VASCULARITES DE L'ENFANT
Le terme de vascularite regroupe des affections polymorphes caractérisées par une atteinte inflammatoire des vaisseaux sanguins artériels, capillaires et veineux, conduisant à une altération de la paroi vasculaire concernant l'endothélium, la média et l'adventice avec des lésions d'ischémie et de nécrose. Chez l'enfant, une nouvelle classification reposant sur le calibre des vaisseaux atteints a été proposée récemment (encadré 37-1 ) [1]. Les signes d'appels les plus fréquents sont peu spécifiques : fièvre, altération de l'état général, purpura, érythème noueux et signes articulaires. Deux syndromes prédominent nettement chez l'enfant : la maladie de Kawasaki et le purpura rhumatoïde. Les autres vascularites sont plus rares mais sont à l'origine d'une morbimortalité significative.
Encadré 37-1. Classification de la vascularite, d'après [1].
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Vascularites prédominant sur les gros vaisseaux.
Artérite de Takayasu
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Vascularites prédominant sur les vaisseaux de moyen calibre)
Périartérite noueuse
Maladie de Kawasaki
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Vascularites prédominant sur les petits vaisseaux
Granulomateuse
Granulomatose de Wegener
Granulomatose de Churg et strauss
Non granulomateuse
Polyangéite microscopique
Purpura rhumatoïde
Vascularité cutanée leucocytoclasique
Autres vascularités
Maladie de Behçet
Vascularites secondaires à une infection, une tumeur ou un traitement
Vascularite d'hypersensibilité
Vascularite associée à une connectivite
Syndrome de Cogan
Maladie de Kawasaki
La maladie de Kawasaki est une vascularite aiguë du nourrisson et du jeune enfant intéressant principalement les artères de moyens et gros calibres. Elle a été décrite pour la première fois au Japon en 1967 par Kawasaki comme un syndrome adénocutanéomuqueux aigu fébrile dont la gravité est liée aux complications cardiovasculaires principalement coronariennes [2]. En effet la maladie de Kawasaki est actuellement dans les pays développés la cause la plus fréquente d'atteinte cardiaque acquise chez l'enfant.
ÉPIDÉMIOLOGIE – PHYSIOPATHOLOGIE.
La maladie de Kawasaki reste plus fréquente en Asie et notamment au Japon où l'incidence est estimée à 134 pour 100 000 enfants de moins de 5 ans. L'incidence est estimée entre 3,5 et 8 pour 100 000 en France et au Royaume-Uni, supérieure à 10 pour 100 000 aux États-Unis. La majorité des patients est âgée de moins de 5 ans avec un pic d'incidence vers l'âge de 10 mois. L'incidence est plus rare avant 3 mois et très rare chez l'adolescent et l'adulte. Il existe une légère prédominance masculine (sex ratio : 1,37) et une augmentation d'incidence en hiver et au début de printemps parfois sous forme de petites épidémies.
L'étiologie et la physiopathologie précise restent méconnues. De nombreux agents infectieux ont été mis en cause : streptocoque et staphylocoque doré dont les toxines pourraient se comporter comme des super-antigènes, virus de type adénovirus, Epstein-Barr, parvovirus, coronavirus. Des superantigènes pourraient interagir avec la région variable de la chaîne β des cellules T et entraîner une activation T lymphocytaire et une cascade inflammatoire multisystémique. D'autres hypothèses sont évoquées : une réponse immunologique oligoclonale à immunoglobuline A à un antigène conventionnel ; l'intervention de facteurs toxiques environnementaux : métaux lourds, substances chimiques qui pourraient expliquer l'augmentation d'incidence constatée actuellement.
DIAGNOSTIC
La maladie de Kawasaki est une affection aiguë dont la phase initiale est caractérisée par une fièvre élevée souvent mal tolérée, durant au moins 5 jours, résistante aux antibiotiques et antipyrétiques, et associée à d'autres signes cliniques qui permettent le diagnostic [3]. Au moins 4 des 5 critères suivants sont nécessaires en l'absence d'autres étiologies spécifiques (viroses, choc toxi-infectieux staphylococcique ou streptococcique, syndrome de Stevens Johnson, scarlatine) :
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une conjonctivite bulbaire bilatérale non purulente présente dans 90 % des cas ;
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des modifications des muqueuses du tractus respiratoire supérieur avec une chéilite, un érythème de toute la cavité buccale y compris la langue qui prend un aspect framboisé ;
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un exanthème, sous forme de rash polymorphe, maculopapuleux, souvent périnéal, au niveau du tronc et de la racine des membres (90 % des cas) ;
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des modifications des extrémités : œdème et érythème périphérique, desquamation des doigts et des mains lors de la 3e semaine (90 % des cas) ;
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des adénopathies cervicales non suppuratives de plus de 1,5 cm (50 à 75 % des cas).
L'enfant est habituellement asthénique et grognon. La cicatrice de vaccination par le BCG devient précocement érythémateuse et indurée. D'autres signes peuvent s'associer : articulaires : arthralgies, arthrites ; neurologiques : méningite aseptique, troubles du comportement ou de la conscience ; digestifs : vomissements, douleurs abdominales, cytolyse hépatique, hydrocholécyste, pancréatite, pneumopathie.
Le bilan biologique montre un syndrome inflammatoire souvent important avec une polynucléose neutrophile, une CRP élevée, une anémie inflammatoire avec souvent des perturbations du bilan hépatique, une élévation du BNP liée à l'atteinte myocardique même infraclinique. Une thrombocytose parfois importante apparaît habituellement plus tardivement. Une leucocyturie aseptique peut être notée.
ATTEINTE CARDIOVASCULAIRE
L'atteinte cardiovasculaire concerne plus d'un enfant sur deux. À la phase initiale, une myocardite souvent infraclinique, dépistée en raison d'anomalies électriques, de modifications parfois discrètes à l'échocardiographie Doppler ou d'une majoration du BNP touche près de 40 % des enfants. Une atteinte péricardique rarement sévère peut être notée. Les anévrismes des artères coronaires apparaissent chez 15-25 % des enfants non traités. Ils sont plus fréquents chez les garçons, les nourrissons de moins d'un an et de plus de 8 ans et leur risque augmente avec la durée de la fièvre. Les lésions histopathologiques sont dans la première semaine une périvascularite avec une inflammation de l'adventice et une endartérite aiguë suivie d'une panvasculite segmentaire avec infiltration et prolifération intimale, nécrose de la média, rupture de la lame élastique interne, à l'origine de dilatations et d'anévrismes coronaires. L'épaississement de l'intima peut être associé à un thrombus coronaire. La sténose résulte d'une prolifération intimale et de néoangiogenèse. Les dilatations ou anévrismes coronaires de taille modérée (5-8 mm) régressent dans 50 % des cas dans les 2 ans. Une sténose apparaît dans 20 %. Les anévrismes géants de plus de 8 mm ne régressent pas et la moitié développe une sténose. Depuis l'utilisation des veinoglobulines, l'on note une très nette diminution de l'incidence des anévrismes géants, moins de 1 % d'infarctus et une mortalité très faible (0,3 %).
L'échocardiographie a une très bonne sensibilité et spécificité pour détecter les dilatations et anévrismes coronaires sur les troncs coronaires proximaux. La surveillance échocardiographique débute lors du diagnostic puis de façon hebdomadaire pendant 6 semaines. Initialement, l'on note fréquemment des coronaires « trop bien vues », discrètement dilatées avec des parois hyperéchogènes. La dilatation maximale avec un risque de formation d'anévrismes se produit après la seconde semaine de fièvre. Néanmoins, ces anomalies sont le plus souvent transitoires et régressent en quelques semaines. L'échocardiographie recherchera une altération de la fonction ventriculaire gauche, des fuites des valves notamment une fréquente insuffisance mitrale habituellement modeste, une péricardite. La sévérité de l'affection est corrélée à la taille des anévrismes, confirmés par l'angioscanner multicoupes qui peut dépister des anomalies plus distales, non détectées par l'échographie cardiaque.
La vascularite de la maladie de Kawasaki peut concerner plus rarement d'autres artères de gros et moyens calibre : tronc brachiocéphalique, artères brachiales, axillaire, iliaque, tronc cœliaque, artères rénales et système nerveux central.
TRAITEMENT
Le traitement, à la phase aiguë associe des immunoglobulines intraveineuses (dose unique de 2 g/kg) qui peuvent être renouvelées 1 ou 2 fois et de l'aspirine à fortes doses (80 à 100 mg/kg/jour) pendant la phase aiguë inflammatoire puis à doses antiagrégantes (3-5 mg/kg). Dans certains cas, d'autres traitements comme une corticothérapie, des plasmaphérèses, des exsanguino-transfusions peuvent être envisagées avec un risque plus important de séquelles coronariennes.
Des traitements anticoagulants avec des AVK (INR : 2-2,5) peuvent être nécessaires lorsqu'existent des anévrismes coronaires de plus de 8 mm. Un traitement au long cours par Aspirine à doses antiagrégantes est recommandé chez les patients chez qui persiste une anomalie structurale ou fonctionnelle des artères coronaires. Des revascularisations myocardiques par cathétérisme interventionnel ou pontage coronaire peuvent être nécessaires dans les formes les plus sévères.
Ces dernières années, des études ont cherché à mettre en évidence des preuves cliniques d'une athérosclérose précoce chez les patients avec histoire de maladie de Kawasaki. Des perturbations du profil lipidique ont été décrites chez ces patients par rapport à des contrôles. Une altération de la fonction endothéliale persistant plusieurs années après la phase aiguë de la maladie a été notée chez des adultes et adolescents. Une étude en 2005 conduite par Ikemoto et al montre que la dys- fonction endothéliale après maladie de Kawasaki est corrélée à la sévérité de l'atteinte coronaire.
Purpura rhumatoïde
Le Purpura rhumatoïde ou purpura de Schonlein-Henoch est la vascularite la plus fréquente de l'enfant [5]. Il s'agit d'une vascularite leucocytoclasique des vaisseaux de petit calibre en rapport avec des dépôts tissulaires de complexes immuns prédominant d'IGA. Elle concerne principalement le jeune enfant avec un âge moyen de 6 ans et dans 90 % des cas de moins de 10 ans. Son incidence annuelle est de 15 à 20 cas pour 100 000 enfants par an. Elle est plus fréquente en hiver. Les garçons sont plus souvent touchés que les filles. Une réponse anormale du système immunitaire à une agression antigénique a été l'hypothèse la plus souvent proposée. L'affection est souvent précédée d'une infection ORL, respiratoire ou une prise alimentaire ou médicamenteuse. Un certain nombre d'agents infectieux ont été rapportés comme pouvant déclencher l'affection : streptocoque du groupe A, parvovirus B19, EBV, CMV, Haemophilus. Des polymorphismes génétiques ont été étudiés pour tenter d'expliquer la survenue de cette affection et en particulier de ses formes les plus sévères notamment sur le plan néphrologique.
MANIFESTATIONS CLINIQUES
La symptomatologie débute généralement par une asthénie, avec parfois décalage fébrile durant 2 à 3 jours. À ces signes généraux s'associent avec une chronologie variable [6] :
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un purpura qui inaugure l'affection dans 60 à 70 % des cas. Il s'agit d'un purpura vasculaire symétrique fait de pétéchies en relief, de couleur rouge foncé, siégeant préférentiellement aux zones de pressions en particulier au niveau des fesses et aux membres inférieurs, dont l'apparition est favorisée par l'orthostatisme. Il peut former des macules et prendre un aspect ecchymotique. Il peut y avoir plusieurs poussées de 10-15 jours ;
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les atteintes articulaires existent dans 2/3 des cas comprennent essentiellement des arthralgies des grosses articulations : genoux, chevilles, coudes, poignets, associées à un œdème sous-cutané périarticulaire. Des arthrites fixées sont également possibles en particulier au niveau des membres inférieurs ;
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les manifestations digestives sont présentes dans plus de la moitié des cas : le plus souvent des douleurs abdominales, évoluant par accès paroxystiques, parfois associées à des vomissements. L'invagination intestinale aiguë est une complication chirurgicale potentiellement grave qui concerne 1 à 14 % des patients. Des perforations digestives, habituellement iléales, des pancréatites aiguës sont plus rares.
L'atteinte rénale concerne 1/3 des patients, plus fréquente chez l'enfant de plus de 10 ans. La manifestation la plus fréquente est une hématurie le plus souvent microscopique. Une protéinurie, plus rarement un syndrome néphrotique, une hypertension artérielle, une insuffisance rénale peuvent être associés. La néphropathie du purpura rhumatoïde est une néphropathie glomérulaire avec dépôts d'IgA comparable à celle de la maladie de Berger. Les facteurs de mauvais pronostic sont l'existence d'un syndrome néphrotique, d'une insuffisance rénale et/ou la présence de croissants sur plus de 50 % des glomérules.
Les autres manifestations : orchites, vascularite cérébrale, pancréatites, parotidites, hémorragie pulmonaire, myocardites sont plus rares.
TRAITEMENT
Dans la majorité des cas, le traitement est symptomatique. Les arthralgies sont soulagées par le repos au lit et des antalgiques. L'efficacité de la corticothérapie en prévention des complications notamment rénales est discutée. Elle peut être utile pour le traitement de douleurs articulaires et abdominales sévères si l'on a exclu une invagination intestinale aiguë, et dans la prise en charge de glomérulonéphrites sévères. D'autres traitements immunosuppresseurs tels que la ciclosporine, l'azathioprine ou le cyclophosphamide ont pu montrer leur intérêt dans la prise en charge de l'atteinte rénale. Des échanges plasmatiques et des perfusions d'immunoglobulines ont également été utilisés.
La majorité des enfants guérit sans séquelle. Le risque vital est principalement lié aux complications digestives : perforations, hémorragies digestives. Le pronostic à plus long terme dépend de l'atteinte rénale dont le risque de séquelle tardive est estimé à 2 % des cas, ce qui est nettement plus faible que chez l'adulte. L'existence d'un syndrome néphritique aiguë surtout s'il est associé à un syndrome néphrotique est à plus haut risque de développement d'une insuffisance rénale. Une hypertension artérielle doit être recherchée de façon systématique au minimum 2 ans après normalisation de la fonction rénale ou du culot urinaire.
Périartérite noueuse
Une récente classification distingue trois types de périartérite [7] : la périartérite noueuse systémique, la périartérite cutanée et la polyangéite microscopique. Chez l'enfant la périartérite noueuse systémique est rare et définit comme une vascularite caractérisée par des infiltrats inflammatoires riches en polynucléaires neutrophiles et une nécrose fibrinoïde de la média des artères de petits et moyens calibre, sans glomérulonéphrite. La polyangéite microscopique affecte principalement les vaisseaux de petit calibre (capillaires, artérioles, veinules) avec des glomérulonéphrites et des hémorragies pulmonaires et la présence fréquente d'ANCA.
Une étiologie infectieuse est parfois retrouvée. Néanmoins chez l'enfant, l'association à une hépatite B est rare. Les associations avec d'autres virus : hépatite A et C, VIH, CMV, parvovirus ont été rapportées de façon isolée. Les ANCA ont un rôle dans la physiopathologie de ces vascularites mais sont principalement retrouvés dans la polyangéite microscopique où ils seraient négatifs dans seulement 10 % des cas. Une étude multicentrique récente montre que chez l'enfant et l'adolescent, dans près de 60 % des cas il s'agit de PAN systémique, 30 % de périartérite cutanée, 8 % de polyangéite avec ANCA [7].
DIAGNOSTIC
Il est souvent difficile et repose sur des critères cliniques, biologiques, histologiques et/ou angiographiques. Son début est habituellement marqué par des signes généraux : fièvre avec altération de l'état général et perte de poids précédant d'autres signes dont dans la PAN systémique : des myalgies (46 %), des polyarthralgies (40 %) et des atteintes cutanées (70 %) avec des nodules hypodermiques douloureux et érythémateux le long des trajets artériels, un livedo reticularis érythrocyanique, un purpura vasculaire, éventuellement des ulcérations, une urticaire, un syndrome de Raynaud. Les atteintes viscérales concernent principalement le tube digestif avec des douleurs abdominales d'origine ischémique (24 %), une atteinte neurologique (22 %) avec des neuropathies périphériques évocatrices du diagnostic. Une hypertension est notée dans 20 % des cas et est associée à une ischémie voire des infarctus rénaux alors que l'atteinte cardiaque est plus rare (6 %). Des atteintes pulmonaires et rénales d'origine glomérulaire sont fréquentes dans la polyangéite microscopique (50 à 60 %).
Le syndrome inflammatoire biologique est important avec anémie inflammatoire, hyperleucocytose et hyperfibrinémie. Sont également retrouvés de manière inconstante des complexes immuns circulants, des signes de CIVD. Le diagnostic est confirmé par une angiographie sélective viscérale avec mise en évidence des micro-anévrismes et/ou des occlusions des artères rénales ou abdominales. La biopsie de lésions accessibles cutanées, musculaires ou rénales peut également aider au diagnostic.
PRISE EN CHARGE
Le traitement de la périartérite noueuse repose sur la corticothérapie à dose élevée (60 mg/m2 chez l'enfant) associée fréquemment à d'autres immunosuppresseurs notamment la cyclophosphamine en cas de lésion d'organe et de l'aspirine à doses antiagrégantes. Des échanges plasmatiques peuvent être bénéfiques dans les formes les plus sévères. La mortalité est plus faible que chez l'adulte, estimée à 10 % avec un bon pronostic à moyen terme, bien que des rechutes soient notées notamment dans la polyangéite microscopique.
Angéite de Churg et Strauss
Les vascularites touchant les petits vaisseaux avec présence d'ANCA sont rares chez l'enfant avec une incidence estimée de 0,24 pour 100 000. Une revue récente de la littérature retrouve 33 cas décrits d'angéite de Churg et Strauss [8]. Les enfants d'âge moyen 12 ans (2-18 ans) ont un asthme (91 %) et une éosinophilie significative. Ils ont fréquemment une sinusite (71 %), des infiltrats pulmonaires labiles, une atteinte cutanée (66 %), parfois des atteintes neurologiques périphériques, digestives (40 %), musculo-squelettiques. L'atteinte cardiologique est fréquente avec des épanchements péricardiques et des myocardiopathies (42 %). Sur le plan histologique, il existe une nécrose fibrinoïde de la paroi des vaisseaux avec des éosinophiles extravasculaires et des granulomes. Des ANCA (anticorps anticytoplasme des polynucléaires) sont retrouvés dans 25 % des cas (essentiellement P-ANCA). Le traitement par corticoïdes seuls ou combinés au cyclophosphamide et aux cytaphérèses permet 92 % de rémissions mais avec des rechutes dans 45 % des cas. La mortalité dans cette série rétrospective est plus élevée que chez l'adulte (18 % versus 5 %) dans la moitié des cas d'origine cardiologique.
Granulomatose de Wegener
La granulomatose de Wegener est la vascularite des artères de petit calibre et des veines avec ANCA la plus fréquente. Elle est particulièrement rare chez l'enfant puisque la plus grande série inclut 25 cas [9]. Elle est marquée par des signes généraux : fièvre, amaigrissement, polyarthralgies, associés d'emblée ou dans l'évolution à des manifestations ORL (respectivement dans 84 % et 96 % : sinusites, épistaxis, ulcérations buccales et nasales pouvant aboutir à une perforation de la cloison) pulmonaires (dans 80 et 84 % : hémorragies alvéolaires, nodules, infiltrats révélés par une détresse respiratoire ou une hémoptysie) ainsi que des atteintes rénales dans 80 % des cas (glomérulonéphrite, insuffisance rénale nécessitant la dialyse dans 20 % des cas), oculaires (conjonctivite), cutanées (purpura), digestives et thromboemboliques. Le diagnostic repose sur des critères cliniques associés à la présence d'ANCA (cANCA dans 80 % des cas). Son traitement habituel repose sur les corticoïdes associés au cyclophosphamide parfois à l'azathioprine ou au méthotrexate. La mortalité reste élevée (> 10 %), liée aux atteintes notamment rénales et pulmonaires de l'affection et aux complications iatrogènes avec des infections opportunistes à Pneumocystis carinii qui doivent être systématiquement prévenues par l'association triméthoprime-sulfaméthoxazole.
Maladie de Behçet
La maladie de Behçet est rare chez l'enfant avec une incidence estimée à 1/600 000 en France. Elle peut atteindre tous les vaisseaux de l'organisme quel que soit leur calibre. L'étiologie est multifactorielle avec une prédisposition génétique (HLA B5) et probablement un facteur infectieux (streptocoque, herpès). Les premiers symptômes sont décrits vers 6-8 ans et débutent essentiellement par une aphtose buccale dans 80 à 100 % des cas. Il s'agit d'ulcérations douloureuses évoluant par poussées et guérissant sans séquelle. Les aphtes génitaux sont moins fréquents et apparaissent souvent après la puberté. Ils sont souvent plus grands et profonds, et laissent des cicatrices dépigmentées. Des signes cutanés : érythème noueux, pseudofolliculite nécrotique, purpura, des arthralgies et des douleurs abdominales sont particulièrement fréquentes chez l'enfant [10]. L'atteinte oculaire (uvéite, vascularite rétinienne) un peu moins fréquente que chez l'adulte, a un risque plus élevé de cécité. L'atteinte neurologique (encéphalomyélite, hypertension intracrânienne bénigne, méningite aseptique) est rarement inaugurale. Le diagnostic repose actuellement sur des critères cliniques définis par l'International study group for Behçet disease en 1990. Les complications vasculaires, moins fréquentes que chez l'adulte, touchent tous les types de vaisseaux et associent des thromboses veineuses multiples, des anévrismes et/ou des thromboses des artères pulmonaires. Ce sont les principales causes de mortalité chez l'enfant. Le traitement des formes mineures cutanées et articulaires fait appel à la colchicine associée à de l'aspirine à doses antiagrégantes. Les atteintes viscérales relèvent des corticoïdes et des immunosuppresseurs : cyclosporine, azathioprine, cyclophosphamide. L'interféron alpha est utilisé dans les formes oculaires résistantes. Un traitement anticoagulant est nécessaire pour traiter les phénomènes thrombotiques aigus et prévenir leur récidive.
Maladie de Takayasu
La maladie de Takayasu est une aortoartérite non spécifique qui débute habituellement entre 10 et 20 ans avec une nette prédominance chez la femme jeune. Néanmoins, quelques cas ont été décrits chez l'enfant plus jeune dont l'un à 2 ans [11]. Elle touche primitivement les troncs supra aortiques s'étendant secondairement à toute l'aorte. L'affection est plus fréquente en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
La phase aiguë associe un syndrome grippal avec altération de l'état général, myalgies, érythème noueux et douleurs localisées le long des trajets artériels. L'hypertension artérielle est très fréquente puisque notée dans 83 à 93 % des cas pédiatriques éventuellement associée à des signes d'insuffisance cardiaque. La claudication intermittente, fréquente chez l'adulte est plus rarement observée chez l'enfant. D'autres symptômes d'origine ischémique avec des douleurs thoraciques, abdominales et des membres sont notés. L'abolition d'un pouls, un gradient tensionnel, un souffle vasculaire doivent être recherchés. L'association d'une HTA et d'un syndrome inflammatoire doit faire penser à l'aortoartérite de Takayasu chez l'enfant. Les techniques d'imagerie permettent de mettre en évidence les anomalies vasculaires caractéristiques de l'aorte et ses branches et des artères pulmonaires. Le dépistage par échographie Doppler est complété par angioscanner ou angio-IRM voire PET-scan qui peuvent également aider au suivi et guider la thérapeutique. Son traitement repose habituellement sur le traitement d'une pathologie associée (maladie de système, infection) et de corticoïdes. Dans les formes évolutives, un traitement par cyclophosphamide ou méthotrexate est discuté. En cas d'échec, des succès ont été obtenus avec la chirurgie, plus récemment le sildénafil. Le pronostic de l'aortoartérite de Takayasu reste grave avec une mortalité proche de 25 %.
ATTEINTE VASCULAIRE DES AFFECTIONS GÉNÉTIQUES CHEZ L'ENFANT
Syndrome de Williams Beuren
Le syndrome de Williams et Beuren est une affection génétique rare décrite en 1961 par le cardiologue néo-zélandais J.C.P. Williams. Sa fréquence est faible, environ 1 naissance sur 25 000. Il associe des manifestations neurosensorielles, comportementales, rénales et cardiovasculaires [12].
Les enfants atteints ont une microdélétion au niveau du chromosome 7 en 7q11-23. La zone délétée emporte notamment le gène de l'élastine, protéine présente dans les fibroblastes et les fibres musculaires lisses des vaisseaux. Ces altérations génomiques sont à l'origine de malformations vasculaires, telle que la sténose aortique supravalvulaire. L'élastine est en effet une composante essentielle de la paroi artérielle par son rôle dans la morphogenèse vasculaire et sa contribution au maintien de l'homéostasie de la paroi vasculaire. La rupture des interactions entre l'élastine et les cellules musculaires lisses des vaisseaux peut ainsi conduire à une pathologie vasculaire occlusive. De 50 à 85 % des enfants avec syndrome de Williams ont des anomalies cardiovasculaires associées. L'atteinte la plus fréquente est une sténose supravalvulaire aortique souvent associée à une sténose de l'artère pulmonaire. La sténose supravalvulaire aortique consiste en un rétrécissement de l'aorte ascendante au niveau des sinus de Valsalva, qui peut être sévère et diffus et s'associer à des sténoses coronaires ou des branches collatérales de l'aorte : carotide, cérébrales, rénales. Sont décrits moins fréquemment : un prolapsus mitral, une bicuspidie aortique, une sténose valvulaire pulmonaire, une coarctation de l'aorte. Histologiquement, les artères des patients avec syndrome de Williams ont des parois épaissies au niveau de la média par prolifération de cellules musculaires lisses lié au déficit en élastine, associé à une néosynthèse de collagène et des lésions de l'intima. Les fibres élastiques internes sont fragmentées et désorganisées avec des cellules musculaires lisses orientées de façon anarchique. Ceci se traduit par un phénotype artériel quasi pathognomonique à l'échographie vasculaire avec un épaississement important de l'épaisseur intima média alors que la compliance vasculaire est normale et la contrainte pariétale diminuée. L'HTA fréquente dans ce syndrome (40 à 50 %) peut être liée à des sténoses aortiques ou des artères rénales mais également être adaptative pour normaliser la contrainte pariétale. Une étude rétrospective finlandaise portant sur 75 patients avec syndrome de Williams a montré que 47 % des pathologies cardiovasculaires sont diagnostiquées à la naissance et 53 % diagnostiquées plus tardivement dont 52 % avant l'âge de 1 an, 32 % entre 1 et 15 ans [13]. L'échographie cardiaque permet le diagnostic dans la majorité des cas. L'IRM ou les scanners multidétecteurs permettent l'analyse précise des lésions vasculaires notamment coronaires alors que les cathétérismes sont dangereux chez ces patients. Environ 40 % des enfants nécessitent un traitement chirurgical le plus souvent pour un obstacle aortique évolutif. Les sténoses sur la voie pulmonaire peuvent régresser spontanément dans l'enfance. Une étude multicentrique française étudie actuellement l'intérêt du minoxidil dans la prise en charge des pathologies vasculaires du syndrome de Williams.
Syndrome de Marfan
La maladie de Marfan est une maladie autosomique dominante, témoin dans la grande majorité des cas d'une mutation du gène de la fibrilline de type 1. La gravité est liée à l'atteinte aortique responsable de 80 % de la surmortalité en l'absence de traitement et de surveillance. Elle est évoquée chez l'enfant principalement dans deux situations : existence d'un symptôme révélateur (squelettique, oculaire ou cardiaque) ou dépistage systématique des membres d'une famille d'un sujet atteint. Les symptômes qui font évoquer le diagnostic à l'âge pédiatrique sont le plus souvent squelettiques : grande taille dépassant le 97e percentile, envergure supérieure à 1,05 fois la taille, arachnodactylie, hyperlaxité ligamentaire associées à une scoliose et/ou une déformation thoracique, ou oculaires (découverte d'une ectopie du cristallin) parfois pneumologiques (pneumothorax). Les manifestations cardiovasculaires sont rarement révélatrices à cet âge.
DIAGNOSTIC
Les signes cliniques de l'enfant sont identiques à ceux de l'adulte. Ils sont souvent incomplets lors des premières années de la vie, limités à une hyperlaxité ligamentaire et à une arachnodactylie. Avec la croissance, une déformation thoracique (pectus excavatum ou carinatum) et rachidienne peut se constituer. L'atteinte oculaire est variable mais peut être précoce. Une atteinte cardiologique peut exister lors du diagnostic (prolapsus bivalvulaire et dilatation aortique au niveau des sinus de Valsalva) ou se constituer progressivement. En raison de l'apparition progressive des symptômes, les critères de Gand sont souvent incomplets et il peut être difficile d'affirmer la maladie chez l'enfant. La recherche d'une mutation dans les gènes FBN1, TGFBR1 ou TGFBR2 aide le diagnostic dans ces situations.
Une forme néonatale correspondant habituellement à une néomutation est caractéristique par un phénotype d'emblée sévère : dysmorphie faciale, arachnodactylie, contractures néonatales des membres supérieurs avec possibilité d'une évolution rapide de l'atteinte oculaire (déplacement du cristallin) et de l'atteinte cardiaque : insuffisances valvulaires importantes et précoces et dilatation aortique éventuelle dès les premiers mois de vie nécessitant des chirurgies cardiaques lourdes.
ATTEINTE CARDIOVASCULAIRE
Un prolapsus valvulaire mitral et/ou tricuspidien peut apparaître dans l'enfance avec des fuites qui peuvent devenir significatives. L'anomalie structurelle est responsable d'une fragilisation de l'ensemble de la paroi aortique. Elle est particulièrement marquée au niveau de la partie initiale de l'aorte ascendante (sinus de Valsalva), riche en fibres d'élastine et soumise aux à-coups hémodynamiques. C'est cette zone qui se dilate typiquement en « bulbe d'oignon » et qui est la plus susceptible de disséquer. La prévention des anomalies cardiovasculaires passe comme chez l'adulte par une surveillance cardiologique régulière au moins annuelle avec mesures des diamètres aortiques de façon standardisée par échocardiographie en les rapportant aux tables de Roman. Elle nécessite l'interdiction des sports violents ou de contact, l'instauration d'un traitement par les β bloquants et un remplacement de l'aorte ascendante lorsque l'importance de la dilatation est considérée comme dangereuse c'est-à-dire habituellement pour des valeurs supérieures à 50 mm en fin de croissance. L'intérêt du traitement par β bloquants pour réduire la progression de la dilatation aortique et pour la prévention de la dissection aortique a été démontré chez les adultes ou des adolescents de plus de 12 ans [14]. Plus récemment une étude rétrospective portant sur 155 enfants a démontré son bénéfice chez l'enfant de moins de 12 ans [15]. Le traitement préventif est donc recommandé chez les enfants quel que soit l'âge comme chez les adultes lorsque le diagnostic est établi, surtout s'il existe déjà une dilatation aortique. L'acébutolol (Sectral) qui a une autorisation de mise sur le marché en pédiatrie ou le propranolol (Avlocardyï) sont donnés chez le plus petit enfant. Chez l'enfant plus grand sont prescrits du bisoprolol ou de l'aténolol comme chez l'adulte. Une étude actuelle (PHRC national) vise à rechercher l'intérêt d'un traitement par sartan dans la prévention de la dilatation aortique des patients de plus de 10 ans avec syndrome de Marfan.
Syndrome d'Ehlers Danlos vasculaire
C'est une affection rare dont la prévalence exacte n'est pas connue : 1/10 000 à 1/20 000 naissances selon Germain. La classification de Villefranche distingue 6 formes cliniques. Le syndrome d'Ehlers Danlos vasculaire qui représenterait 3 à 5 % de l'ensemble des SED est le plus sévère en raison d'un risque de complications avec des dissections artérielles, ruptures digestives ou utérines pouvant entraîner le décès. Il résulte d'un déficit en pro collagène III et d'un défaut de synthèse et de structure du collagène III. Sur le plan génétique, la transmission de la maladie est autosomique dominante, mais il s'agit de cas sporadiques dans la moitié des cas. La mutation du gène COLA1 n'est retrouvée que dans 60 % des cas [16].
Le diagnostic clinique est évoqué devant l'association d'au moins deux des quatre critères majeurs suivants : peau fine translucide, faciès caractéristique, ecchymoses extensives, rupture ou fragilité artérielle, utérine ou digestive. Peuvent s'y associer des critères mineurs : acrogérie, hyperlaxité des petites articulations, rupture musculaire ou tendineuse, varices précoces. Les ecchymoses et hématomes sont fréquents chez l'enfant. Les ruptures artérielles sont rares dans l'enfance mais avant 20 ans, 20 % des patients ont déjà eu une complication majeure. La première complication est létale dans 12 % des cas. On retrouve quelques observations pédiatriques d'atteinte aortique parfois fatale. Il paraît donc important de recommander le port d'une carte indiquant la pathologie, les précautions à prendre chez ces patients notamment en cas de chirurgie. L'effort physique intense, les sports de contacts doivent être proscrits. Il n'y a pas actuellement d'explorations non invasives performantes pour le suivi de cette maladie. Des techniques d'echotracking de haute résolution ont montré un phénotype artériel particulier avec une épaisseur intima média plus basse que chez des témoins et une augmentation de la contrainte pariétale. Comme cela a été démontré dans le syndrome de Marfan, un traitement par bêtabloquants pourrait prévenir la survenue de complications vasculaires en réduisant la fréquence cardiaque et la pression pulsée exercée sur une aorte fragilisée (étude BBEST en France).
PATHOLOGIES THROMBOEMBOLIQUES CHEZ L'ENFANT
Les pathologies thromboemboliques sont beaucoup plus rares chez l'enfant que chez l'adulte. L'incidence de la thrombose veineuse chez l'enfant est estimée à 0,06 à 0,49/ 10 000 enfants par an mais concerne 5,3 pour 10 000 enfants hospitalisés et 24 pour 10 000 nouveau-nés en unités de soins intensifs. Ceci explique le fréquent retard au diagnostic qui peut avoir de lourdes conséquences : thrombose extensive et embolie pulmonaire, syndrome postphlébitique.
Deux pics de fréquence sont observés : l'un avant 1 an principalement lié à des complications des cathéters centraux de petits nourrissons. La thrombose est alors plus souvent localisée au niveau du membre supérieur ; l'autre à la puberté, favorisée par l'utilisation des contraceptifs oraux. Un ou plusieurs facteurs favorisants, acquis ou congénitaux sont retrouvés dans plus de 95 % des thromboses de l'enfant [17, 18].
Facteurs de risque
CATHETERS VEINEUX CENTRAUX
Ils représentent un facteur de risque majeur chez l'enfant retrouvé dans plus d'1/3 des cas et jusqu'à 90 % chez le nouveau né. Au risque thrombogéne de ces cathéters, s'ajoute celui des traitements et solutés qui y sont injectés. Les thromboses surviennent principalement dans la veine jugulaire et la sous-clavière où sont posés ces dispositifs.
FACTEURS CONSTITUTIONNELS
Leur importance dans la survenue d'une thrombose chez l'enfant est controversée, estimée entre 10 et 59 % selon les séries. Seront recherchés : mutation du facteur V Leiden, G20210A du facteur II, dosage des protéines C et S, de l'antithrombine, de l'homocystéine, de la lipoprotéine a. D'autres anomalies biologiques retrouvées dans des pathologies acquises sont à risque de thromboses : anticorps antiphospholipides et anticardiolipides, maladies inflammatoires systémiques : lupus érythémateux disséminés, maladies inflammatoires du tube digestif, maladies de Behçet, syndrome néphrotique, pathologies malignes, infections bactériennes et virales, médicaments : contraception chez l'adolescent. Certaines maladies génétiques favorisent également des thromboses chez l'enfant : drépanocytose, maladies métaboliques (homocystinurie, CDG [Congenital Disorders of Glycosylation] syndrome). Enfin d'autres facteurs acquis sont retrouvés chez le nouveau né : souffrance périnatale, infection, cardiopathies congénitales, hypovolémie et chez l'enfant plus grand : immobilisation sous plâtre, intervention chirurgicale, infection osseuse ou ORL, pathologie tumorale.
Manifestations cliniques
La douleur est souvent au premier plan et peut être associée à une tuméfaction, un œdème, une rougeur, une modification de la coloration cutanée, une diminution du ballottement passif du mollet et des signes d'embolie pulmonaire. La fréquence des thromboses sur cathéters veineux centraux explique leur localisation au niveau du système veineux thoracique supérieur ou dans les veines inguinales. Un syndrome cave supérieur, un chylothorax, un chylopéricarde peuvent donc être associés à la clinique. Le développement d'une collatéralité, un dysfonctionnement du cathéter ou un sepsis peuvent être révélateurs. Les thromboses veineuses profondes sont souvent asymptomatiques, dans 2/3 des cas de thromboses sur cathéter, dépistées lors d'explorations radiologiques systématiques. Le siège de la douleur, l'association à une fièvre, un syndrome inflammatoire peuvent conduire à des diagnostics erronés d'infections ostéoarticulaires ou une pathologie abdominale aiguë. Comme chez l'adulte l'embolie pulmonaire peut se manifester par des douleurs thoraciques, une tachypnée, une tachycardie, une détresse respiratoire ou un collapsus. Néanmoins, chez le petit enfant, les signes sont souvent non spécifiques et il faut l'évoquer en cas d'apparition de symptômes aigus dans un contexte favorisant.
Le diagnostic de thrombose veineuse est fait à l'écho-Doppler veineux dont la spécificité et la sensibilité sont très bonnes chez l'enfant. Le dosage précoce des D Dimères a une valeur prédictive négative. L'angioscanner, l'angiographie par résonance magnétique peuvent aider au diagnostic en cas de doute. La phlébographie n'est pratiquement plus utilisée actuellement.
Traitement
Le traitement des thromboses veineuses de l'enfant a fait l'objet de recommandations récentes. Il fait appel le plus souvent à l'héparine non fractionnée en début de traitement en raison de sa demi-vie courte. Des bolus de 75 à 100 U/kg en 10 minutes sont suivis d'une dose d'entretien en perfusion continue de 28 U/kg/h chez les enfants de moins d'un an et de 20 U/kg/h chez les enfants plus âgés. L'adaptation est faite par contrôle du TCA et de l'anti-Xa 4 heures après la dose bolus et 4 heures après chaque changement de posologie. L'objectif est de maintenir un TCA entre 1,5 et 3 × TCA témoin, l'anti-Xa entre 0,35 et 0,70. Les héparines de bas poids moléculaire sont de même efficacité, peuvent être injectées par voie sous-cutanée, permettent une surveillance moins lourde et ont moins de risque de thrombopénie induite et d'ostéoporose que les HNF. Il existe des normo- grammes d'adaptation des doses notamment pour l'énoxaparine et la tinzaparine avec un objectif thérapeutique d'activité anti-Xa entre 0,5 et 1 U/mL. Le traitement initial est relayé par HBPM ou antivitamine K. La surveillance d'une anticoagulation par voie orale est souvent difficile chez le petit enfant en raison de l'absence de forme galénique adaptée à l'âge, des fluctuations parfois importantes de l'INR avec les modifications alimentaires, l'association à d'autres thérapeutiques et les risques hémorragiques potentiellement sévères à cet âge. Néanmoins la possibilité récente d'auto surveillance de l'INR par les familles permet d'améliorer cette prise en charge. Les indications de la fibrinolyse sont très limitées en pédiatrie : embolie pulmonaire massive, thromboses rénales bilatérales, menace fonctionnelle aiguë sur un membre.
MICROANGIOPATHIE THROMBOTIQUE : SYNDROME HÉMOLYTIQUE ET URÉMIQUE
Le syndrome hémolytique et urémique est une microangiopathie thrombotique, définie par des lésions de l'endothélium des artérioles et des capillaires entraînant la formation d'agrégats plaquettaires et de thromboses principalement au niveau rénal. Il associe une anémie hémolytique, une thrombopénie et une atteinte rénale aiguë. Il s'agit de l'étiologie la plus fréquente d'insuffisance rénale aiguë de l'enfant de moins de 3 ans [19].
Épidémiologie
À cet âge, 90 % des cas de SHU sont « typiques » et secondaires à une infection à Escherichia coli de sérotype O157 : H7, producteur de vérotoxines se manifestant par une diarrhée prodromique souvent sanglante. D'autres sérotypes peuvent être responsables : 011 et 0103 ainsi que des infections à Shigella dysenteriae et à pneumocoque. La plupart des cas de SHU surviennent de façon sporadique ou par petites épidémies. L'incidence est de 2 à 3 cas/ 100 000 enfants de moins de 5 ans par an. Des SHU atypiques, sans diarrhée prodromique, peuvent être d'origine génétique : anomalie du complément avec déficit en facteur H, déficit de la protéase du facteur de Willebrand, anomalie du métabolisme de la vitamine B12, autosomique récessif ou dominant d'origine inconnue. Certaines sont secondaires à des traitements.
Syndrome hémolytique et urémique typique
Cliniquement, les symptômes apparaissent 1 à 2 semaines après une diarrhée souvent sanglante avec une irritabilité, une pâleur et un ictère. Biologiquement, la thrombopénie est la première anomalie détectée. Le taux moyen de plaquettes est proche de 40 000/mm3 habituellement sans purpura ni saignement. L'anémie hémolytique souvent sévère est de type microangiopathique, avec présence d'hématies fragmentées, les schizocytes dont le taux peut être supérieur à 10 %. Elle s'accompagne d'une élévation du taux sérique de lactate déshydrogénase et de réticulocytes. Une insuffisance rénale aiguë, avec anurie survient dans 50 % des cas. Une hématurie et une protéinurie sont souvent présentes lorsque la diurèse est conservée. Une hypertension artérielle est notée dans 40 à 50 % des cas et attribuée à une surcharge volémique et/ou à une atteinte glomérulaire. Des séquelles rénales sont notées chez environ un tiers des patients avec une protéinurie, une hypertension artérielle et éventuellement une insuffisance rénale chronique. Des lésions de microangiopathie sur plus de 50 % de glomérules ou l'existence de lésions de nécrose corticale sont de mauvais pronostic rénal.
L'atteinte neurologique est notée dans plus d'un tiers des cas de et peut se traduire par des convulsions, des troubles de la conscience, des déficits focaux. Elle est probablement plurifactorielle, liée aux perturbations métaboliques de l'insuffisance rénale telles que l'hyponatrémie, à l'hypertension artérielle ou à des lésions de microangiopathie thrombotique cérébrale.
Une atteinte digestive existe dans 10 à 20 % des cas et se manifeste par une colite hémorragique, des nécroses coliques, des sténoses intestinales secondaires. Des pancréatites et des hépatites ont également été décrites.
Le traitement est symptomatique avec mise en place d'une dialyse lorsque l'anurie dépasse 48 heures ou que ses conséquences métaboliques (hyperkaliémie) ou l'hypertension artérielle restent menaçantes. Des antihypertenseurs sont souvent nécessaires. Une majorité d'enfants justifie une transfusion de culots globulaires.
FACTEURS DE RISQUES CARDIOVASCULAIRES CHEZ L'ENFANT
Un certain nombre de facteurs de risque cardiovasculaire à l'âge adulte peuvent être présents dès l'enfance. C'est le cas du diabète, de l'hypercholestérolémie familiale qui peuvent débuter précocement et de l'obésité dont l'augmentation constante de l'incidence ces dernières années pose un problème de santé publique. Le risque cardiovasculaire comprend les accidents vasculaires cérébraux et cardiaques et passe par l'altération de la fonction endothéliale. Les méthodes non invasives d'exploration de la fonction artérielle chez l'adulte peuvent être appliquées chez l'enfant : mesure de l'épaisseur intima média, de la dilatation flux dépendant et montrent des dysfonctions vasculaires précoces. Une dysfonction endothéliale a pu ainsi être mise en évidence dès 5-6 ans chez l'enfant obèse, hypercholestérolémie et diabétique [20]. Des perturbations des propriétés vasculaires ont également été mises en évidence chez l'enfant hypertendu, chez l'enfant avec antécédent de coarctation opérée quand l'imagerie postopératoire montre une aorte de forme « gothique » plutôt que normale « romane », dans l'infection HIV. Enfin l'environnement nutritionnel et hémodynamique fœtal peut modifier les propriétés vasculaires comme cela a été montré chez l'adulte et l'enfant aux antécédents de retard de croissance intra-utérin.
Hypercholestérolémie
La plus fréquente des hypercholestérolémies monogéniques s'exprimant dans l'enfance est l'hypercholestérolémie familiale liée à des mutations du gène du récepteur du LDL. La forme homozygote est rare, estimée à 1 pour 1 million et est dépistée par l'existence d'une xanthomatose cutanée et tendineuse et des lésions athéromateuses avant 10 ans. La coronarographie et plus récemment l'angioscanner multicoupes permettent de faire le bilan et le suivi des lésions coronariennes. Le traitement de fond repose sur les LDL aphérèses. Les formes hétérozygotes sont plus fréquentes (1/500) et sont cliniquement silencieuses pendant l'enfance. L'augmentation du risque coronarien prématuré a été confirmée par plusieurs études. Des techniques d'imagerie vasculaire non invasives chez l'enfant hypercholestérolémique de plus de 8 ans montrent des lésions préathéromateuses : épaississement de l'intima média, dysfonction endothéliale prédictifs d'un risque cardiovasculaire. Une prévention primaire passant par un traitement diététique, un traitement précoce par les statines (AMM à partir de 8 ans), l'exercice physique améliorent la fonction endothéliale [21].
Obésité
L'obésité infantile n'a cessé de progresser ces dernières années dans les pays développés. En France, elle concerne 15 % des enfants soit près de 2 millions de personnes. Les études récentes montrent clairement que l'obésité n'est pas seulement un facteur de risque à long terme mais constitue une maladie vasculaire qui débute dans l'enfance. L'équipe de Tounian et Aggoun ont montré des perturbations de la mécanique artérielle carotidienne et une altération de la fonction endothéliale chez des enfants obèses âgés en moyenne de 12 ans. La diminution de la concentration d'apolipoprotéine A-1, l'insulinorésistance, la localisation abdominale de la masse grasse et l'hyperléptinémie sont corrélées à ces anomalies vasculaires [22]. Chez l'enfant obèse, l'effet favorable du régime et de l'exercice physique sur le risque cardiovasculaire et l'insulinorésistance a été montré [23]. Le dépistage et la prise en charge de l'obésité infantile doivent donc être une priorité de santé publique.
Retard de croissance (enfants nés petits pour l'âge gestationnel)
Les études rétrospectives de Barker montrent que les enfants nés petits pour l'âge gestationnel ont un risque accru de développer un diabète non insulinodépendant, une hypertension artérielle, un syndrome métabolique et une pathologie cardiovasculaire [24]. L'existence d'une dysfonction endothéliale chez les enfants nés petits pour l'âge gestationnel a été décrite tôt dans la vie et pendant l'enfance. Le mécanisme responsable de cette situation a été attribué initialement à un environnement hémodynamique, nutritionnel fœtal défavorable à l'origine de modifications de structure, de métabolisme, de physiologie des organes fœtaux. Cette théorie a été critiquée et il a été suggéré que le rattrapage postnatal, s'il était exagéré, pouvait jouer un rôle au moins aussi important dans la majoration du risque cardiovasculaire à l'âge adulte. Le suivi de cette population est donc justifié avec éventuellement des mesures préventives dès l'enfance.
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