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. 2020 Jun 10;137(4):307–312. [Article in French] doi: 10.1016/j.aforl.2020.04.018

Formation des ORL par simulation à la trachéotomie percutanée pour le traitement des patients infectés au COVID-19

V Favier a,b, A Kimmoun c, A Gatin d,e, P Gallet e,f,*
PMCID: PMC7284247

Abstract

Les trachéotomies, réalisées dans le cadre des syndromes de détresse respiratoire aigus sévères liés au COVID-19, sont des procédures à haut risque de dissémination virale. La technique percutanée pourrait diminuer ce risque car elle peut être effectuée au lit du patient et minimise l’ouverture des voies respiratoires, mais sa réalisation dans ce contexte COVID-19, chez des patients ayant une situation respiratoire précaire, nécessite une préparation spécifique. Nous avons construit une formation dédiée et fournissons ici les éléments nécessaires à sa réalisation. Un curriculum de 3 heures est proposé pour des internes et seniors ORL, comprenant un temps d’analyse vidéo, une démonstration du kit, l’habillage recommandé pour le COVID-19 et plusieurs scenarii de simulation de difficulté croissante sur mannequin haute-technologie. Un simulateur procédural basse-technologie est également proposé pour l’apprentissage des étapes du geste. Notre expérience (3 sessions de 14 participants) a permis de mettre en lumière les points difficiles de la procédure dans ce contexte, de définir une check-list pour la pratique clinique et une grille d’évaluation. Ce type de simulation permet de préparer les équipes à un acte technique potentiellement délicat.

Mots clés: Trachéotomie percutanée, Simulation, COVID-19, Check-list

1. Introduction

La pandémie de COVID-19 nécessite une adaptation des pratiques, pour répondre à des besoins nouveaux et à des contraintes accrues de protection des patients et des soignants [1]. Les patients hospitalisés en réanimation requièrent le plus souvent une assistance ventilatoire prolongée [2], ce qui limite l’accès pour les nouveaux cas une fois les services saturés. La réalisation d’une trachéotomie pourrait permettre un sevrage plus rapide du respirateur et une diminution de la durée d’hospitalisation en unité de soins intensifs [3]. La trachéotomie est cependant un acte à haut potentiel de dissémination du SARS-CoV-2, du fait des nécessaires déconnexions du circuit de ventilation et des aérosolisations qu’elle est susceptible de générer. Prenant appui sur les expériences asiatiques de 2004 [4] et de 2020 [5], l’American Academy (https://www.entnet.org/content/tracheotomy-recommendations-during-covid-19-pandemic) et ENT-UK National Tracheostomy Safety Project (https://www.entuk.org/tracheostomy-guidance-during-covid-19-pandemic) ont émis des recommandations pour la trachéotomie chirurgicale ; mais, les réanimateurs semblent recommander la technique percutanée, plus rapide, réalisée sans déplacement du patient au bloc opératoire et qui ne semble pas entraîner plus de complication immédiate [6], [7]. Les récentes recommandations de la SFORL sur la réalisation de trachéotomies pendant la pandémie de COVID-19 (https://www.sforl.org/wp-content/uploads/2020/04/SFCCF-SFORL-COVID-19-2i%C3 %A8me-article.pdf) précisent également que « la technique percutanée est à privilégier pour réduire l’aérosolisation à risque de contamination virale pour le personnel soignant et pour éviter de déplacer le patient au bloc opératoire ». Ce geste est bien décrit et utilisé en service de réanimation [8], [9], mais nécessite habituellement la présence de 2 opérateurs (l’un à la tête pour le contrôle fibroscopique, l’autre réalisant la trachéotomie) et d’un professionnel pour la gestion de l’anesthésie (respirateur, drogues). Afin de libérer du temps médical pour les réanimateurs, les ORL pourraient être amenés à réaliser cette trachéotomie percutanée car ils possèdent les connaissances anatomiques et une bonne habitude de la gestion des voies aériennes supérieures. C’est, par exemple, le cas au CHRU de Nancy et à l’hôpital d’instruction des armées à Metz. Cependant, la réalisation de cette technique nécessite sa maîtrise, surtout dans le contexte particulier du COVID-19. Afin de réduire le risque d’erreur, la simulation préalable de ces procédures peut être d’une grande aide. Dans cette note technique, nous proposons un curriculum de formation à la technique de trachéotomie percutanée chez les patients atteints du COVID-19, pour les ORL.

2. Technique

Chaque demi-journée de formation permet d’accueillir 4 à 6 participants répartis en 2 à 3 binômes, sur 3 heures, dans une salle de simulation équipée d’une caméra et de micros. Le scénario nécessite la présence d’un facilitateur (anesthésiste) et peut être encadré par un ou deux formateurs. Le déroulé de la formation est résumé dans la Fig. 1 . Une introduction avec support vidéo (15 minutes) permet de reprendre la description du matériel (kit de trachéotomie percutanée), la déconstruction du geste optimal étape par étape, puis la recherche d’erreurs sur un enregistrement de procédure. Les principaux écueils de la technique et les principaux risques cliniques sont ainsi soulignés.

Fig. 1.

Fig. 1

Récapitulatif des étapes de formations. La trame du scénario 4 est en apparence similaire à celle du scénario 2, mais la décision attendue est de ne pas réaliser la trachéotomie. * Étape réalisée uniquement pour le groupe 3 ; FC = fréquence cardiaque ; bpm = battements par minute ; mmHg : millimètres de mercure ; SpO2 : saturation artérielle partielle en oxygène ; T° : température.

Un kit de trachéotomie percutanée (Ultraperc kit Portex™, Smiths Medical, Minneapolis, Minnesota, États-Unis) est ensuite confié aux apprenants pour qu’ils puissent le manipuler avant les simulations.

Nous avons, dans un second temps, introduit dans cette formation un simulateur procédural fait maison, à bas coût (< 20 euros) et de basse technologie (Fig. 2 ) : ce simulateur est mis à disposition pour que les apprenants puissent répéter préalablement aux simulations pleines échelles.

Fig. 2.

Fig. 2

Simulateur basse-technologie : le simulateur est fabriqué à partir d’un tube annelé de circuit de ventilation d’anesthésie (< 5 euros). La partie rigide simule le cartilage thyroïde (la partie intérieure plus étroite représente le plan glottique) tandis que la partie saillante est rabotée en avant : un fragment de silicone maintenu par un scotch simule la proéminence laryngée. Un morceau de gaine électrique annelée scotché (20 mm ; < 3 euros) simule le cricoïde. L’ensemble est posé sur un support en mousse expansive ou en silicone (moulé dans une hémi-bouteille en plastique) et une sonde d’intubation est glissée à la partie supérieure. La peau est simulée par des bandes adhésives en non tissés (< 3 euros) recouverte par du silicone liquide (< 10 euros pour une dizaine de bandes) que l’on peut inciser.

Les participants doivent revêtir un habillage de protection complet comprenant un habit professionnel, une casaque, un masque de protection FFP2, des lunettes de protection, une cagoule, des sur-chaussures et deux paires de gants stériles. Un « observateur » permet de sécuriser et superviser le processus d’habillage et de déshabillage, comme recommandé dans le guide méthodologique de la Haute Autorité de la santé (https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide-covid-19-phase-epidemique-v15-16032020.pdf).

Une check-list spécifique « A→M » permet aux participants de préparer l’ensemble du matériel avant de rentrer dans la chambre, et ainsi de ne pas sortir de chambre avant la fin du geste :

  • Anesthésie locale : seringue, aiguille, produit anesthésique et vasoconstricteur ;

  • Ballonnet : vérifier le ballonnet de la canule de trachéotomie avant de rentrer en chambre ; seringue attachée au ballonnet ;

  • Curares ; ou sédation profonde pour éviter la toux ;

  • Désinfection cutanée et champs stériles (idéalement 4 champs pour une vision large des repères) ;

  • Échangeur chaleur/humidité avec filtre antiviral et filtre à clapet (tube en T) ;

  • Fibroscope ;

  • Goitre, déviation laryngée, cou court ou autre difficulté technique à identifier préalablement ;

  • Habillage : gants et autres équipements de protection individuelle : masques, charlotte, sur-chaussures, visière et sur-tenues pour tous ;

  • Intubation difficile : rechercher d’éventuels critères et prévoir modalités de réintubation ;

  • Jeu supplémentaire : préparer devant la chambre un second kit « au cas où » ;

  • Kit de trachéotomie/Kelly ;

  • Laminaire ; flux laminaire ultrafiltré ou unité mobile de décontamination ;

  • Marqueur pour repères anatomiques.

Quatre scenarii de simulation (trachéotomie « standard », « petit goitre », « pneumothorax » et « intubation difficile » [scenarii détaillés dans l’Annexe 1]) sur mannequin permettant la réalisation de trachéotomie percutanée (SimMan 3G™, Laerdal, Stavenger, Norvège) sont joués, par binôme de deux apprenants avec présence d’un facilitateur (interne d’anesthésie–acteur, avec oreillette) (Fig. 3 ). Le nombre d’intervenants est réduit au strict minimum afin de respecter les précautions liées au COVID-19. Les autres participants sont spectateurs grâce à une retransmission en direct de la simulation sur un écran situé dans une salle adjacente. Un débriefing collectif (apprenants, facilitateur, spectateurs et équipe d’encadrement) est réalisé à l’issue de chaque scénario. Après une étape de recueil des impressions et observations des participants, l’analyse est focalisée sur les étapes techniques, les spécificités liées au risque de transmission COVID-19 et l’état respiratoire précaire des patients nécessitant la réalisation d’un geste rapide. Les scénarii sont de difficulté technique croissante et permettaient aux équipes d’être confrontées à différentes situations cliniques et d’évoquer les principales options qui pouvaient être utilisées.

Fig. 3.

Fig. 3

Illustration d’une séance de simulation pleine échelle. Noter que chacun des opérateurs essaie d’assurer une étanchéité maximale.

3. Discussion

La trachéotomie percutanée est une procédure assez simple à maîtriser, mais dans le contexte d’une pathologie infectieuse pulmonaire à forte contagiosité, comme c’est le cas du COVID-19, avec des patients ayant des capacités respiratoires très altérées, cette procédure doit être réalisée de manière particulièrement efficiente et sécurisée, avec une adaptation des étapes de la procédure de Ciaglia [8] (Tableau 1 ). À ce titre, il nous semblait essentiel de pouvoir formaliser cet apprentissage dans un environnement sûr, via des ateliers de simulation. Nous avons effectué cette formation à trois reprises ce qui a permis d’identifier des enseignements et des pistes de débriefing présentés ici. Les résultats détaillés de ces formations sont disponibles en annexe (Annexes 2 et 3).

Tableau 1.

Étapes de la trachéotomie percutanée sous contrôle fibroscopique, adaptées selon la technique décrite par Ciaglia [8].

Étape Pause expiratoire Description détaillée
1 Désinfection cutanée, champage cervical large (4 champs) type « cervicotomie »
2 Marquage cutané des repères anatomique : cartilage thyroïde, cricoïde, 1er et 2e anneaux trachéaux, fourchette sternale
3 Anesthésie locale avec vasoconstricteur pour limiter le risque de saignement
4 Incision cervicale en regard du 2e anneau trachéal sur 1,5 cm
5 Dissection au doigt et ou la pince Kelly en sus-isthmique
6 Placement d’une pince type Kelly pour refouler l’isthme vers le bas
7 Si possible Placement du fibroscope dans la sonde d’IOT
8 Si possible Retrait prudent de la sonde jusqu’à voir le bord inférieur du cartilage cricoïde, fibroscope placé au niveau du cricoïde
9 Traction du larynx vers le haut par la main gauche de l’opérateur
10 Si possible Ponction sous contrôle fibroscopique à travers l’incision cervicale avec trocard dirigé obliquement vers les pieds du patient, seringue branchée afin d’assurer l’étanchéité + visualisation de « bulles ». On peut s’aider de la transillumination du fibroscope pour choisir le niveau de ponction
11 Si possible Confirmation visuelle et verbale de la bonne position du trocard (absence de perforation de la paroi postérieure de trachée)
12 Retrait de la seringue avec son aiguille en gardant le cathéter en place, occlus avec le doigt
13 Si possible Mise en place du fil-guide
14 Si possible Utilisation du pré-dilatateur, avec la crête de sécurité vers l’extrémité externe du fil
15 Le dilatateur est chargé sur le stylet, l’extrémité reposant sur la crête de sécurité. Introduction du dilatateur jusqu’au trait de repère cutané et mouvements de va-et-vient doux pour assurer une bonne dilatation
16 Si possible Mise en place de la canule sur l’inserteur de canule et introduction sous contrôle fibroscopique
17 Impérative Remplacer l’introducteur par la chemise connectée au filtre
18 Impérative Gonflage du ballonnet et branchement du circuit
19 Impérative Confirmation visuelle et verbale de la bonne position de la canule
20 Reprendre la ventilation
21 Confirmer la bonne mise en place avec le détecteur CO2 (si disponible et si cela ne nécessite pas de déconnexion du circuit)
22 Retrait de la sonde d’intubation orotrachéale (idéalement clampée) et du fibroscope
23 Cordelette de sécurité/suture et protections usuelles

Le contenu du kit doit être vérifié au préalable, ainsi que l’état du ballonnet de la canule de trachéotomie. Le patient est sédaté, curarisé, sous 100 % de FiO2. Les réglages et les alarmes du respirateur sont configurés pour accepter la surpression induite par la présence du fibroscope dans la sonde d’intubation. Autant que possible, les étapes 7–8, 10–11, 13–15 doivent être effectuées en pause expiratoire. Les étapes 17–20 doivent être effectuées en moins de 30 secondes (idéalement moins de 15).

Même si, avec l’expérience, l’autoévaluation apparaît plutôt bien reliée au niveau de compétence technique réel des chirurgiens [10], l’autoestimation des compétences réalisée par des apprenants peut conduire à une surestimation de leurs capacités, notamment dans le domaine non technique [11]. C’est pourquoi il nous paraît préférable de coupler cette autoévaluation à une hétéro-évaluation réalisée par le ou les encadrants (Tableau 2 et Annexe 2).

Tableau 2.

Grille d’évaluation du geste.

Scénario no :.......... Date :..........
HORAIRES :.......... Début :..........
Incision :..........
Canule en place circuit étanche :..........
Premier opérateur Aide (fibroscopie) Commentaire



Préparation
 Vérification de l’exhaustivité et de l’intégrité du matériel Oui Non NA Oui Non NA
 Habillage sans erreur Oui Non NA Oui Non NA
 Check-list complète Oui Non



Installation
 Espace de travail dégagé Oui Non NA Oui Non NA
 Installation adéquate (position, hauteur, accès à la tête) Oui Non NA Oui Non NA
 Confirmation verbale adéquate Oui Non NA



Protection du personnel
 Fait couper la ventilation au moment opportun Oui Non NA Oui Non NA
 Limite les fuites au maximum Oui Non NA Oui Non NA



Protection du patient et oxygénation
 Oxygénation concertée avec anesthésiste Oui Non NA Oui Non NA
 Remontée prudente de la sonde Oui Non NA
 Vérification concertée du positionnement de l’aiguille Oui Non NA Oui Non NA
 Forces raisonnables exercées sur la trachée Oui Non NA



Réalisation technique du geste de trachéotomie
 Utilise les bons instruments au bon moment Oui Non NA
 Limite les gestes inutiles Oui Non NA
 Bonne ergonomie des gestes Oui Non NA



Problèmes majeurs rencontrés
 → SpO2 < 60 % Oui Non
 → Extubation Oui Non
 → Difficultés réintubation Oui Non
 → Ballonnet percé Oui Non
 → Puncture oesophagienne Oui Non
 → Durée > 20 minutes Oui Non



Non technique
 Coordonne les activités de l’équipe Oui Non NA Oui Non NA
 Fait face à la pression (et tranquillise l’équipe) Oui Non NA Oui Non NA
 Collecte les informations de l’environnement (Sat) Oui Non NA Oui Non NA
 Échange (verbalise) les informations Oui Non NA Oui Non NA
 Établit une compréhension partagée Oui Non NA Oui Non NA
 Intègre les suggestions des aides Oui Non NA Oui Non NA
 Sélectionne une option et la communique Oui Non NA Oui Non NA
 Adapte la feuille de route initiale Oui Non NA Oui Non NA
 Utilise une communication sécurisée Oui Non NA Oui Non NA
 Anticipe les étapes/les désaturations/les fuites Oui Non NA Oui Non NA
 Propose son aide – émet des suggestions appropriées Oui Non NA Oui Non NA



Remarques libres

Les premières sessions réalisées ont mis en évidence des difficultés techniques répétées entre les binômes (données disponibles en Annexe 3), notamment sur la gestion de la sonde d’intubation orotrachéale, puisque dans la moitié des scenarii joués, le ballonnet était percé ou le patient était extubé involontairement. Ces deux problématiques sont sources de fuites dans le circuit de ventilation, exposant le patient à une moindre oxygénation, et les soignants à un risque viral potentiel. Les erreurs conduisant à l’extubation sont essentiellement la focalisation sur la visualisation de l’aiguille plutôt que le positionnement de la sonde, le mauvais contrôle du retrait de la sonde (la main réalisant le geste doit être en appui sur le patient), ainsi que le mauvais repérage de son positionnement. Les erreurs conduisant à un ballonnet percé sont la focalisation sur l’acte cervical et la recherche de la visualisation de l’aiguille dès la poncture ainsi que le mauvais repérage du positionnement de la sonde. Ce dernier point pourrait aussi être lié à l’anatomie imparfaite du mannequin et il semble important de présenter l’anatomie endoscopique du mannequin au préalable pour éviter ce biais de simulation. Suite à ces constats, nous avons introduit un entraînement préalable sur simulateur basse-technologie (Fig. 3). L’utilisation supervisée de ce simulateur pourrait permettre de raccourcir la courbe d’apprentissage, par la manipulation préalable des différents éléments du kit de trachéotomie et la répétition des étapes. Ce simulateur a permis de repérer en amont les difficultés techniques susceptibles de ralentir la procédure et a permis de la rendre plus sûre. Dans le dernier groupe, qui avait bénéficié d’une courte expérience préalable (15 minutes) sur simulateur basse-fidélité, on ne relevait qu’une extubation sur 4 scenarii, le ballonnet n’a jamais été percé et la durée des procédures n’a jamais dépassé 20 minutes.

L’installation est également source de difficultés techniques lors des différents scénarii. La hauteur du lit doit être réglée et un billot peut être utile. Afin de limiter le risque d’erreurs d’asepsie et de chute de matériel, une table-pont placée au-dessus des jambes du patient pourrait être la meilleure solution selon les participants.

Les simulations et les discussions entre les participants et les encadrants ont notamment mis en avant la question de la gestion de la sonde d’intubation, point délicat de la procédure. La préconisation est de laisser l’ORL le plus expérimenté à la tête (au fibroscope). Cette position requiert en effet une bonne expérience de l’intubation et de la fibroscopie pour se positionner à l’endroit adéquat du tractus respiratoire. Cette position laisse également au leader toute latitude pour synchroniser la ventilation avec l’anesthésiste et pour guider l’effecteur de la trachéotomie percutanée, partie de la procédure qui, de l’avis général, semble la plus facile techniquement. La sonde d’intubation doit être libérée de ses attaches, et placée dans l’axe des incisives pour une meilleure gestion du fibroscope. Lorsque la sonde est mobilisée, le geste doit être lent et précautionneux. La main tenant la sonde d’intubation doit être en appui sur le visage du patient, afin de limiter le risque d’extubation involontaire lorsque le bord inférieur du cricoïde est exposé. Il est préconisé d’énoncer à haute voix le repère sur la sonde d’intubation (par rapport aux arcades dentaires) avant qu’elle ne soit remontée et une fois positionnée en sous glottique. En cas d’extubation involontaire, le fibroscope sert idéalement de guide à la réintubation, mais un mandrin d’Eschmann et un laryngoscope doivent également pouvoir être rapidement disponibles.

Afin de minimiser les fuites, un doigt est placé sur le trocart au niveau cervical dès que possible et l’effecteur de la fibroscopie essaie également de minimiser les fuites au point d’entrée du fibroscope. Le respirateur est placé en pause expiratoire prolongée aux temps les plus générateurs de fuites si le patient peut le tolérer. Une précaution supplémentaire contre l’aérosolisation pourrait être l’utilisation d’un épurateur d’air portable dans la chambre pour encadrer le geste, afin de filtrer les particules virales de l’air ambiant avant, pendant et après la trachéotomie.

Dans notre cas, les scenarii ont tous été joués sur un simulateur « haute-technologie » SimMan 3G. Ce simulateur permet d’adapter en temps réel des constantes physiologiques retransmises sur un moniteur de réanimation, de modéliser des complications (pneumothorax), de changer la conformation cervicale (simulation d’un goitre, déviation laryngée…) ou encore de simuler des intubations difficiles (Fig. 4 ). Un simulateur moins perfectionné pourrait être utilisé mais ces simulations pleines échelles permettent d’aborder de manière collégiale des difficultés, même rares, susceptibles d’être rencontrées en pratique. Au fur et à mesure des procédures, et sur la base de travaux précédents, une feuille de recueil et d’évaluation a été établie (Tableau 2). La possibilité donnée de visionner en direct et de participer au débriefing de la simulation d’un binôme pour les autres participants permettait une diminution des difficultés lors des scénarii suivants, avec des temps de réalisation à chaque fois plus courts, malgré des scénarii de difficulté croissante (Annexe 2).

Fig. 4.

Fig. 4

Exemples de variations morphologiques utilisées sur le simulateur. À gauche : simulation de goitre (« peau » retirée) ; à droite : simulation de déviation laryngée.

La check-list proposée ici (« A→M ») a une importance potentielle majeure, car dans le contexte réanimatoire des patients COVID-19, il faut que l’environnement reste clos, avec nécessité d’une autonomie complète de l’équipe réalisant le geste qui doit s’assurer de la présence du matériel nécessaire et suffisant en chambre et de la sécurité du patient comme des soignants.

Enfin, le déshabillage supervisé a mis en évidence quelques erreurs : des mains trop proches du col lors du retrait de la casaque, la nécessité de déposer la tenue dans la poubelle sans la « tasser » pour limiter l’aérosolisation et des erreurs dans le retrait du masque (nécessité de faire passer les élastiques de l’arrière vers l’avant du crâne afin d’éloigner le masque du visage sans le faire remonter au niveau des cheveux).

En conclusion, la simulation de trachéotomie percutanée avec un cursus de formation comprenant apprentissage théorique sur support vidéo, apprentissage technique sur simulateur basse-technologie puis apprentissage clinique sur simulateur haute-technologie pleine échelle nous semble adaptée pour former des ORL. Cette formation est également l’occasion d’insister sur les spécificités de protection face au COVID-19 en service de réanimation. Nous pensons que ce format est reproductible dans la plupart des centres de simulation équipés de simulateurs haute-technologie, et qu’il est aisé de produire un simulateur basse-fidélité, à bas coût, pour l’apprentissage technique pur.

Déclaration de liens d’intérêts

Valentin Favier a reçu un financement de la part du Collège français d’ORL et chirurgie cervico-faciale pour une année de recherche sur le thème de la simulation en chirurgie ORL. Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

Nous tenons à remercier profondément le CUESiM (hôpital virtuel de Lorraine) pour la mise à disposition du matériel et l’aide à la préparation de la formation, et notamment Mme Hind Hani et M. Benjamin Varoqui. Nous souhaitons également remercier le Dr Bruno Toussaint pour sa participation à l’encadrement des séances, et l’ensemble des participants ORL.

Footnotes

Ne pas utiliser pour citation la référence française de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology : Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus.

Annexes 1–3

Matériels complémentaires

Les matériels complémentaires accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et https://doi.org/10.1016/j.aforl.2020.04.018.

Annexes 1–3. Matériels complémentaires

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Références

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Associated Data

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