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. 2020 Apr 22;46(3):S114–S115. [Article in French] doi: 10.1016/j.encep.2020.04.003

Données de vie réelle et Covid-19 : la troisième voie

Real-life data and Covid-19: The third avenue of reseach

L Boyer 1, P Auquier 1, G Fond 1,*
PMCID: PMC7174151  PMID: 32362504

Résumé

L’analyse des données de vie réelle à partir des systèmes d’information hospitaliers pourrait permettre de trancher sur l’efficacité et la sécurité des traitements prescrits dans le Covid-19 en évitant les écueils des études préliminaires et des essais cliniques randomisés. Les différentes thérapeutiques testées dans les essais cliniques en cours sont déjà largement prescrites aux patients par les médecins dans les hôpitaux, et peuvent donc faire l’objet d’analyses immédiates selon des standards méthodologiques validés.

Mots clés: Psychiatrie, Covid, Infection, Traitement, Santé publique, Méthode, Preuve


Plusieurs études préliminaires, chinoises et françaises, rapportent l’efficacité de l’hydroxychloroquine sur des patients atteints du Covid-19 [1], [2]. Compte tenu de l’urgence sanitaire et de la balance bénéfice-risque favorable de l’hydroxychloroquine, de nombreux scientifiques et personnalités publiques proposent la généralisation immédiate de ce traitement pour les formes modérées à sévères de Covid-19. Le Pr Didier Raoult justifie cette position « en opposant l’éthique du traitement à l’éthique de la recherche ». #NePerdonsPlusDeTemps… a notamment recueilli plus de 100 000 signatures pour une pétition en faveur de la prescription de la chloroquine.

À l’opposé, de nombreux scientifiques pointent les limites de ces études préliminaires, car elles n’ont pas été menées selon le gold-standard méthodologique actuel à la base de l’evidence based-medicine : l’essai randomisé contrôlé [3], [4]. Ainsi, plusieurs essais cliniques randomisés ont débuté en France et dans le monde. À titre d’exemple, l’étude Hycovid propose un essai randomisé contrôlé en double aveugle comparant l’hydroxychloroquine à un placebo dans 32 centres hospitaliers en France et prévoit d’inclure 1300 patients. L’essai clinique européen Discovery coordonné par l’Inserm inclura au moins 800 patients français atteints de formes sévères du Covid-19 pour tester cinq modalités de traitement : soins standards, soins standards plus Remdesivir, soins standards plus Lopinavir et Ritonavir, soins standards plus Lopinavir, Ritonavir et interféron bêta, et soins standards plus Hydroxychloroquine.

Pour autant, l’essai clinique randomisé présente plusieurs limites largement décrites dans la littérature scientifique. Outre le temps nécessaire de mise en place inhérent à toute étude et difficilement compatible avec une situation d’urgence sanitaire, ce schéma expérimental ne permet notamment pas de déterminer l’efficacité du traitement en pratique courante puisqu’on n’aura pas en vie réelle les mêmes patients sélectionnés sur des critères d’inclusion et de non-inclusion que dans un essai clinique. En d’autres termes, les essais cliniques ont une forte validité interne mais sont imparfaitement généralisables. Ce problème est largement connu et particulièrement vrai en psychiatrie [5]. Les Anglo-Saxons proposent d’ailleurs deux termes différents : « l’efficacy », c’est-à-dire l’efficacité dans des conditions expérimentales « optimales » et « l’effectiveness », c’est-à-dire l’efficacité dans la pratique courante en vie réelle.

Dans la situation actuelle, les études en vie réelle constituent le maillon manquant entre les deux positions préalablement décrites [6], [7], [8]. À partir de données issues des systèmes d’information des établissements de santé (à savoir la mise en commun des données cliniques et thérapeutiques disponibles dans plusieurs établissements de données français), il serait possible de conduire très rapidement des études observationnelles reposant sur des standards validés confirmant ou infirmant dès les prochains jours les résultats thérapeutiques en termes d’efficacité.

Au-delà de la nécessité de mener rapidement des études de vie réelle par mise en commun des données déjà disponibles, il conviendra à l’issue de cette crise sanitaire de prendre la pleine mesure de l’intérêt des données de vie réelle produites par les hôpitaux et plus globalement par l’ensemble des professionnels de santé.

Les conditions d’un recueil de qualité des données de vie réelle nécessitent du temps pour les professionnels de santé qui n’en ont malheureusement plus, tant le fonctionnement hospitalier est dominé par l’accumulation de normes rigides et de tâches administratives chronophages (aux dépens du soin et de la recherche) dans un contexte de restriction budgétaire, de centralisme administratif et d’approche managériale. Tous ces éléments participent directement au malaise hospitalier (perte de sens, burn out, dépression et suicide) [9].

La mise en commun et l’analyse collective des données de vie réelle impliqueront quant à elles des choix stratégiques en matière de partage de données de santé tout en respectant la souveraineté des hôpitaux publics en termes de propriété de données et de recherche. C’est pour cette raison qu’il nous paraît préférable de privilégier un modèle décentralisé fondé sur la recherche en réseau, l’interopérabilité des systèmes d’information et l’apprentissage fédéré en ayant recours à des logiciels libres. En d’autres termes, les pouvoirs publics pourraient aider les hôpitaux publics à créer des entrepôts de données de santé avec l’objectif de collecter des données générées localement pour les analyser puis pour les partager avec d’autres établissements ou producteurs de données sur la base d’une coopération volontaire, tout en préservant la confidentialité des données et la sécurité de leur stockage.

Pour conclure, nous pensons donc que l’analyse des données de vie réelle (systèmes d’information hospitaliers) pourrait permettre de trancher sur l’efficacité et la sécurité des traitements prescrits dans le Covid-19 en évitant les écueils des études préliminaires et des essais cliniques randomisés. En effet, les différentes thérapeutiques testées dans les essais cliniques en cours sont déjà largement prescrites aux patients par les médecins généralistes et/ou dans les hôpitaux, et peuvent donc faire l’objet d’analyses immédiates selon des standards méthodologiques validés.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

  • 1.Gautret P., Lagier J.C., Parola P. Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial. Int J Antimicrob Agents. 2020:105949. doi: 10.1016/j.tmaid.2020.101663. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
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