Abstract
Problématique
La situation que nous vivons actuellement est inédite. Déclarant l’état d’urgence sanitaire afin de juguler une épidémie redoutable, les autorités ont décrété le confinement à domicile de la majorité de la population de notre pays pour plusieurs semaines. En quelques jours surgissent d’innombrables interrogations pour des espaces très divers : épidémiologiques, immunologiques, sociologiques, scientifiques de l’information, médicaux, administratifs, politiques, etc.
Objectif
Nous proposons une réflexion destinée à décrire les enjeux psychologiques, expliciter les troubles constatés et discuter les moyens pour les prendre en charge dans la durée.
Matériel et méthodes
Nous basons notre réflexion sur une revue de la littérature confrontée à notre expérience clinique actuelle, y compris concernant les possibilités de suivi médico-psychologique dématérialisé.
Résultats
Nous rappelons les répercussions collectives des risques létaux de masse émergents, et en particulier des agents infectieux viraux, avant d’aborder les modèles scientifiques existants de confinement collectif d’après les opérations militaires en zone hostile, les missions d’hivernage polaire et de conquête aérospatiale. Il apparaît que pour l’étude d’un confinement global, quelque peu étudié lors de pandémies antérieures, les conceptions de l’adaptation au stress et de l’adaptation psychodynamique s’avèrent pertinentes. Nous détaillons les conséquences psychologiques du confinement sur les santés psychiques individuelles et leurs contre-mesures en fonction de trois typologies populationnelles : population générale, population des soignants en première ligne contre l’épidémie, et population des sujets déjà en souffrance psychique ou voyant leurs troubles réapparaître. Nous faisons également référence aux travaux de psychologie cognitive sociale explicitant comment, en situation anxiogène, les raisonnements peuvent être biaisés et conduire à des choix s’avérant in fine peu rationnels, de l’avis même de ceux qui les ont faits. La situation actuelle dans le domaine de la santé est en cela propice, comme en témoigne le « débat sur la chloroquine » largement relayé dans les médias et sur les réseaux sociaux, opposant des conclusions le plus souvent tranchées à partir de connaissances d’un certain degré de scientificité, d’une part, mais aussi en fonction de ce qui semble être les fantasmes de tous ceux qui recherchent soit un remède miracle, soit une occasion de faire prospérer une « théorie du complot », d’autre part.
Discussion
Les répercussions psychologiques du confinement apparaissent conditionnées par les multiples formes que peut prendre ce dernier : volontaire ou subi, plus ou moins prolongé, passé chez soi ou dans un autre lieu, vécu dans l’isolement individuel ou en petite communauté, associé à d’autres facteurs de stress et/ou traumatiques, etc. Le confinement à domicile d’une population à l’échelle d’un pays n’a jamais été évalué. Cette expérience nous semble confronter globalement notre société au tabou de la mort qui s’impose, mort de plus en plus éludée au fur et à mesure que l’« homme occidental » tente de s’éloigner de ses origines terrestres. En ce sens, des répercussions de type psychotraumatique sont à prévenir. Afin de faire face à de multiples enjeux, le système de soins s’est adapté avec notamment le développement de l’usage d’Internet pour la mise à disposition d’informations destinées à mieux vivre le confinement, ou encore la généralisation de la psychothérapie à distance qui pose autant de questions qu’elle apporte de réponses. Ces intrications des techniques informatiques dans l’espace de la psychothérapie, techniques envers lesquelles nous avions quelques incrédulités, se sont imposées aussi rapidement que le virus : obligation est faite aux cliniciens et aux chercheurs d’en mesurer les enjeux et les conséquences.
Conclusion
Des programmes de santé publique pourraient voir le jour sur le modèle de ceux déjà existants afin de prendre en charge des troubles chroniques endémiques bien connus : protection contre les effets d’une alimentation déséquilibrée associée à la sédentarité, lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, prévention des conduites auto-agressives, etc. Il nous faudra aussi soutenir les soignants qui ont été en première ligne et qui sortiront éprouvés de cette pandémie : en dépendra la pérennité des capacités d’action de notre système de soins pour revenir à son état nominal et aussi peut-être, pour qu’il puisse faire face aux conséquences d’autres crises, notamment sociales.
Mots clés: Confinement, Coronavirus, Épidémiologie, Psychopathologie, Psychothérapie en ligne, Réaction au stress, Sociopathologie
Abstract
Background
The situation we are currently experiencing is unprecedented. Declaring a state of health emergency in order to curb a frightening epidemic, the authorities have decreed the home confinement of the majority of the population of our country for several weeks. In a few days, innumerable questions arise for very diverse spaces: epidemiological, immunological, sociological, information scientists, medical, administrative, political, etc.
Objective
We propose a reflection intended to describe the psychological risks, to clarify the disorders found, and to discuss the means to take care of them in the duration.
Material and methods
We base our thinking on a review of the literature confronted with our current clinical experience, including concerning the possibilities of dematerialised medico-psychological monitoring.
Results
We recall the collective repercussions of emerging lethal mass risks, and in particular viral infectious agents, before approaching the existing scientific models of collective confinement according to military operations in war zones, polar wintering missions and aerospace conquest. It appears that for the study of a global containment, somewhat studied during previous pandemics, the conceptions of stress reaction and psychodynamic adaptation prove to be relevant. We detail the psychological consequences of confinement on individual mental health and their countermeasures according to three population typologies: general population, population of caregivers on the front line against the epidemic, and population of subjects already suffering from mental illness or seeing their disorders reappear. We also refer to works in social cognitive psychology explaining how, in an anxiety-provoking situation, reasoning can be biased and lead to choices that ultimately prove to be not very rational, in the opinion of those who made them. The current situation in the health sector is favourable in this, as evidenced by the “debate on chloroquine” widely reported in the media and on social networks, opposing conclusions most often decided on the basis of beliefs on contrary to evidence based medicine.
Discussion
The psychological repercussions of confinement appear conditioned by the multiple forms that it can take: voluntary or suffered, more or less prolonged, spent at home or in another place, lived in individual isolation or in a small community, associated other stressors and/or traumatic factors, etc. The home confinement of a population across a country has never been assessed. This experience seems to us to confront our society as a whole with the taboo of death, which is imposed, death more and more evaded as the “Western man” tries to move away from his terrestrial origins. In this sense, psychotraumatic type repercussions are to be prevented. In order to face multiple challenges, the healthcare system has adapted with, in particular, the development of the use of the Internet for the provision of information intended to better experience confinement, or even the generalisation of e-psychotherapy asking as many questions as it provides answers. These intricacies of computer techniques in the area of psychotherapy, techniques with which we had some questioning, became established as quickly as the virus: the task of clinicians and researchers to measure the issues and the consequences.
Conclusion
Public health programs could emerge on the model of those already existing in order to manage well-known chronic endemic disorders: protection against the effects of an unbalanced diet associated with a sedentary lifestyle, fight against smoking and alcoholism, prevention of self-aggressive behaviour, etc. We will also need to support the caregivers who have been on the front line and who will emerge tested from this pandemic: depending on the sustainability of the action capacities of our healthcare system to return to its nominal state and also perhaps, so that it can face consequences resulting from other crises, especially social ones.
Keywords: Confinement, Coronavirus, Epidemiology, Psychopathology, Online psychotherapy, Reaction to stress, Sociopathology
1. Introduction
La situation que nous vivons actuellement est inédite. Déclarant l’état d’urgence sanitaire afin de juguler une épidémie redoutable, les autorités ont décrété le confinement à domicile de la majorité de la population de notre pays pour plusieurs semaines. En quelques jours surgissent d’innombrables interrogations pour des espaces très divers : épidémiologiques, immunologiques, sociologiques, scientifiques de l’information, médicaux, administratifs, politiques, etc. Sur le plan psychologique, se posent les questions des réactions collectives et individuelles, de même que les moyens utiles pour y faire face.
Nous commençons cet article par une rétrospective concernant les répercussions collectives des risques létaux de masse émergents, et en particulier des agents infectieux viraux. Nous abordons ensuite les modèles scientifiques existants de confinement collectif d’après les opérations militaires en zone hostile, les missions d’hivernage polaire et de conquête aérospatiale [9], [25]. Il apparaît que pour l’étude d’un confinement global, les conceptions de l’adaptation au stress et de l’adaptation psychodynamique s’avèrent pertinentes. Ensuite, nous détaillons les conséquences psychologiques du confinement sur les santés psychiques individuelles et leurs contre-mesures en fonction de trois typologies populationnelles : population générale, population des soignants en première ligne contre l’épidémie, et population des sujets déjà en souffrance psychique ou voyant leurs troubles réapparaître. Nous nous devons aussi de faire référence aux travaux de psychologie cognitive qui explicitent comment, en situation anxiogène, les raisonnements peuvent être biaisés et conduire à des choix s’avérant in fine peu rationnels, de l’avis même de ceux qui les ont faits. La situation actuelle dans le domaine de la santé est en cela propice, comme en témoigne le « débat sur la chloroquine » largement relayé dans les médias et sur les réseaux sociaux, opposant des conclusions le plus souvent tranchées à partir de connaissances d’un certain degré de scientificité, d’une part, mais aussi, en fonction de ce qui semble être les fantasmes de tous ceux qui recherchent soit un remède miracle, soit une occasion de faire prospérer une « théorie du complot », d’autre part. Nous terminons notre propos par une réflexion sur l’adaptation du système de soins : usage d’Internet pour la mise à disposition d’informations afin de mieux vivre le confinement et développement de la psychothérapie à distance qui pose autant de questions qu’elle apporte de réponses. Ces intrications des techniques informatiques dans l’espace de la psychothérapie, techniques envers lesquelles nous avions quelques incrédulités, se sont imposées aussi rapidement que le virus : obligations aux cliniciens et aux chercheurs d’en mesurer les enjeux et les conséquences.
2. Les risques émergents de décès de masse : quels enjeux connus pour la santé publique ?
Au cours de l’histoire moderne, la prise de conscience de l’émergence de menaces létales à très large échelle a progressivement invité les sociétés à se prémunir contre les armes nucléaires et biologiques, mais aussi envers des risques liés à l’environnement telles les catastrophes naturelles ou l’apparition de nouvelles maladies.
2.1. L’adaptation à de nouvelles menaces militaires ou naturelles
Jusqu’alors, les réactions collectives aiguës à l’échelle de larges populations s’avéraient surtout redoutées pendant les guerres, à une époque où les moyens de communication n’étaient pas ubiquitaires, quand bien même des actions de propagande faisaient rage. Les bombardements, ainsi que les avancées des troupes ennemies peuvent entraîner des comportements collectifs très divers, plus ou moins adaptés à la survie individuelle et groupale, tels l’exode, l’exposition indue au danger, les paniques et suicides collectifs, etc. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la menace évolue avec le développement d’armes non conventionnelles que les militaires appellent « NRBC » (Nucléaire Radiologique Biologique Chimique) [28]. Sur le plan biologique sont surtout craintes certaines maladies bactériennes (charbon, peste, rickettsioses, brucellose, tularémie, mélioïdose, morve, etc.) ainsi que plusieurs virus agents de la variole et des fièvres hémorragiques virales (fièvre de la vallée du Rift, fièvres du Congo et de Lassa). Dans le même temps, les virus émergents de milieux naturels sont progressivement devenus une préoccupation stratégique devant le risque de réapparition d’une maladie connue comme le virus Ebola, l’apparition d’un agent chez un nouvel hôte ou dans une nouvelle zone géographique (grippe aviaire, virus West Nile aux États-Unis, Chikungunya). Pour tous ces virus pourvoyeurs d’infections aiguës ou subaiguës, la chaîne épidémiologique fait intervenir un réservoir animal, un agent pathogène, et une transmission directe ou indirecte vers un sujet réceptif. Infection à signes cliniques souvent retardés (en sus des signes éventuels de primo-infection), n’oublions pas le VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine), probablement transmis à l’homo sapiens par un singe infecté près du fleuve Congo, le virus ayant essaimé dans le monde à la suite du développement de l’aéronautique. L’essor du transport aérien apparaît au cœur des propagations virales pandémiques favorisées par le transfert de malades, la transmission infectieuse en milieu clos, le déplacement des sujets en incubation et des porteurs sains [39].
2.2. Épidémies virales ayant donné lieu à réactions collectives récentes
Les dernières épidémies virales les plus saillantes, concernant leurs répercussions psychologiques, constituent la résurgence de la maladie Ebola, la grippe, et le coronavirus responsable du SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) [4]. Le virus Ebola serait présent en Afrique de l’Ouest depuis le milieu des années soixante-dix et cause d’environ 2000 décès au gré d’une vingtaine d’épidémies locales, jusqu’à l’épidémie de 2013 en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone touchant près de 25 000 sujets avec une mortalité estimée à près de 50 %. Outre la férocité des chiffres, en l’absence de traitement spécifique, les symptômes sont effroyables et l’agent pathogène hautement contagieux : les soignants ne peuvent approcher qu’avec des tenues de protection individuelles très sophistiquées [29]. Plus connue dans ses formes bénignes, la grippe, causée par le virus Myxovirus Influenza, évolue en vagues épidémiques successives sur fond endémique, les pandémies survenant à la suite d’une variation génétique majeure du génome viral se traduisant phénotypiquement surtout par la modification de deux glycoprotéines de surface dites Hémagglutinine et Neuraminidase (d’où les formules HxNx). Les mémoires gardent en tête la pandémie de la « grippe espagnole », appelée ainsi car seule l’Espagne a communiqué les chiffres épidémiologiques durant la grande guerre où le virus aura décimé davantage que les combats armés. La grippe continue à tuer chaque année plusieurs milliers de personnes dans notre pays, d’où le développement de la vaccination, en particulier dans les collectivités1 . Risque basé sur des modèles épidémiologiques et statistiques, une pandémie massive reste attendue alors que les dernières formes aviaires (H5N1) puis porcines (H1N1) se sont avérées plus limitées que calculé. La grippe du poulet ne s’est pas encore déclarée à large échelle ; celle du cochon a causé une mortalité d’environ 1 %, ce qui a conduit les autorités de nombreux pays à construire des plans gouvernementaux d’ampleur pour se préparer à la catastrophe annoncée. Autre virus à tropisme respiratoire, le Coronavirus responsable du SRAS apparaît être la première maladie grave transmissible émergente du XXIe siècle : quelques centaines de cas de pneumopathies atypiques sont observés dans une province de Guangdong près de Hong Kong dès novembre 2002, puis des cas similaires sont décelés dans près de 30 pays, touchant environ 8000 patients, avant que l’épidémie ne s’éteigne par une létalité estimée à 10 % des sujets infectés. Alors que ces deux dernières épidémies ont causé des inquiétudes notables, les conséquences pour la santé psychique collective des populations se sont avérées limitées : absence de mouvements paniques ou d’exodes de grande ampleur notamment ; mais, il apparaît aussi que certaines de nos sociétés semblent s’être laissés dépasser, sans être en pleine capacité de se préparer stratégiquement à l’inévitable, y compris lorsque celui-ci fait déjà rage à un coin de la planète, ou de l’autre côté de la « frontière », se rapprochant inéluctablement… S’imposent deux interrogations concernant la physiologie psychique normale individuelle et collective : peut-on vraiment croire à une catastrophe avant qu’elle ne soit là ? Aussi, la réponse à cette question dans l’après-coup d’une situation concrète pourrait-elle devenir différente de l’illusion rétrospective du vrai ?
2.3. Pandémie actuelle du coronavirus (Covid-D19)
Ces dernières semaines, c’est un virus de la même famille que l’agent du SRAS qui nous préoccupe, et dont les précises caractéristiques infectiologiques et épidémiologiques ne seront connues en détail que dans quelques années grâce au déploiement de travaux scientifiques de grande envergure. Tout juste sait-on aujourd’hui qu’il se propage très facilement par le biais notamment de porteurs sains ou paucisymptomatiques, que le délai d’incubation peut être de plusieurs jours, que le taux de mortalité serait autour de 1 %. Aussi, ce virus provient de l’évolution biologique « naturelle », même si la main de l’homme n’y est pas complètement étrangère. C’est le cas dans la majorité des virus émergents à propagation lente ou progressive, virus qui naissent lorsque les contacts des hommes et des animaux sont très rapprochés, comme cela reste le cas en Asie du Sud-Est. Afin de limiter la propagation de l’épidémie et de permettre aux structures de soins de se préparer dans la durée, une décision de confinement progressif de la population a été décrétée par les autorités de nombreux États. Les objectifs sont doubles : isoler les sujets malades pour leur prodiguer des soins en milieu protégé et réduire la transmission du virus par isolement des porteurs asymptomatiques au-delà de la phase de contagiosité. La nouveauté par rapport à ce qui a été antérieurement réalisé dans l’histoire depuis le XIXe siècle, avec notamment des mises en place de quarantaines lors de mouvements migratoires massifs, constitue l’isolement strict de villes associé à d’autres mesures de confinement de masse des personnes contagieuses dans des installations publiques ou privées réquisitionnées, et aussi, d’innombrables confinements complets à domicile. Progressivement, avec la mise en sommeil du trafic aérien et la fermeture des frontières, ce sont des populations correspondant à des pays entiers qui sont concernées.
La nécessité du confinement généralisé et strict n’avait pour beaucoup de citoyens jamais été envisagée, d’autant que cette mesure ne nécessite pas d’entraînement préalable. Dans un tel contexte, la place de l’imaginaire collectif peut devenir acérée : à titre préventif comme actif, l’espace du symbolique, essentiellement représenté par la place de l’État, doit se déployer, alors même que nombre de structures sociétales habituelles restent à l’arrêt ou fonctionnent de manière atypique (administrations publiques en sommeil, lieux de culte inaccessibles, associations ne pouvant se réunir physiquement, etc.). Aucune réaction collective d’ampleur n’a été observée dans notre pays, malgré les mouvements migratoires de la population dans la perspective annoncée d’un confinement de plusieurs semaines. Permettant de prendre les mesures adaptées à la sauvegarde du plus grand nombre, la réaction collective reste adaptée si, justement, elle permet de s’ajuster aux nouvelles contraintes s’imposant à elle. Tandis que le respect des règles édictées par les autorités sanitaires nécessite une adhésion active, en même temps, ceux pouvant se rendre disponibles du fait de compétences humaines ou matérielles, en participant aux opérations de sauvetage et d’entraide, représentent aux yeux de tous le concours à l’efficacité de l’action commune face à l’adversité. Quand bien même les actes aléatoires antisociaux de quelques autres fleurissent sur les réseaux sociaux, entraînant une charge mentale supplémentaire pour tous, la cohésion globale peut in fine s’en trouver majorée. Afin de soutenir l’effort général dans la durée, chaque ministère édicte des mesures destinées à préserver l’éducation, la culture, l’économie, et bien sûr la santé. Quant aux recommandations sanitaires, elles sont adaptées à ce qui est compris de la menace au fur et à mesure des découvertes concernant l’agent infectieux et les moyens pour y faire face. Dans une société hypernumérisée dont la charge virtuelle se majore encore du fait même du confinement, la maîtrise de la communication apparaît d’autant plus cardinale face aux incessants flux des réseaux sociaux. Cette société hypermédiatisée, apologie du virtuel, ne semble pas prémunir contre les effets du confinement.
3. Les modèles scientifiques du confinement collectif : opérations militaires en zone hostile, hivernage polaire et missions aérospatiales, quarantaines imposées par un état d’urgence sanitaire
En référence à l’épidémiologie des infections, il existe au moins deux types de confinement : la quarantaine et l’isolement [7], [8], [11], [16], [32]. La quarantaine constitue la séparation et la restriction des mouvements des personnes qui ont été potentiellement exposées à une maladie contagieuse afin de vérifier si elles ne sont pas malades, réduisant ainsi le risque qu’elles contaminent d’autres personnes. L’isolement constitue la séparation des personnes qui ont été diagnostiquées avec une maladie contagieuse de celles qui ne sont pas malades. Cependant, les deux termes sont souvent utilisés de manière interchangeable, en particulier dans la communication avec le public [38]. Le mot quarantaine a été utilisé pour la première fois à Venise, en Italie, en 1127, pour lutter contre la lèpre [27]. Trois siècles plus tard, les Anglais misent sur la quarantaine afin d’éviter la propagation de la peste noire [7], [8]. Aussi, pour lutter contre la variole ou le choléra, chaque siècle connaîtra des périodes de quarantaine. Cette dernière est toujours utilisée à l’échelle de la ville dans certaines régions de Chine et du Canada lors de l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2003, tandis que des villages entiers dans de nombreux pays d’Afrique occidentale ont été placés sous cloche lors de l’épidémie d’Ebola de 2014 [17], [21], [24], [39]. Toutefois, si des mesures de confinement sont utilisées depuis longtemps, les études scientifiques s’intéressant aux conséquences psychologiques sont récentes, ce qui nous impose, dans un premier temps de réflexion, d’envisager une vision plus large du « confinement », au-delà de la prévention du risque infectieux.
3.1. Rétrospective historique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : quels confinements ?
Dans les suites de la terreur des camps de concentration concernant des populations opprimées sur tout un continent et, dans une mesure très différente, l’occupation des fascismes à l’échelle de pays entiers, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous n’avons pas traversé d’épisode s’apparentant à un confinement contraint massif d’une population dans la culture occidentale. Notons en revanche la fréquence de cette problématique dans des contextes très variés à travers le monde, notamment eu égard aux camps de réfugiés hébergeant plusieurs millions de personnes sur le globe. Il s’agit de populations souffrant d’une migration non volontaire et qui souvent ont été soumises dans la durée à de très nombreux facteurs stressants et traumatisants (agressions physiques et sexuelles, surmenage physique intensif, privation de sommeil, maltraitances psychologiques sévères jusqu’à la négation de l’humain, expositions aux intempéries, privations des besoins élémentaires notamment nutritionnels, etc.). Les répercussions psychophysiologiques sont souvent massives, comme en témoignent les descriptions des entités cliniques correspondant au syndrome des camps nazis et viets minh qui apparaissent toujours un modèle clinique valide en cas d’expositions similaires [30], [31]. Encore appelé « syndrome des rescapés » ou « asthénie des déportés », ces troubles initialement décrits par Targowla peuvent associer : hypermnésies émotionnelles, crises psychogènes non épileptiques, épisodes de confusion hallucinatoire, asthénie persistante, humeur dépressive, anxiété importante, hyperémotivité manifeste, modifications de la relation à l’entourage, etc. [22].
En revanche, nous ne disposons à l’heure actuelle d’aucune description ni étude intéressant la réaction d’une population générale acceptant activement, pendant plusieurs mois, des mesures de confinement à domicile. En sus de l’aspect volontaire ou subi, il apparaît d’emblée trois paramètres cardinaux pour caractériser cette notion de « confinement » : le lieu, le temps et le nombre. Le lieu d’abord, en référence au déracinement éventuel, loin du logement ou du pays d’origine, ainsi qu’à l’espace disponible et aux possibles allées et venues, quand bien même limitées par rapport aux habitudes. Le temps ensuite, pouvant s’étirer sur quelques heures à quelques années, comme lors de certaines prises d’otages. Enfin, il s’agit du nombre de personnes physiquement côtoyées pendant le confinement, allant de l’isolement dans la solitude au rassemblement de personnes issues d’une même communauté, ou non. En fonction des différentes situations, on peut supposer des conséquences médico-physiologiques tout aussi multiples… De surcroît, l’analyse scientifique de la réaction au confinement volontaire d’une population à large échelle, c’est-à-dire globalement saine sur le plan médico-psychologique, semble autant du ressort de la sociologie et de la psychologie sociale que du psychisme individuel [15]. Sur le plan médico-psychologique, les mesures de confinement ont surtout été étudiées en considérant de petits groupes de volontaires à partir de trois circonstances typologiques :
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militaires en situations opérationnelles projetés sur des bases avancées ou, servant dans les sous-marins nucléaires ;
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missions d’hivernage polaire complet d’une année comportant une nuit de six mois ;
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aventures liées au développement de l’aérospatiale.
3.2. Paniques et relâchement du sens moral des troupes en opération
L’éclosion et la prévalence des manifestations collectives, à l’échelle d’une population militaire en campagne, dépendent du type de catastrophe (nature, violence, étendue), ainsi que de la ou des populations touchées (densité, composition, degré d’anticipation et de préparation) [10]. Le trouble le plus connu et le plus redoutable apparaît celui de la panique collective, dans son sens clinique à cinq phases (préparation, choc, réaction, résolution, complications). La panique s’installe souvent sur des « germes de paniques » constitués de quelques individus isolés qui sèment le trouble au sein de leur groupe. Après une phase de préparation permettant la naissance d’une inquiétude basée sur des rumeurs, la panique fait suite à un facteur qui déclenche le choc de « commotion-inhibition-stupeur ». Puis vient la phase de réaction motrice préludant le retour à une dynamique résolutive. La durée totale de l’accès peut être de quelques minutes à plusieurs heures ; l’apaisement apparaît soit spontanément, soit sous l’injonction autoritaire d’un tiers. Les réactions paniques peuvent être très diverses en associant fuite incontrôlée, agitation inconsidérée et suicide collectif. Un cas particulier concerne la « panique de tir », décrivant des troupes apeurées qui vident leurs munitions en tous sens sur des cibles hallucinées. Le caractère constant de la panique reste la dangerosité du phénomène pour ses protagonistes comme pour ceux qui viendraient à en croiser la charge. Les facteurs de risque sont l’impréparation, l’imprévoyance, le sentiment d’insécurité, et le manque d’information crédible.
Autre question cardinale mais dépassant le cadre purement psychologique, la question du relâchement du sens moral des troupes en opération peut, en interrelation à de multiples autres facteurs, être favorisée par un éloignement durable des repères habituels [12].
3.3. Syndrome mental de l’hivernage polaire
L’usure psychologique des explorateurs de pôles a été décrite dans les années 1950 sous le vocable de « syndrome mental de l’hivernage » comprenant plusieurs phases :
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1)
velléités de fuite ;
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2)
doute sur le bien-fondé de la mission avec réaction de résistance prenant parfois la voix d’une opposition au groupe avec manifestations agressives ;
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3)
courtes périodes dépressives laissant place à un épuisement face au constat de l’impuissance à vaincre les éléments, le sujet s’enfermant dans la passivité, l’indifférence et le repli [9].
Indépendamment de ce syndrome ou associé à celui-ci, ont été observées des perturbations instinctuelles et cognitives nommées long eye et big eye. Le long eye correspond à des moments d’état de conscience modifiée, la personne restant dans une torpeur calme, ne se réveillant que sur stimulation sans pouvoir rapporter la moindre activité psychique pendant ce temps d’absence qui ressemble à la viscosité mentale observée en vol spatial. La pensée s’avère nettement ralentie et concordante à une majoration du temps nécessaire pour effectuer des tâches motrices. Deuxième syndrome pouvant être comorbide, le big eye caractérise une insomnie persistante non corrélée à un trouble anxieux ou dépressif, mais rapportée aux privations sensorielles et sociétales par rapport au contexte de vie antérieur.
3.4. Les secrets dévoilés des pionniers de l’aérospatiale
« Tout ce que nous recherchons, c’est un groupe de surhommes ordinaires plutôt que d’hommes extraordinaires » : c’est par ces mots que furent accueillis les candidats qui deviendront les premiers astronautes de l’histoire (première mission Mercury en 1959). Les stations orbitales habitées débutent avec Saliout dès 1971, suivie par MIR et la station spatiale internationale. Alors que de nombreux paramètres biophysiques et psychologiques constituent des facteurs limitants vers la conquête spatiale (impactant les systèmes musco-squelettiques et cardiovasculaires notamment), en tant que facteur de stress majeur, le confinement a été décrit comme l’une des contraintes les plus difficiles à supporter. Bien que peu relatées dans les livres, les missions spatiales en équipage ont connu leur lot de difficultés en lien avec les soudaines interprétations mystiques et envahissantes de certains membres, ou au contraire face au repli paranoïaque de quelques autres, causant parfois même du chahut à bord. Valéry Rioumine, ingénieur de vol à bord des premiers vaisseaux soviétiques Soyouz, évoquait en ces termes l’impact de la promiscuité : « Toutes les conditions nécessaires pour commettre un meurtre sont réunies dès lors que sont enfermés deux hommes dans une cabine de 5 mètres sur 6 et qu’on les laisse vivre ensemble pendant dix mois2 ». Dès le retour sur la planète bleue, ce n’est pas forcément terminé : les premiers visiteurs de la lune furent mis au confinement par peur qu’ils ne rapportent de l’espace des agents infectieux inconnus. Quelques-uns, durablement marqués par cette expérience hors du commun dans une « cinquième dimension », ce rêve adulé socialement, voient leur vie radicalement changer au point de connaître une forme d’isolement intérieur. Et pourtant, notons bien que ces pionniers avaient été entraînés intensément pendant plusieurs années : ils avaient déjà devant eux une carrière de pilote de chasse et de pilote d’essai. Aussi, c’est sans doute sur le plan médico-psychologique que la sélection a été la plus drastique, ce qui n’a pas empêché certains de développer des troubles [9], [34].
3.5. Confinement d’une population à l’échelle d’un pays
Une revue réalisée cette année par Brooks et al. indique que le placement en quarantaine pourrait avoir des conséquences à long terme sur la santé psychique [7]. L’équipe du Kings College de Londres s’est appuyée sur 24 études consacrées aux effets psychologiques de la quarantaine, études réalisées dans dix pays lors de précédentes épidémies (SARS, Ebola, grippe H1N1, coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et grippe équine). Les personnes en quarantaine peuvent développer de multiples réactions psychologiques comme le fléchissement de l’humeur [3], l’hyperréactivité au stress [40], l’irritabilité [1] et l’insomnie [32]. Plus la durée de la quarantaine est longue, davantage la santé mentale est impactée, en particulier en ce qui concerne la présence d’émotions négatives (peur et colère surtout), de mésusages de substances psychoactives et de symptômes de trouble de stress post-traumatique (TSPT) [7], [16]. En revanche, très peu de travaux se sont intéressés aux conséquences médico-psychologiques dans les familles et en particulier chez les enfants. L’étude de Sprang et al. décrit en 2013 que si près de 30 % des parents en quarantaine présentent des symptômes de TSPT, de tels résultats sont 4 fois plus élevés chez les enfants [35], mais, il serait hasardeux de considérer que le confinement peut en soi être « traumatique » au sens où il serait pourvoyeur d’une blessure psychique inductrice de reviviscences. En revanche, se retrouver enfermé avec une personne violente sera une situation plus à risque d’agressions et donc, plus à même à entraîner un traumatisme psychique. De surcroît, les émotions et les sentiments ou plus généralement la situation du confinement peuvent agir comme des indices de rappel susceptibles de réactiver les souvenirs d’épisodes traumatiques anciens. Plus généralement, le confinement semble sensibiliser des problématiques antérieures, telles des dimensions anxieuses et dépressives s’exprimant au-delà des seuils de normalité habituellement retenus par les outils psychométriques, notamment ceux destinés à repérer le TSPT.
3.6. Cas particulier de la population des soignants
Chez les soignants, les études rapportent des manifestations émotionnelles plus fréquentes et intenses au niveau de la peur, de la nervosité et de la culpabilité notamment [32]. Les soignants qui ont vécu une quarantaine dans l’incertitude de développer des symptômes massifs ont un retentissement psychique plus important que leurs collègues non confinés [8]. On peut aussi supposer que les soignants mis à l’isolement se sentent plus démunis par cette identification aux patients infectés, d’une part, mais aussi par leur volonté contrariée de poursuivre leur activisme professionnel, d’autre part. Dans ce contexte, plus la quarantaine dure, plus les niveaux d’angoisse et de fléchissement thymique se majorent [24]. Dans une autre étude portant sur les professionnels de santé, la mise en quarantaine semble avoir vulnérabilisé certains sujets, notamment en ce qui concerne la présence d’un TPST [36]. N’ayant rien de traumatique en soi, l’isolement favorise les ruminations et la résurgence de certains souvenirs traumatiques dont la manifestation peut être facilitée par l’insuffisance d’activité. Les sujets psychotraumatisés trouvent en effet habituellement dans des activités dérivatives le moyen de canaliser leurs états émotionnels. L’insécurité, le manque de contrôle sur les événements extérieurs ou la peur d’avoir été contaminé sont autant de cognitions ou d’émotions qui peuvent jouer le rôle d’indice de rappel de situations traumatiques, parfois anciennes.
3.7. Implications du contexte actuel en termes d’analyse cognitive pathogène ou protectrice
En sus des multiples réactions psychiques évoquées ci-avant, il nous semble nécessaire de nous intéresser plus spécifiquement aux modifications d’interprétation des informations provenant de l’environnement, essentiellement via les médias et les réseaux sociaux, afin de mieux percevoir les mécanismes cognitifs mis en jeu et leurs éventuelles implications pathologiques. Comment sont traitées les « informations » par le grand public ? Mais encore, comment sont générées des informations par ce même grand public ? Certains médias, sur le modèle du micro-trottoir généralisé, l’on pourrait dire du « Web-trottoir », interrogent la population générale pour lui demander, si oui, si non, si peut-être, faudrait-il prescrire à tous tel ou tel médicament ? Le contexte anxiogène tend à exacerber certains mécanismes de traitement cognitif des informations ; de surcroît, dans l’exemple que nous prenons, l’analyse cognitive sera aussi modifiée en fonction de la formulation des questions. C’est ce qu’ont décrit Kahneman et Tversky : lors de la présentation d’un problème, la formulation positive ou négative de la même information formelle influence la réponse à la question posée [18]. Dans leur expérience de 1981, les deux scientifiques font référence à une épidémie asiatique en passe de se produire et qui, selon les estimations données aux participants de l’expérience, va tuer 600 personnes. Deux programmes sanitaires sont alors proposés à un premier groupe de participants (n = 152) :
-
1)
programme A, 200 personnes seront sauvées ;
-
2)
programme B, 1/3 de chances que 600 personnes soient sauvées, et 2/3 de chances que personne ne soit sauvé.
Soixante-douze pour cent des participants choisissent le programme A, c’est-à-dire la certitude plutôt que l’incertain (ce dernier est donc vu négativement alors qu’il pourrait être plus salvateur de vies). Le même scénario épidémiologique est ensuite proposé à d’autres participants (n = 155) devant choisir entre deux programmes sanitaires :
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1)
programme A, 400 personnes mourront ;
-
2)
programme B, 1/3 de chances que personne ne meure, et il y a 2/3 de chances que 600 personnes meurent.
Dans ce cas de figure, 78 % des participants ont choisi le programme B, c’est-à-dire l’incertitude. Dans un choix qui sera perçu comme positif, comme un gain (« personnes sauvées »), les sujets ont plutôt tendance à avoir une aversion au risque. À l’inverse, dans un choix qui sera perçu comme une perte (« personnes décédées »), les sujets ont plutôt une appétence pour le risque. Lorsque le problème est présenté en termes de « morts » (cadrage négatif), les participants montrent une très large préférence pour le programme B, alors qu’ils choisissent massivement le programme A quand le problème était présenté en termes de survivants (cadrage positif). Ces notions bien connues et utilisées pour contrôler les enquêtes de psychologie des groupes ne sont en revanche que peu exploitées dans les enquêtes d’opinion, ou du moins peu exploitées dans une volonté scientifique. Or, ces mécanismes cognitifs peuvent majorer des symptômes psychosociaux telles les manifestations anxieuses collectives.
Si ces travaux sont de l’ordre de la psychologie sociale, au niveau individuel, c’est-à-dire ce que le sujet choisira pour lui personnellement, appartient surtout à sa subjectivité, quand bien même s’en remettrait-il aveuglément à autrui. Tel patient pourra tout à fait être en accord avec les données acquises de la science, d’autant si ces dernières sont relayées par les autorités de santé, mais, cela ne l’empêchera peut-être pas de refuser le traitement recommandé. Et quand bien même l’accepterait-il, aurions-nous la preuve de la rationalité formelle du raisonnement y ayant conduit ? Il est probable que le parcours de vie, notamment les empreintes émotionnelles, dont la relation avec son médecin, soit primordial, mais ce n’est pas tout : existe aussi des mécanismes psychologiques, probablement à visée protectrice contre la dépression ou l’angoisse, mais qui conduisent à des conclusions ou des comportements qui pourront être reconnus comme « irrationnels » par le même sujet les ayant éprouvés, une fois revenue une période plus propice à la réflexion formelle. C’est ce qu’illustre le biais de Dunning–Kruger (1999, 2002) : moins un sujet est compétent pour répondre à une question donnée, plus celle-ci est tranchée avec certitude. Inversement, les personnes les plus qualifiées ont tendance à sous-estimer leur niveau de compétence [19], [20].
Sur ce graphique, l’abscisse est le degré d’expertise acquis dans un domaine, l’ordonnée correspond au fait d’avoir confiance en nos jugements dans ce domaine. L’effet Dunning et Kruger, c’est le fait que cette ligne soit en pente descendante : moins on est expert, plus on a confiance en nos jugements |
Surestimer ses propres compétences dans le domaine médical peut conduire à nous auto-médicamenter (et à prendre des risques) ou refuser de participer à un essai clinique par peur de ne pas bénéficier du traitement qu’on croit le meilleur. L’évolution des connaissances scientifiques nous donnera « raison » ou « tort », jusqu’à la prochaine découverte… Inversement, quand une personne commence à devenir compétente, elle découvre rapidement l’étendue de son ignorance, ce qui se traduit par un effondrement de confiance. D’où la modestie des chercheurs et les précautions prises pour parler de leurs travaux… Pour paraphraser Charles Darwin, « l’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance ». Toutefois, avoir le sentiment subjectif d’être compétent, alors qu’on ne l’est objectivement pas selon les référentiels reconnus, restaure un sentiment de contrôle : en ce sens, une erreur sur le plan formel (comparativement aux données acquises de la science) peut être très utile sur le plan de la dynamique psychique.
4. Conséquences cliniques du confinement actuel sur les santés psychiques individuelles en population générale, chez les soignants et chez les patients déjà en souffrance psychologique: quelles contre-mesures ?
Jusqu’alors, nous avons constaté des troubles essentiellement réactionnels, y compris chez les sujets présentant déjà des souffrances psychiques existentielles ou symptomatiques. Aussi, nous avons choisi d’aborder trois populations différentes :
-
•
population générale au sens de sujets ne souffrant pas de troubles psychiques ou neuropsychiques à l’heure du début du confinement, ni n’ayant présenté de troubles neuropsychiatriques antérieurement ;
-
•
population soignante que nous avons considérée en première ligne face à l’épidémie, alors que le contexte général rapportait déjà une mise en tension du système de soins dans son ensemble ;
-
•
population souffrant de troubles psychologiques préalables au confinement, ou dont les troubles se remanifestent alors.
Pour chaque cadre, il nous semble que deux modèles de compréhension peuvent s’associer intelligemment : la notion de réaction au stress et celle d’adaptation psychodynamique.
4.1. Réaction au stress et adaptation psychodynamique
Le modèle d’exposition au stress, réaction psychophysiologique aspécifique, établit les notions de contrainte cumulée et de seuil de résistance idiosyncrasiques avant l’apparition de symptômes d’intensité croissante, jusqu’à l’état de stress dépassé chronique si les facteurs stresseurs persistent [33]. À leur arrêt, le retour psychophysiologique ad integrum est attendu, malgré une légère sensibilisation des systèmes biologiques impliqués. Mais, dans un certain nombre de cas, malgré la disparition des contraintes, peut s’être autonomisée une hyper-réactivité au stress, et/ou se chroniciser des troubles apparus pendant la phase aiguë. Un large éventail de souffrances risque alors de perdurer et d’associer pathologies psychosomatiques et troubles psychologiques voire psychiatriques.
Mais, la notion d’adaptation à une situation va très au-delà de celle de stress : elle se base tout autant sur l’histoire antérieure du sujet, ses mécanismes de défense liés à sa personnalité, ses modalités d’attachement, ses anciennes confrontations émotionnellement chargées voire traumatiques, ses conflits psychologiques parfois. Nous appelons cette résultante l’adaptation psychodynamique.
4.2. Population générale
4.2.1. Effets du confinement sur les grandes fonctions physiologiques, instinctuelles et psychologiques
De manière non pathologique, on peut craindre, du fait de la sédentarité, l’apparition d’un amoindrissement des capacités musculosquelettiques et cardiovasculaires avec, parallèlement, le maintien du régime alimentaire voire un apport calorique majoré, ce qui est source de prise de poids. Toujours pour l’espace instinctuel, les troubles du sommeil sont fréquents, avec poursuite de cycles nycthéméraux de 25 heures, c’est-à-dire un coucher de plus en plus tardif pour un réveil également retardé, avec dérivation vers l’inversion du rythme nycthéméral. La dilatation du temps envahit aussi potentiellement les journées, dont la monotonie affaiblit progressivement les capacités motivationnelles… un ennui persistant pointe. Le fléchissement vers la déprime s’accompagne d’irritabilité, d’asthénie, de troubles de la concentration et de la mémoire, avec notablement, l’absence de tristesse pathologique, ce qui réfute l’épisode dépressif caractérisé. Un fond anxieux est souvent associé, sans exacerbation, mais marqué par l’impression d’une diminution de la sécurité. Le fléchissement des capacités de réponses à la frustration devient facilitateur de la majoration de consommation de substances psychoactives, jusqu’aux mésusages. En cas de confinement isolé, marqué par la séparation des figures d’attachement, un repli est fréquent. Mais, lorsque le confinement est familial, des crises peuvent éclater plus fréquemment. Le risque traumatique est bien sûr présent, notamment en cas de confrontation directe et brutale à un décès. Aussi, les deuils, dont les rituels sociaux sont modifiés pour des raisons sanitaires, évoluent davantage vers une propension pathologique.
Dans la majorité des cas, on s’attend à une résolution complète des changements médico-psychologiques voire des dimensions symptomatiques en six mois, durée classiquement retenue pour faire cesser un trouble de l’adaptation, à l’exclusion des facteurs de stress causaux.
4.2.2. Mise en place de contre-mesures immédiates
Les contre-mesures constituent essentiellement le recadrage de règles hygiénodiététiques de base avec maintien d’une activité physique à domicile, rééquilibration du régime alimentaire, instauration d’un lever et d’un coucher à heures fixes, limitation du temps passé devant les écrans. Autant que possible, il est utile de s’exposer à la lumière du jour, en se plaçant près d’une fenêtre, par exemple. Une occupation des journées est nécessaire par la mise en place de diverses activités, en fonction des possibilités, obligations et appétences de chacun : télétravail, jardinage, jeux de société, visionnage de documentaires et de films, etc. La lecture de même que les activités méditatives et créatrices sont à favoriser. Pour les personnes physiquement isolées, il convient de maintenir un contact social autant que possible via les moyens de communication modernes le cas échéant. Il paraît enfin utile, en sus du respect des règles de confinement, que chacun puisse contribuer, en fonction de ses possibilités, à l’effort collectif, notamment par le soutien d’institution ou de personnes en grande difficulté. Naturellement, certains sujets se montrent hyper-adaptés et vont mettre à profit le temps imparti pour réaliser de vieux rêves, ou plus simplement rattraper leur retard dans divers domaines : perte de poids grâce à la confection de plats diététiques, mise à jour de certaines missions professionnelles, augmentation du temps passé à l’éducation des enfants, reprise de travaux d’aménagement du logement, etc.
4.3. Population soignante
Nous aurions aussi pu évoquer la situation de bien d’autres emplois, comme ceux des citoyens assurant le convoyage de patients, mais aussi les services régaliens de l’État travaillant en première ligne, sur le terrain ou dans les cellules de crise. Nous avons focalisé sur la population soignante, du fait de sa proximité directe avec l’exposition virale lors des soins prodigués aux patients, de sa mise en avant sur les plans sociétaux et médiatiques, et enfin, sur l’aspect de « double confinement » : dans le cadre du métier avec application extensive de mesures barrières, et, au retour à la vie privée.
4.3.1. Effets du confinement dans la vie personnelle versus hyper-investissement professionnel
Les équipes hospitalières travaillant en institution et les praticiens libéraux plus isolés déploient et représentent des valeurs exaltant le courage et le dévouement au profit de la collectivité, parfois au détriment de soi3 . Il faut maintenir son poste malgré les risques, en effectuant de surcroît quelques charges habituellement assurées par les structures institutionnelles si ces dernières sont touchées transitoirement par la sidération. Les facteurs de stress sont importants et résultent de trois grandes dynamiques : la pression sociétale majorant le caractère anxiogène des événements tout en focalisant une grande partie de la sortie de crise sur les qualités des soins engagés au profit des patients critiques, la pression professionnelle marquée par une charge de travail majeure à laquelle s’ajoutent des moyens perfectibles pour y faire face, la pression de la vie personnelle avec soit la crainte de contaminer sa famille, soit le retour à sa solitude, après une journée ou une nuit chargée. Certains soignants effectuaient antérieurement dans leurs pratiques quotidiennes des gestes, des décisions, des annonces assez similaires à celles entraînées par la période critique qui majorent la charge globale de stress et d’intensité émotionnelle. D’autres soignants, moins préparés, commençant parfois tout juste leur carrière, se voient projeter du jour au lendemain dans une autre dimension, sans avoir le temps de construire des protections psychiques progressives. Dans les deux cas, le risque en aigu constitue l’épuisement professionnel, majorant encore la crainte d’infection grave. Mais aussi, le risque à moyens et longs termes est constitué par un épuisement professionnel durable limitant la possibilité de poursuivre sa profession comme on l’avait souhaité. Aussi, précisons que les soignants ne sont pas immunisés contre le risque traumatique. Les nouvelles formes de facteurs traumatogènes décrites dans le DSM-5, dont les traumas répétitifs et indirects, causent des répercussions séméiologiques possédant des parentés cliniques dimensionnelles avec les reviviscences.
Mais, pour le moment, globalement, les soignants ne se plaignent pas de troubles psychologiques ; les dispositifs d’écoute (locaux ou nationaux) mis à leur disposition pour prendre en compte leurs difficultés ou leurs souffrances sont peu utilisés. Une infirmière consultant de longue date l’un d’entre nous confiait ces semaines-ci : « Pour le moment je ne me pose pas de questions, je suis une machine, je me bats avec mes collègues, on est soudées… C’est quand on commence à se poser des questions que cela ne va pas… Donc on avance… On va au-delà de nos limites, c’est certain. Il y a quelque chose en nous qui est conscient qu’on est au bout, mais il y a autre chose qui a pris le contrôle et qui nous fait aller au-delà… Je sais pas ce que c’est, peut-être que je le payerai plus tard… On verra plus tard. »
4.3.2. Mise en place de contre-mesures différées
Alors qu’en immédiat, l’organisation institutionnelle semble prévaloir, c’est surtout dans les suites de pressions, voire de difficultés vécues collectivement, que l’intérêt d’un soutien collectif apparaît nécessaire. Après les débriefings techniques éventuels, voire les réunions d’équipe organisées par les cadres, se pose la question de la nécessité d’organiser des groupes de parole avec l’aide d’un psychologue. L’objectif considère avant tout l’apaisement des souffrances, si elles existent, sachant aussi qu’incidemment, les temps en équipes peuvent permettre de resserrer la cohésion en partageant les émotions éprouvées, en tirant ensemble les enseignements des réflexions de chacun. Concrètement, une fois un contexte plus propice au repos revenu, il faut être à même de proposer, sur un temps d’activité professionnelle, des groupes de parole. S’agit-il ici de soins ? Cela dépendra du degré de souffrance des équipes qu’il n’est pas possible de réellement connaître à l’avance. La composition des groupes demande une fine analyse des situations de chaque équipe et, aussi, des contraintes liées à l’organisation des services (notamment en termes de rotation des personnels sur 24 heures).
Aussi, en l’absence de possibilité d’avoir pu effectuer des groupes de débriefings médico-psychologique suivant un événement potentiellement psychotraumatique aux temps forts de la crise, les soins de débriefing, techniquement très différents des groupes de parole, autant que leurs objectifs sont distincts, peuvent s’organiser en individuel selon la technique du débriefing différé.
4.4. Populations souffrant de troubles psychiques ou voyant des troubles resurgir
La période actuelle apparaît, pendant la phase aiguë de l’épidémie virale et du confinement, sensibiliser certaines souffrances et en taire d’autres, au moins transitoirement. Il est bien sûr trop tôt pour établir des statistiques valables ; aussi, nous privilégions de brèves vignettes cliniques illustratives des dimensions pathologiques qui s’épanouissent ou se tarissent.
4.4.1. Dimensions pathologiques sensibilisées par le confinement
La diminution globale de l’activité psychomotrice apparaît favoriser les expressions psychosomatiques avec recrudescence d’atteintes cutanées (psoriasis ou eczéma) et surtout somatoformes avec résurgence de douleurs découlant parfois d’épines irritatives constatées (sciatalgies, céphalées de tension, fibromyalgies, etc.). Certains patients souffrant de psychose interprètent davantage leurs perceptions corporelles, en lien avec la crainte de l’infection, avec survenue d’accents mélancoliformes ou d’hypocondrie surinvestie. Ainsi, cette patiente âgée, suivie pour trouble unipolaire de l’humeur, se plaint de signes fonctionnels multiples associant maux de tête, palpitation, gastralgies… Alors que son médecin traitant tente de la rassurer, elle se lamente en pensant qu’on va « se débarrasser des vieux », s’enferme dans le mutisme et le repli jusqu’à ne plus s’alimenter, ce qui nécessitera une hospitalisation. Mais, le climat est aussi propice à l’entrée dans la pathologie, comme en témoigne ce jeune cadre dynamique de la fonction publique, aux antécédents familiaux de troubles bipolaires, et qui, après une phase d’excitation hypomaniaque de quelques semaines, adaptée à la situation dans laquelle il se démène, subit un effondrement mélancolique brutal où il s’accuse de ne pas être à la hauteur de ses fonctions et craint de nombreux dommages ; terrorisé par les futurs reproches qu’on lui adressera, il songe à un moyen d’y échapper. En outre, s’associant au risque dépressif, l’évolution anxieuse des sujets hyper-réactifs au stress semble assez ubiquitaire, en contrecoup aux actualités terribles ainsi qu’aux inquiétudes concernant la peur d’avoir des proches touchés par l’épidémie, des difficultés d’emploi, des examens universitaires à passer dans des conditions incertaines, etc. Une anxiété de fond généralisée se majore, l’aggravation progressive entraînant la survenue de crises paniques, puis de tentative d’évitement de tout ce qui apparaît pourvoyeur d’angoisse, fuite assez inefficace tellement l’environnement cantonne aux facteurs anxiogènes. Notons aussi la majoration des mésusages de tabac et d’alcool, auxquels s’ajoutent les addictions comportementales (jeux vidéo et jeux à gratter). Les sevrages forcés du fait des difficultés d’approvisionnement sont fréquents (cannabis essentiellement). La rigidification de conduites alimentaires pathologiques apparaît également prégnante, telle cette jeune patiente ayant stocké beaucoup d’aliments à domicile avant le confinement et qui s’astreint à des restrictions massives ponctuées de crises boulimiques compensées par des conduites purgatives. Enfin, le confinement peut impliquer la résurgence de crises familiales, comme chez ce patient alcoolisé, bientôt à la retraite et qui, ne supportant plus ses difficultés conjugales qui conduiront à un divorce certain, pousse des hurlements sur la route en bas de chez lui jusqu’à l’arrivée de la force publique appelée par le voisinage.
4.4.2. Dimensions pathologiques atténuées par le confinement
Paradoxalement, certains troubles se trouvent apaisés par la modification du contexte de vie. Une patiente, souffrant de phobie sociale sévère et suivie en centre de consultation, nous informe par téléphone qu’elle se sent au mieux grâce aux rues et aux commerces désertés par la foule. Un autre patient, présentant un délire de relation des sensitifs, voit ses troubles disparaître alors qu’il se retrouve seul à son étage, tous ses voisins s’étant précipités à la campagne. Rapportons encore l’histoire de cette patiente envahie de troubles obsessionnels compulsifs de nettoyage, calmée par son ménage, et qui constate avec satisfaction que tout le monde fait comme elle pour passer le temps, les aspirateurs vrombissent tous les jours dans la cage d’escalier, elle s’en rassure. Enfin, nous avons constaté une nette diminution des crises suicidaires portées à la connaissance du système de soins hospitalier. Naturellement, une crainte légitime est constituée par le probable rebond des troubles et des souffrances connexes à la « décompression »…
Chez les patients souffrant de pathologies schizophréniques, l’enjeu reste de prévenir une rupture de soins, ce qui nécessite des contacts téléphoniques réguliers ainsi que parfois des visites à domicile afin de maintenir un lien social et de dispenser les traitements pharmacologiques. Il convient également de reprendre avec eux les mesures de sorties édictées par les autorités. Nous n’avons pas observé davantage d’accès psychotiques chez des sujets qui, pour certains, évoluaient déjà dans une certaine solitude sociale, voire avaient connu des hospitalisations sans consentement, parfois prolongées, avec connaissance de la chambre d’isolement.
5. Adaptation du système de soins psychologiques et psychiatriques
5.1. Recommandation des autorités de santé et des sociétés savantes
Plusieurs organismes internationaux, les ministères des États et les sociétés savantes ont rapidement édicté des aides voire des recommandations à destination des soignants en santé mentale afin d’optimiser les prises en charge des patients malgré le confinement [13], [15]. La Haute Autorité de santé a notamment donné les axes à suivre :
-
1)
maintenir et renforcer l’offre de soins ambulatoires en privilégiant le recours aux prises en charge à distance (vidéotransmission, à défaut par téléphone), tout en maintenant la possibilité de consultations en structures de prise en charge ambulatoire ou en cabinet libéral, de visites à domicile et d’activités individuelles ;
-
2)
rester vigilant quant au suivi somatique (en incluant l’évaluation régulière d’éventuels symptômes COVID-19) et au contexte social et familial du patient ;
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3)
sensibiliser le patient et son entourage à la nécessité du maintien d’une hygiène de vie pendant le confinement, lui rappeler les règles de confinement et l’aider à les respecter ;
-
4)
faciliter l’accès des patients à leurs traitements (renouvellement d’ordonnances, délivrance de médicaments, transports) ;
-
5)
assurer une permanence téléphonique pour les situations de détresse aiguë au niveau des secteurs de psychiatrie et maintenir l’accès aux urgences psychiatriques ;
-
6)
assurer une coordination/coopération renforcée, dans le cadre de la prévention de COVID-19 et des conséquences du confinement, entre les acteurs de la psychiatrie, les médecins généralistes et les autres professionnels impliqués dans la prise en charge et l’accompagnement du patient (infirmiers libéraux, psychologues libéraux et professionnels des secteurs sociaux) ;
-
7)
prendre en compte les spécificités des enfants et adolescents, des personnes âgées ainsi que des patients avec conduites addictives [2], [26].
Les troubles psychiques, pouvant rendre plus difficiles la compréhension et l’application des gestes barrières et de la distanciation sociale, et les fragilités somatiques de cette population imposent une vigilance accrue de la part des soignants. Des attestations de déplacement dérogatoire sont communiquées pour permettre d’honorer les rendez-vous médicaux prévus au centre médico-psychologique dans le cadre de la continuité des soins dans les meilleurs délais, notamment pour les patients relevant d’un programme de soin ou en situation à risque.
5.2. La mise en partage de ressources sélectionnées
Afin d’aider la population générale tout au long du confinement, certaines institutions ont mis en place des ressources susceptibles d’aider à traverser plus sereinement la période de confinement. Par exemple, le centre Pierre-Janet, centre de soins, d’enseignement et de recherche, hébergé par l’université de Lorraine [37], a réuni en accès libre des articles de presse, des interviews et des podcasts sélectionnés, ainsi que des tutoriels, réalisés par des spécialistes renommés, proposant entre autres des activités de relaxation et de gestion des émotions, à effectuer seul ou en famille. Pour soulager le stress et l’anxiété, des exercices concrets et séances audio sont présentés, à partir des techniques de libération émotionnelle, de méditation, de relaxation, de pleine conscience, de cohérence cardiaque, de postures de yoga, etc. Des vidéos de psychologie positive sont régulièrement postées. N’oublions pas les liens vers des ressources permettant de pratiquer une activité physique adaptée à ses possibilités. Un tel dispositif nécessite une mise à jour régulière afin d’incrémenter de nouveaux éléments, ce qui instaure une dynamique propice à investir la plateforme et l’utiliser en fonction de ses envies au fil des jours.
Si certains centres sont précurseurs, la récence globale des initiatives utilisant les moyens de communication moderne dans notre pays peut surprendre… Dans un texte publié il y a déjà vingt ans et intitulé Les applications psychologiques sur l’Internet : une discipline sur le seuil d’un nouveau millénaire, Azy Barak (1999) [6] regroupe l’usage que la psychologie peut faire d’Internet pour la psychothérapie en trois domaines : l’information, l’évaluation et le traitement. Nous avons retenu six points cardinaux illustratifs de la problématique générale du partage de ressources :
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1)
l’accès à une information générale ou spécialisée, professionnelle ou profane, exhaustive ou superficielle, classée par discipline ou par orientation théorique ;
-
2)
les guides d’auto-thérapie permettent l’identification et l’évaluation du problème, diffusent une information et des directives en vue d’un changement. Ils couvrent à peu près tous les domaines de la psychopathologie, des troubles alimentaires aux désordres sexuels, des addictions à la dépression, des troubles de la personnalité à l’anxiété… La disponibilité de ces guides en ligne permet d’éviter des effets de stigmatisation à ceux qui les consultent ;
-
3)
les tests et les évaluations sont possibles en ligne, mais posent des problèmes techniques et éthiques. Par ailleurs, beaucoup de ces tests ne sont pas valides et la question se pose de savoir si la validité des tests survit à leur « traduction » en ligne ;
-
4)
l’aide à la décision de commencer une psychothérapie peut être trouvée sur beaucoup de sites qui permettent à chacun de choisir la psychothérapie qui lui convient le mieux ou qui convient le mieux à ses difficultés ;
-
5)
une information sur les acteurs et les services proposés, que cela concerne les détails que l’on peut trouver dans un annuaire (numéros de téléphone, adresse, heures d’ouverture, etc.) ou des éléments supplémentaires sur les difficultés d’évolution ou les traumatismes que l’on peut rencontrer, ou encore les évolutions psychopathologiques que l’on peut traverser. Enfin, une veille courrielle, disponible sur la plupart des sites, permet d’obtenir une information plus personnalisée ;
-
6)
un conseil psychologique, via une réponse individuelle donnée par courriel ou sur un forum.
5.3. L’organisation concrète de la télé- et de la vidéo-consultation
Alors que certains de nos collègues, psychologues et psychiatres, s’avéraient très réticents à l’usage de la visio-consultation [23], celle-ci s’est imposée comme une impérieuse nécessité. Pour prendre l’exemple concret d’un primo-consultant, il lui suffit de prendre rendez-vous sur une plateforme dédiée pour qu’il puisse recevoir un lien de connexion permettant la mise en relation avec un psychologue. En cas d’impossibilité d’accès à la téléconsultation (zone non couverte, pas d’accès à l’Internet, pas d’appareil de réception, etc.), une autre solution est constituée par l’entretien téléphonique. Bien sûr, ces dispositifs ne remplacent pas un suivi psychothérapeutique mais proposent un soutien ponctuel pour toute personne, en conformité avec la « Charte pour l’engagement des psychologues dans les plateformes de téléconsultations COVID-19 », de la Fédération française des psychologues et de psychologie FFPP [13].
La psychothérapie à distance va devenir une pratique incontournable du paysage professionnel français et international. Incontournable, car on ne peut faire l’économie de ces enjeux sociétaux qui convoquent la psychologie et la psychothérapie en dehors de ses cadres habituels. Incontournable encore, car il faut définir les contours techniques et éthiques de ce qu’il convient d’appeler la « cyberpsychologie », l’« e-psychothérapie » ou la « psychothérapie virtuelle » [5]. L’usager en quête d’informations sur la psychothérapie ou à la recherche d’un psychologue pour répondre à une demande sera rapidement confronté à la nécessité d’utiliser les nouveaux médias, même si dans l'avenir de moyen-terme la rencontre se fera encore dans la grande majorité des cas dans un environnement réel (cabinet libéral, lieu institutionnel, domicile). La plupart des Français disposent désormais des moyens technologiques permettant d’avoir accès à des ressources psychologiques par le biais d’une connexion Internet de qualité. Aujourd’hui, plus de 60 % de la population et 93 % des entreprises en France ont une connexion Internet haut débit. Depuis environ vingt ans, de nouvelles modalités d’exercice de la psychologie sont ainsi apparues, par le biais du téléphone puis d’Internet, et permettent de définir une pratique caractérisée par un cadre géographique et symbolique nouveau : le cyberespace. Le terme « cyberespace » est contemporain de la littérature de science-fiction des années quatre-vingt, puisqu’on l’attribue à l’écrivain américain William Gibson dans son roman Neuromancien [14], acte fondateur de la cyberculture. C’est en prenant connaissance du mouvement sociétal de la cyberculture que la psychologie s’est progressivement ouverte aux réseaux sociaux et échanges sur l’Internet (blogs, forums, groupes d’échange), comme nous le rappelle Yann Leroux : « La psychologie et la psychothérapie s’implantent sur l’Internet d’abord comme objet d’échange avant d’être une pratique. Des groupes se forment, où l’on discute des différents aspects de la psychologie. Les textes et les auteurs y sont commentés, avec plus ou moins de bonheur ou d’expertise. À côté de ces discussions qui se veulent académiques, il existe des groupes où sont traitées des questions plus personnelles. Les personnes confrontées à des difficultés, pour elles-mêmes ou pour leurs proches, se retrouvent dans des groupes ad hoc où elles partagent les problèmes qu’elles rencontrent et les solutions qu’elles ont trouvées » [23]. Dans le champ de la recherche, deux méta-analyses ont montré que les psychothérapies en ligne présentent des résultats intéressants dans le traitement des troubles anxiodépressifs [2], [18]. Certaines études rapportent même des effets comparables aux thérapies d’aide psychologique en face-à-face : l’alliance thérapeutique ne semble pas impactée [11]. Ces techniques de consultations à distance se sont fortement développées aux États-Unis et au Canada, où elles sont depuis une dizaine d’années reconnues comme des psychothérapies à part entière et font l’objet d’évaluations (Assessing a Person's Suitability for Online Psychotherapy, rapport de l’International Society for Mental Health Online créé en 2000) [36]. Dans notre pays, les recherches vont être menées essentiellement a posteriori, du fait d’un manque d’anticipation. Mais déjà, des praticiens témoignent de modifications dans la relation thérapeutique : baisse d’accès au langage non verbal, niveau de fatigue cognitive du thérapeute majoré, difficulté de maîtriser le temps de consultation, etc.
6. Conclusion
Les répercussions psychologiques du confinement apparaissent conditionnées par les multiples formes que peut prendre ce dernier : volontaire ou subi, plus ou moins prolongé, passé chez soi ou dans un autre lieu, vécu dans l’isolement individuel ou en petite communauté, associé à d’autres facteurs de stress et/ou traumatiques, etc. Le confinement à domicile d’une population à l’échelle d’un pays n’a jamais été évalué. Cette expérience semble confronter globalement notre société au tabou de la mort qui s’impose, mort de plus en plus éludée au fur et à mesure que l’« homme occidental » tente de s’éloigner de ses origines terrestres. En ce sens, des répercussions de type psychotraumatique sont à prévenir [29]. Des programmes de santé publique pourraient voir le jour sur le modèle de ceux déjà existants afin de prendre en charge des troubles chroniques endémiques bien connus : protection contre les effets d’une alimentation déséquilibrée associée à la sédentarité, lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, prévention des conduites auto-agressives, etc. Il nous faudra aussi soutenir les soignants qui ont été en première ligne et qui sortiront éprouvés de cette pandémie : en dépendra la pérennité des capacités d’action de notre système de soins pour revenir à son état nominal et aussi, peut-être, pour qu’il puisse faire face aux conséquences d’autres crises, notamment sociales.
« Je vois le monde transformé de plus en plus en désert, j’entends, toujours plus fort, le grondement du tonnerre qui approche, et qui annonce probablement notre mort ; je compatis à la douleur de millions de gens, et pourtant, quand je regarde le ciel, je pense que ça changera et que tout redeviendra bon, que même ces jours impitoyables prendront fin, que le monde connaîtra de nouveau l’ordre, le repos et la paix. »
Le journal d’Anne Frank (1942–1944)
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Footnotes
En 1968, la grippe de Hong Kong faisait en deux mois plus de 30 000 morts dans notre pays.
On suppose aussi que des événements plus heureux ont eu lieu dans l’espace ; des couples s’y seraient formés.
Nous éluderons la question de la sélection de bénévoles parfois mal informés et souffrant de difficultés psychiques de degrés certains, mais souhaitant se rendre utiles, tout en désorganisant parfois les secours et aussi, en sortant de l’histoire plus perturbés encore…
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