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. 2020 Apr 21;204(6):607–610. [Article in French] doi: 10.1016/j.banm.2020.04.013

Complications des tatouages : classification clinique, histologique, physiopathologique, cinétique des particules

Complications of tattoos: Clinical and pathological classification, pathophysiology, particle kinetics

M Bagot 1
PMCID: PMC7172802  PMID: 32322105

Abstract

Les tatouages sont de plus en plus fréquents et leur surface est en augmentation. Ils sont également de plus en plus colorés. Les complications sont fréquentes et réalisent des tableaux cliniques et histologiques très variés. Les encres, dont la composition n’est pas toujours connue, contiennent de nombreux pigments dont les produits de dégradation peuvent entraîner des allergies chroniques. Les effets à long terme de la présence de produits carcinogènes et de nanoparticules justifient la réalisation d’études prospectives. Le public devrait être informé de ces complications et des difficultés du détatouage.

Mots clés: Tatouages, Encre, Allergie, Nanoparticules


Depuis des siècles et dans de nombreuses cultures, les tatouages ont été utilisés pour des raisons religieuses, médicales ou esthétiques. Au cours des dernières années, ils sont devenus très fréquents, touchant 30 % de la population américaine et près de 50 % des milléniaux dans ce pays. En Europe, la fréquence est estimée à 10–30 %. Leurs caractéristiques se sont également modifiées puisqu’ils sont beaucoup plus étendus et colorés qu’auparavant. Les encres utilisées, dont la composition est souvent inconnue, persistent de manière prolongée dans la peau et les ganglions subissant des modifications de leurs structures physiques et chimiques. Des quantités inconnues de nanoparticules peuvent se retrouver dans la circulation sanguine et lymphatique [1].

Classification clinique des complications des tatouages

Complications infectieuses

Le risque infectieux des tatouages peut être aigu ou retardé et parfois systémique. Si des mesures d’hygiène rigoureuses permettent de diminuer les risques de transmission du virus de l’hépatite B, de l’hépatite C et du VIH, les infections bactériennes restent fréquentes, causées par divers agents, essentiellement Staphylocoques, Streptocoques, Pseudomonas, Clostridium, mais aussi mycobactéries. Environ 10 % des encres peuvent être contaminées.

Complications non infectieuses

Une étude sur une série de 3411 tatouages a montré des réactions cutanées dans 67 % des cas et des réactions systémiques dans 7 % des cas débutant quelques semaines après le tatouage [2]. Une étude danoise a montré des plaintes chez 27 % des sujets tatoués, dont 58 % étaient liés à des problèmes d’expositions solaires. Les symptômes prédominants étaient des sensations de démangeaisons ou de piqûres, des œdèmes et des brûlures [3], [4].

Les complications non infectieuses des tatouages peuvent être classées en fonction des signes cliniques.

Les lésions peuvent se présenter sous forme de papulo-nodules touchant électivement certaines couleurs en particulier la couleur noire. Elles surviennent souvent sur des zones ou le pigment est plus dense.

Les réactions allergiques se manifestent spécifiquement sur les zones de certaines couleurs et toutes les zones de la même couleur sont atteintes. Elles surviennent après une latence de plusieurs mois ou même années. Elles sont chroniques, réfractaires aux traitements par corticostéroïdes [5]. Les tests épicutanés avec les différentes substances présentes dans l’encre des tatouages sont négatifs, car la réaction est causée par un haptène formé à l’intérieur de la peau par combinaison à une protéine ou par dégradation des produits. Des réactions à type de plaque sont fréquentes au niveau des tatouages de couleur rouge. Les réactions allergiques peuvent également survenir sur des couleurs vertes ou bleues.

Certaines lésions peuvent être très infiltrées et hyperkératosiques, l’épiderme peut se nécroser ou s’ulcérer. Ces réactions se voient surtout sur les couleurs rouges. Les lésions peuvent disséminer en dehors des zones tatouées et réaliser des bulles ou des lésions de type vascularite.

Réactions histologiques

Les aspects histologiques des réactions sont extrêmement variés [6], [7]. Il peut s’agir de réactions eczématiformes (acanthose avec spongiose et infiltrat inflammatoire), de réactions psoriasiformes, de réactions de l’interface de type lichénoïde ou vacuolaire. Les lésions nodulaires peuvent correspondre à un granulome tuberculoïde, à des réactions sarcoïdosiques, à un granulome suppuré ou à un granulome nécrobiotique. Plusieurs couleurs peuvent induire des infiltrats pseudo-lymphomateux. D’autres réactions peuvent être vésiculo bulleuses, à type de vascularite, de fibrose ou pseudo-épithéliomateuses (Tableau 1 ).

Tableau 1.

Aspects histopathologiques réalisés par les complications des tatouages.

Réactionspongiotique
Réactionpsoriasiforme
Réactiond’interface
 Lichénoïde
 Vacuolaire
Réactionsnodulaireetdiffuse
 Granulomateuse
  Tuberculoïde
  Sarcoïdosique
  Granulome suppuré
  Nécrobiotique
 Pseudo-lymphomateuse
Réactionvésiculobulleuse
Vascularite
Réactionfibrosante
Réactionpseudo-épithéliomateuse

D’après Thum et al. AmJDermatopathol, 2015.

Physiopathologie

Le rôle des encres est essentiel. On constate qu’il existe souvent un lien indiscutable entre la nature chimique de l’encre ou de ses produits de dégradation, sa migration dans la peau et l’aspect clinique confirmé par l’examen histologique [7]. La molécule toxique peut être l’encre injectée elle-même ou un métabolite formé par sa dégradation.

Une charge excessive en pigment noir peut induire des réactions granulomateuses et sarcoïdosiques dans 34 % des cas [8]. Toute réaction granulomateuse, même restreinte à une seule couleur, doit faire rechercher une sarcoïdose [9].

Le risque de réactions d’hypersensibilité à l’un des constituants des encres est la complication la plus fréquente, mais imprévisible. Une sensibilisation, particulièrement avec les encres rouges, peut apparaître ainsi des années après la réalisation du tatouage, notamment par modification de la structure chimique d’un composé de l’encre sous l’effet des UV ou du laser utilisé pour tenter de faire disparaître le tatouage.

Ces dernières années, les colorants organiques se sont multipliés dans les encres de tatouages alors que ces pigments étaient initialement développés pour un usage limité aux laques et plastiques, et aucune donnée n’est disponible sur leur toxicité après injection intradermique. La présence d’hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les encres noires potentiellement génotoxiques a été détectée dans des prélèvements de peau tatouée et de ganglions de l’aire de drainage proche des années après le tatouage. Les encres contiennent de nombreux autres types de colorants et de conservateurs, dont certains sont interdits en usage cosmétique ainsi que des sels de métaux lourds et autres métaux toxiques parfois à concentration élevée et plus récemment sous forme nanoparticulaire (titane).

Les métaux le plus souvent détectés sont le cobalt, le cadmium, le nickel, le chrome qui sont allergéniques, et plus récemment le zinc et le barium qui sont moins allergéniques [10]. Une étude américaine récente montre qu’un flacon d’encre contient en moyenne trois pigments. Les pigments organiques sont de plus en plus utilisés. Ils sont multiples et peuvent le plus souvent induire des réactions d’hypersensibilité [10]. La nature précise des pigments présents dans les encres devrait être connue des personnes tatouées. Les tatoueurs devraient indiquer ces constituants dans un carnet.

Une étude récente a analysé à l’aide d’un synchrotron la peau et les ganglions de sujets tatoués. Les résultats démontrent la présence de nanoparticules de fer, de nickel et de chrome déposées dans la peau et ayant migré jusqu’aux ganglions. Ces particules proviennent pour une bonne part des aiguilles utilisées pour le tatouage [11].

Pathologies associées

Les malades immunodéprimés et les malades suivis pour des maladies chroniques doivent être informés des possibles complications des tatouages en particulier infectieuses. Ce risque doit être mentionné par exemple aux malades porteurs de dermatite atopique dont la peau est colonisée par Staphylococcus Aureus.

Les patients doivent également être informés du risque de localisation de leur dermatose sur leur tatouage particulièrement en cas de sarcoïdose ou de psoriasis. Une étude française récente a analysé 894 tatouages chez des malades psoriasiques [12]. Des complications locales à type d’œdème, prurit, allergie, phénomènes de Koebner ont été retrouvés dans 6,6 % des cas, plus fréquemment chez les malades nécessitant un traitement au moment du tatouage. Aucune complication grave n’a été rapportée.

Un risque augmenté de cancer cutané n’a pas été documenté jusque-là, en dehors de la fréquence de survenue de kératoacanthomes sur les tatouages rouges. Plusieurs études épidémiologiques sont en cours afin d’évaluer un éventuel lien entre la survenue de lymphomes, de mélanomes et de carcinomes cutanés [13].

Exérèse des tatouages

Une étude française récente ayant été réalisée sur un échantillon de 5000 personnes montre que 14 à 17 % des personnes tatouées regrettent et souhaitent faire disparaître leur tatouage [14]. Les facteurs associés à un plus grand risque de demande de détatouage sont des hésitations au moment de l’acte, un âge jeune et le sexe masculin. Les demandes de détatouages sont en rapport avec des motivations personnelles, familiales, professionnelles ou médicales en cas de complications. Cette étude montre l’importance d’une information exhaustive des personnes avant leur choix de réaliser un tatouage. L’Académie européenne de dermatologie et de vénéréologie (EADV) a récemment réalisé une campagne d’information sur les risques et complications des tatouages afin de minimiser les choix impulsifs non réfléchis.

La destruction des tatouages est le plus souvent très difficile et partielle. La multiplicité des pigments complique l’exérèse. Plusieurs types de lasers ayant pour cibles des chromophores différents peuvent être nécessaires. Une étude récente a démontré que l’irradiation par laser de certains pigments organiques entraîne le relargage de produits de décomposition cytotoxiques et génotoxiques ayant des propriétés carcinogènes [15]. Il a été récemment rapporté la survenue de carcinomes épidermoïdes multiples survenant sur une zone de tatouage rouge après destruction par laser [16].

Conclusion

Cette revue montre que les complications des tatouages sont nombreuses et variées. Les phénomènes d’allergie sont fréquents et justifient une meilleure connaissance de la composition des encres. Des études prospectives sont nécessaires afin de mieux connaître les complications possiblement associées aux produits carcinogènes et aux nanoparticules. Une information du public sur les complications des tatouages et sur les difficultés et les risques du détatouage est indispensable.

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Footnotes

La séance était prévue le 31 Mars 2020 mais a été reportée en raison de l'épidémie à une date encore non déterminée.

Références

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