Abstract
En ORL, l’examen clinique et les gestes invasifs sur les voies respiratoires et leurs annexes exposent à la transmission directe du SARS-CoV-2 par inhalation ou projection oculaire de gouttelettes contaminées, ou indirecte manuportée ou par l’intermédiaire d’objets ou de surfaces contaminées. L’estimation d’un R0 de la COVID-19 à environ 3 a justifié de reporter les rendez-vous des consultations présentielles non urgentes et de développer la télé-consultation afin de limiter les risques d’infection par le SARS-CoV-2 des patients ou des agents de santé et de participer au respect du confinement. L’autorité sanitaire a recommandé de déprogrammer toute activité ORL chirurgicale ou médicale non urgente et sans préjudice de perte de chance pour les patients. Cette déprogrammation a eu pour objectif d’augmenter très significativement la capacité de soins critiques, prioriser l’accueil de malades de patients COVID-19, prioriser l’affectation des personnels et la mise à disposition des matériels nécessaires à leur fonctionnement, contribuer à la fluidité de l’aval des soins critiques au sein de leur établissement. Il s’agissait également de ne pas exposer les malades concernés à un risque d’exposition infectieuse. Cet article propose des orientations concernant les indications et modalités de réalisation de la chirurgie ORL et la gestion des reports d’intervention dans le contexte pandémique actuel. Il ne s’agit que de conseils de bonne pratique qui doivent naturellement être modulés dans chaque région en fonction de l’évolution de l’épidémie et des organisations préexistantes, et ce dans le cadre de concertations entre les équipes ORL, les unités opérationnelles d’hygiène et toutes les autres spécialités concernées.
Mots clés: COVID-19, SARS-CoV-2, Équipement de protection individuelle (EPI), Transmission par gouttelette, Infection virale
1. Introduction
Signalée pour la première fois à Wuhan, en Chine, le 31 décembre 2019, la flambée de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) constitue l’urgence de santé publique la plus importante du siècle. L’évolution internationale de l’épidémie, liée notamment à la contagiosité du virus SARS-CoV-2, a rendu inéluctable l’installation d’une circulation active du virus sur le territoire et une fragilisation sans précédent des organisations sanitaires. Commune à de nombreux pays, l’une des priorités sanitaires nationales a été de limiter la transmission interhumaine, y compris parmi les soignants.
En ORL, l’examen clinique et les gestes invasifs sur les voies respiratoires et leurs annexes (sinus paranasaux, oreille moyenne) exposent à la transmission directe du SARS-CoV-2 par l’inhalation de gouttelettes contaminées ou projections oculaires, ou à une transmission indirecte manuportée ou par l’intermédiaire de surfaces ou d’objets contaminés. Les soins médicaux et chirurgicaux sont ainsi considérés comme à haut risque pour le praticien et les soignants au contact des patients confirmés de COVID-19 ou suspects de l’être avant confirmation [1]. Dans les pays déjà touchés par l’épidémie, se préparant à la vague épidémique ou cohabitant avec le virus, des recommandations spécifiques ont été nécessaires pour adapter les indications et les procédures médico-chirurgicales ORL au contexte épidémique. En France, l’estimation d’un R0 de la COVID-19 à environ 3 a justifié de reporter les rendez-vous de consultation présentielle non urgents et de développer la télé-consultation pour limiter les risques d’infection par le SARS-CoV-2 des patients ou des agents de santé et de participer au respect du confinement. Tenant compte des messages d’alerte rapide sanitaires (MARS) de la direction générale de la santé, des avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), le comité scientifique de la SFORL, du SNORL et du Collège ORLCCF a édicté des conseils de bonnes pratiques relatives aux indications et aux conditions de réalisation des soins médicaux et chirurgicaux spécifiques appropriés au risque. Il convient d’assurer les prises en charge chirurgicales urgentes et les interventions ORLCCF qui ne peuvent pas être différées en raison de l’état de santé du patient si le report de l’intervention fait porter un risque trop important de perte de chance au regard de la balance bénéfice-risque.
Cet article propose des orientations qui devront être adaptées en fonction des régions, des organisations pré-existantes. Il appartient aux ORL, en collaboration avec les équipes opérationnelles d’hygiène (OEH) et toutes les autres spécialités concernées de décliner ces orientations en fonction de leurs organisations (circuits de prise en charge dédiés pour les patients COVID positifs, mise en place des secteurs hospitaliers hors COVID-19) et de les adapter le cas échéant.
2. Conseils de bonne pratique
2.1. Considérations générales
Face à la circulation active du SARS-CoV-2 (phase épidémique de COVID-19), il a été recommandé en mars 2020 de déprogrammer toute activité ORL chirurgicale ou médicale non urgente, et sans préjudice de perte de chance pour les patients [2]. Cette déprogrammation a augmenté très significativement la capacité de soins critiques, priorisé l’accueil de malades de patients COVID-19, priorisé l’affectation des personnels et la mise à disposition des matériels nécessaires à leur fonctionnement et contribué à la fluidité de l’aval des soins critiques au sein de leur établissement ou en appui des établissements mobilisés par le COVID-19 de leur GHT ou de leur territoire. Il s’agissait également de ne pas exposer les malades concernés et le personnel soignant à un risque d’exposition infectieuse.
Les structures de soins se sont organisées de façon à proposer des circuits de prise en charge dédiés pour les patients COVID positifs et ont mis en place des secteurs hospitaliers hors COVID-19. En avril 2020, l’organisation des soins à la direction générale de la santé a annoncé s’appuyer sur les filières et les coopérations entre structures existantes (GHT, partenariats public-privé, etc.) ou à mettre en place (intervention de l’équipe chirurgicale d’un établissement dans un autre établissement) afin de [3] :
-
•
mobiliser les équipes chirurgicales, hospitalières et libérales ;
-
•
organiser l’accès à des blocs, a minima des salles d’intervention, armé(e)s (salles d’intervention équipées, SSPI, postes de réveil) ;
-
•
préserver des lits post-chirurgie ou interventionnel, le cas échéant des lits de médecine, mais aussi de surveillance continue, soins intensifs et réanimation, des places de SSR ou HAD, le cas échéant en fonction de l’état COVID négatif ou COVID positif du patient.
Selon le contexte local, des procédures de prise en charge adaptées au regard des ressources disponibles définissent les modalités de réalisation et de retour des tests PCR de patients suspects [3].
Il est recommandé de maintenir la tenue des RCP d’oncologie ORL sous forme dématérialisée (visio ou télé-conférence) pour ne pas retarder la prise en charge des patients et ne pas exposer au risque d’exposition infectieuse les participants à la concertation [4].
Il est recommandé d’établir un compte rendu écrit après une délibération collégiale ou une réunion de concertation pluriprofessionnelle éthique (RCPE), dès que les reports posent des questions éthiques cliniques complexes [5]. Le CNPORL propose de répondre aux questions des équipes soignantes en aidant à organiser des réunions de concertation par des moyens numériques avec son comité d’éthique (ceorl@sforl.org).
Au stade de « cohabitation » avec le nouveau Coronavirus, toutes les précautions sont prises pour que l’accueil des patients non porteurs du virus se fasse dans les meilleures conditions et que le risque de contamination soit évité. Il ne doit pas y avoir de renoncement aux soins indispensables et le spécialiste ORLCCF reprend contact avec les patients les plus fragiles pour s’assurer du suivi et détecter un risque de décompensation de la pathologie (contact avec le patient par télé-consultation par vidéo ou par téléphone). Le recours à des imageries peut aider au suivi évolutif de pathologies reportées telles que des tumeurs ou des cholestéatomes.
L’établissement de listes exhaustives d’interventions à maintenir ou à différer en contexte de pandémie COVID-19 est impossible pour plusieurs raisons : degrés de sévérité variables pour une même pathologie, co-morbidités associées, volonté du patient, disponibilité locale des blocs opératoires, des réanimations chirurgicales, des unités de soin continu, du personnel médical et paramédical. Certaines urgences chirurgicales sont, bien sûr, à prendre en charge sans retard : traumatisme sévère, infection et suppuration compliquée ou non améliorée par le traitement médical, corps étranger des voies aérodigestives, ingestion de caustique, dyspnée sévère d’origine obstructive. À l’inverse, certaines interventions peuvent être reportées, telles que les chirurgies esthétiques de la face. Des préconisations relatives aux délais de programmation ont été publiées ou mises en ligne sur le site de la SFORL concernant la cancérologie ORL [4], [5], [6], la chirurgie otologique et oto-neurologique [7] et la chirurgie pédiatrique [8]. Sans prétendre à l’exhaustivité, les Tableau 1, Tableau 2, Tableau 3 donnent des exemples de conseils de bonne pratique au regard d’activités chirurgicales spécifiques à maintenir ou à différer pendant l’épidémie. Par ailleurs, les indications d’amygdalectomie à ne pas différer sont précisées dans un paragraphe ci-dessous. Rappelons enfin qu’en fonction des éléments de la télé-consultation, de l’examen clinique au cabinet ou des examens paracliniques, le praticien ORLCCF reste décideur d’une hospitalisation pour une prise en charge médicale ou chirurgicale non différée.
Tableau 1.
Chirurgie des cancers ORL : conseils de bonne pratique au regard de l’épidémie COVID-19 (adapté d’après [7], [8]).
| Groupe | Pathologie, symptômes | Conduite à tenir |
|---|---|---|
| Groupe A | ||
| Chirurgie non différable | Dyspnée Hémorragie |
Prise en charge en urgence |
| Groupe B | ||
| Risque d’impact pronostique en cas de report de plus d’un mois | Cancers de la muqueuse des VADS Cancers des glandes salivaires évolutifs Cancers cutanés évolutifs |
Groupe B1 : trachéotomie inutile Prise en charge sans majoration de délai Ensemble des actes et investigations (imageries, soins dentaires, etc.) regroupés au cours d’une seule hospitalisation Si le délai ne peut être respecté, référer le patient vers un centre recours |
| Groupe B2 : trachéotomie nécessaire Différer si possible la chirurgie en surveillant régulièrement le patient ou privilégier une alternative thérapeutique non chirurgicale |
||
| Groupe C | ||
| Absence d’impact pronostique significatif d’un report d’au moins 6 à 8 semaines | Cancers thyroïdiens bien différenciés Cancers cutanés non évolutifs (exemple : carcinomes basocellulaires) Cancers peu évolutifs des glandes salivaires Nodules atypiques des glandes salivaires sans critères formels de malignité lors du bilan préopératoire Lésions leucoplasiques des cordes vocales |
Différer la chirurgie Re-évaluer le patient au bout de 6 à 8 semaines et adapter le délai de programmation en fonction de l’évolution de la pathologie et de la pandémie COVID-19 |
Tableau 2.
Chirurgie otologique et oto-neurologique : conseils de bonne pratique au regard de l’épidémie COVID-19 (adapté d’après [9]).
| Chirurgie otologique | ||
|---|---|---|
| Groupe | Pathologie ou type d’intervention | Conduite à tenir |
| Groupe A | ||
| Chirurgie non différable | Otomastoïdite compliquée (thrombophlébite du sinus latéral, atteinte neuroméningée, paralysie faciale, arthrite temporo-mandibulaire, etc.) Brèche ostéo-méningéea Implantation cochléaire pour labyrinthite fibrosante Cholestéatome avec fistule du CSL entraînant des symptômes invalidants |
Prise en charge en urgence |
| Groupe B | ||
| Risque d’impact pronostique en cas de report de plus d’un mois | Cholestéatome de l’oreille moyenne avec fistule du CSL peu symptomatique Brèche ostéo-méningéea |
Différer la chirurgie Re-évaluer le patient à 1 mois et adapter le délai de programmation en fonction de l’évolution de la pathologie et de la pandémie COVID-19 |
| Groupe C | ||
| Absence d’impact pronostique d’un report d’au moins 6 à 8 semaines |
Tympanoplastie pour cholestéatome non compliqué, poches de rétraction tympanique, perforations tympaniques, poses d’aérateurs transtympaniques, ossiculoplasties, implant d’oreille |
Différer la chirurgie Re-évaluer le patient au bout de 6 à 8 semaines et adapter le délai de programmation en fonction de l’évolution de la pathologie et de la pandémie COVID-19 |
| Chirurgie oto-neurologique | ||
|---|---|---|
| Groupe | Pathologie ou type d’intervention | Conduite à tenir |
| Groupe A | ||
| Chirurgie non différable | Traumatisme crânien grave en double équipe ORL-neurochirurgicale Tumeur maligne de l’os temporal et l’angle ponto-cérébelleux (APC) Tumeur bénigne de l’APC avec HTIC ou déficit fonctionnel d’évolution rapide ou brutale (troubles visuels, hémiplégie, paraplégie, etc.) |
Prise en charge sans délai Pour les tumeurs bénignes de l’APC mal tolérées, une dérivation ventriculopéritonéale est habituellement préférée à une exérèse tumorale |
| Groupe B | ||
| Risque d’impact pronostique en cas de report de plus d’un mois | Tous les autres cas | Différer la chirurgie Re-évaluer le patient à 1 mois et adapter le délai de programmation en fonction de l’évolution de la pathologie et de la pandémie COVID-19 |
Degré d’urgence à discuter au cas/cas.
Tableau 3.
Chirurgie endonasale : conseils de bonne pratique au regard de l’épidémie COVID-19.
| Groupe | Pathologie ou type d’intervention | Conduite à tenir |
|---|---|---|
| Groupe A | ||
| Chirurgie non différable | Sinusite avec complications (thrombophlébite du sinus caverneux, atteinte neuroméningée) ou sur terrain fragile, sinusite fungique invasive Mucocèle compliquée (signes neurologiques ou ophtalmiques) Fracture des OPN très déplacée, corps étranger de la fosse nasale Épistaxis non contrôlée par sonde à ballonnets sans radio-embolisation possible Brèche ostéo-méningéea |
Prise en charge en urgence |
| Groupe B | ||
| Risque d’impact pronostique en cas de report de plus d’un mois | Papillomes inversés Sinusite fungique allergique chez l’immunodéprimé Mucocèles sans compression Brèche ostéo-méningéea |
Différer la chirurgie Re-évaluer le patient à 1 mois et adapter le délai de programmation en fonction de l’évolution de la pathologie et de la pandémie COVID-19 |
| Groupe C | ||
| Chirurgie différable d’au moins 6 à 8 semaines sans risque pronostique significatif | Polypose nasosinusienne Sinusite aspergillaire, fistule bucco-sinusienne Lésion bénigne à retirer par voie endonasale Rhinoseptoplastie Dacryocystorhinostomie par voie endonasale |
Différer la chirurgie Re-évaluer le patient au bout de 6 à 8 semaines et adapter le délai de programmation en fonction de l’évolution de la pathologie et de la pandémie COVID-19 |
Degré d’urgence à discuter au cas/cas.
Dans ce contexte évolutif de l’épidémie COVID-19 particulièrement difficile pour la décision médicale, des préconisations relatives aux interventions à maintenir ou à différer ont été publiées [6] ou mises en ligne sur le site de la SFORL concernant la cancérologie ORL [7], [8], la chirurgie otologique et oto-neurologique [9] et la chirurgie pédiatrique [10]. Ces conseils s’appliquent à l’activité chirurgicale habituellement programmée. Sans exhaustivité sur les actes et pathologies de la spécialité, les Tableau 1, Tableau 2, Tableau 3 donnent des exemples de conseils de bonne pratique au regard d’activités chirurgicales spécifiques à maintenir ou à différer pendant l’épidémie.
2.2. Bilan diagnostique préopératoire
Il est conseillé de vérifier le statut COVID du patient peu avant la chirurgie s’il présente des signes évocateurs de cette infection (fièvre, toux sèche, céphalées, myalgies, courbatures, anosmie sans obstruction nasale, dysgueusie, troubles digestifs) ou en cas d’intervention ORL portant sur les voies aériennes ou ses annexes, en particulier les endoscopies et les actes de chirurgie bucco-pharyngée, laryngotrachéale, endonasale, d’otologie et d’oto-neurochirurgie. En effet, ces interventions sont à haut risque de contamination car elles favorisent l’aérosolisation de SARS-CoV-2 [11], [12]. Dans le contexte pandémique actuel, les patients non testés doivent être considérés a priori comme suspects, même en l’absence de symptômes.
2.3. Précautions en salle d’intervention
Il est recommandé de prévoir une organisation visant à solliciter un nombre restreint de professionnels de santé autour des patients suspects, possibles ou confirmés pour limiter l’exposition et la consommation d’équipements de protection individuelle (EPI).
Il est recommandé de porter l’EPI dès l’entrée au bloc opératoire. Les professionnels de santé en contact direct avec les patients doivent disposer d’une formation locale ou d’un rappel des techniques d’habillage et de déshabillage par l’équipe opérationnelle d’hygiène [2]. Il est préconisé de limiter l’accès aux praticiens les plus expérimentés et de réduire l’accès des professionnels de santé en formation et des étudiants en santé [2].
Il convient de procéder au nettoyage des surfaces du mobilier du bloc opératoire à l’aide de l’eau de Javel prête à l’emploi ou à diluer ou à l’aide de produits détergents/désinfectants virucides (norme NF EN 14476), afin de limiter la transmission du virus par manuportage [13].
Il est recommandé pour les soignants d’un patient considéré comme suspect, possible ou confirmé, les précautions complémentaires de type « air » ainsi que de type « contact » (précautions risque épidémique et biologique (REB) renforcées), selon les modalités suivantes [14], [15] :
-
•
le port d’un appareil de protection respiratoire par masque FFP2 (norme CE) ou N95 (norme US FDA) en vérifiant l’étanchéité au visage (réalisation d’un fit check19) pour tout soignant avant d’entrer dans le bloc opératoire ;
-
•
la protection de sa tenue professionnelle par une surblouse à usage unique à manches longues ; cette surblouse sera imperméable si réalisation de soins mouillants ou souillants ;
-
•
la prévention d’une éventuelle projection dans les yeux par le port systématique de lunettes de protection ;
-
•
le port d’une protection complète de la chevelure (charlotte, calot couvrant, etc.) ;
-
•
le port de gants à usage unique reste limité aux situations de contact ou de risque de contact avec du sang, des liquides biologiques, une muqueuse ou la peau lésée ;
-
•
l’élimination de ces EPI en DASRI avant la sortie de la salle d’opération, sauf pour les lunettes et l’APR qui seront retirés après la sortie du bloc. Notons cependant qu’en cas de pénurie de masques FFP2, ceux-ci peuvent ne pas être immédiatement jetés car ils restent efficaces jusqu’à 8 heures à condition de ne pas être retirés puis remis.
En complément des équipements de protection respiratoire recommandés par la SF2H et par le HCSP, l’EOH peut localement mettre à disposition des écrans faciaux (heaumes à visière transparente) pour protéger les porteurs des grosses gouttelettes émises. Ces écrans ont l’avantage de pouvoir être retirés en minimisant le risque de toucher le visage. Il convient alors d’en nettoyer les deux faces régulièrement et d’éviter de porter les mains au niveau du visage sous la visière [16].
2.3.1. Procédures chirurgicales ORL générant des aérosols
Il est recommandé d’observer une dynamique d’équipe avec le médecin anesthésiste et son personnel pour l’application des principes de gestion de voies aériennes du COVID-19 (intubation et extubation) et afin de détecter toute attitude ou geste à risque de contamination [12].
Les interventions ORL sur les voies aériennes et leurs annexes (endoscopies et des actes de chirurgie bucco-pharyngée, laryngotrachéale, endonasale, d’otologie et d’oto-neurochirurgie, etc.) sont, comme il a été précisé ci-dessus, à haut risque de contamination [11], [12].
Il est recommandé de maintenir la ventilation en surpression et la filtration dans les blocs opératoires [13].
Selon les recommandations de pratique institutionnelles et l’évaluation du risque de contamination, il est préconisé d’associer les protections suivantes aux EPI : masque FFP2 (N95), coiffe, protection oculaire (visière), tenues imperméables à manches longues, et gants [14].
D’autres installations chirurgicales spécifiques (suspension d’un champ transparent au-dessus du patient) peuvent être discutées avec l’EOH locale pour limiter la vaporisation de micro-fragments tissulaires contaminés. En l’absence de connaissance spécifique du risque lié au SARS-Cov-2, l’utilisation de l’électrochirurgie (monopolaire, bipolaire, radiofréquence, coblation) et du LASER doit être prudente. En effet, l’aérosolisation de particules virales dans le panache de fumée généré par ces technologies a déjà été montrée [17], [18].
2.3.2. Endoscopies et chirurgies pharyngo-laryngo-trachéales
Il est conseillé de prendre les mesures ci-dessous :
-
•
ajuster le masque par un maintien à deux mains pour minimiser les fuites, pendant les temps de ventilation manuelle [19] ;
-
•
éviter l’optiflow et la jet ventilation ;
-
•
réduire le débit de gaz le plus faible possible pour maintenir l’oxygénation voire stopper transitoirement la ventilation lorsqu’un endoscope est introduit dans le larynx et la trachée ou lorsque la trachée est ouverte ;
-
•
réaliser une vidéo-endoscopie pour éloigner le chirurgien du patient pendant la procédure d’endoscopie ;
-
•
stopper la ventilation au moment de l’extubation ;
-
•
éviter l’utilisation du LASER ou du bistouri électrique monopolaire qui pourraient favoriser la dissémination de suspensions contaminées dans la salle d’opération.
2.3.3. Chirurgie endonasale [20]
Il faudrait ainsi :
-
•
utiliser une instrumentation limitant le risque d’aérosolisation ou vaporisation de micro-fragments tissulaires contaminés par le virus. Le fraisage et l’utilisation du microdébrideur doivent être évités ;
-
•
privilégier les alternatives à la voie d’abord endonasale lorsqu’elles permettent d’éviter l’utilisation du microdébrideur : voies externes paracanthale, voie paralatéro-nasale, voie sous-labiale.
2.3.4. Chirurgie otologique [9]
Privilégier les alternatives à la mastoïdectomie lorsqu’elles permettent d’éviter le fraisage qui risque l’aérosolisation ou vaporisation de micro-fragments tissulaires lorsqu’ils sont contaminés par un coronavirus [21], [22].
2.3.5. Cas particulier de l’amygdalectomie et l’adénoïdectomie [10]
Les indications résiduelles de cette intervention sont les hypertrophies adénoïdo-amygdaliennes majeures avec syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) sévère, en particulier chez les enfants avec un terrain particulier comme la drépanocytose avec risque de crise vaso-occlusive aggravée par le SAOS [23]. Chez l’adulte, cette chirurgie pourra être maintenue, sans endoscopie du sommeil préalable, en cas de forte probabilité de succès thérapeutique. Cette situation correspond au Stade I de la classification de Friedman qui associe une hypertrophie amygdalienne de grade ¾ et un score de Mallampati de grade ½, sans d’hypertrophie de base de langue associée [24]. Dans ce cas précis, la chirurgie sera préférable à l’instauration d’un traitement par pression positive continue (PPC) car ce dernier est à risque de dissémination virale dans l’air environnant [25].
Aucune donnée n’est actuellement disponible concernant le tropisme du SARS-Cov-2 pour l’amygdale, ni sur les risques spécifiques de contamination liés aux différentes techniques (amygdalectomies partielles ou totales) ou instruments (électrocoagulation, radiofréquence, coblation, etc.) utilisables pour l’amygdalectomie. De fait, il n’est pas conseillé de modifier sa technique habituelle pour cette chirurgie, en dehors du microdébrideur dont on évitera l’utilisation par analogie avec les recommandations préconisées pour la chirurgie endonasale.
Les points clés de l’organisation de l’activité chirurgicale ORL en période épidémique COVID-19 sont résumés dans l’Encadré 1 .
Encadré 1. Les 10 points clés de l’activité chirurgicale ORL en période épidémique COVID-19.
1. Catégoriser les interventions en fonction de leur degré d’urgence.
2. Évaluer les risques et bénéfices de toute intervention chirurgicale ORL selon la prévalence de la COVID-19 et les conditions sanitaires régionales au regard de l’épidémie.
3. Reporter toute procédure ORL jugée non urgente et sans préjudice de perte de chance pour les patients, en accord avec les recommandations déjà émises.
4. Pour les pathologies les plus sévères, les décisions de report doivent idéalement être collégiales et notifiées avec un compte-rendu écrit. Les réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) de cancérologie doivent être maintenues sous forme non présentielle.
5. Prévoir au cas par cas, si report d’une intervention, des réévaluations intermédiaires du patient, notamment par télé-consultation, pour modifier au besoin le degré d’urgence chirurgicale.
6. Avoir recours à l’imagerie radiologique pour le suivi évolutif du patient (tumeurs, cholestéatomes, etc.) si la chirurgie a été différée.
7. Protéger le chirurgien et le personnel de bloc opératoire en ajoutant aux précautions standard les précautions complémentaires de type « air » ainsi que de type « contact » (précautions REB renforcées), d’après les recommandations opérationnelles actualisées de la Société française d’hygiène hospitalière.
8. Utiliser les recommandations COVID-19 de la Société française d’anesthésie-réanimation lors de l’intubation et l’extubation, et prendre toutes les précautions périopératoires visant à prévenir le risque d’aérosolisation de particules virales.
9. Envisager, dans les actes invasifs ORL jugés à haut risque de transmission de la COVID-19, une prise en charge alternative ou un traitement médical seul.
10. Adapter l’ensemble des conseils de bonne pratique ORL de la phase la circulation active du SARS-CoV-2 (phase épidémique de COVID-19) à l’évolution des connaissances et de la prévalence de la COVID-19 en France et dans le territoire, selon la mobilisation de l’établissement par le COVID-19 de leur GHT.
Les propositions de cet avis, issues d’une concertation entre la SFORL, le SNORL et le Collège sont basées sur les connaissances actuellement disponibles et sont susceptibles d’être modifiées en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques, de l’évolution de l’épidémie actuelle COVID-19.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Footnotes
Ne pas utiliser pour citation la référence française de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus.
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