Résumé
La pandémie récente de COVID-19 a entraîné des changements organisationnels majeurs dans les lieux de soins et notamment en hospitalisation en psychiatrie. Pour évaluer l’évolution de l’activité des différents centres pratiquant l’ECT, une enquête nationale en ligne a été réalisée. 65 réponses de toute la France ont été analysées. Plus de 90 % des centres pratiquant l’ECT ont connu une diminution de leur activité. Plus inquiétant encore, la moitié des centres ont subi un arrêt total de leur activité et un quart des centres accusent une diminution de plus de la moitié de leur activité habituelle. Les soins psychiatriques post-pandémie COVID-19 s’annoncent difficiles. Il est essentiel de ne pas ajouter à cette difficulté les complications, souvent graves, qui seront liées au retard ou à l’arrêt de la pratique de l’ECT. Il conviendra aussi de rester vigilant quant aux conséquences spécifiques neuropsychiatriques qui feront suite à la pandémie.
Mots clés: Électro-convulsivo-thérapie, Épidémiologie, Complications, Accès aux soins, COVID-19, Pandémie
Abstract
The recent COVID-19 pandemic has led to major organisational changes in health care settings, especially in psychiatric hospitals. We conducted a national online survey to assess the evolution of electroconvulsive therapy (ECT) in the different centres practicing this treatment. 65 responses from all over France were analysed. More than 90 % of the centres practising ECT experienced a decrease in their activity. Half of the centres experienced a total cessation of activity and 25 % of the centres experienced a decrease of more than half of their usual activity. Post-pandemic COVID-19 psychiatric care is expected to be difficult. It is essential not to add to this difficulty the complications, often serious, that will be associated with delaying or stopping the practice of ECT. It will also be necessary to remain vigilant with regard to the specific neuropsychiatric consequences that will follow the pandemic.
Keywords: Electroconvulsive therapy, Epidemiology, Complications, Health care access, COVID-19
L’électro-convulsivo-thérapie (ECT) est le traitement le plus efficace des troubles de l’humeur (dépression uni ou bipolaire, épisode maniaque et mixte) [1], [2] et du syndrome catatonique [3]. L’ECT peut aussi être un traitement des troubles schizophréniques dans certaines conditions [2]. Les indications de l’ECT s’inscrivent dans 2 grands types de contexte : les pathologies résistantes aux traitements habituels (médicaments et psychothérapie) et les situations urgentes et/ou graves marquées par la mise en jeu du pronostic vital à court terme. Cette mise en jeu du pronostic vital correspond aux situations de déshydratation, dénutrition, anomalies neurovégétatives et risque suicidaire, régulièrement rencontrés dans le cadre des dépressions sévères, mélancoliques, ou encore dans le syndrome catatonique [2].
La pandémie récente de COVID-19 a entraîné des changements organisationnels majeurs dans les lieux de soins et notamment en hospitalisation en psychiatrie : priorisation des moyens sur les services de réanimation et arrêt de presque toutes les activités programmées… Ces remaniements ont également eu un impact important au sein des centres pratiquant l’ECT. En effet, même si l’indication de ce traitement est posée par le psychiatre, l’ECT est délivrée, sous anesthésie générale et curarisation, par une équipe multidisciplinaire de psychiatres, anesthésistes et infirmiers dans un environnement adapté et réglementé [1]. Ainsi, les lieux, les moyens humains et le matériel nécessaires à la pratique de l’ECT (matériel permettant la ventilation artificielle sans intubation) ont été utilisés et servent logiquement à la prise en charge des patients COVID en détresse respiratoire aiguë. De plus, des difficultés de disponibilité des anesthésistes mobilisés en service de réanimation et même parfois la pénurie des drogues nécessaires (anesthésiants, curare) s’ajoutent à la problématique. De ce fait, il est apparu que plusieurs centres d’ECT avaient subi une réduction majeure, souvent non anticipée, de leur activité en rapport avec ces différentes réorganisations.
Pour évaluer l’évolution de l’activité des différents centres pratiquant l’ECT, une enquête nationale en ligne a été réalisée (consultable en suivant ce lien : https://forms.gle/GvDV6T1rsXQMmCGs7). La communauté a réagi très rapidement avec 65 réponses obtenues (soit environ la moitié des centres pratiquants les ECT en France) en quelques jours. Les résultats sont édifiants. Plus de 90 % des centres pratiquant l’ECT ayant répondu ont connu une diminution de leur activité. Plus inquiétant encore, la moitié des centres ont subi un arrêt total de leur activité et un quart des centres accusent une diminution de plus de la moitié de leur activité habituelle (voir Fig. 1 ). L’enquête met en évidence que cette diminution d’activité est déjà associée à plusieurs conséquences graves (relevé par 20 % des répondants) pour la santé des patients : aggravations majeures de la symptomatologie, complications de décubitus, isolement voire contentions quasi-chroniques pour des patients présentant des catatonies agitées ne répondant à aucun traitement médicamenteux, allongement des durées d’hospitalisation, hospitalisations sans consentement…
Fig. 1.
Résumé graphique des réponses à l’enquête sur l’évolution de l’activité ECT en France suite à la pandémie COVID-19. Les réponses de 65 personnes ont été analysées.
Au cours des prochaines semaines, des ré-hospitalisations voire des décès liés à ces complications ou à une recrudescence de tentatives de suicide sont à craindre. De plus, une moins bonne réponse au traitement liée au délai d’attente jusqu’à la prochaine ECT, suite à ces remaniements organisationnels, est à prévoir. Il a, en effet, été montré une diminution de l’efficacité de l’ECT en lien avec l’accessibilité au traitement : plus le délai d’accès est long, moins l’ECT est efficace [4].
À moyen ou à long terme d’autres conséquences peuvent être imaginées comme nous l’enseigne l’histoire de l’épidémie d’encéphalite léthargique de von Economo [5]. Une épidémie d’encéphalites, marquée par des syndromes catatoniques secondaires à la grippe espagnole, a en effet été décrite. Cette éventualité d’épidémie d’encéphalites, comprenant régulièrement des syndromes catatoniques dont le traitement repose sur l’ECT, n’est pas à négliger en raison du tropisme neurologique du coronavirus [6] et plusieurs cas d’encéphalite ont déjà été décrits dans différents contextes d’épidémies virales [7].
Les soins psychiatriques post-pandémie COVID-19 s’annoncent difficiles. Les patients dont l’hospitalisation a été raccourcie ou que nous suivons au téléphone n’ont pas été guéris par l’apparition du virus. Il est essentiel de ne pas ajouter à cette difficulté les complications, souvent graves, qui seront liées au retard ou à l’arrêt de la pratique de l’ECT, comme mentionné sur le site du ministère des solidarités et de la santé (https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/soins-hors-covid-19.pdf). Il conviendra aussi de mesurer l’impact de la réduction des ECT et de rester vigilant quant aux conséquences spécifiques neuropsychiatriques qui feront suite à la pandémie.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Remerciements
Nous tenons à remercier sincèrement toutes les personnes ayant répondu à cette enquête :
hôpital Louis Mourier, Colombes ; CHU de Montpellier ; CHU de Nantes ; CHU de Toulouse ; clinique du littoral Rang du Fliers ; centre hospitalier Sainte-Anne, GHU Paris ; hôpital Fernand Widal- Lariboisière à Paris ; CH Arras ; Saujon 17 ; CHU de Marseille ; centre hospitalier Charles Perrens Bordeaux ; CH Vinatier–Bron ; CH Saint-Nazaire ; CHU de Nîmes ; CH Le Havre ; CH Laborit Poitiers ; clinique Saint Vincent de Paul–Bron ; Rouffach–Colmar ; centre hospitalier Guillaume Régnier–Rennes ; CHSM CHVA Privas ; CHU de Grenoble ; EPSM Rouen ; centre hospitalier Guillaume Régnier Rennes ; CHU de Strasbourg ; GHU PARIS Psychiatrie & Neurosciences ; CH Valenciennes ; CH Montfavet–Avignon ; CH Cadillac 33 ; clinique St Vincent de Paul ; CHU C, Nicolle Rouen ; CH des Pyrénées de Pau ; CHU de Grenoble ; hôpital général de Guingamp Pabu ; CHU de Toulouse ; UMD Louis Crocq, CHS Pierre Jamet, Albi ; centre hospitalier de Plouguernével/UMD - 22110 Plouguernével ; CH de Toulouse ; CH Thuir ; CH Esquirol Limoges ; EPSM Marne Châlons-en-Champagne ; EPSM Morbihan, Vannes ; EPSM Morbihan, Saint-Avé ; clinique Saujon ; clinique Lyon Lumière Meyzieu (Rhône) ; clinique Aufrery ; CHAM Rang du Fliers ; clinique Bellevue ; clinique Du Parc (Nantes) ; HDJ ados EPINAL 88 ; clinique l’Emeraude–Marseille ; clinique Mirambeau à Anglet (64) ; Maison de Santé Les Pins 33600 Pessac ; clinique de Grand Pré ; clinique St Vincent de Paul Bron ; clinique du Parc ; clinique Ker Yonnec - Champigny (89) ; clinique Saint François - NICE ; clinique Saint-Antoine, Montpellier ; hôpital Begin Vincennes ; clinique de Montberon.31140 Montberon (Haute-Garonne) ; clinique la Brière–Guérande ; Les Flamoyants Ouest-Le Port 97420 ; EPSM Morbihan à Saint-Avé (56) ; EPSM Rennes ; clinique Pen An Dalar Guipavas ; clinique de Beaupuy, Beaupuy (Toulouse).
Ainsi que les fédérations suivantes : FHF, FEHAP, FHP-PPSY, Les Conférences des Présidents de CME de CHS, de CH et de CHU, l'ADESM pour avoir fait circuler le questionnaire.
Références
- 1.ANAES . Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES); 1998. Indications et modalités de l’électroconvulsivothérapie. Fédération française de psychiatrie, Société française d’anesthésie et de réanimation. [Google Scholar]
- 2.Weiss A., Hussain S., Ng B. Royal Australian and New Zealand College of Psychiatrists professional practice guidelines for the administration of electroconvulsive therapy. Aust N Z J Psychiatry. 2019;53(7):609–623. doi: 10.1177/0004867419839139. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 3.Leroy A., Naudet F., Vaiva G. Is electroconvulsive therapy an evidence-based treatment for catatonia? A systematic review and meta-analysis. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci. 2018;268(7):675–687. doi: 10.1007/s00406-017-0819-5. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 4.Heijnen W.T., Birkenhäger T.K., Wierdsma A.I. Antidepressant pharmacotherapy failure and response to subsequent electroconvulsive therapy: a meta-analysis. J Clin Psychopharmacol. 2010;30(5):616–619. doi: 10.1097/JCP.0b013e3181ee0f5f. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 5.Dale R.C., Church A.J., Surtees R.A.H. Encephalitis lethargica syndrome: 20 new cases and evidence of basal ganglia autoimmunity. Brain. 2004;127(1):21–33. doi: 10.1093/brain/awh008. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 6.Moriguchi T., Harii N., Goto J. A first Case of Meningitis/Encephalitis associated with SARS-Coronavirus-2. Int J Infectious Dis [Internet] 2020;94:55–58. doi: 10.1016/j.ijid.2020.03.062. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1201971220301958 [cited 2020 Apr 10, Pour info : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32251791/] [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
- 7.Jang H., Boltz D., Sturm-Ramirez K. Highly pathogenic H5N1 influenza virus can enter the central nervous system and induce neuroinflammation and neurodegeneration. Proc Natl Acad Sci USA. 2009;106(33):14063–14068. doi: 10.1073/pnas.0900096106. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]