiques des E. coli entéropathogènes (EPEC) dont le gène eae du locus LEE (locus of enterocytes effacement), seule la mise en évidence de la toxine ou de ces gènes permet d'affirmer que l'on est en présence d'un EHEC. Cinq sérotypes majeurs sont rencontrés en Europe, O157:H7, O26:H11, O103:H2, O111:H8 et O145:H28, mais de nombreux autres sérotypes sont impliqués. En 2011, un EHEC de sérotype particulier, O104:H4, a été responsable d'une épidémie majeure internationale. Cette souche présentait un génotype de virulence hybride combinant le pathotype EHEC et le pathotype d'E. coli entéroaggrégatif.
Fig. 15.6.
Aspect des colonies d'E. coli O157:H7 et des producteurs de shigatoxine (STEC) sur milieux chromogènes.
Deux types de toxines Stx, Stx1 et Stx2, peuvent être produites, codées respectivement par les gènes stx1 et stx2. Trois variants Stx1 et au moins 6 variants Stx2 ont été identifiés. Le type de variant reflèterait à la fois l'origine des souches (bovins, ovins, porcins), et leur pouvoir pathogène, notamment leur implication dans la survenue et la gravité d'un SHU.
Les principaux modes de transmission des EHEC à l'homme sont la consommation d'aliments et d'eaux contaminés, la transmission interhumaine et le contact avec des animaux porteurs, en particulier les bovins qui représentent le réservoir principal de EHEC. Les infections à EHEC peuvent donc survenir sur le mode sporadique ou épidémique.
L'histoire naturelle de l'infection à EHEC est caractérisée par une période d'incubation d'en moyenne 3 à 4 jours, puis l'apparition d'une diarrhée initialement aqueuse qui devient rapidement sanglante dans 90 % des cas. Dans 5 % des cas sporadiques et 20 % des cas lors d'épidémies, la diarrhée se complique d'un SHU qui apparaît le plus souvent une semaine après le début des symptômes. Le SHU est défini par l'association d'une anémie hémolytique avec présence d'hématies fragmentées (schizocytes), d'une thrombopénie et d'une insuffisance rénale aiguë. Il correspond à des lésions de microangiopathie thrombotique touchant principalement les reins, mais également d'autres organes. Le SHU fait l'objet d'une surveillance à travers un réseau national coordonné par l'Institut national de veille sanitaire (InVS).
Le diagnostic d'infection à EHEC dans un contexte évocateur est indispensable car celle-ci implique une prise en charge spécifique à plusieurs titres. Les infections à EHEC ont la particularité d'être potentiellement aggravées par la prise d'antibiotiques. En effet, certaines classes d'antibiotiques comme les bêta-lactamines ou les fluoroquinolones favoriseraient l'évolution d'une diarrhée à EHEC vers un SHU. Certains SHU dits atypiques ne sont pas liés à la présence de shigatoxines mais à des anomalies de l'activation du complément. Ces deux formes de SHU ont une prise en charge différente.
Enfin, en raison de l'origine le plus souvent alimentaire des infections à EHEC, de leur évolution parfois fatale et de leur risque potentiellement épidémique, la détection d'EHEC, en particulier lorsqu'ils sont responsables de SHU, peut conduire à la mise en œuvre d'une enquête diligentée par l'InVS afin d'identifier la source de contamination.
Pour poser le diagnostic formel d'infection à EHEC et établir une prise en charge adaptée, il faut mettre en évidence la shigatoxine dans les selles par la détection soit de la toxine elle-même, soit des gènes codant cette toxine. L'objectif secondaire est d'isoler la souche d'EHEC permettant sa caractérisation et donc l'investigation d'un éventuel phénomène épidémique.
Prélèvements
La recherche d'EHEC doit être faite sur un prélèvement de selles réalisé le plus tôt possible au cours de l'évolution de la maladie, notamment dans un contexte de SHU, les EHEC étant éliminés le plus souvent en 4 à 6 jours. Paradoxalement, certains SHU liés à une infection à EHEC se caractérisent par un arrêt du transit intestinal après une phase diarrhéique. Il est préconisé dans ce cas de réaliser un prélèvement par écouvillonnage rectal. Le prélèvement, pratiqué avant toute prise d'antibiotique, doit être transporté rapidement au laboratoire, ou conservé à 4 °C ± 2 °C au maximum 24 heures ou à 4 °C ± 2 °C en milieu de conservation type Cary Blair qui peut servir de milieu de transport si l'analyse n'est pas réalisée sur place.
Méthodes
Mise en évidence de la toxine ou de ses gènes
Effet cytopathogène
La technique de référence historique pour la recherche de toxines Stx libres dans les selles ou à partir de souches isolées est la cytotoxicité sur cellules Vero ou HeLa, qui doit être neutralisée par un antisérum anti-Stx pour affirmer que la cytotoxicité observée est bien liée à la présence d'une activité toxique de type Stx. Ce test est spécifique, mais il est difficile à mettre en œuvre et n'est effectué qu'en laboratoire spécialisé.
Méthodes moléculaires
L'amplification génique par PCR des gènes stx représente la méthode de choix. Elle constitue la méthode la plus sensible pour détecter les EHEC à partir des selles. Elle pourra être réalisée après extraction de l'ADN à partir des selles en utilisant une méthode d'extraction adaptée. Toutefois, compte tenu de la présence en très faible quantité des EHEC dans les selles, il est recommandé de réaliser la PCR sur un bouillon d'enrichissement des selles (eau peptonée ou trypticase soja) de 4 à 6 heures pour une réponse rapide ou durant 18 à 24 heures à 37 °C ± 2 °C.
La PCR en temps réel, qui est plus spécifique et plus rapide que la PCR conventionnelle, doit être favorisée. Plusieurs kits de PCR temps réel sont commercialisés. Il est possible de mettre en place une PCR « maison » en utilisant les amorces et les sondes préconisées par l'European Food Safety Authority (EFSA). Quelle que soit la méthode utilisée, celle-ci doit permettre de détecter à la fois les gènes de la toxine Stx1 et Stx2 ainsi que les principaux variants de ces toxines rencontrés en pathologie médicale (stx1a, stx1b, stx1c et stx2a, stx2b, stx2c, stx2d).
La recherche par PCR d'autres facteurs de virulence associés aux EHEC n'est pas indispensable. Toutefois, de rares cas de SHU ont été décrits associés à des souches eae +, stx –, suite à la perte du locus codant la shigatoxine qui peut être très instable chez certaines souches, en particulier les EHEC O26.
En cas de positivité de la PCR du gène stx, l'isolement de la bactérie est indispensable dans un but épidémiologique et pour mener des investigations lors de la survenue de cas groupés. Cependant, l'isolement de la souche est parfois très difficile et cette recherche peut être réalisée par le CNR.
Tests immunologiques
De nombreux tests immunologiques permettant la détection des EHEC directement dans les selles ou après une phase d'enrichissement en bouillon sont commercialisés : tests EIA (enzyme immunoassay), OIA (optical immunoassay), immunochromatographie, etc. Ces tests détectent l'antigène O157 et/ou les toxines Stx et sont le plus souvent faciles à mettre en œuvre. Ils présentent le plus souvent une bonne spécificité et constituent, lorsqu'ils sont positifs, une alerte pour le clinicien. Ils doivent cependant être confirmés par une méthode moléculaire. Surtout, leur sensibilité est encore insuffisante et un test immunologique négatif ne permet en aucun cas d'éliminer une infection à EHEC.
Isolement et caractérisation des souches
Les EHEC étant présents en quantité parfois très faible dans les selles, il est indispensable de réaliser un enrichissement des selles en bouillon. Après cette phase d'enrichissement, la selle est mise en culture sur des milieux spécifiques à 37 °C ± 2 °C et les colonies observées entre 18 à 24 heures. La démarche diagnostique est représentée à la figure15.7 .
Fig. 15.7.
Démarche diagnostique de la recherche d'EHEC.
EHEC : Escherichia coli entérohémorragique ; SHU : syndrome hémolytique et urémique.
EHEC de sérotype O157:H7
Historiquement, les souches d'EHEC O157:H7 ne fermentent pas le sorbitol et ne produisent pas de β-glucuronidase, ce qui permet l'utilisation de milieux dédiés comme le milieu de Mac Conkey Sorbitol (SMAC) ou le milieu de Mac Conkey Sorbitol-CT (céfixime-tellurite), sur lesquels les colonies suspectes apparaissent transparentes. Cependant, des souches d'EHEC O157:H7 fermentant le sorbitol ont été décrites, notamment en France. Des milieux chromogènes pour la détection des souches STEC ont également été développés ainsi que des techniques de séparation immunomagnétique. Dans tous les cas, les colonies suspectes doivent être agglutinées par un sérum anti-O157 (et éventuellement H7), et il faut confirmer qu'elles appartiennent bien à l'espèce E. coli. Toutes les souches O157:H7 ne produisant pas la shigatoxine, il est indispensable de mettre en évidence cette propriété avant de conclure à la présence d'un EHEC O157:H7.
EHEC non O157
Les EHEC non O157 qui représentent actuellement deux tiers des EHEC en France n'ont aucune propriété biochimique commune permettant leur détection sur un milieu particulier. On utilise les milieux traditionnels pour les bactéries entéropathogènes (Drigalski, Hektoen), ainsi que des milieux chromogènes pour entérobactéries. Des milieux chromogènes permettant la mise en évidence de certains sérogroupes non O157 d'EHEC peuvent être d'un appoint utile. Enfin, une gélose au sang de mouton permettant la mise en évidence de l'entérohémolysine, présente chez environ 85 % de EHEC, n'est utilisée que par les laboratoires spécialisés.
La recherche des EHEC non O157 nécessite donc d'avoir recours à des méthodes moléculaires pour rechercher les gènes de virulence sur chaque colonie.
Les anticorps de sérogroupage O des souches peuvent être utiles. L'agglutination des colonies à l'aide d'antisérums spécifiques dirigés contre les antigènes O les plus fréquents des EHEC permet de repérer des colonies suspectes. Une PCR de confirmation sera obligatoirement réalisée.
Étude de la sensibilité aux antibiotiques
L'étude de la sensibilité aux antibiotiques ne doit pas être réalisée en routine. En effet, actuellement, l'utilisation d'antibiotiques n'est pas recommandée dans les diarrhées à EHEC, car elle constitue un facteur de risque de déclenchement d'un SHU par libération de toxines Stx. Seule l'azithromycine pourrait avoir un intérêt et sa place dans l'arsenal thérapeutique vis-à-vis des infections à EHEC est en cours d'évaluation.
Sérodiagnostic
La majorité des malades développent des anticorps anti-LPS, dont la détection est réalisée sur un sérum précoce, et le cas échéant un sérum tardif afin d'observer une augmentation du titre des anticorps attestant de l'infection.
La détection des anticorps anti-LPS de 8 sérogroupes (O157, O26, O91, O103, O111, O128, O145, O104) est réalisée au CNR Escherichia coli, Shigella et Salmonella. Les trois classes d'anticorps (IgG, IgM et IgA) sont détectables précocement, à un titre souvent très élevé, et permettent d'attester de l'infection même plusieurs semaines après le début des prodromes digestifs.
La recherche de ces anticorps constitue une aide au diagnostic et est utile pour mener des études épidémiologiques lorsque la mise en évidence directe des gènes codant les toxines Stx des EHEC dans les selles est négative, ou n'a pas pu être réalisée.
Conclusion
Le portage sain d'EHEC est exceptionnel et sa présence est donc quasi systématiquement associée à une manifestation clinique en rapport avec sa pathogénicité. Lors d'une demande de coproculture, devant des signes évocateurs d'infections à EHEC, diarrhées sanglantes ou SHU, le biologiste devra systématiquement proposer la recherche de ce pathogène.
Au cours d'un SHU, la recherche négative d'EHEC, en particulier par PCR, doit être interprétée en fonction de l'histoire clinique du patient, en tenant compte en particulier de la prise éventuelle d'antibiotiques et de la durée de l'évolution de la symptomatologie. Ces renseignements devraient systématiquement apparaître sur une demande de recherche d'EHEC. Rappelons que, dans la majorité des cas, EHEC n'est plus détecté au-delà d'une semaine d'évolution d'un SHU.
Dans de rares cas, le portage d'EHEC peut se prolonger plusieurs semaines après la disparition de toute symptomatologie. Ces patients pourraient bénéficier d'une décontamination et l'utilisation d'azithromycine chez ce type de patient pourrait être envisagée.
La mise en évidence d'E. coli O157 ou de tout autre sérogroupe caractéristique d'EHEC dans une selle ne permet en aucun cas de lui attribuer la responsabilité d'une symptomatologie de type EHEC. Seule la mise en évidence de la shigatoxine à partir de ces colonies permettra de conclure.
Les colonies suspectes ou confirmées ou les selles en l'absence d'isolement de colonies d'EHEC devront être adressées au CNR ou au CNR associé pour que la caractérisation ou la recherche de ces souches soient réalisées dans un but épidémiologique et potentiellement d'investigation sanitaire.
Mise en évidence des autres pathovars d'Escherichia coli
La détection des autres pathovars responsables de diarrhées reste du domaine des laboratoires spécialisés. Initialement fondée sur le pouvoir pathogène chez l'animal ou l'effet cytopathogène en culture cellulaire, l'identification de ces souches est actuellement réalisée par des techniques de biologie moléculaire (Tableau15.6 ).
Tableau 15.6.
Séquence des amorces nucléotidiques utilisées pour la recherche de toxines produites par les principaux pathovars d'Escherichia coli.
Nom | Acronymes français (anglais) | Cibles | Séquences des amorces | Taille du produit | Référence |
---|---|---|---|---|---|
E. coli entérotoxinogène |
ECET (ETEC) | ST (est) | TCT GTA TTG TCT TTT TCA CC | 186 | Frankel 1989 |
TTA ATA GCA CCC GGT ACA AGC | |||||
LT (elt) | GGC GAC AGA TTA TAC CGT GC | 750 | |||
CCG AAT TCT GTT ATA TAT GTC | |||||
E. coli entéro-invasif | ECEI (EIEC) | Locus ial | TGG AAA AAC TCA GTG CCT CT | 422 | Lüscher 1994 |
CCA GTC CGT AAA TTC ATT CT | |||||
E. coli entéro-aggrégatif | ECEAg (EAggEC) | Plasmide pAA |
CTG GCG AAA GAC TGT ATC AT | 630 | Schmidt 1995 |
CAA TGT ATA GAA ATC CGC TGT T | |||||
E. coli entéropathogène | ECEP (EPEC) | eae | TTA ACG GCT ATT TCC GCA TGA G | 249 | CNR |
(et E. coli entérohémorragique) | TCG TCA CCA GAG GAA TCG GAG T | ||||
E. coli entérohémorragique | ECEH (EHEC, STEC) | stx1 | GGA AGA GTC CGT GGG ATT AC | 135 | CNR |
GAA AGC GAT GCA GCT ATT AAT AAT G | |||||
stx2 | CAA CGG TTT CCA TGA CAA CG | 184 | |||
GTG ACA GTG ACA AAA CGCA G |
Recherche de germes multirésistants aux antibiotiques
Chez les malades hospitalisés dans des services à risques (réanimation, oncohématologie, etc.), la détection de la colonisation par des bactéries multirésistantes aux antibiotiques est effectuée dans les selles des patients à l'aide de milieux chromogènes contenant des antibiotiques pour les entérocoques résistants à la vancomycine et les entérobactéries productrices de BLSE ou de carbapénémases.
Analyse semi-quantitative des selles
En milieu spécialisé (réanimation, grands prématurés et patients immunodéprimés), il est possible de réaliser une analyse semi-quantitative de la flore fécale afin de prévenir le risque éventuel de septicémie par translocation endogène.
Nouvelles méthodes de diagnostic moléculaire
De nouvelles techniques qualitatives d'amplification génique en temps réel (PCR simplex, duplex ou multiplex) ont été développées par plusieurs laboratoires. Elles permettent la détection de plusieurs pathogènes intestinaux en fonction de l'étiologie bactérienne, virale ou parasitaire : Campylobacter spp., Salmonella spp., Shigella spp., EHEC, C. difficile toxinogène, Norovirus, Rotavirus, Giardia intestinalis, Entamoeba histolytica, Dientamoeba fragilis, et Cryptosporidium spp.
Dans le cas des infections entériques bactériennes, ces techniques permettent d'une part de réduire la durée de la phase technique (une demi-journée) et ainsi le délai de rendu de résultat (à J0), et d'autre part d'augmenter la sensibilité diagnostique. Cependant, la culture des selles doit être systématiquement réalisée pour obtenir les souches des bactéries préalablement détectées par un test positif, obtenir les antibiogrammes correspondants et éventuellement les transférer aux CNR adéquats pour des analyses complémentaires.
Conclusion
Chez un patient diarrhéique, la mise en évidence d'une bactérie réputée pathogène (Salmonella spp., Shigella spp., Campylobacter spp., Yersinia spp.) dans une coproculture doit être considérée a priori comme pathologique et conduit à la réalisation d'un antibiogramme. Toutefois, il existe des porteurs sains de Salmonella spp. et toutes les salmonelloses ne doivent pas conduire à la prescription d'antibiotiques. Par ailleurs, Y. enterocolitica n'est pas toujours pathogène (le biotype 1A est considéré comme non pathogène) et l'antibiothérapie des yersinioses doit être restreinte aux patients symptomatiques ou à risque de septicémies.
Dans le cadre de la recherche d'un agent spécifique, l'antibiogramme peut s'avérer indispensable pour le traitement comme pour la détection de souches épidémiques (exemple de C. difficile et du clone épidémiques O27 présentant une résistance associée à l'érythromycine et aux fluoroquinolones). En revanche, la réalisation d'un antibiogramme complet sur une souche d'EHEC est inutile, la prescription de la plupart des antibiotiques étant déconseillée dans ce cadre.
Pour en savoir plus
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