Summary
La production de fumées, l’embrasement généralisé (flash-over) et l’explosion de fumées (backdraft) sont les 3 principaux phénomènes thermiques observés dans les incendies. Les fumées, produites par tout incendie sont responsables de 90% des décès observés dans ces circonstances. Flash-over et backdraft se produisent lors des incendies en milieu confiné. Très difficilement prévisibles, ils sont responsables de nombreux accidents touchant les sapeurs- pompiers en intervention. Quelques règles simples de construction et de prévention dans les habitations permettraient de limiter le nombre et la gravité de ces incendies.
Keywords: incendies, fumées, flash-over, backdraft, prévention
Abstract
Smoke production, flashover and backdraft are the three main thermal phenomena that occur during fires. Produced by any fire, smoke is responsible for 90% of fire-related deaths. Flashover and backdrafts, on the other hand, occur in confined fires. Very difficult to predict, they account for many firefighter casualties. A few simple rules regarding construction and prevention in the home could limit the number and seriousness of fires.
Introduction
Visible dès la survenance des incendies, le premier phénomène thermique est la production quasi immédiate de fumées opaques, fortement toxiques et très chaudes. Si les incendies surviennent dans des milieux fermés ou quasi fermés, elles les envahissent immédiatement en ne laissant que très peu de chance de survie aux personnes qui n’ont pas été en mesure de les fuir.
Connus sous les dénominations anglo-saxonnes de flash-over et de backdraft, les deux autres phénomènes thermiques ne peuvent apparaître que si les incendies répondent à des conditions de développement bien particulières et de plus en plus fréquentes.
Les fumées sont la première et la principale cause des décès dans les incendies.i Les dangers qu’elles présentent résultent de la combinaison de trois paramètres essentiels : abaissement de la visibilité, toxicité, et température. Notons que dans les incendies, la production des fumées est quasi immédiate et qu’elle peut se poursuivre même si les phénomènes de combustion sont fortement ralentis.ii
Abaissement de la visibilité. Il est lié aux volumes de fumées produits par la combustion des matériaux impliqués dans les incendies, à l’opacité de ces mêmes volumes de fumées, et à leur vitesse de production. Il provoque une perte d’orientation, un effet de panique et le masquage, souvent total, des itinéraires de fuite. L’importance des volumes de fumées produits et leur vitesse de production sont telles qu’en quelques minutes, ils envahissent tous les volumes disponibles (Tableau I, Fig. 1).
Tab.I. Estimation des volumes libres de fuméès produits par la combustion de 10 kg de...
Fig. 1. Montrant l’importance du volume de fuméès produits par les incendies et leur opacité.
Toxicité (Fig. 2). Les composés gazeux constituant les fumées peuvent être séparés en deux grandes classes : les asphyxiants et/ou toxiques et les irritants. Il existe une multitude d’études sur la toxicité des fumées. Par ailleurs, en se cumulant, les toxicités s’aggravent et des structures comme la NFPA – National Fire Protection Association – parlent de la dangerosité des « cocktails de composés gazeux » produits par la combustion des matériaux. Nous indiquons aussi que certaines fumées transportent des suies. Température de l’air respiré. Même en l’absence de fumées toxiques, la température de l’air respiré peut constituer, à elle seule, une cause de mortalité (Tableau II).
Fig. 2. À Londres, le 14 juin 2017, l'incendie de la Tour Grenfell cause la mort par asphyxie de 71 résidents. L’illustration retenue montre l’importance des fumées produites par la combustion d’un isolant, pourtant choisi parce qu'il était difficilement inflarnmable. Au sujet de cet incendie très meurtrier, nous envoyons à l’étude publiée par M. Reick & J.-F. Schrnauch et citée en bibliographie (titre 13).
Tab. II. Effets sur l'homme des températures de l'air inspiré.
Les flash-over et les backdraft
En France, il faut attendre 1991 et la sortie du film Backdraft pour que les sapeurs-pompiers commencent à analyser les conditions de survenance des flash-over et des backdraft, et les moyens permettant de se protéger de leurs effets.iii
Nous notons que, si les sapeurs-pompiers savent se protéger des dangers présentés par les fumées, s’ils sont confrontés à la survenance d’un flash-over ou d’un backdraft, leurs chances de survie sont minimes. Nous notons encore qu’aux États-Unis, les études sur les flash-over et les backdraft apparaissent bien avant la Seconde Guerre mondiale. En France, dans les années 1960, certains s’étaient interrogés sur les conditions conduisant à la survenance des flashover mais ils n’avaient pas été écoutés!iv,v
Généralités. Pour que l’un ou l’autre de ces deux phénomènes thermiques puisse survenir, il faut que les incendies surviennent dans des volumes fermés ou quasi- fermés. Par ailleurs, les niveaux de confinement des incendies qui se développent dans ces volumes peuvent varier avec la ruine des ouvrants.vi Il résulte des mouvements d’air frais et/ou de gaz libérés par les combustions qui, en jouant sur la puissance du feu, peuvent réunir les conditions de survenance des flash-over ou des backdraft, ce qui les rend en grande partie imprévisibles. Enfin, les modes de construction modernes (pièces offrant des volumes réduits, portes blindées, triples et même quadruples vitrages, isolations poussées…) et certaines habitudes de vie (charges calorifiques importantes, matériaux fortement combustibles, matériaux plastiques…) aggravent fortement les risques de survenance des flash-over et des backdraft.
Quelques rappels sur le développement des incendies. Après l’inflammation d’un des matériaux combustibles présents dans un volume quasi fermé ou fermé, le feu commence à se développer.vii Au fur et à mesure de sa croissance, les objets les plus proches sont chauffés par le foyer initial, produisent des gaz de pyrolyse, et finissent par s’enflammer. Le feu prend de l’importance relativement rapidement, tout en restant très localisé, et la quantité d’air disponible est suffisante pour que la combustion soit normale. Il se comporte comme un feu libre et son extinction n’offre encore aucune difficulté réelle. Pendant cette phase de croissance, l’air est aspiré par convection vers les flammes du foyer initial, la chaleur est entraînée par le panache de fumées, et, compte tenu des dimensions du volume, les gaz chauds s’installent dans la partie haute du volume et finissent par allumer tous les combustibles se trouvant dans cette même partie haute. Toujours en partie haute, les températures peuvent atteindre des valeurs de l’ordre de 500 °C. Arrivé à ce stade de développement et selon les conditions de ventilation rencontrées, l’incendie peut évoluer vers la survenance d’un flash-over ou vers celle d’un backdraft.
Les conditions de ventilation conduisant à la survenance d’un flash-over. Si la ventilation du volume fermé ou quasi fermé est suffisante, les gaz chauds qui se sont accumulés en partie haute sont soumis à des surpressions importantes, débordent du volume où ils se sont accumulés, se mélangent à de l’air frais, et finissent par s’enflammer. Les conditions de température sont telles que tous les objets combustibles – mobiliers, tapisseries, tapis… – s’enflamment soudainement car ils atteignent des températures de l’ordre de celles produisant leur auto-inflammation. Reconnue sous la dénomination de flash-over, cette étape de transition entre la croissance et le plein développement du feu est très rapide – tout au plus quelques secondes – et conduit à une élévation très brutale des températures. De l’ordre de 500°C avant la survenance du flash-over, elles atteignent et dépassent souvent 1 000°C après. Elles s’installent aussi dans tout le volume fermé ou quasi fermé. Juste après la survenance du flash-over, des flammes s’échappent par toutes les ouvertures dont la ruine est provoquée par l’importance des températures et/ou des surpressions produites (Figs. 3-5). Quelques minutes plus tard, tous les combustibles ayant été brûlés, l’incendie entre dans une phase de déclin. Les sapeurs-pompiers suédois ont ainsi définis le flashover : « Le flash-over représente une rupture dans l’évolution du feu. D’un petit feu calme dans le coin d’une pièce, on passe à un feu qui se propage soudainement aux pièces adjacentes et à d’autres constructions.»
Fig. 3. Après la survenance d’un flash-over, les flammes sortent par toutes les ouvertures et les volumes concernés sont strictement inaccessibles.
Fig. 4. Après la survenance d’un flash-over dans un immeuble, les flammes sortent par toutes les ouvertures et l'incendie se propage sans difficulté vers les étages supérieurs et memes inférieurs. Quant aux fumées produites, elles envahissent tous les volumes accessibles et elles sont, compte tenu des volumes qu'elles représentent, impossibles à évacuer ce qui est contraire aux enseignements actuels de la prévention!
Fig. 5. État d'un petit appartement après la survenance d’unflash-over.
Les conditions de ventilation conduisant à la survenance d’un backdraft. À la différence de ce qui vient d’être écrit, la ventilation du volume fermé ou quasi fermé dans lequel survient l’incendie ne se fait que par des interstices – fentes sous les portes, fenêtres fermant mal, fissures –. Au début, le feu se développe normalement mais très rapidement, l’oxygène va manquer. Le feu va alors couver en produisant des imbrûlés combustibles qui s’accumulent dans le volume fermé ou quasi fermé siège de l’incendie. L’absence d’ouverture interdit à la chaleur produite de s’évacuer. En raisonnant à partir du triangle du feu, nous notons : des fumées riches en imbrûlés combustibles, un milieu très chaud dans lequel subsistent des points incandescents et un manque d’oxygène. Il suffit d’un apport brutal d’air pour réaliser un mélange immédiatement explosif. La plupart du temps, cet apport brutal d’air résulte de la rupture d’une vitre sous l’effet de la chaleur, de l’ouverture d’une porte par une personne de passage, d’une action conduite par les sapeurs-pompiers… En fait, les backdraft sont des explosions de fumées qui peuvent causer des dommages considérables aux bâtiments dans lesquels ils surviennent et la mort de toutes les personnes proches. Paul Grimwood, un spécialiste des phénomènes thermiques, écrit : « Silencieusement derrière la porte, il attend : une bouffée d’oxygène, et il explose dans une fureur mortelle». Aujourd’- hui, la plupart des sapeurs-pompiers ont reçu des formations qui leur permettent d’identifier les signes précurseurs indiquant la survenance probable d’un flash-over ou d’un backdraft (Tableau III).
Tab. III. Signes précurseurs indiquant la survenance probable d’un flash-over ou d’un backdraft, d’après 14.
Conclusion
Les trois phénomènes thermiques que nous avons présentés sont dévastateurs. Naturellement, il en existe d’autres et il est certain qu’il en apparaîtra de nouveaux. Par ailleurs, la complexité et surtout le gigantisme des constructions modernes interdisant toutes les formes fiables de modélisation des incendies, seule l’analyse en continu des retours d’expériences permettra aux sapeurs-pompiers d’acquérir les connaissances qui leur permettront de sauver des vies et de préserver les leurs.viii Il resterait à interroger sur les solutions à adopter pour diminuer la probabilité de survenance des phénomènes thermiques que nous avons présentés. Pour nous, les principales passent par la limitation des potentiels calorifiques ; l’usage beaucoup plus modéré des matériaux plastiques ; l’appréciation des risques présentés par les petits volumes habités ; l’installation systématique de détecteurs de fumée dans tous les volumes habités ; l’adoption des systèmes d’extinction automatique des incendie dans les pièces à risques des habitations ; l’enseignement des comportements à adopter pour que les personnes confrontées à un incendie soient en mesure d’y échapper.ix,x,xi
Notes
Environ 90% des victimes des incendies sont tués par les fumées.
Dans ce cas, les combustions sont incomplètes et les fumées produites sont chargées en imbrûlés et en suies. Par ailleurs et comme nous le montrerons, les risques de survenance d’un backdraft sont fortement augmentés.
Mis en scène par Ron Howard, ce film sort sur les écrans français en 1991 et il est présenté en avant-première dans le cadre du Congrès organisé la même année par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers français.
En particulier, le Commandant Étienne. Officier de sapeurspompiers à Paris, il a laissé de nombreux écrits qui montrent la pertinence et la justesse de ses analyses, dont certains se moquaient!
En fait, les premières études acceptées par tous s’appuient sur des recherches conduites à l’École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers sous la direction de l’auteur de ces lignes. Elles donneront naissance à des publications, principalement signées par les capitaines T. Lefevre, J.-L. Bailly, J.-F. Roure & C. Le Gouguec in les revues Face au risque et Préventique
Fenêtres et portes. Il peut aussi apparaître des ruines au niveau des toitures, des façades légères…
Il pourrait être établi une relation entre l’importance des volumes, des ouvertures et des potentiels calorifiques. La complexité du problème posé rend sa résolution théorique infiniment complexe !
Sur ce point, l’incendie de la Tour Grenfell à Londres (voir fig. 2 et référence bibliographique 13) constitue un exemple remarquable car il remet en cause la plupart des règles de prévention guidant la construction des immeubles réservés aux habitations.
Salles de séjour, dégagements, chambres à coucher, garages, celliers, combles…
En particulier les cuisines, les garages et les pièces accueillant une cheminée. Inusités en France, les systèmes d’extinction automatique se développent aux USA, en Scandinavie, au Royaume-Uni…
Sur ce point, il suffirait simplement de suivre les politiques adoptées au Royaume-Uni!
Il existe une multitude de titres mais ils sont principalement rédigés en anglais, en Allemand et en suédois !
Pour le bois, il faut savoir que les mobiliers modernes sont souvent réalisés avec des bois agglomérés contenant des colles, des peintures et des vernis. En cas d’incendie, la combustion n’a plus rien à voir avec celle des mobiliers anciens.
Acknowledgments
Sources des illustrations.Revue Brandschutz (1), Revue Soldats du Feu magazine (2), Revue le Journal des sapeurs-pompiers suisses (3), Revue Allo Dix-huit (4), J.-F. Schmauch (5)
References
- 1.Boyer L. Feu et flammes, Belin. Bibliothèque scientifique. 2006 [Google Scholar]
- 2.Grimwood P.T. Fog attack. FMJ International Publications. 1992 [Google Scholar]
- 3.Schmauch J.F. De l’apport des essais d’incendie en vraie grandeur. Sapeurs-Pompiers de France. 2013;1058 [Google Scholar]
- 4.Schmauch J.F. Les fumées d’incendie : opacité, toxicité, vitesse de production…. Le Sapeur-Pompier magazine. 2001;922 [Google Scholar]
- 5.Schmauch J.F. Les fumées d’incendie – Comment s’en protéger. Le Sapeur-Pompier magazine. 2001;922 [Google Scholar]
- 6.Basmer, P, Zwick G. Brandversuche : Messung des Giftgascocktails bei Bränden, Brandverhütung + Feuersicherheit. 2002;1 [Google Scholar]
- 7.Schneider V. Auswirkungen der Ausbreitung von Rauch und Wärme auf die Personensicherheit. Vfdb Zeitschrift. 2002;3 [Google Scholar]
- 8.Steiner C. Zur Entstehung und Charakterisierung von Brandrauch. Vfdb Zeitschrift. 2002;4 [Google Scholar]
- 9.Detzer, R, Lehnhäuser, F, Klingsch W. Rauchausbreitung in Räumen während der Initialbrandphase. Vfdb Zeitschrift. 2004;3 [Google Scholar]
- 10.Goertz R. Die Gefahren des Brandrauchs. S+S Report. 2014;4 [Google Scholar]
- 11.Cornic V. Suies et particules – Partie 1 : quels risques pour les pompiers. Soldats du Feu magazine. 2018;85 [Google Scholar]
- 12.Vinay R. Suies et particules – Partie 2 : un changement culturel nécessaire, de santé publique comme de santé au travail. Soldats du Feu magazine. 2018;86 [Google Scholar]
- 13.Reick M, Schmauch J.F. L’incendie de la Tour Grenfell, à Londres – Et si l’on s’était tout simplement trompé…. Soldats du Feu magazine. 2019;90 [Google Scholar]
- 14.Lefevre T, Bailly, J.L., Roure J.F. Backdraft et flash-over. Face au risque. 1992;325 [Google Scholar]
- 15.Clark W.E. Flashover : The sudden, silent killer. Fire Engineering. 1994;6 [Google Scholar]
- 16.Knapp J, Delisio: C. Flashover survival strategy. Fire Engineering. 1996;8 [Google Scholar]
- 17.Dufresne de Virel L. Flash-over : mieux le comprendre pour mieux le prévenir et le combattre. Le Sapeur-Pompier. 1998;893 [Google Scholar]
- 18.Eriksson R. Was passiert bei einem Flash-over ? Betrachtungen zum Brandverlauf bei einem Zimmerbrand. Brandschutz. 1999;6 [Google Scholar]
- 19.Bernard M. Ne pas confondre Backdraft et flash-over. le Journal des sapeurs-pompiers suisses. 2004;3 [Google Scholar]
- 20.Bluedevil J. Phénomène thermique : le backdraft. Soldats du Feu magazine. 2010;41 [Google Scholar]