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. 2016 Sep 23:351–359. [Article in French] doi: 10.1016/B978-2-294-74748-9.00044-0

Diarrhée aiguë

Dominique Pateron, Maurice Raphaël, Albert Trinh-Duc
PMCID: PMC7152314

Points importants.

  • La plupart des diarrhées aiguës (85 %) sont d'origine infectieuse et ont une évolution favorable [1].

  • Deux pics annuels de survenue, un en janvier et l'autre en été.

  • Les principaux vecteurs des gastroentérites infectieuses sont les virus et les aliments.

  • Les données anamnestiques sont essentielles. La recherche de prise médicamenteuse (antibiotiques, AINS) et de l'existence d'épisodes antérieurs et répétés doit être systématique.

  • Les principales complications de la diarrhée sont le retentissement hydroélectrolytique (intérêt de la perte de poids) et le sepsis éventuel.

  • L'essentiel du traitement d'une diarrhée est la compensation des pertes hydroélectrolytiques.

  • L'âge élevé et l'existence d'une comorbidité, notamment cardiaque, ou d'une immunosuppression sont des éléments pronostiques importants.

Définitions

  • Définition pragmatique : plus de trois selles très molles ou liquides par jour depuis moins de deux semaines.

  • L'apparition de selles liquides permet de porter le diagnostic de diarrhée aiguë si elles sont récentes, fréquentes et abondantes.

  • Facteurs de risque associés aggravant le pronostic :
    • extrêmes de la vie ;
    • existence d'une comorbidité.

Diagnostic

Démarche diagnostique [2]

Anamnèse

  • L'interrogatoire est essentiel (voir encadré).

  • Recherche de prise médicamenteuse (prise d'antibiotiques, AINSd'AINS).

  • Composition des derniers repas.

Données essentielles de l'interrogatoire devant une diarrhée.
  • Le mode d'installation de la diarrhée : un début brutal évoque une cause ischémique, rare mais qui doit être reconnue précocement. Un début rapidement progressif s'observe en cas d'origine infectieuse.

  • Il est plus insidieux en cas de colite inflammatoire.

  • La durée de diarrhée.

  • L'existence de signes associés : vomissement, fièvre, céphalées, myalgies.

  • La présence de glaire, de sang et de pus.

  • La notion de voyage dans les 7 jours précédents la survenue de la diarrhée, d'hospitalisation récente.

  • La recherche de cas similaires dans l'entourage.

  • Les prises médicamenteuses dans les deux mois précédents.

  • La prise d'aliments douteux : crustacés, les œufs, le poulet rosé, les produits laitiers non pasteurisés, la viande bovine crue.

  • La notion d'efforts physiques intenses.

  • L'existence d'une maladie associée en particulier un déficit immunitaire (corticothérapie, néoplasie, sida).

  • La notion de maladie intestinale inflammatoire chronique.

  • La notion de constipation récente, de rétention urinaire.

Examen clinique

  • Température, pouls, pression artérielle, fréquence respiratoire, signes de déshydratationDéshydratation, instabilité hémodynamique.

  • Douleurs abdominales, défense, un météorisme. Examen généralement pauvre en dehors d'une sensibilité diffuse du cadre colique.

  • Apprécier le terrain et rechercher des comorbidités : âge, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, immunodépression, diabète.

Examens biologiques

  • Une diarrhée banale de moins de trois jours sans retentissement clinique et sans fièvre ne nécessite aucun examen.

  • NFS, ionogramme sanguin et fonction rénale permettent d'apprécier le degré de déshydratation.

  • Hémocultures en cas de fièvre et de frissons.

  • La coproculture est l'examen clef des gastro-entérite aiguës bactériennes, ensemencées fraîches ou être à défaut conservées à 4 °C pendant 12 h maximum sur des milieux sélectifs pourSalmonella Salmonella,Shigella Shigella, Campylobacter Campylobacteret Yersinia enterocolitica Yersinia enterocolitica.

  • Recherche de toxines deClostridium Clostridium demandée dans un contexte d'hospitalisation en cours, d'hospitalisation durant les mois précédents ou au décours d'un traitement antibiotique prescrit dans les deux mois précédents.

  • Examen parasitologique des selles si :
    • voyage en pays d'endémie amibienne ;
    • patients migrants ;
    • diarrhée prolongée ;
    • immunodéprimé ;
    • séjour récent dans un pays en zone d'endémie.
  • Un frottis sanguin complété par une goutte épaisse (paludismePaludisme).

  • Rechercher la notion de choléraCholéra.

Imagerie

  • TDM : pratiquée devant un syndrome douloureux abdominal associé à des signes de gravité (voir ci-dessous, signes de gravité d'une diarrhée) évoquant une colite aiguë grave.

  • Sigmoïdoscopie et rectoscopie si :
    • doute sur l'existence d'une colite inflammatoire sous-jacente ;
    • glaire ou de sang dans les selles : diagnostic macroscopique de colite distale et prélèvements à visée bactériologique, signe de colite pseudomembraneuse.

Diagnostic différentiel

La cause la plus fréquente de selles liquides (sans diarrhée vraie) chez la personne âgée est la fausse diarrhée sur fécalome.

Étiologies

Diarrhées infectieuses

  • Les principaux agents infectieux en cause sont indiqués dans le tableau 44.1  :
    • formes invasives : réaction inflammatoire à l'origine d'une production de pus et de sang. Diarrhée de faible volume, associé à un syndrome dysentérique (selles glaireuses, sanglantes associées à des douleurs abdominales et de la fièvre) ;
    • formes entérotoxiquesEntérotoxiques  : responsables d'un syndrome cholériforme, diarrhée abondante, sans fièvre ni douleurs abdominales, entraînant une déshydratation majeure.
  • Toxi-infections alimentaires collectivesToxi-infections alimentaires collectives (TIAC) (TIAC) :
    • évoquées lorsque plusieurs cas similaires de diarrhée (au moins deux) ont été signalés à partir de l'ingestion de la même source alimentaire (prévenir l'ARS) ;
    • salmonelles : 70 % des TIAC avec un pic de fréquence en été ; incubation pouvant aller jusqu'à 12 jours. Associe syndrome dysentérique précédé d'une diarrhée hydrique accompagnée de fièvre ;
    • staphylocoque (Staphylococcus aureus) : diarrhée profuse sans fièvre. Incubation de quelques heures (pâtisseries, les crèmes ou les viandes salées). Diarrhée intense sans fièvre ;
    • le Clostridium perfringens  : entéropathie entérotoxique ; contamination collective et massive (cantine). Associe diarrhée hydrique douleurs, sans vomissement ni fièvre ;
    • Le tableau 44.2 résume les principales propositions thérapeutiques.
  • Diarrhée du voyageur (tourista) :
    • diarrhée associée à des douleurs abdominales, des vomissements et de la fièvre au cours ou au décours d'un voyage dans un pays à faible niveau d'hygiène ; dure habituellement moins d'une semaine ;
    • d'origine bactérienne dans 80 % des cas. Escherichia coli entérotoxinogène le plus souvent en cause entraînant une diarrhée sécrétoire pure. Les shigelles, salmonelles (évoquer une typhoïde) ainsi que les infections à Campylobacter jejuni sont possibles.
  • Gastro-entérite infectieuse d'origine présumée virale :
    • souvent associées à des vomissements ; cas similaires dans l'entourage ; fièvre modérée ; diarrhée aqueuse sans glaire, ni pus, ni sang ; durée inférieure à 3 jours, sans retentissement sur l'état général et sans prise d'antibiotiques ;
    • aucun examen complémentaire n'est à envisager.
Tableau 44.1.

PrincipauxCoronavirusCMVAdénovirus entériqueHépatite A-GHerpèsNorwalkPicornavirusRotavirusCampylobacter spClostridium difficileE. coli entéroinvasifSalmonellesShigellesYersinioseBotulismeStaphylocoque doréClostridium perfringensE. coli 0157:H7Klebsiella pneumoniæShigella spVibrio choleræListeria monocytogenesNeisseria gonorrhœæCryptosporidiesEntamoeba histolyticaEnteromonas hominisGiardia lambliaAnisakiaseAscaridioseSchistosomiasesTæniaTrichinellosegermes impliqués dans les toxi-infections alimentaires collectives.

Viral (60 %)
  • Coronavirus

  • CMV

  • Adénovirus entérique

  • Hépatite A-G

  • Herpès

  • Norwalk

  • Picornavirus

  • Rotavirus

Bactéries (20 %)
Invasives
  • Campylobacter sp.

  • Clostridium difficile

  • E. coli entéroinvasif

  • Salmonelles

  • Shigelles

  • Yersiniose

Toxigéniques
Toxines produites dans l'aliment
  • Botulisme

  • Staphylocoque doré

Toxines produites après colonisation
  • Clostridium perfringens

  • E. coli 0157:H7

  • Klebsiella pneumoniæ

  • Shigella sp.

  • Vibrio choleræ

  • Listeria monocytogenes

  • Neisseria gonorrhœæ

Parasites (5 %)
Protozoaires
  • Cryptosporidies

  • Entamoeba histolytica

  • Enteromonas hominis

  • Giardia lamblia

Helminthiases
  • Anisakiase

  • Ascaridiose

  • Schistosomiases

  • Tænia

  • Trichinellose

Tableau 44.2.

Traitement Staphylocoque doréSalmonelleShigelleYersiniaCampylobacterClostridium perfringensBotulismeE. coli entéropathogèneClostridium difficiledes principales infections bactériennes responsables de diarrhée.

Causes Incubation Antibiotique préconisé
Staphylocoque doré 2 à 6 h 0
Salmonelle 10 à 24 h Fluoroquinolone si sévère
Shigelle 1 à 5 j Fluoroquinolone
Yersinia 4 à 10 j Fluoroquinolone, ceftriaxone
Campylobacter 1 à 5 j Érythromycine, ou fluoroquinolone
Clostridium perfringens 12 h 0
Botulisme 5 h à 8 j 0
E. coli entéropathogène 1 à 2 j Doxycycline, fluoroquinolone
Clostridium difficile Quelques jours à un mois Métronidazole ou vancomycine per os

Diarrhée d'origine médicamenteuse [3] Inline graphic

  • Diarrhées induites par les antibiotiques :
    • effet indésirable très fréquent des antibiotiques (5 à 30 %) apparaissant 3 à 5 jours après le début du traitement sans fièvre ni vomissement et cédant à l'arrêt du traitement ;
    • colites pseudomembraneusesColites pseudomembraneuses  :
      • -
        liées à la production de toxines A et B du Clostridium difficile,
      • -
        survient entre la fin de la 1re semaine et la 6e semaine à l'arrêt des antibiotiques,
      • -
        s'accompagne généralement d'une fièvre modérée, de douleurs abdominales et météorisme,
      • -
        rectosigmoïdoscopie : fausses membranes.
      • -
        Le traitement : arrêt de l'antibiothérapie suspecte, prescription de métronidazole.
    • colites hémorragiquesColites hémorragiques à l'ampicilline :
      • -
        2 à 7 j après un traitement par ampicilline ; serait due à une toxine sécrétée parKlebsiella oxytoca Klebsiella oxytoca,
      • -
        diarrhée sanglante et des douleurs abdominales sans fièvre,
      • -
        évolution favorable après l'arrêt du traitement.
  • Autres médicaments : d'autres médicaments en dehors des antibiotiques peuvent être responsables de colites iatrogènes (voir encadré).

Principaux médicaments (en dehors des antibiotiques) responsables de diarrhée aiguë.
  • AlphaméthyldopaAlphaméthyldopa.

  • Anti-acidesAnti-acides.

  • AntidépresseursAntidépresseurs.

  • Anti-épileptiquesAnti-épileptiques.

  • AINSAINS.

  • AntiparkinsoniensAntiparkinsoniens.

  • Anti-arythmiquesAnti-arythmiques.

  • CholestyramineCholestyramine.

  • ColchicineColchicine.

  • DigitaliquesDigitaliques.

  • L-dopaL-dopa.

  • MetformineMetformine.

  • ProstaglandinesProstaglandines.

  • ThéophyllineThéophylline.

Autres causes

  • Diarrhées liées à une entérocolite inflammatoire : examens endoscopiques et les biopsies.

  • Colite ischémique : diarrhée sanglante associée à des douleurs abdominales sur un terrain vasculaire.

  • Entérites radiques : évolution par poussée et ce sont les antécédents qui permettent d'évoquer le diagnostic.

Éléments de gravité et pronostic

Recherche de complications

  • La colite aiguë graveColite aiguë grave  : entité anatomique marquée par des ulcérations creusantes touchant tout ou partie du colon et du rectum.
    • diarrhée sévère associée à des douleurs abdominales parfois intenses et altération rapide de l'état général.
    • hyperleucocytose, une élévation de la CRP et une hypoalbuminémie.
  • Éliminer un mégacôlonMégacôlon toxique défini par :
    • une dilatation de 6 à 7 cm du diamètre colique en dehors des zones où persistent les haustrations coliques ;
    • tableau clinique de gravité comprenant au moins :
      • -
        fièvre supérieure à 38,6 °C,
      • -
        tachycardie supérieure à 120 – hyperleucocytose et anémie.
  • Les autres complications sont la perforation colique et l'hémorragie intestinale massive et/ou un choc septique. Discussion de la colectomie en urgence.

  • Diagnostic différentiel des formes graves :
    • forme sévère de colite ischémiqueColite ischémique  ;
    • colite à CMVCMV survient chez un sujet immunodéprimé ;
    • colites toxiques ou médicamenteuses n'entraînent qu'exceptionnellement un tableau de colite aiguë grave, rapportées après la prise de cocaïneCocaïne, de sels d'orSels d'or ou de méthotréxateMéthotréxate.

Pronostic

  • Signes de gravité d'une diarrhée :
    • perte de poids de plus de 10 % du poids de base ou des signes de déshydratationDéshydratation extracellulaire ;
    • signes de sepsisSepsis sévère ;
    • signes d'irritation péritonéale [4].
  • Le diagnostic de gravité fait appel à des scores cliniques ou biologiques (tableau 44.3 ).

  • Comorbidité notamment cardiaque ou immunosuppression : éléments pronostiques importants

Tableau 44.3.

Scores de gravité clinicobiologiques proposés pour les rectocolites hémorragiques.

Critères d'Oxford (Truelove) à l'admission
  • plus de 6 selles glairosanglantes/24 h

  • pouls > 90/min

  • température > 37,5°

  • chute d'un quart de l'hémoglobinémie

  • VS > 30 à la première heure

Critères de Travis après 3 j de traitement (discussion de la colectomie)
  • plus de 8 émissions sanglantes/24 h

  • protéine C réactive > 45 mg/L

Prise en charge thérapeutique

Dans tous les cas :

  • Réhydratation en compensant les pertes hydroélectrolytique ;

  • Traitement de la cause.

Cas sévère :

  • Nécessite une surveillance continue en milieu médicochirurgical ;

  • Arrêt de toute alimentation orale, correction des troubles hydroélectrolytiques par voie parentérale ;

  • Lorsqu'elle existe, traitement d'une entérite inflammatoire par corticothérapie parentérale (méthylprednisolone 1 mg/kg/j) ;

  • En cas de fièvre, nécessité d'une antibiothérapie parentérale active sur les entérobactéries et les anaérobies ;

  • Prévention des thromboses veineuses profonde par HBPM est utile.

Références

  • 1.Hoogenboom-Verdegaal A.M., de Jong J.C., During M. Community-based study of the incidence of gastrointestinal diseases in The Netherlands. Epidemiol Infect. 1994;112:481–487. doi: 10.1017/s0950268800051189. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 2.Beaugerie L. Urgences 2001. Arnette; Paris: 2001. Cadre nosologique et diagnostique des colites aiguës; pp. 64–70. [Google Scholar]
  • 3.Siproudhis L., Mahmoud H., Briand N. Causal assessment of drug-induced acute colitis. A prospective study of 58 consecutive cases. Gastroenterol Clin Biol. 1998;22:778–784. [PubMed] [Google Scholar]
  • 4.Travis S.P., Farrant J.M., Ricketts C. Predicting outcome in severe ulcerative colitis. Gut. 1996;38:905–910. doi: 10.1136/gut.38.6.905. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]

References

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