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. 2018 Oct 5:493–501. [Article in French] doi: 10.1016/B978-2-294-75971-0.00063-8

Diarrhée aiguë

C Samaille, A Martinot
PMCID: PMC7152199

Définition et étiologies

La diarrhée est une augmentation de la perte d’eau intestinale, résultant d’une hypersécrétion et/ou d’une malabsorption intestinale, et se manifestant par une modification du nombre et de l’aspect des selles. Elle se définit en pratique par l’émission d’au moins trois selles liquides par jour (ou à une fréquence supérieure à la normale dans certains cas particuliers comme l’allaitement maternel). Elle est dite aiguë lorsqu’elle dure depuis moins de 7 jours.

Les diarrhées aiguës sont fréquentes chez les enfants de moins de 5 ans (1,3 à 2,3 épisodes annuels), et responsables de 7 à 10 % des hospitalisations à cet âge. Les gastro-entérites aiguësGastro-entéritesaiguës (GEA) virales représentent la cause la plus fréquente de diarrhée aiguë du jeune enfant. La complication principale est la déshydratation, pouvant évoluer vers un choc hypovolémique. La bonne utilisation des solutés de réhydratation orale (SRO) doit prévenir ces risques si elle a bien été expliquée aux parents. Les nourrissons sont particulièrement exposés aux GEA (promiscuité, mise à la bouche, contagiosité des virus, absence d’immunité pour ces virus) et très vulnérables au risque de déshydratation (expression plus difficile de la soif et dépendance des parents pour boire, renouvellement beaucoup plus rapide du stock d’eau de l’organisme, toute augmentation des pertes déséquilibrant vite le bilan hydrique).

Les principaux agents infectieux responsables de GEA sont les rotavirus, responsables d’épidémies hivernales, les adénovirus, calicivirus, coronavirus et échovirus.

Les bactéries entéro-invasives comme Salmonella, Shigella, Yersinia ou Campylobacter jejuni peuvent aussi être responsables de diarrhées aiguës, souvent glairo-sanglantes et accompagnées de signes généraux. Les bactéries entéro-toxinogènes telles que Escherichia coli entérotoxinogènes ou Vibrio cholerae sont responsables de diarrhées hydriques profuses. Clostridium difficile peut être responsable de diarrhée aiguë post antibiothérapie et Staphylococcus aureus de toxi-infection alimentaire collective. Les causes parasitaires sont plus rares, et seul Giardia lamblia est retrouvé dans nos pays.

À côté de ces causes infectieuses, l’étiologie peut être allergique, inflammatoire (rectocolite hémorragique, maladie de Crohn), iatrogène (laxatifs), fonctionnelle (colopathie spasmodique, fausse diarrhée du constipé), toxique (champignons, végétaux vénéneux, poissons), tumorale (tumeur villeuse, tumeur du grêle) ou endocrinienne (tumeurs carcinoïdes, Zollinger-Ellison).

Examen clinique

Il s’attache à rechercher des signes de choc hypovolémique, de déshydratation et à éliminer les diagnostics différentiels de la GEA virale.

Signes de gravité

Les signes de choc hypovolémique sont systématiquement recherchés : tachycardie et polypnée, teint pâle, gris ou cyanosé, marbrures et allongement du temps de recoloration cutané, extrémités froides, et troubles de conscience qui peuvent débuter par un état d’agitation. L’hypotension artérielle est un signe très tardif. En présence de ces signes de choc, la restauration d’une volémie efficace doit être immédiate.

Le diagnostic de déshydratation repose sur l’association de plusieurs signes cliniques, aucun, isolé, n’étant suffisamment discriminant : soif, pouvant se traduire par des pleurs, sécheresse des muqueuses (recherchée dans le sillon gingivo-jugal), absence de larmes, pli cutané persistant (au niveau du cou ou de l’abdomen), cernes péri-oculaires (impression d’yeux enfoncés dans les orbites), hypotonie des globes oculaires, dépression de la fontanelle antérieure, et enfin perte de poids éventuelle (rarement fiable : poids antérieur souvent ancien, variabilité en fonction de l’heure de la pesée par rapport à alimentation, aux selles..).

Certains germes peuvent être responsables de tableaux infectieux sévères : fièvre importante, état général altéré, voire signes neurologiques au premier plan (shigelloses).

En l’absence de signes de gravité immédiate, on recherche des facteurs de risque de déshydratation ou de décompensation de maladie sous-jacente : âge < 6 mois, antécédent de prématurité ou de retard de croissance intra-utérin, cardiopathie, insuffisance respiratoire chronique, mucoviscidose, insuffisance rénale chronique, maladie métabolique, insuffisance surrénale. On estime le nombre de selles et de vomissements sur les 12 dernières heures, et les prises alimentaires et hydriques, même si ces éléments d’anamnèse ont une faible valeur prédictive de déshydratation.

Éléments du diagnostic

Le diagnostic de diarrhée aiguë est clinique (> 3 selles liquides par jour chez un enfant n’étant pas en allaitement maternel). On précise la date de début de la diarrhée, l’existence éventuelle de sang plus ou moins mêlé de glaires dans les selles, en faveur d’un germe entéro-invasif.

On recherche les symptômes associés : vomissements très fréquents (dans 75 % des GEA virales), anorexie, douleurs abdominales, fièvre (souvent modérée). L’existence de ces symptômes est précisée jour par jour depuis leur début.

Le diagnostic de GEA virale est le plus fréquent, surtout en cas de contage en période épidémique, mais il faut de principe éliminer d’autres diagnostics différentiels rares, mais graves (tableau 63.1 ). Ces diagnostics sont : une affection « chirurgicale » abdominale surtout si les vomissements ou les douleurs abdominales dominent le tableau (invagination intestinale aiguë, appendicite), une infection extradigestive (otite moyenne aiguë, pyélonéphrite aiguë), un syndrome hémolytique et urémique (pâleur, teint ictérique, oligurie et altération de l’état général, souvent quelques jours après une diarrhée) ou un paludisme (toute diarrhée au retour d’un pays à risque).

Tableau 63.1.

Diagnostic différentiel des diarrhées aiguës infectieuses du nourrisson.

Étiologies Signes évocateurs
Affections chirurgicales :
  • Invagination intestinale aiguë

  • Appendicite du nourrisson

  • Occlusion intestinale aiguë


Accès de pâleur et de pleurs (douleur), rectorragies
Fièvre, AEG, selles liquides, occlusion fébrile ?
Vomissements bilieux, AEG, choc
Syndrome hémolytique et urémique Diarrhée sanglante, pâleur, subictère, oligo-anurie
Infections non digestives :
  • Infections urinaires

  • Otite moyenne aiguë

  • Paludisme

Fièvre sans point d’appel (premiers mois de vie)
Troubles du sommeil, rhinorrhée, fièvre
Fièvre, retour de voyage de pays à risque
Causes non infectieuses :
  • Erreurs de régime

  • Antibiotiques

Erreur de reconstitution du lait, diversification précoce

AEG : altération de l’état général.

La fin de l’interrogatoire et l’examen sont menés en fonction de ces différentes hypothèses diagnostiques. Un nourrisson est pesé nu.

Examens complémentaires nécessaires

À visée diagnostique

Aucun examen n’est nécessaire au diagnostic de diarrhée aiguë ou de GEA.

La coproculture est réalisée à visée étiologique en cas de diarrhée glairo-sanglante associée, en cas de retour d’un voyage à risque, à un examen parasitologique des selles et/ou un frottis/goutte épaisse. Des hémocultures sont réalisées en cas de fièvre élevée, de frissons, d’enfant paraissant septique. Un examen cytobactériologique des urines avant l’âge de 3 mois et une bandelette urinaire de 3 à 6 mois peuvent être réalisés en cas de fièvre et de vomissements dominant le tableau. Les recherches virales dans les selles ne sont utiles que dans le cadre d’études épidémiologiques ou de l’analyse d’infections nosocomiales.

À visée thérapeutique

La réalisation d’un prélèvement sanguin pour ionogramme sanguin, avec protidémie, urée, créatininémie et CO2 total veineux n’est indiquée qu’en cas de nécessité de réhydratation intraveineuse, dans le même temps que la pose de l’accès veineux. L’objectif est une éventuelle adaptation secondaire du contenu de la perfusion. Ces examens, et notamment la connaissance de la natrémie, sont inutiles en cas de réhydratation orale.

Prise en charge

Ce qui est urgent

La restauration de la volémie en cas de choc hypovolémique est une urgence immédiate. Elle nécessite une prise en charge par un médecin expérimenté et requiert l’appel du SAMU si l’enfant n’est pas dans une structure hospitalière appropriée. Le remplissage vasculaire s’effectue par bolus successifs de 10 à 20 mL/kg de sérum salé isotonique jusqu’à correction des signes de choc hypovolémique, administrés par une voie veineuse périphérique (voire intra-osseuse en cas d’échec de la recherche de voie veineuse). Entre chaque bolus, fréquences cardiaque et respiratoire, qualité du pouls, état de conscience, perfusion périphérique, et pression artérielle doivent être contrôlés.

Réhydratation IV

La réhydratation IV est prescrite en relais de la correction d’un choc hypovolémique ou en cas de déshydratation avec échec de la réhydratation orale. Ces échecs résultent de vomissements incoercibles et/ou d’une aggravation de la déshydratation malgré les prises de SRO, ou d’un épuisement de l’enfant. Le soluté de perfusion comporte chez les nourrissons du sérum glucosé et des concentrations de NaCl jamais inférieures à 3 g/L, et ajustées en fonction de la natrémie initiale. Les protocoles de réhydratation rapide permettent une hospitalisation de courte durée. Le débit initial de perfusion doit notablement dépasser les besoins hydriques de base de l’enfant, et atteint 7 à 10 mL/kg/h chez le nourrisson. Ce débit de perfusion doit être ajusté dès les premières heures en fonction de l’évolution de l’état d’hydratation de l’enfant, de la persistance ou non de la diarrhée et des vomissements. Les variations de poids sur la même balance à quelques heures d’intervalle sont utiles à cet ajustement. En cas d’hypernatrémie supérieure à 155 mEq/L (suspectée initialement si les muqueuses sont très sèches), la correction de l’état d’hydratation est plus lente en évitant les solutés hypotoniques. Ces situations d’hypernatrémie justifient de contrôler la natrémie après 4 à 6 h de réhydratation, une baisse trop rapide de la natrémie devant faire ralentir le débit de perfusion et/ou augmenter la concentration sodée de la perfusion.

Complications éventuelles

Les complications sont neurologiques (hématome sous-dural, thrombose veineuse cérébrale, hémorragie intra-parenchymateuse) et rénales (insuffisance rénale fonctionnelle, organique, thrombose de veine rénale), en pratique heureusement exceptionnelles.

Réhydratation par sonde

La réhydratation par SRO administrée en débit continu par une sonde naso-gastrique est une alternative à la voie IV chez des nourrissons de plus de 3 mois ne présentant ni état de choc, ni troubles de conscience, ni iléus paralytique, et en l’absence de malformations ORL. Elle permet d’éviter tout abord et même tout prélèvement veineux, et semble aussi efficace que la réhydratation intraveineuse.

Réhydratation orale : utilisation des SRO

La réhydratation oraleRéhydratation orale doit être très précisément expliquée aux parents pour être efficace.

Le SRO est proposé systématiquement en cas de diarrhée avec ou sans vomissement. Il est la seule boisson qui doit être prescrite chez l’enfant de moins de 2 ans ayant une diarrhée aiguë. Il est constitué d’eau, de sucre et de sel, dans des proportions adaptées aux besoins des enfants, et dans un rapport glucose/Na de sorte à favoriser leur absorption couplée et donc celle de l’eau. Il faut expliquer aux parents la reconstitution (1 sachet dans 200 mL d’eau, sans ajout d’autre substance) et l’administration : proposer régulièrement, tant qu’il y a une diarrhée et/ou des vomissements. Il n’y a aucune limitation de quantité en l’absence de vomissement, l’enfant buvant selon sa soif. En cas de vomissements, il faut commencer par des petites quantités de SRO frais (10-20 mL toutes les 5 minutes). La boisson peut être conservée au réfrigérateur durant 24 heures. Si l’enfant refuse le SRO, il faut le proposer plus tard : c’est probablement qu’il n’a pas soif parce qu’il n’est pas déshydraté. Le SRO n’empêche pas la diarrhée et il est même fréquent qu’une selle liquide suive immédiatement la prise, du fait du réflexe gastro-colique. Le but unique, mais essentiel, est de prévenir la déshydratation, le risque majeur de la diarrhée aiguë.

Médicaments antidiarrhéiques

Les médicaments antidiarrhéiques ont une place accessoire, l’enfant guérissant spontanément. Le racécadotril réduit le débit de selles d’environ 50 %. La diosmectite réduit un peu la durée de la diarrhée. Le lopéramide et autres agents inhibiteurs de la motricité intestinale sont contre-indiqués dans les deux premières années de vie. Les antiémétiques sont souvent inefficaces et peuvent causer des effets secondaires (dyskinésies). Le paracétamol peut être prescrit si le confort de l’enfant le nécessite. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens doivent être évités dans une situation où une baisse de la perfusion rénale est possible.

Antibiotiques

Les antibiotiques sont très rarement indiqués, limités aux cas de typhoïde, de shigellose et de choléra. Les indications d’antibiothérapie pour les autres germes (salmonellose non typhique, Campylobacter jejuni, yersiniose, Escherichia coli entéropathogène) sont très limitées et fonction du terrain : nourrisson de moins de 3 mois, dénutrition sévère, maladie préexistante (déficit immunitaire, traitements immunosuppresseurs, drépanocytose, asplénie, maladie inflammatoire du tube digestif, achlorhydrie), syndrome toxi-infectieux grave, diarrhée glairo-sanglante prolongée de plus de 7 jours, hémocultures positives.

Reprise de l’alimentation

En association à la réhydratation, l’alimentation doit être poursuivie ou reprise dans les 6 heures suivant le début de la réhydratation. L’allaitement maternel est poursuivi. Pour les nourrissons nourris artificiellement, on peut proposer un hydrolysat dans les trois premiers mois de vie. Après cet âge, le lait habituel est poursuivi, et une préparation sans lactose n’est prescrite que si une intolérance secondaire au lactose est suspectée, en cas de diarrhée persistant plus de 5 jours.

Surveillance

Elle associe la recherche de signes d’hypovolémie et de déshydratation, la surveillance des volumes bus ou perfusés, la fréquence des selles, des vomissements et des mictions, le poids, la température et le comportement général.

Critères d’hospitalisation

Les critères d’hospitalisation sont :

  • un choc hypovolémique,

  • une déshydratation nécessitant une réhydratation intraveineuse ou par sonde naso-gastrique,

  • des troubles neurologiques,

  • des vomissements incoercibles malgré la réhydratation orale,

  • le risque de manque de soin ou de surveillance à domicile,

  • ou la suspicion d’une affection chirurgicale.

Ce peut être une hospitalisation en secteur de courte durée pour une réhydratation IV rapide durant 6 à 24 heures, ou en secteur conventionnel en cas de réhydratation prévisible supérieure à 24 heures (déshydratation sévère, pathologie sous-jacente, âge < 3 mois). Les indications pour les moins de 2 ans sont résumées dans la figure 63.1 , et les indications pour le plus de 2 ans dans le tableau 63.2 .

Figure 63.1.

Figure 63.1

Orientation d’un nourrisson (< 2 ans) présentant une gastroentérite aiguë

.

HCD : hospitalisation de courte durée.

Tableau 63.2.

Indications d’hospitalisation chez l’enfant de plus de 2 ans ayant une diarrhée aiguë.

Absolues Relatives
Déshydratation sévère Diarrhée sanglante
Signes neurologiques : confusion, coma Certaines affections chroniques : diabète, drépanocytose
État toxique ou état de choc Déficit immunitaire
Vomissements incoercibles Dénutrition
Suspicion d’affection chirurgicale

Les nourrissons avec une déshydratation modérée sont surveillés quelques heures aux urgences afin de s’assurer de la réussite de la réhydratation orale. Les nourrissons ne présentant pas de déshydratation, pas de comorbidité, pas d’échec de la réhydratation orale, peuvent rentrer à domicile avec des parents informés sur les modalités de réhydratation et les signes à surveiller.

Ce qui sera fait en consultation par le médecin traitant

Une consultation systématique à 48 heures peut être indiquée, notamment chez les nourrissons de moins de 6 mois, les enfants ayant une comorbidité, ou en raison des capacités limitées de surveillance des parents. Une consultation est conseillée en cas de diarrhée persistant plus de 5 jours pour réexaminer l’enfant et modifier éventuellement son alimentation.

Ce qu’il faut surveiller à domicile, les raisons d’une seconde consultation

Les consignes de surveillance à domicile doivent être clairement expliquées aux parents et le médecin doit s’assurer qu’elles sont comprises. On se renseigne notamment sur leurs possibilités de surveillance et de réaction : distance du domicile à l’hôpital, téléphone, moyens de transports. On conseille aux parents de noter les quantités bues, le nombre de selles, de vomissements, la température. On peut proposer la location d’une balance de précision chez les moins de 6 mois, afin de peser l’enfant régulièrement. Une nouvelle consultation est nécessaire en cas de vomissements répétés persistant malgré la réhydratation orale, de refus de boire malgré des selles profuses. Un avis immédiat doit être pris en cas de modification de la vigilance ou du comportement, de la coloration ou de respiration rapide.

Les mesures de prévention de l’infection reposent sur l’hygiène des mains. La vaccination contre le rotavirus prévient les formes graves de GEA à rotavirus, mais ce vaccin oral n’est pas recommandé en France en 2018, et n’est pas remboursé.


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