Résumé
La pandémie de COVID-19 modifie profondément l’organisation et l’accès aux soins, en particulier pour les pathologies néoplasiques péritonéales, dont la prise en charge curative mobilise des moyens importants en personnel, bloc opératoire et réanimation. Les groupes BIG-RENAPE et RENAPE proposent des pistes de réflexion et de priorisation pour leur prise en charge. Un renforcement des critères habituels de sélection est nécessaire pour une prise en charge à visée curative : patients jeunes, avec peu de co-morbidités et une extension péritonéale limitée. Il est souhaitable de prioriser les pathologies pour lesquelles la chirurgie de cytoréduction associée ou non à une chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP) est le traitement de référence et celles pour lesquelles la chimiothérapie systémique ne peut être une alternative temporaire ou prolongée : pseudomyxomes péritonéaux ; mésothéliomes péritonéaux malins résécables ; métastases péritonéales d’origine colorectale si résécables, non répondeuses à la chimiothérapie systémique et/ou après 12 cures, carcinoses ovariennes en 1re intention si résécables et limitées ou en situation intervallaire après un maximum de 6 cycles de chimiothérapie systémique. L’adjonction d’une CHIP devra être discutée au cas par cas, en centre expert. La priorisation des indications devra prendre en considération les conditions locales et la phase de la période épidémique pour permettre une prise en charge péri-opératoire optimale.
Mots clés: Coronavirus, CoViD-19, Tumeurs primitives du péritoine, Métastases péritonéales
Summary
The Covid-19 pandemic is profoundly changing the organization of healthcare access. This is particularly so for peritoneal neoplastic diseases, for which curative treatment mobilizes substantial personnel, operating room and intensive care resources. The BIG-RENAPE and RENAPE groups have made tentative proposals for prioritizing care provision. A tightening of the usual selection criteria is needed for curative care: young patients with few or no comorbidities and limited peritoneal extension. It is desirable to prioritize disease conditions for which cytoreduction surgery with or without associated hyperthermic intraoperative peritoneal chemotherapy (HIPEC) is the gold-standard treatment, and for which systemic chemotherapy cannot be a temporary or long-term alternative: pseudomyxoma peritonei, resectable malignant peritoneal mesotheliomas, peritoneal metastases of colorectal origin if they are resectable and unresponsive to systemic chemotherapy after up to 12 courses, first-line ovarian carcinomatosis if resectable or in interval surgery after at most six courses of systemic chemotherapy. Addition of HIPEC must be discussed case by case in an expert center. The prioritization of indications must consider local conditions and the phase of the epidemic to allow optimal peri-operative care.
Keywords: Coronavirus, Covid-19, Primary peritoneal tumor, Peritoneal metastases
Introduction
La France fait face depuis plusieurs semaines à une épidémie inédite qui met à l’épreuve notre système de soins en lui imposant une adaptation rapide et d’envergure. La concentration des moyens pour la prise en charge de l’infection par le SARS-CoV-2 se doit de respecter un équilibre avec ceux nécessaires à la prise en charge d’autres patients. En cette période d’urgence sanitaire, la prise en charge des carcinoses péritonéales est impactée et n’est pas précisément définie.
Pour la plupart de ces pathologies, le traitement curatif de référence associe une chirurgie de cytoréduction complète (parfois lourde et extensive) à une chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP). Par ailleurs, en cas d’infection par le SARS-CoV-2, les quelques données épidémiologiques dont nous disposons, encore insuffisantes, rapporteraient un sur-risque de mortalité chez ces patients. Concernant les prises en charges palliatives, la chimiothérapie pressurisée intrapéritonéale par aérosol (PIPAC), seule ou en combinaison avec une chimiothérapie systémique, constitue un outil thérapeutique proposé par les centres experts qui nécessite également un temps d’occupation de bloc opératoire. La PIPAC est en cours d’évaluation et n’a pas encore démontré son efficacité en phase III.
Pour ces pathologies cancéreuses, les gouvernances locales et nationales ont pour la plupart fait le choix de surseoir à la plupart des chirurgies lourdes et de prioriser les chimiothérapies systémiques dans une stratégie d’attente sans prévoir la prise en charge ultérieure. L’impact de ces changements de stratégie thérapeutique sur le pronostic de patients éligibles à un traitement curatif, sur celui de ceux potentiellement éligibles après traitement néo-adjuvant ou ceux en cours de traitement palliatif peut être important et devra être analysé. C’est l’objectif de l’étude observationnelle prospective CAIRN-carcinose pilotée par le groupe BIG-RENAPE dans laquelle les inclusions ont débuté. Une seconde cohorte française GCO-02 CACOVID-19, promue par la FFCD, recueille les données des patients atteints de cancer et atteints de CoViD-19 afin d’améliorer les connaissances relatives à cette association de pathologies.
Dans l’attente de ces données, il faut prendre en considération plusieurs aspects déjà démontrés. Certaines carcinoses péritonéales, tels que les pseudomyxomes péritonéaux, ne répondent pas ou peu à la chimiothérapie systémique. Pour d’autres, une chimiothérapie systémique préopératoire prolongée a un impact pronostique négatif (mésothéliomes péritonéaux) ou fait encore débat (carcinoses ovariennes résécables). Enfin, la réponse à la chimiothérapie systémique est très aléatoire pour d’autres localisations (carcinoses gastriques et colorectales).
Pour avancer dans la difficile problématique de gérer cette épidémie exigeante en termes de moyens mobilisés et de la continuité des soins auxquels tous nos patients ont droits, le groupe BIG-RENAPE propose des pistes de réflexion et non des recommandations qui peuvent aider les praticiens et les gouvernances locales et nationales à établir leurs choix.
Considérations générales
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des avancées notables ont permis cette dernière décennie d’optimiser la sélection des patients et leur prise en charge péri-opératoire à l’origine d’une réduction notable de cette morbidité [1], [2]. L’organisation en réseau efficient, labellisé à deux reprises par l’INCa (RENAPE), a permis de généraliser ces pratiques à l’échelle nationale ;
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un élément fondamental de cette meilleure sélection des patients est la généralisation de la cœlioscopie exploratrice, examen présentant la meilleure sensibilité pour évaluer l’atteinte de l’intestin grêle, élément fondamental de la résécabilité d’un patient. En situation épidémique nous pouvons discuter de surseoir à ces interventions pour privilégier l’IRM péritonéale ;
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tous les patients relevant de ce texte et atteints de CoViD-19 devront avoir une suspension de tout traitement anti-néoplasique, faire l’objet d’une surveillance rapprochée (sans nécessairement d’hospitalisation) et avoir une prise en charge réévaluée toutes les 2 semaines sur la base des pistes de réflexion présentées ci-après, en fonction de l’évolution de leur infection et de leur cancer ;
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la survenue de cette situation inédite a induit une adaptation très hétérogène d’un centre à l’autre à l’échelle nationale. Le but n’est pas de critiquer mais d’alerter sur la nécessité de prendre en considération la prise en charge des patients atteints de carcinose péritonéale au nom de la continuité et de l’équité des soins. Si nous avons d’ores-et-déjà engagé un processus de resserrement des indications thérapeutiques, il nous semble légitime que les instances répondent par la mise en place d’une organisation qui délimite des périmètres de soins non dédiés au COVID-19.
Influence de la phase de la période épidémique
Le TNCD a décrit 5 phases de l’épidémie de CoViD-19 qui vont influencer nos choix stratégiques en fonction de l’impact sur les capacités de notre système de soins [3].
En phase 1, l’annulation de nombreuses interventions chirurgicales pour carcinose péritonéale nous est apparue disproportionnée sauf chez les patients à risque de formes sévères d’infection par le SARS-CoV-2. L’accumulation des patients à prendre en charge a induit une augmentation des délais de prise en charge en per et postépidémie, conduisant à une perte de chance pour l’ensemble de ces patients.
En phase 2 et 3, la pénurie de moyens matériels et humains impose de multiples reports de prises en charge chirurgicales lourdes. C’est probablement la phase qui justifie le plus de surseoir à ces chirurgies lourdes. Néanmoins des solutions anticipées de prise en charge externalisées dans des centres sanctuarisés « CoViD-19 négatifs », peuvent probablement être mises en jeu.
En phase 4 et 5, la constitution de circuits spécifiques « CoViD-19 positif » et « CoViD-19 négatif », une meilleure lisibilité sur les moyens disponibles et à venir, doivent conduire à prioriser des prises en charge cancérologiques retardées ou annulées sur les soins non urgents. Cette priorisation doit être imposée par les tutelles et gouvernances afin de limiter au maximum la perte de chance induite par la modification de stratégie au décours des périodes 2 et 3. À ce stade, en prenant en compte le manque prévisible de moyens en terme de personnel et la très progressive libération des places de réanimation, il faudra optimiser et prioriser les moyens mis à la disposition de cette activité pour permettre la réalisation des interventions reportées (ou annulées) qui se seront accumulées.
Proposition.
En phase 4 et 5 : priorisation des ressources pour la réalisation des procédures oncochirurgicales à visée curative.
Restriction des critères de sélection pour une procédure à visée curative
Quelle que soit la phase épidémique, une restriction des critères de sélection habituels est nécessaire. À ce titre, la réalisation en pré-opératoire immédiat d’un nouveau bilan de réévaluation avec dépistage d’une infection par le SARS-CoV-2, scanner thoraco-abdomino-pelvien et IRM péritonéale avec lecture par un radiologue référent [4], [5], [6] doivent permettre d’aider à cette sélection plus stricte avec la mesure du nouveau rapport bénéfice-risque-moyens alloués : annulation de l’exploration chirurgicale si la probabilité de non résécabilité est jugée importante, report si le risque de complications postopératoires, liés au nombre de résections digestives, apparaît trop important et dépistage des pneumopathies liées au CoViD-19.
Il faut prioriser les patients jeunes avec le moins de co-morbidités possibles étant donné leur impact sur les taux de mortalité et morbidité post-opératoires [7], [8].
Il faut prioriser également sur les deux facteurs pronostiques principaux, quel que soit le type de carcinose : la possibilité de réaliser une chirurgie de cytoréduction complète et, l’extension de la carcinose évaluée par le Peritoneal Cancer Index (PCI). Il faudra privilégier les maladies à PCI limité, génératrices d’interventions moins lourdes, moins à risque de complications post-opératoires et de meilleur pronostique.
Propositions.
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Réaliser un bilan de réévaluation préopératoire associant scanner thoraco-abdominopelvien et IRM péritonéale par un radiologue référent (compte-rendu structuré).
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Priorisation des patients jeunes, ceux avec moins de comorbidités, et atteints d’une maladie péritonéale limitée.
Chimiothérapies systémiques ou chirurgie ou abstention thérapeutique
L’infection par le SARS-CoV-2 dans la période péri-opératoire étant décrite comme augmentant le risque de mortalité, un groupe de chirurgiens français a récemment publié des propositions de stratégies d’ajustement de la pratique chirurgicale [9]. Pour la plupart des chirurgies digestives lourdes (pancréatiques, œsophagiennes), qui s’apparentent aux chirurgies péritonéales dans les moyens qu’elles mobilisent et les risques qu’elles génèrent, le report des interventions est proposé.
Cependant, à ce jour, aucune donnée ne permet d’évaluer objectivement en situation de cancer d’une part le risque relatif de forme sévère de CoViD-19 en cas de chimiothérapie systémique ou de chirurgie lourde, et d’autre part l’impact pronostic entre abstention thérapeutique, prolongement d’une chimiothérapie et chirurgie lourde. Les données préliminaires dont nous disposons, basées sur des études de faible niveau de preuve, suggèrent que le CoViD-19 est plus grave chez les sujets atteints de cancer avec un risque de forme grave 5 fois plus élevé que dans la population sans cancer, et un risque de décès multiplié par 8 [10], [11], [12]. Le risque de contracter l’infection serait 3 fois plus important en cas de cancer. Il n’a été fait à ce jour aucune comparaison des risques entre chirurgie et chimiothérapie qui permettrait de conclure que la chimiothérapie est moins à risque de décès que la chirurgie.
Concernant l’abstention thérapeutique et le report des chirurgies, la date de fin d’une épidémie n’est pas connue. Une fois celle-ci terminée, les chirurgies seront non seulement retardées mais réalisées dans un contexte de personnels médical et paramédical amoindris, infectés et/ou épuisés.
Propositions.
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Aucune recommandation ne peut être établie, pour la priorisation d’une chimiothérapie sur une intervention chirurgicale ou une abstention thérapeutique en prenant en considération le risque de CoViD-19 et la sur-mortalité qu’elle induit.
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Discuter des prises en charge en réunion de concertation multidisciplinaire (RCP) afin de définir la stratégie thérapeutique la plus adaptée au patient et à la situation locale.
Priorisation en fonction du pronostic et de l’impact des différentes stratégies thérapeutiques sur le pronostic
Pseudomyxome péritonéal
Les récentes recommandations internationales du PSOGI et d’EURACAN pour la prise en charge du pseudomyxome péritonéal (PMP), qui intègrent une analyse exhaustive de la littérature et un processus Delphi basé sur 3 tours de vote auprès de 80 experts internationaux, font de la combinaison cytoréduction-CHIP le traitement de référence de cette pathologie [13]. Cette stratégie permet d’obtenir dans les deux principales séries de la littérature des taux de survie globale de plus de 60 % à 10 ans et une médiane de survie sans récidive de 98 mois en centres experts [14], [15]. La chimiothérapie néo-adjuvante ne doit pas être proposée pour le PMP de bas grade. Aucune étude ne rapporte de bénéfice à son administration et 3 études rapportent un effet délétère sur la survie globale et sans récidive. Pour les PMP de haut grade avec présence de cellules en bague à chaton, deux études de faible effectif rapportent un bénéfice de la chimiothérapie néo-adjuvante en survie globale et sans récidive. Le FOLFOX est alors la chimiothérapie recommandée.
Les indications chirurgicales et leur degré d’urgence vont dépendre du grade histologique, de l’étendue de la maladie péritonéale et de son caractère symptomatique. Le grade est difficile à prédire en préopératoire. En cas de maladie de bas grade, l’évolution est généralement assez lente mais l’enjeu est de garantir une cytoréduction complète, qui reste le facteur pronostic principal. Le risque d’une solution d’attente est d’imposer une chirurgie plus lourde, à plus haut risque de complication mais aussi d’être moins radicale et donc à risque de récidive plus précoce. En cas de maladie de haut grade, un traitement est à instaurer rapidement. L’indication théorique de cytoreduction-CHIP peut alors être mise en balance avec une chimiothérapie néo-adjuvante. Les patients atteints de PMP non résécables et symptomatiques ne disposent pas d’alternative de traitement à la chirurgie de debulking à visée palliative.
Propositions.
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La chirurgie de cytoréduction avec CHIP est le traitement de référence de la prise en charge des pseudomyxomes péritonéaux résécables et doit être proposée en première intention.
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•En cas d’impossibilité locale de programmation :
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∘pour un PMP de bas grade non symptomatique : une stratégie d’attente peut être proposée.
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∘pour un PMP de haut grade ou avec cellules en bague à chaton : une chimiothérapie systémique par FOLFOX (ou CapOx à privilégier en période épidémique pour limiter les contacts) peut être proposée.
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Mésothéliomes péritonéaux
Les recommandations internationales du PSOGI et d’EURACAN, élaborée selon la même procédure que pour le pseudomyxome, identifient trois présentations : patient(e) d’emblée résécable et opérable, patient(e) non résécable et/ou non opérable et patient(e) de résécabilité limite[16]. L’association d’une chirurgie de cytoréduction et d’une CHIP est le traitement de référence à visée curative lorsque la maladie est résécable. La chimiothérapie systémique seule permet d’obtenir des médianes de survie d’un an, alors qu’elles sont de plus de 50 mois en cas de cytoréduction complète avec CHIP en centres experts. Le taux de réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante standard est de l’ordre de 40 %. Les expériences italienne et française rapportent un impact négatif des chimiothérapies néo-adjuvantes sur la survie globale des patients résécables [17], [18]. Les formes de résécabilité limite, habituellement authentifiées par une cœlioscopie exploratrice, font l’objet d’un traitement néo-adjuvant bi-directionnel avec chimiothérapie systémique et intra-péritonéale qui permet d’obtenir une résécabilité secondaire dans la moitié des cas [19]. Dans ce contexte épidémique, en cas de maladie non résécable ou de résécabilité limite et/ou de facteurs de mauvais pronostic (forme histologique sarcomatoïde ou biphasique, Ki-67 > 9 %) une chimiothérapie systémique première par Cisplatine + Alimta est recommandée. En cas de maladie d’emblée résécable, la chirugie de cytoréduction-CHIP doit être priorisée.
Propositions.
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La chirurgie de cytoréduction avec CHIP sans chimiothérapie systémique néoadjuvante est le traitement de référence du mésothéliome malin du péritoine résécable. Cette prise en charge doit être proposée en première intention.
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En cas d’impossibilité locale de programmation, de doute sur la possibilité d’une résection complète ou en cas de facteurs de mauvais pronostic : une chimiothérapie systémique par cisplatine (ou carboplatine) et pemetrexed peut être proposée.
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Les formes histologiques de mésothéliome dites borderlines (multikystiques, papillaire bien différenciées) non symptomatiques relèvent d’une prise en charge chirurgicale qui doit être reportée à la fin de la période épidémique.
Métastases péritonéales d’origine colorectale
La chirurgie de cytoréduction complète associée à une chimiothérapie systémique péri-opératoire constitue depuis l’étude française randomisée PRODIGE 7 le traitement de référence pour une prise en charge à visée curative des métastases péritonéales colorectales permettant l’obtention de médiane de survie de plus de 40 mois [20]. La CHIP n’a pour l’instant pas démontré son bénéfice sur la survie globale et sans récidive en association à cette chirurgie complète. Néanmoins certaines études monocentriques rapportent des taux de survie supérieurs à 60 mois en cas d’association chirurgie et CHIP [21].
La chimiothérapie systémique, même si elle est moins efficace sur la maladie métastatique péritonéale (en particulier mucineuse) que sur les métastases hépatiques ou pulmonaires [22], peut permettre de contrôler en partie la maladie. La médiane de survie avec les protocoles modernes de chimiothérapie systémique est de 24 mois [23]. L’analyse histologique des métastases péritonéales réséquées montre que cette chimiothérapie permet d’obtenir des réponses tumorales significatives chez plus de 30 % des patients dont 10 % de réponse complète sur tous les prélèvements d’un même patient [24]. Il est difficile de prédire l’échappement de la réponse à la chimiothérapie. Des facteurs tels que les mutations RAS et BRAF, la localisation à droite de la tumeur primitive ou une composante mucineuse > 30 % pourraient aider à stratifier ces patients sur ce risque. Les patients dont la tumeur présente une instabilité microsatellitaire sont potentiellement plus sensibles à une immunothérapie qui pourrait leur être proposée avec la limite de l’absence d’AMM et de la suspension des inclusions dans les essais cliniques en période d'épidémie de CoViD-19.
Propositions.
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La chirurgie de cytoréduction complète associée à une chimiothérapie systémique périopératoire est le traitement de référence des métastases péritonéales colorectales résécables.
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La chimiothérapie systémique néo-adjuvante, si elle est efficace et bien tolérée, peut permettre de décaler une chirurgie de cytoréduction et peut être ainsi poursuivie pour un maximum de 12 cures en considérant néanmoins le risque, difficilement évaluable, de progression vers la non résécabilité durant cette période.
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La chirurgie de cytoréduction pour les métastases colorectales résécables, non répondeuses à la chimiothérapie systémique doit être priorisée.
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L’adjonction d’une CHIP doit être discutée au cas par cas en centre expert, ne doit pas majorer le risque de complications postopératoires.
Métastases péritonéales d’origine gastrique
Il s’agit d’une pathologie pour laquelle la discussion d’une stratégie thérapeutique à visée curative est la plus difficile en contexte d’épidémie pour plusieurs raisons : son mauvais pronostic avec des médianes de survie de 18 mois dans l’étude la plus récente en associant une chirurgie de cytoréduction et CHIP [25], le risque important de complications post-opératoires avec cette association thérapeutique, et la difficulté de poursuivre la chimiothérapie néo-adjuvante recommandée aujourd’hui, le FLOT, pour des raisons de toxicité.
En cas de métastases péritonéales, la chimiothérapie systémique seule ne permet pas d’obtenir des médianes de survie de plus d’un an. L’étude française multicentrique récente [25] rapporte un bénéfice de survie significatif de l’association cytoréduction-CHIP sur la chirurgie seule. Et cela, quels que soit les sous-groupes étudiés au sein d’une population de patients strictement sélectionnés avec la possibilité d’obtenir des guérisons en cas de maladies limitées [26]. La médiane de survie n’est pas atteinte à 5 ans de suivi avec cette association thérapeutique dans le sous-groupe de patients présentant une histologie favorable (absence de cellules indépendantes en bague à chaton).
Il y a donc une différence importante de pronostic entre une stratégie chirurgicale lourde (avec CHIP) requérant des soins intensifs post-opératoires et à haut risque de complications post-opératoires sévères, et une stratégie de chimiothérapie systémique rapidement confrontée à des problèmes de tolérance et d’efficacité. Le tout chez des patients souvent jeunes (l’âge moyen du groupe CHIP dans l’étude CYTO-CHIP était de 51 ans).
Propositions :
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La chirurgie de cytoréduction complète associée à une CHIP doit être proposée aux patients atteints d’une maladie métastatique d’origine gastrique résécable et limitée, mais avec une sélection renforcée par le contexte épidémique sur l’âge, l’état général, la tolérance, la réponse à la chimiothérapie systémique et le nombre de cures déjà réalisées.
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La chimiothérapie systémique par FLOT ou FOLFOX (ou alternative CapOx) si elle est efficace et bien tolérée peut être poursuivie tant que les conditions locales ne permettent pas une prise en charge curative, en considérant ces patients comme prioritaire pour une reprogrammation.
Métastases péritonéales d’origine ovarienne
En cas de diagnostic d’une carcinose d’origine ovarienne d’emblée résécable et d’extension limitée (avec peu ou pas de résections digestives attendues) chez une patiente sans antécédents notables, la chirurgie de cytoréduction première est le traitement de référence qui présente un avantage pronostic en terme de survie sur la chimiothérapie néo-adjuvante selon les recommandations récentes de l’Institut National du Cancer (INCa) [27]. En situation épidémique elle doit donc être priorisée selon les possibilités locales. La même présentation chez une patiente au terrain à risque majeur de complications post-opératoires (âge avancé, obésité, pathologie cardio-respiratoire sévère, ASA 3 ou 4) justifie de proposer une chimiothérapie néo-adjuvante.
En cas de carcinose diffuse imposant une chirurgie de cytoréduction lourde avec un séjour en réanimation post-opératoire potentiellement prolongé, la mise en route d’une chimiothérapie néo-adjuvante se discute du fait de l’absence de différence de survie entre les 2 stratégies dans la principale étude randomisée l’ayant évaluée [28]. Cette stratégie doit d’autant plus être discutée chez les patientes âgées avec co-morbidités importantes.
En situation intervallaire, chez les patientes qui ont donc déjà débutée leur chimiothérapie néo-adjuvante, l’adjonction d’une CHIP au Cisplatine à une résection complète a récemment montré son potentiel bénéfice de survie dans une étude randomisée [29], sans qu’il soit rapporté de majoration des taux de complications postopératoires. Mais la place de la CHIP reste largement débattue dans un contexte de développement intense des thérapies ciblées. La chirurgie intervallaire retardée (au maximum après 6 cycles de chimiothérapie) doit être discutée de façon multidisciplinaire et au cas par cas, tenant compte des conditions locales et de la réponse à la chimiothérapie. La CHIP intervallaire doit également être discutée au cas par cas en centre expert.
En situation de récidive, une étude récente remet en cause l’impact de la chirurgie [30] par rapport à la chimiothérapie systémique seule avec anti-angiogénique. Nous sommes dans l’attente des résultats définitifs de l’étude DESKTOP évaluant l’impact de la chirurgie complète sur les récidives platine sensible avec les critères de sélection AGO [31]. En effet, s’ils sont significativement en faveur de la chirurgie sur la survie sans récidive, on ne connaît pas encore son impact sur la survie globale.
La CHIP en situation de récidive platine sensible est toujours en cours d’évaluation au sein d’essais randomisés (CHIPOR en France – NCT01376752 et HORSE en Italie – NCT01539785) et ne peut être recommandée, en dehors de ces essais.
En cas de récidive platine résistante, les meilleurs résultats rapportés l’ont été avec l’association d’une chirurgie de cytoréduction complète et CHIP [32].
Propositions.
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La chirurgie de cytoréduction première complète doit être priorisée pour les métastases ovariennes d’emblée résécables et d’extension limitée selon les possibilités locales.
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Une chimiothérapie néo-adjuvante peut être privilégiée pour une carcinose péritonéale d’emblée résécable en cas d’impossibilité locale de programmation de la chirurgie de cytoréduction ou de carcinose plus étendue.
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La chirurgie intervallaire retardée (au maximum après 6 cycles) doit être discutée de façon multidisciplinaire et au cas par cas, tenant compte des conditions locales et de la réponse à la chimiothérapie.
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•La CHIP :
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∘N’est pas recommandée en cas de chirurgie première en 1ère ligne, ou en situation de récidive platine sensible.
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∘En situation intervallaire et en cas de récidive platine résistante, elle doit être discutée au cas par cas en centre expert.
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Métastases péritonéales d’origines inhabituelles
Les résultats de l’association chirurgie de cytoréduction-CHIP pour certaines indications rares, chez des patients strictement sélectionnés au sein de centres experts, ont été colligés par le groupe international PSOGI. Cela a permis de rapporter pour certaines de ces indications d’exception des survies notablement prolongées (ouraque, tumeur ovarienne mucineuse, cholangiocarcinome, carcinome hépatocellulaire et autres) [33]. On retrouvait au sein de cette population les mêmes facteurs pronostiques que ceux des métastases péritonéales d’origine plus fréquentes (l’obtention d’une chirurgie de cytoréduction complète et le PCI).
Le niveau de preuve scientifique de ces cohortes limitées et rétrospectives n’est bien sûr pas élevé mais on doit prendre en considération la possibilité d’offrir à certains de ces patients avec une maladie clairement résécable et une biologie tumorale favorable traduite notamment par une réponse bonne et prolongée à la chimiothérapie, l’accès à un traitement permettant d’envisager une survie prolongée voire une guérison.
Propositions.
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L’indication et la possibilité de réalisation de gestes de chirurgie de cytoréduction complète avec CHIP doivent être discutées au sein de centres experts pour des métastases péritonéales d’origine et de type histologique variés malgré la situation épidémique.
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La priorisation des indications devra prendre en considération les conditions locales permettant une prise en charge péri-opératoire optimale.
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Chaque fois qu’une chimiothérapie systémique permet un contrôle de la maladie avec une tolérance acceptable, elle devra être priorisée, dans l’attente de la résolution de l’épidémie.
Déclaration de liens d’intérêts
O. Glehen est consultant pour Gamida.
Footnotes
Ne pas utiliser, pour citation, la référence française de cet article, mais celle de l’article original paru dans Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus.
Contributor Information
O. Glehen, Email: olivier.glehen@chu-lyon.fr.
RENAPE-BIG-RENAPE:
J. Abba, K. Abboud, C. Arvieux, N. Bakrin, J.-B. Delhorme, P. Dartigues, S. Durand-Fontanier, C. Eveno, J. Fontaine, M. Gelli, D. Goere, F. Guyon, J. Lefevre, R. Lo Dico, F. Marchal, C. Nadeau, B. Paquette, D. Pezet, M. Pocard, P. Rousset, O. Sgarbura, A. Taibi, J.-J. Tuech, B. You, and L. Villeneuve
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