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. 2020 May 7;1(2):129–131. [Article in French] doi: 10.1016/j.lpmfor.2020.05.010

COVID-19 – Comment vivre un confinement pour épidémie ?

Hélène Vulser 1,*, Redwan Maatoug 1, Jean-Yves Rotgé 1, Jean de Lépinau 1, An-Hung Nguyen 2, Yves Edel 2, Stéphane Mouchabac 3, Philippe Fossati 1
PMCID: PMC7204654

Voilà maintenant plusieurs semaines que, pour lutter contre l’épidémie de SARS-Cov2, nous vivons une situation de confinement sans précédent, venant challenger les capacités d’adaptation de chacun.

La simple évocation du terme de « confinement » est en soi potentiellement génératrice d’anxiété. Ce mot peut en effet nous évoquer le manque d’espace, l’emprisonnement, voire l’enfermement. Il ne s’agit pas ici à proprement parler d’une quarantaine, – terme habituellement utilisé pour désigner l’isolement provisoire de personnes considérées comme particulièrement à risque de contagion –, mais plutôt d’un assignement à domicile, qui sera vécu de façon très différente, selon que nous ayons ou non un jardin ou un balcon, une grande maison ou un petit appartement, que nous vivions seul ou en famille, avec ou sans enfant… Cette situation, totalement impensable jusqu’à il y a peu pour une majorité de Français, peut être à l’origine de nombre de conséquences sur la vie de tous les jours : restriction majeure des interactions sociales, modification des routines et repères habituels, diminution de la possibilité d’activité physique, difficultés d’approvisionnement pour les personnes âgées ou dépendantes, etc. En fonction de sa situation propre, les ressentis individuels sont très variés, allant de sentiments plutôt négatifs (l’ennui ou l’inutilité du fait d’une certaine inactivité, la frustration, le sentiment d’emprisonnement et d’isolement, la crainte des répercussions économiques individuelles et communautaires) à des sentiments plus positifs liés à la diminution de la pression sociale et professionnelle ou l’augmentation du temps passé aux hobbies, à la vie familiale, etc.

Détresse émotionnelle

Le caractère inédit de la situation actuelle explique notre peu de savoir sur les potentielles conséquences qu’on imagine pourtant nombreuses. La littérature nous éclaire en revanche sur les difficultés rapportées par la situation relativement proche, bien que généralement plus courte et plus ciblée, des personnes en quarantaine, avec une fréquence élevée de symptômes de détresse psychologique rapportés à court et à long terme, tels que des symptômes de stress post-traumatiques ou des symptômes dépressifs [1]. Les facteurs de risque de détresse émotionnelle décrits dans ce type de situation sont la durée de la quarantaine, l’insuffisance de ressources de base (accès à l’eau potable, alimentation, vêtements, produits d’hygiène, etc.), l’absence d’accès à des moyens de communication appropriés (téléphone, internet), la grossesse, la présence d’enfants en bas âge, l’absence d’information claire par les autorités et le fait d’exercer une profession de santé [1]. Les craintes, légitimes, de contamination pour soi et ses proches engendrées par cette épidémie nouvelle, planétaire, et potentiellement mortelle ; les interrogations posées par la gestion médicale et politique de la crise engendrée ; les situations de deuil, de plus en plus nombreuses ; les répercussions économiques, etc., viennent ajouter de l’angoisse au stress du confinement. Comme l’on pouvait s’y attendre, les toutes premières études chinoises confirment les répercussions psychologiques de la pandémie actuelle telles que symptômes de stress aigu ou dépressifs, anxiété, insomnie [2], [3], [4]. Il peut s’agir de symptômes isolés ou de troubles caractérisés apparus de novo, ou bien de décompensation d’un trouble mental déjà connu. En France, de nombreuses autres répercussions, sociales, médicales, économiques, sont également rapportées : augmentation des consommations d’alcool lors de cyber-apéros, augmentations des violences intrafamiliales, faillites, diminution du diagnostic et de la prise en charge des autres pathologies, etc.

… mais aussi résilience

Cette crise sans précédent est aussi l’occasion de démontrer les formidables capacités d’adaptation de l’être humain. La mobilisation exceptionnelle des soignants a ainsi permis nombre d’aménagement qui semblaient peu réalisables il y a à peine quelques semaines : triplement du nombre de lits de réanimation, développement de plateformes de suivi prenant en charge des dizaines de milliers de patients COVID+, explosion de la téléconsultation, etc. Cet élan touche aussi l’ensemble de la population qui se mobilise à la fois pour soutenir les soignants, par exemple en cousant masques et sur-blouses, en proposant logements et nourriture, ou en assurant son soutien par les applaudissements de 20 heures, mais aussi pour mener à bien sa mission de confinement. Ainsi, les parents se sont révélés enseignants, les voisins aidants de personnes âgées, les chefs-cuisiniers YouTubeurs, les chasseurs auxiliaires de gendarmerie, etc. Notre société toute entière a, ces dernières semaines, démontré ses capacités de résilience face à cette crise soudaine, sans aucune préparation préalable. Mais saura-t-elle faire face sur la durée, la mesure étant prolongée de plusieurs semaines ? La motivation parviendra-t-elle à se maintenir ?

Poursuivre l’adaptation

Des mesures simples

Quelques mesures simples peuvent permettre de poursuivre cette adaptation au confinement.

Ces dernières semaines de nombreuses ressources francophones et anglophones ont ainsi été mises en ligne par des professionnels de santé mentale afin de diffuser ces recommandations (voir les annexes). D’un point de vue très pragmatique, il s’agit tout d’abord de s’assurer sur le plan communautaire que chacun puisse avoir accès à des ressources de base (alimentation, eau potable, chauffage…), et à la possibilité de communication (téléphone et/ou accès internet) [5]. La diffusion d’une information adaptée, par les sources officielles, la lutte contre les fake-news et les annonces gouvernementales [6] en matière de soutien économique sont également importantes pour lutter contre les répercussions psychologiques. À titre individuel, plusieurs mesures sont recommandées : il s’agit tout d’abord de prendre soin de soi, en s’assurant un sommeil suffisant et régulier, une alimentation équilibrée, le recours à des activités agréables, et si possible, le maintien d’une certaine activité physique. L’instauration de nouvelles routines, l’établissement d’un planning détaillé et la définition d’objectifs permettent de structurer de nouveau le quotidien. Il est fondamental de garder autant que possible des rythmes de vie proches des rythmes habituels : lever, coucher, repas à heures fixe notamment, bien qu’il ne soit pas toujours simple de s’astreindre à un tel emploi du temps dans la durée en l’absence des contraintes sociales habituelles. Des rythmes chronobiologiques réguliers sont en effet indispensables à la bonne santé physique et mentale de l’être humain, leur déstructuration pouvant conduire notamment à une augmentation du risque cardiovasculaire ainsi qu’à des symptômes dépressifs [7]. L’exposition à la lumière du jour le matin, les contacts avec les proches (par téléphone, mail, visio…) ou la réalisation d’une activité physique régulière permettent de favoriser le respect de ces rythmes.

En revanche, une trop grande exposition aux écrans, le grignotage et l’absence de tout contact social ont tendance à déstructurer le quotidien. Le maintien d’un agenda permet de mesurer le temps qui passe et ainsi de ne pas se déconnecter totalement de l’extérieur. Pour les personnes en télétravail, l’établissement d’objectifs réalistes et le respect de temps de pause sont également indispensable pour ne pas se laisser submerger. Dans les familles, il est indispensable que chacun puisse garder du temps pour le repos et les hobbies, en partageant les tâches ménagères, les courses, les soins aux enfants ou l’enseignement. Ces moments à soi permettent en effet de garder une place pour des activités à connotation positive, telles que lire ou écouter de la musique, et ainsi contre-balancer le stress des informations plus négatives.

Lutter contre le stress

S’il est important de se tenir informé, il faut néanmoins essayer de s’en tenir au maximum aux informations officielles, de vérifier ses sources, et de limiter la durée d’exposition quotidienne aux médias. L’accès à l’information ne devrait ainsi pas dépasser deux fois 30 minutes par jour. Le dialogue avec l’entourage doit être maintenu au maximum, à la fois au sein de la famille ou du couple, pour clarifier les rôles de chacun et promouvoir la communication non violente, et à l’extérieur du foyer (famille, amis, collègues) afin de lutter contre le sentiment d’isolement, notamment pour les personnes seules à leur domicile, de partager son vécu et de promouvoir les comportements pro-sociaux.

La lutte contre le stress implique de reconnaître nos propres réactions de stress (fatigue, irritabilité…) et leur légitimité dans un tel contexte, de mettre en place des stratégies actives, telles que la pratique de la relaxation ou de la méditation, et de limiter sa consommation de substances psychoactives comme l’alcool.

Quand les capacités d’adaptation sont dépassées, et entraînent une détresse importante, il faut savoir se tourner vers un professionnel de santé mentale qui pourra évaluer la situation et proposer un accompagnement.

Enfin, pour tenir dans la durée, il est intéressant d’écouter les conseils, florissant sur le net, des astronautes et autres sous-mariniers, forts de leur riche expérience du confinement, qui recommandent de considérer l’assignation au domicile comme une mission. Une mission qui permettra bien sûr à titre individuel et à court terme d’éviter à chacun d’être contaminé, mais également à titre collectif et à plus long terme de participer à l’efficacité de notre système de santé en contenant cette pandémie.

Déclaration de liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Annexe 1. Annexes

http://www.psycom.org/Actualites/Lignes-d-ecoute-et-de-soutien-disponibles-pendant-l-epidemie-de-Covid-192?fbclid=IwAR0n3lgxghW1_1LTr4GC2XeXWXG13VFLN8dqTD3M6uP1iiKGDtmqY0ObuU0 



https://interagencystandingcommittee.org/iasc-reference-group-mental-health-and-psychosocial-support-emergency-settings/interim-briefing 



https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/mental-health-considerations.pdf 



« Conseils aux cerveaux confinés »

https://www.youtube.com/channel/UCbaA1CEdoTDHa1KqgeIoJng/playlists

Références

  • 1.Brooks S.K., Webster R.K., Smith L.E., Woodland L., Wessely S., Greenberg N., et al. The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence. Lancet. 2020;395(10227):912–920. doi: 10.1016/S0140-6736(20)30460-8. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 2.Sun L, Sun Z, Wu L, Zhu Z, Zhang F, Shang Z, Jia Y, Gu J, Zhou Y, Wang Y, Liu N, Liu W. Prevalence and risk factors of acute posttraumatic stress symptoms during the COVID-19 outbreak in Wuhan, China. Published online https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.06.20032425v1. doi: 10.1101/2020.03.06.20032425. [DOI] [PMC free article] [PubMed]
  • 3.Wang C., Pan R., Wan X., Tan Y., Xu L., Ho C.S., et al. Immediate psychological responses and associated factors during the initial stage of the 2019 Coronavirus disease (COVID-19). Epidemic among the general population in China. Int J Environ Res Public Health. 2020;17(5) doi: 10.3390/ijerph17051729. [pii: E1729] [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 4.Lai J., Ma S., Wang Y., Cai Z., Hu J., Wei N., et al. Factors associated with mental health outcomes among health care workers exposed to Coronavirus disease 2019. JAMA Netw Open. 2020;3(3):e203976. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2020.3976. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 5.Ho C.S., Chee C.Y., Ho R.C. Mental health strategies to combat the psychological impact of COVID-19 beyond paranoia and panic. Ann Acad Med Singapore. 2020;49(1):1–3. [PubMed] [Google Scholar]
  • 6.Atlani-Duault L., Ward J.K., Roy M., Morin C., Wilson A. Tracking online heroisation and blame in epidemics. Lancet Public Health. 2020;5(3):e137–e138. doi: 10.1016/S2468-2667(20)30033-5. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 7.Baron K.G., Reid K.J. Circadian Misalignment and Health. Int Rev Psychiatry. 2014;26(2):139–154. doi: 10.3109/09540261.2014.911149. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]

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