Summary
Les brûlures par haut voltage (>1 000 V) sont rares mais leurs pronostics vital et fonctionnel sont souvent désastreux. Les différents mécanismes liés au passage du courant sont responsables de lésions étendues et profondes dont l’appréciation clinique peut être difficile. Nous décrivons un cas de brûlure électrique grave où les auteurs ont réalisé une IRM précoce afin d’élaborer une stratégie chirurgicale en déterminant le niveau d’amputation et éviter les chirurgies multiples. L’analyse des différents signaux d’IRM et l’examen per- opératoire des tissus ont conduit l’équipe à une approche chirurgicale précoce et a permis de déterminer les niveaux d’amputation des membres. L’analyse précoce des lésions par imagerie IRM permet d’envisager une approche chirurgicale plus agressive et de réduire ainsi le nombre d’interventions et la durée d’hospitalisation en réanimation.
Keywords: imagerie par résonnance magnétique, brûlure électrique, amputation
Abstract
High-voltage electrical burns are rare, but the functional prognosis is often disastrous. Electrical currents are responsible for a wide range of injuries and their clinical assessment is difficult. For a case of severe electrical burn, and based on the literature, the authors performed an early MRI to elaborate their surgical strategy and avoid multiple surgeries by determining the level of amputation. Analysis of the different MRI signals and the per-operative study of the tissues led the team to take an early surgical approach and we were able to determine the level of limb amputation. Early analysis of lesions by MRI imaging allows us to consider a more aggressive surgical approach and thus reduce the number of interventions and the duration of stay in the intensive care unit.
Contexte
Les brûlures électriques sont responsables des brûlures les plus graves. Elles sont souvent profondes et associées à des complications médicales pouvant être fatales. Elles sont classées en bas voltage (<1 000V) et haut voltage (>1 000V).1 Elles représentent moins de 5% des admissions pour brûlure à travers le monde, avec une incidence plus importante dans les pays en développement (Inde, Chine,..) notamment à cause de la précarité de certaines installations électriques, d’une sécurité au travail aléatoire, des vols de cuivre etc.2 Les brûlures par courant à haute tension sont rares mais extrêmement délabrantes. Elles sont classiquement retrouvées chez l’homme jeune au cours d’un accident du travail dans les pays développés.
Ces brûlures relèvent donc systématiquement d’une prise en charge chirurgicale pouvant être lourde (parage extensif, escarrotomie, amputations) et fréquemment suivie de reconstruction séquellaire. La difficulté initiale réside dans la détermination de l’extension en profondeur des lésions, rarement corrélée à l’appréciation de la brûlure cutanée, au niveau des points d’entrée et sortie (marques de Jellinek) et autour, complique la stratégie du chirurgien plasticien.
Physiopathologie
Afin de comprendre l’évolution de ces lésions il est important de comprendre leur physiopathologie.3 Deux phénomènes entrent en jeu : la lésion électrique vraie, qui entraîne des modifications de perméabilité des membranes cellulaires et la lésion électrothermique par production de chaleur sur le trajet du courant, qui peut se définir avec la loi d’Ohm et l’effet Joule : E=R I2 t. Les lésions observées au niveau des zones de contact s’expliquent par la rencontre du courant avec des zones de forte résistance (la peau) entraînant la dissipation de l’énergie sous forme de chaleur. En revanche, l’évolution en profondeur est due à de multiples phénomènes, dont l’apparition est retardée. En effet, l’électricité circule par les pédicules vasculo- nerveux, tissus de plus faible résistance.
Ainsi, au niveau des parois vasculaires, les modifications de l’intégrité des cellules associées à une hypercoagulabilité sont responsables d’occlusions par thrombose ou sténose de la paroi auxquelles viennent s’ajouter une dysautonomie majeure et persistante (jusque 6 semaines), avec hypertension et vasospasme. Au niveau musculaire, elles ont une physiopathologie double (électrothermique et électrique vraie). L’importance de chaque type de lésion n’est actuellement pas évaluable L’atteinte musculaire est toujours beaucoup plus étendue que ne le laisse supposer l’atteinte cutanée, elle est indolore. Le passage du courant électrique provoque un oedème lésionnel rapidement responsable d’un syndrome des loges puis d’une nécrose cellulaire.
Objectif
Notre équipe est régulièrement confrontée à ce type de brûlure, qui nécessite des gestes de débridement voire d’amputation, souvent itératifs. Au travers d’un cas d’électrisation grave et en nous appuyant sur les données de la littérature, nous souhaitions évaluer l’intérêt et la place d’une IRM dans la stratégie chirurgicale, afin d’uniformiser nos pratiques et d’optimiser la prise en charge chirurgicale des patients. Notre objectif principal était d’avoir une évaluation précoce et précise de la viabilité des tissus, guidée par l’imagerie, afin de pourvoir diminuer le nombre de gestes chirurgicaux et la durée d’hospitalisation.
Cas clinique
Nous avons décidé d’appliquer cette stratégie dans le cas de M.R., 18 ans, victime d’une brûlure extrêmement grave par électrisation, suite à un accident du travail avec une ligne à haute tension aérienne (63 000 V). Il présentait à l’évaluation initiale une brûlure des 4 membres avec une atteinte de 3ème degré circulaire des deux mains et deux pieds et un syndrome de toutes les loges musculaires des 4 membres, ayant nécessité des aponévrotomies de décharge (Fig. 1 à 4). Une IRM injectée a été réalisé précocement, à j10, après stabilisation en réanimation du patient, afin de d’explorer les atteintes vasculaires et musculaires (Fig. 5 et 6). Nous recherchions, après injection : hyperT1 au niveau de la démarcation tissu nécrotique/tissu sain, hyperT2 (plage de nécroses), occlusions, thrombi et déformations artérielles. L’interprétation a permis de guider le geste chirurgical initial (parage sélectif et amputations) selon le niveau des occlusions vasculaires des principaux grands axes. L’évaluation précoce par l’IRM des lésions vasculaires et musculaires des 4 membres brûlés nous a permis d’établir une approche chirurgicale agressive. Une analyse systématique des territoires nécrotiques et des occlusions vasculaires nous a permis de déterminer les niveaux d’amputation, évitant ainsi les reprises chirurgicales itératives et réduisant le risque infectieux. Au niveau des membres supérieurs, l’examen retrouvait des occlusions vasculaires humérales distales avec des plages de nécroses musculaires extensives des loges de l’avant-bras. Nous avons donc procédé à une amputation trans-humérale bilatérale. Au niveau des membres inférieurs, à droite : nécrose musculaire de l’ensemble des muscles de la jambe, atteinte nécrotique des muscles des loges antérieure et postérieure de la cuisse, corrélée avec le niveau de l’atteinte vasculaire de l’artère fémorale ; à gauche : plage de nécrose constituée focale du muscle vaste latéral, plages de nécrose constituée des loges antéro- latérale et postérieure de jambe. Nous avons donc réalisé des amputations trans- fémorale à droite et trans- tibiale à gauche (Fig.7 et 8).
Discussion
Le courant électrique entraîne sur son passage de nombreux dégâts vasculaires. Dans la littérature, des équipes se sont intéressées à l’intérêt de l’angioscanner pour l’évaluation de l’atteinte vasculaire dans le cadre des brûlures électriques, mais elles est peu performantes pour l’évaluation des lésions des parties molles, et d’utilisation parfois difficile en phase aiguë (insuffisance rénale aiguë consécutive à l’injection de produit de contraste).4 Il est également rapporté l’utilisation du LDI (Laser Doppler Imaging) afin de déterminer la profondeur d’une brûlure et son pronostic, en étudiant la vascularisation de la zone atteinte, mais cet examen n’est pas efficace pour l’étude profonde des tissus.5 Une étude chinoise de 2011 rapportait, dans une série de cas d’électrisés, les signaux IRM, les données chirurgicales et histologiques des territoires électrisés.6 Cette publication nous a amenés à remettre en cause notre stratégie chirurgicale, grâce à l’utilisation précoce de l’IRM, permettant une définition précise de cette atteinte vasculaire (le plus souvent discordante avec notre évaluation clinique). En effet, nous avions auparavant une attitude plus conservatrice et expectative avec parfois des chirurgies répétées et des amputations itératives. La réalisation de l’IRM doit cependant être discutée à chaque cas. En effet, la réalisation de cet examen chez un grand brûlé peut se révéler difficile, notamment au niveau de l’installation (patient « réanimatoire » donc médicalisation importante et pansements volumineux) et les images résultantes pouvant être difficiles d’interprétation. Il serait intéressant d’évaluer le délai pour laquelle la réalisation de cette imagerie serait optimale car, dans le cas présent, l’IRM a été réalisée lorsque l’état du patient était stabilisé et que la problématique chirurgicale passait au premier plan.
Conclusion
Dans le cadre des brûlures électriques par haut voltage, le réalisation précoce d’une IRM semble utile pour guider la stratégie chirurgicale et évaluer le niveau des éventuelles amputations. Cette stratégie permet de réduire le nombre d’interventions et la durée d’hospitalisation, ainsi que les conséquences psychologiques catastrophiques d’amputations itératives. La date idéale de cette IRM reste à déterminer
References
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