Abstract
Les patients ayant eu des formes sévères de COVID-19 ont posé des problèmes nutritionnels en réanimation. L’immobilisation prolongée en réanimation, associée à une réaction inflammatoire systémique exacerbée, a été à l’origine d’une faiblesse et d’une fatigue musculaire. Pour pallier ce problème, l’instauration d’une nutrition entérale précoce est recommandée, pour atteindre progressivement la cible énergétique de 25 kcal/kg/jour et protéique de 1,3 g/kg/jour en 4 jours environ. La survenue d’un syndrome de renutrition inappropriée doit être surveillée. En cas d’intolérance digestive réfractaire à un traitement prokinétique, une nutrition parentérale complémentaire ou totale est indiquée, en favorisant les émulsions lipidiques mixtes (contenant de l’huile de poisson) de nouvelle génération et en surveillant régulièrement la triglycéridémie. La prise en charge nutritionnelle des patients doit se faire en limitant les procédures à risque de contamination pour le personnel soignant.
Mots clés: COVID-19, Nutrition, Syndrome de renutrition inappropriée, Huile de poisson
Abstract
Patients with severe cases of COVID-19 are at high nutritional risk during their ICU stay. Prolonged immobilization associated with an exacerbated systemic inflammatory response is a major provider of ICU-acquired muscle weakness. Early enteral nutrition is recommended to gradually reach the energy target of 25 kcal/kg/day and protein target of 1.3 g/kg/day around D4. The occurrence of a Refeeding syndrome should be closely monitored. In case of feeding intolerance refractory to a prokinetic treatment, complementary or total parenteral nutrition is advised, favouring new generation mixed lipid emulsions (containing fish oil) and regular monitoring of triglyceridemia. Nutrition care of critically ill patients should be carried out with limited procedures that may pose a risk of contamination for the healthcare staff.
Keywords: COVID-19, Nutrition, Refeeding syndrome, Fish oil
Introduction
La pandémie du Sars-CoV-2 a provoqué un afflux massif en réanimation de patients ayant des défaillances multiviscérales sévères. Pour répondre à cette situation exceptionnelle, de nombreux lits de réanimations ont été créés dans des structures non prévues à cet effet et la quasi-totalité des praticiens anesthésistes-réanimateurs a été impliquée dans la prise en charge de ces nouveaux malades [1]. Les patients touchés par le virus, souvent âgés et comorbides, étaient parfois gravement dénutris à leur arrivée en réanimation. C’est pourquoi l’instauration d’un support nutritionnel adapté, semblait importante dans ce contexte. Fort de ce constat, les sociétés savantes ont mis à la disposition des praticiens, parfois peu sensibilisés à cette thématique, des recommandations nutritionnelles claires visant à les guider dans la prise en charge quotidienne de leurs malades [2], [3], [4], [5]. L’objet de cette revue de la littérature vise à résumer les recommandations d’experts et à évoquer les potentielles pistes de recherche permettant d’optimiser le support nutritionnel des patients touchés par la COVID-19.
Spécificités des malades atteints par le SARS-CoV-2
Atteinte digestive
Des symptômes digestifs ont été reportés chez plus de 50 % des patients dans les premières cohortes chinoises publiées [6]. Une diarrhée ou des vomissements étaient rapportés chez, respectivement, 37 % et 65 % des patients [7]. Plusieurs hypothèses ont été évoquées afin d’expliquer ces signes cliniques. La forte réaction inflammatoire et la fièvre provoquée par la charge virale du SARS-CoV-2 pouvaient, à elle seule, expliquer l’incidence de ces symptômes. Deuxièmement, plus de 70 % des patients recevaient une antibiothérapie dont les effets sur la flore digestive pouvaient expliquer la survenue de diarrhées profuses [8]. Enfin, une hypothèse crédible pourrait être une atteinte directe du virus sur la muqueuse du tube digestif. En effet, l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2), considérée comme la porte d’entrée cellulaire du virus, est retrouvée en grande quantité au sein de l’intestin grêle [9]. Par ailleurs, des biopsies gastriques, duodénales et rectales effectuées chez un patient atteint de la COVID-19 ont retrouvé des protéines virales spécifiques au sein du cytoplasme des cellules ainsi qu’un infiltrat lymphocytaire associé à une œdème interstitiel de la paroi [10]. Ces constatations peuvent en partie expliquer l’état d’intense dénutrition et de déshydratation que présentaient certains malades à leur arrivée en soins intensifs.
Statut nutritionnel préalable
Les patients ayant les formes les plus graves de la COVID-19 étaient souvent âgés et atteints par une ou plusieurs comorbidités comme le diabète ou l’hypertension artérielle, et avaient des facteurs de risque de dénutrition et de sarcopénie préalable [11], [12]. Dans une cohorte chinoise de patients âgés de plus de 65 ans, 28 % était à risque de dénutrition et 53 % étaient considérés comme dénutris selon le questionnaire « Mini Nutritional Assessment ». La présence d’un diabète, d’une hypoalbuminémie et une faible circonférence du mollet étaient des facteurs de risque indépendants de dénutrition dans cette cohorte [13]. Ces éléments insistent sur la nécessité de réaliser une évaluation du statut nutritionnel à l’admission en réanimation des patients COVID-19 et de surveiller la survenue d’une sarcopénie précoce à l’aide de mesures anthropométriques ou radiologiques [14]. En effet, il a été démontré que l’évaluation radiologique de la masse musculaire prédisait mieux le devenir des malades de réanimation que la mesure seule de l’indice de masse corporelle [15]. Ces recommandations s’appliquent d’autant plus aux patients obèses, une population sévèrement touchée par cette pandémie [16], [17].
Une évaluation assidue de l’état nutritionnel de chaque patient COVID-19 admis en réanimation, est donc recommandée afin de cibler ceux pour qui une intervention nutritionnelle individualisée serait bénéfiques. Cette analyse peut reposer sur des scores déjà validés, comme le NUTRIC ou le NRS [18], [19].
Facteurs de risque de « faiblesse musculaire acquise en réanimation »
Les patients atteints par la COVID-19 admis en réanimation nécessitaient dans 75 % des cas une ventilation mécanique invasive pour une durée médiane de 10 jours [20]. L’alitement prolongé qui en résultait, associé à l’administration de drogues de réanimation, comme les corticoïdes et les curares, rendait ces patients à haut risque de présenter des atteintes fonctionnelles handicapantes regroupées sous le terme de « faiblesse musculaire acquise en réanimation » [21]. Par ailleurs, cette nouvelle pneumonie virale était souvent accompagnée dans ses formes sévères par une réaction inflammatoire systémique démesurée, souvent décrite comme un « orage cytokinique » [22]. Cette sécrétion de cytokines pro-inflammatoires provoque un état d’hypercatabolisme qui mobilise les acides aminés issus des protéines musculaires et les métabolise via la néoglucogenèse [23], [24]. Ce processus pourrait expliquer la survenue rapide de perte musculaire sévère chez le sujet agressé [25]. Enfin, outre l’inflammation, l’hyperglycémie a été décrite dans la littérature comme étant un facteur de risque de sarcopénie. Cet élément est à prendre en compte au regard de l’importante prévalence du diabète chez les sujets présentant une forme grave de COVID-19 et de l’association déjà connue entre hyperglycémie et un devenir défavorable en réanimation [26], [27], [28].
Au-devant de cette population à fort risque de lésions musculaires acquises en réanimation, les soignants(e) doivent porter une attention particulière à la surveillance de la masse musculaire, à l’atteinte des cibles nutritionnelles protéiques et à l’instauration de protocoles de mobilisation précoce. Ces principes théoriques reposent sur une coopération pluridisciplinaire avec les équipes de kinésithérapeutes, diététiciens et nutritionnistes au sein des services de réanimation.
Modalités du support nutritionnel
Cibles caloriques et protidiques
L’atteinte des besoins énergétique et protidique semble essentielle au sein de cette population subissant un catabolisme exacerbé. Pour ce faire, les sociétés savantes ont adapté leurs recommandations aux spécificités de cette maladie. Le gold standard de la mesure de la dépense énergétique de repos (DER) via la calorimétrie indirecte, reste conseillé par la société de nutrition européenne. Cette stratégie repose sur la grande variabilité des besoins énergétiques chez ces malades souffrant d’une forte inflammation et d’une fièvre élevée, des facteurs connus pour influencer la DER [29]. Une provision énergétique initiale hypocalorique de 70 % de la DER est alors indiquée avant de la majorer à 100 % à partir de j3 [30], [31]. Les groupes d’expert français, américains et australien considèrent l’utilisation de la calorimétrie indirecte comme une procédure à haut risque de contamination pour le personnel soignant. Leur approche est plus pragmatique en conseillant l’utilisation d’équations basées sur le poids du patient [2], [4], [5]. Il est alors recommandé une augmentation progressive des apports, de 15–20 kcal/kg/jour initialement jusqu’à 25–30 kcal/kg/jour à partir de j4. Concernant l’apport protidique, la cible initiale de 1,2–1,3 g/kg/jour est suggérée avec majoration jusqu’à 2 g/kg/jour durant la phase de réhabilitation. L’atteinte de ces cibles peut être facilitée par l’administration de solution de nutrition entérale concentrées à 1,5–2 kcal/mL. Cette solution permet de surcroit de limiter les apports hydriques, souhaitable dans les cas de SDRA, et de limiter les manipulations à risque de changement des poches de nutrition. Enfin, il est important de prendre en compte les calories apportées par les doses cumulées de Propofol, soit 1,1 kcal/mL.
Syndrome de renutrition inappropriée
Le syndrome de renutrition inappropriée (SRI) est une complication survenant lors de la réintroduction d’apports énergétiques oraux, entéraux ou parentéraux chez des patients dénutris ou ayant subi un jeûne prolongé. Le SRI est caractérisé par la survenue, lors de la renutrition, d’anomalies cliniques et métaboliques tel qu’une hypophosphatémie profonde, une hypovitaminose B1 ou une surcharge hydrosodée majeure. Les conséquences de ce syndrome peuvent évoluer jusqu’à une défaillance multi-viscérale et au décès [32].
Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) a défini les critères permettant de cibler les patients à risque pour ce syndrome [33]. Il s’agit des patients dénutris sévères (indice de masse corporelle < 16 kg/m2), des patients présentant une perte de poids importante (> 15 %) récente (en 3 à 6 mois), des patients dont les apports énergétiques sont profondément abaissés pendant une durée de 10 jours, des patients dont les concentrations plasmatiques de phosphore, potassium et de magnésium sont diminuées avant l’instauration d’une renutrition.
Compte tenu de la population âgée et comorbide touchée par les formes grave du COVID-19 et des symptômes handicapants empêchant une alimentation satisfaisante les jours précédant une hospitalisation, le praticien se doit d’être vigilant au statut nutritionnel de chaque patient et à la présence de troubles ioniques préalables à la renutrition. En effet, dans une étude chinoise récente, la présence d’une hypophosphatémie était associée à un devenir défavorable en réanimation [34].
Chez les patients à risque, il est recommandé par les groupes d’experts de débuter à 25 % de la cible calorique, quelle que soit la voie d’administration, et d’augmenter progressivement les apports tout en surveillant quotidiennement la phosphatémie, la magnésémie et la kaliémie, notamment durant les premières 72 heures du séjour en réanimation. Ce protocole doit être associé à une supplémentation soutenue en vitamine et tout particulièrement en thiamine (vitamine B1).
Cinétique et voie d’administration
Toutes les recommandations des sociétés savantes s’accordent sur l’intérêt d’introduire une nutrition entérale, en première intention, durant les premières 24–36 heures après l’admission en réanimation de tout patient incapable de s’alimenter. Les pathologies contre-indiquant l’instauration d’une nutrition entérale sont l’ischémie mésentérique, l’hémorragie digestive active, la fistule digestive de haut début et le syndrome du compartiment abdominal. En cas de contre-indication à la voie entérale ou en cas d’intolérance digestive réfractaire, une nutrition parentérale totale doit être envisagée, dès j1 chez les patients sévèrement dénutris et dès j4–j7 chez les autres. Si les cibles énergétique et protéique ne sont pas atteintes par la nutrition entérale seule, une nutrition parentérale complémentaire peut y être associée entre j4 et j7 du séjour en réanimation [2], [3], [4], [5].
Chez les patients en choc, sous traitement vasopresseur, l’étude NUTRIREA-2 a pointé une moindre incidence de complications digestives sévères chez les patients recevant une nutrition parentérale comparé à la voie entérale, sans objectiver une différence de mortalité [35]. Toutefois, une nouvelle étude récente a démontré la sécurité et la faisabilité d’instaurer une nutrition entérale trophique au sein de cette même population [36].
L’administration de curares et la réalisation de séances de décubitus ventral (DV) chez les patients COVID-19 ne constituent pas, selon les sociétés savantes, une contre-indication à la nutrition entérale [2], [3], [4], [5]. Chez le patient en DV, il est recommandé de positionner le lit en proclive à 10–25° afin de diminuer la pression intra-abdominale et donc le risque de régurgitation du contenu gastrique et d’inhalation [4]. Par ailleurs, la nutrition entérale doit être arrêtée et le contenu gastrique aspiré avant toute mise en DV [5]. Enfin, il semble préférable d’utiliser des sondes orogastriques afin d’éviter la survenue d’escarre nasale chez les patients en DV.
Intolérance digestive
L’intolérance digestive haute se caractérise par l’impossibilité d’atteindre les cibles énergétique et protéique au cours de la nutrition entérale en raison d’une vidange gastrique retardée. Elle touche environ 30 % des patients et elle est associée à un mauvais pronostic [37], [38]. Cette proportion semble être supérieure chez les patients de réanimation souffrant de la COVID-19 d’après une étude observationnelle reportant une intolérance digestive haute chez 46 % de la population étudiée [39].
La mesure des volumes gastriques résiduels est une pratique encore peu fréquente en réanimation d’autant qu’une étude ne montre pas de d’augmentation de l’incidence de pneumopathie d’inhalation lorsque cette mesure n’est pas réalisée [40]. Cependant, elle reste indiquée dans les recommandations nutritionnelles émises par les groupes d’experts australiens et européens avec des seuils diagnostiques d’intolérance de 300 mL et 500 mL, respectivement [3], [5]. Les experts américains se prononcent eux en défaveur de cette pratique, considérée comme à haute risque de contamination pour le personnel soignant [4]. La mesure échographique de l’aire antrale gastrique, au lit du patient, pourrait permettre de prédire le contenu gastrique et le risque d’intolérance digestive haute. Une étude chinoise pilote a montré la faisabilité de cette stratégie et a proposé un seuil de 7 cm2 à partir duquel l’incidence d’intolérance digestive était significativement plus élevée [41]. Ces résultats constituent un socle théorique satisfaisant pour la mise en place d’essais cliniques de plus grande ampleur.
En cas de survenue d’une intolérance digestive haute, il est recommandé d’introduire un traitement prokinétique afin d’optimiser la provision en nutrition entérale [2], [3], [4], [5]. Les traitements les plus souvent prescrits sont l’érythromycine (200 mg/6 h) et le metoclopramide (10 mg/6 h) [42], [43], [44]. L’administration concomitante de ces deux traitements semble même apporter un bénéfice sur la vidange gastrique selon une étude de Nguyen et al. [45]. Cette prescription doit s’accompagner d’une surveillance quotidienne de l’électrocardiogramme à la recherche d’un allongement du segment du QT, d’autant plus chez les sujet COVID-19 recevant d’autre traitements arythmogènes comme l’hydroxychloroquine ou les macrolides [46].
En cas d’intolérance digestive réfractaire au traitement prokinétique, l’instauration d’une nutrition entérale post-pylorique peut être considérée avec la transition vers une nutrition parentérale totale.
Agents nutritionnels adjuvants
Probiotiques
L’administration d’un traitement probiotique a été proposée chez les patients souffrant de la COVID-19 en raison du lien précédemment décrit entre la composition de la flore digestive et le système immunitaire pulmonaire, connu sous le nom d’axe intestin-poumon [47], [48]. De plus, une étude expérimentale récente pointait le récepteur ACE2, cible principale du SARS-CoV-2, comme ayant un rôle majeur dans la régulation de l’immunité innée digestive et de l’écologie du microbiote intestinal [49]. L’introduction d’un traitement probiotique chez des patients dont la flore digestive les prédispose à présenter une forme grave du COVID-19 pourrait être une piste à considérer [50]. L’utilisation de ce traitement en réanimation a déjà montré des signes encourageant quant à l’incidence de pneumopathie acquise sous ventilation mécanique [51]. Les première expérimentations dans des modèles murins d’infection au SARS-CoV-2 sont actuellement peu concluantes, ce qui explique l’absence des traitements probiotiques dans les recommandations internationales [52]. Néanmoins, les travaux de recherche doivent continuer afin de sélectionner l’association de probiotiques optimale et de cibler les patients, présentant une écologie digestive altérée, qui pourraient en tirer un bénéfice.
Vitamines et oligoéléments
Plusieurs supplémentations vitaminiques ont été évoquées pour optimiser la réponse immunitaire des patients confrontés au SARS-CoV-2. Un régime contenant de la vitamine A diminuait la sévérité d’une infection virale respiratoire dans un modèle expérimental chez le poulet [53]. Cependant, une méta-analyse, incluant plus de 33 000 enfants, n’objectivait aucun bénéfice d’une supplémentation en vitamine A sur l’incidence d’infection respiratoire [54]. Dans un modèle expérimental, une supplémentation en vitamine C constituait un effet protecteur dose-dépendant sur le coronavirus aviaire [55]. Chez l’enfant souffrant d’un rhume classique, la vitamine C diminuait l’intensité et la durée des symptômes [56]. Cependant, en réanimation, la vitamine C n’était pas associée à un quelconque bénéfice dans une cohorte de 167 patients présentant un SDRA [57]. Une supplémentation en vitamine D était associée à une diminution de l’incidence d’infection respiratoire dans une méta-analyse récente [58]. De plus, une étude observationnelle indonésienne retrouvait une forte association entre un taux bas de vitamine D et une mortalité plus élevée chez des patients atteints par le COVID-19 [59]. Néanmoins, dans un essai contrôlé randomisé publiée en 2019, une supplémentation en vitamine D chez des patients de réanimation carencés n’était associée à aucun bénéfice comparé au placebo [60]. Les différentes vitamines possèdent des caractéristiques et des effets thérapeutiques individuels pouvant être bénéfique en prévention ou en traitement du COVID-19. Cependant, il est nécessaire d’attendre la réalisation d’essais cliniques fiables sur cette population atypique avant de les recommander plus largement.
Concernant les oligoéléments, le sélénium et le zinc sont connus respectivement pour leurs propriétés anti-oxydantes et leur rôle possiblement protecteur sur les infections virales [61]. Cependant, aucune étude robuste n’a montré un bénéfice chez le patient de réanimation [62], [63], [64].
Huiles de poisson
Les émulsions lipidiques sont un composant essentiel de toute nutrition artificielle car elles permettent d’apporter une quantité importante d’énergie dans un volume restreint. En plus de permettre d’atteindre plus facilement les cibles énergétiques, elles apportent des acides gras aux propriétés spécifiques. En effet, les émulsions lipidiques à base d’huile de poisson contiennent des proportions élevées d’acides omega-3 qui constituent des précurseurs à des médiateurs anti-inflammatoires comme les acides eicosapentaénoïque (EPA) et docosahexaénoïque (DHA). Des études expérimentales ont pointé l’importance de la balance omega-3/omega-6 dans la réponse inflammatoire de l’organisme [65]. L’administration d’émulsion à base d’huile de poisson chez les patients souffrant d’un SDRA a fait l’objet de nombreuses études montrant un potentiel bénéfice sur le devenir en réanimation [66]. Cette action associée à un effet anti-inflammatoire, souhaitable chez les patients COVID-19 souffrant d’une réponse systémique accrue, constitue un base théorique solide pour mener des essais dans cette population. Les groupes d’experts américains et européens conseillent d’utiliser des émulsions mixtes de nouvelles générations contenant de l’huile de poisson et d’éviter les émulsions à bases de soja, déjà présente en grande quantité dans le Propofol [4], [31]. Enfin, il est recommandé de surveiller régulièrement la triglycéridémie chez les patients recevant de fortes doses de propofol et bénéficiant d’une nutrition parentérale. À noter qu’une hypertriglycéridémie peut aussi faire évoquer un syndrome d’activation macrophagique secondaire à l’infection au SARS-CoV-2 [22].
Conclusion
La COVID-19 est une nouvelle infection respiratoire virale qui touche des patients souvent âgés et présentant des comorbidités. En cas de forme grave, ces patients vont subir une réaction inflammatoire systémique exacerbée associée à un alitement prolongé, ce qui les rend à haut risque de présenter des troubles fonctionnels sévères à la sortie de réanimation. L’administration d’une nutrition artificielle adaptée aux besoins individuels associée à une mobilisation précoce dès que possible semble être un point essentiel de la prise en charge au même titre que d’autres thérapeutiques invasives. L’atteinte des cibles calorique et surtout protidique par voie entérale ou parentéral doit être un objectif de première ligne afin de limiter la survenue d’une sarcopénie sévère. Les modalités pratiques de ces apports doivent prendre en compte la protection du personnel soignant en limitant les gestes à haut risque de contamination par le SARS-CoV-2. Devant l’actuelle diminution des nouveaux cas sévères répertoriés, notre attention doit se focaliser sur la réhabilitation post-réanimation de ces patients, via des prises en charge multidisciplinaires leur permettant de regagner leur autonomie au plus vite [67]. Cette phase cruciale doit faire l’objet d’études de grande ampleur centrées sur des critères fonctionnels afin de faire progresser nos pratiques dans le futur [68], [69].
Déclaration de liens d’intérêts
E.P. déclare des liens d'intérêts avec Nestlé, Nutricia, et Fresenius (bourse de recherche et remboursement de congrès).
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