Résumé
Les perturbations de la coagulation sont fréquemment observées chez les patients atteints de COVID-19 ainsi que les événements cliniques thrombotiques. Ces évènements augmentent le risque de décès au cours de la maladie. Parmi les évènements biologiques, on observe une augmentation des D-Dimères (> 3 μg/L), du fibrinogène (> 8 g/L) et une thrombopénie qui caractérisent le syndrome et sont associées à un mauvais pronostic. Ces marqueurs devraient être surveillés régulièrement au cours de l’hospitalisation des patients en réanimation. Le diagnostic d’embolie pulmonaire peut être difficile dans le contexte mais doit être évoqué en cas d’aggravation inexpliquée de l’hypoxémie ou d’insuffisance cardiaque droite. Le risque thromboembolique doit être stratifié pour adapter la thrombo-prophylaxie en prenant compte la fonction rénale et le surpoids des patients.
Mots clés: SARS-CoV2, COVID-19, Hémostase, Hypercoagulabilité, Embolie pulmonaire
Summary
Coagulation disorders are commonly reported in patients suffering from COVID-19 pneumonia. These are associated to an increase incidence of thrombotic disorders associated with an increase mortality rate. D-Dimers concentrations > 3 μg/L, fibrinogen > 8 g/L and decreased platelets count are associated with an increased thrombotic risk. These biological markers have to be closely monitored during ICU stay. The diagnosis of pulmonary embolism could be difficult in this setting. However, it has to be evoked in case of worsening hypoxemia unexplained by other reason and/or right ventricular failure. The thrombotic risk can be scored to adapt the thromboprophylactic treatment, impaired renal function and overweight making it even more difficult.
Keywords: SARS-CoV2, COVID-19 pandemic, Hemostasis disorders, Hypercoagulability, Pulmonary embolism
Introduction
La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est une infection virale due au « Severe Acute Respiratory Syndrome coronavirus 2 » (SARS-CoV2). SARS-CoV2 est un virus à ARN simple brin qui pénètre dans les cellules de l’organisme via le récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Ce récepteur est largement exprimé notamment dans les alvéoles pulmonaires et l’endothélium vasculaire [1], [2]. L’infection à SARS-CoV2 notamment dans des tableaux de SDRA semble associée à un nombre important d’évènements thromboemboliques. L’objet de cette revue est de présenter les données actuelles sur la coagulopathie associée au COVID-19.
Épidémiologie
Incidence des évènements thromboemboliques
Des modifications des paramètres d’hémostase dans l’infection SARS-CoV2 ont été décrites très tôt dans l’épidémie. Ainsi, au cours du mois de janvier 2020, Chen et al. rapportent une élévation des D-dimères, du TCA et une baisse du TP dans respectivement 36 %, 16 % et 30 % de leur cohorte de 99 patients hospitalisés pour pneumonie à SARS-CoV2 dans la province de Wuhan [3]. Les perturbations sont plus importantes encore, chez les patients admis en réanimation, notamment le taux de D-dimères qui était plus élevé à l’admission chez les patients de réanimation comparés à ceux pris en charge en secteur conventionnel [4].
Dans une cohorte prospective multicentrique française de 150 patients de réanimation, on a constaté 18 % d’évènements thromboemboliques (TE) majeurs. Il s’agissait principalement d’embolie pulmonaire (EP) (25 cas). Ces évènements thrombotiques étaient majoritairement veineux mais 2 accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques, une ischémie de membre inférieur et un cas d’ischémie mésentérique étaient également décrits. En parallèle de ces manifestations cliniques, des thromboses de filtres de dialyse ont été observées chez 96,6 % des patients en insuffisance rénale aiguë.
Helms et al. ont pu comparer l’incidence des évènements thromboemboliques chez les patients atteints de COVID-19 à celle observée dans une cohorte de patients ayant un SDRA non COVID. Une augmentation importante (OR 6,2 [1,6–23,4]) du risque d’embolie pulmonaire a été observée chez les patients du groupe COVID-19, qui se vérifiait (OR 2,6 [1,1–6,1]), après analyse des scores de propension [5].
Dans une autre cohorte prospective, néerlandaise, de 184 patients avec pneumonie COVID-19, la survenue d’un évènement thromboembolique artériel ou veineux était retrouvée dans 31 % des cas avec à nouveau principalement des manifestations veineuses (25 EP, 1 thrombose veineuse profonde, 2 thromboses de cathéters) et seulement 3 accidents artériels (AVC ischémiques). Trente-huit pour cent des patients présentaient à l’admission en réanimation une coagulopathie, définie par un allongement du TP > 3 sec ou du TCA > 5 sec. La présence de cette coagulopathie était un facteur indépendant de survenue d’un évènement thrombotique (aHR 4,1, 95 %CI 1,9–9,1). Aucun de ces 184 patients n’a présenté de signe biologique de coagulopathie intravasculaire disséminée [6].
Mortalité spécifique
Dans les cas graves de COVID-19, la mortalité spécifique liée à la coagulation n’est pas établie. Cependant, un impact sur le pronostic est évoqué dans une série chinoise rétrospective de 183 patients dans laquelle 71,4 % des patients décédés avaient présenté des signes de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) contre seulement 0,6 % des survivants [7]. Par ailleurs, dès le début de l’épidémie, certains auteurs soulignaient une baisse de la mortalité pour les patients sous héparine [8].
Description de la coagulopathie
Observation
Il est fréquemment observé une lymphopénie avec élévation de la lactate-deshydrogénase ainsi que des marqueurs de l’inflammation tels que la CRP, la ferritine et l’interleukine 6 (IL-6). Le niveau d’IL6 pourrait être associé avec la gravité du tableau ainsi qu’un profil pro-coagulant [9]. La gravité de la maladie est plus variablement associée à une modification du temps de prothrombine (TP) ou du temps de céphaline active (TCA) [10].
D-dimères : l’élévation des D-dimères est fréquente dans cette pathologie. Une série multicentrique chinoise de 1099 patients COVID-19 rapporte un taux de D-dimères ≥ 0,5 mg/L chez 46,4 % des patients dont 60 % présentaient une forme sévère [11]. L’association de l’élévation des D-dimères à la sévérité a été confirmée avec un risque plus important de recours à la ventilation mécanique ou de décès [12]. Tang et al. notaient chez les patients décédés une élévation plus importante des D-dimères et des produits de dégradation de la fibrine (respectivement 3,5 et 1,9 fois plus) avec une baisse significative du TP de 14 % [7]. L’association des valeurs d’IL-6 et de D-dimères à l’admission permet également d’identifier les patients à risque de développer une forme grave de COVID-19 avec une aire sous la courbe ROC à 0,840 (p < 0,01) [13].
Plaquettes : la thrombopénie est souvent considérée comme un indicateur de gravité dans le sepsis. Cela semble également être le cas pour l’infection à SARS-CoV2. Une méta-analyse de 9 études asiatiques décrivait un compte plaquettaires abaissé à l’admission chez les patients les plus graves (weighted mean difference −31 × 10^9/L ; 95 % confidence interval [CI], −35 −29 × 10^9/L). En analyse de sous-groupes, la thrombopénie était associée à un risque 5 fois plus élevé de forme sévère (OR = 5,1 ; 95 % CI, 1,8–14,6) [14].
Anticoagulant circulant (ACC) : une série de cas rapporte 3 cas d’AVC, dont un avec ischémie aiguë de jambe, associé à la présence d’anticorps anti-phospholipides sans qu’un lien formel n’ait pu être établi [15]. La présence d’ACC était retrouvée chez 87,7 % des patients testés dans la cohorte française de Helms. Les ACC sont retrouvés dans une grande variété de pathologies impliquant des stimuli inflammatoires, infectieux ou auto-immuns liés à l’exposition des phospholipides des membranes cellulaires après destruction au moins partielle de celles-ci [16].
Fibrinogène : le syndrome inflammatoire contribue à l’élévation du fibrinogène. Sa corrélation avec le risque de thrombose serait possible. Ainsi, le groupe d’intérêt en hémostase périopératoire (GIHP) retient qu’un seuil de 8 g/L serait associé à un risque très élevé d’accident TE dans le COVID-19. Les observations cliniques rapportent des taux bien plus élevés dans cette infection.
Mécanismes
De nombreux phénomènes sont évoqués et probablement intriqués dans la coagulopathie liée au COVID-19 parmi lesquels un excès d’inflammation lié à la libération massive de cytokines, une activation des plaquettes, une stase vasculaire et une dysfonction endothéliale. Les comorbidités préexistantes font également le lit d’évènements thrombotiques [17].
Le virus utilise le récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE 2 receptor) pour son invasion cellulaire. Ce récepteur, ubiquitaire, est exprimé à la surface des cellules endothéliales. L’analyse histologique post-mortem de 3 patients en défaillance multiviscérale retrouvait une inflammation endothéliale dans tous les organes atteints (poumon, reins, muqueuse intestinale, cœur) associée à une présence du virus dans ces cellules endothéliales suggérant une implication directe du virus dans l’apparition de dysfonction endothéliale. Cette dysfonction endothéliale pourrait être génératrice d’un état pro-coagulant systémique en plus de l’atteinte d’organe spécifique [18]. La dysfonction endothéliale est un déterminant majeur de la dysfonction microcirculatoire en modifiant l’équilibre du lit vasculaire vers plus de vasoconstriction générant ischémie, inflammation, œdème et un état pro-coagulant. Les taux élevés d’antigène du facteur von Willebrand vFW et de FVIII rapportés par l’étude de Helms et al. plaident en faveur d’une inflammation endothéliale importante [5].
La vasoconstriction hypoxique peut causer en elle-même une occlusion des petits vaisseaux. L’hypoxie est également à l’origine de la synthèse des « Hypoxia Inducible Factors » (HIF) modifiant et activant la synthèse du facteur tissulaire et du plasminogen-activator inhibitor 1 (PAI 1) [19], [20].
Un modèle expérimental d’inflammation pulmonaire à SARS-CoV émet l’hypothèse d’un dérèglement de la balance hémostatique au sein des alvéoles pulmonaires en faveur de marqueurs pro-coagulants et anti-fibrinolytiques pouvant expliquer les formes sévères de SDRA au cours de l’épidémie de SRAS de 2002–2003 [21].
Les thromboses des circuits de dialyse pourraient être expliquées par un effet prédominant d’un taux élevé de fibrinogène plus qu’une activation de la phase contact [22].
Ni une CIVD, ni une coagulopathie liée au choc septique
Certains virus sont connus pour activer la cascade de la coagulation en activant le facteur tissulaire et les cellules endothéliales (HSV et le virus de la dengue) de même que les macrophages et les cellules sanguines circulantes (virus Ebola). La dengue et le virus Ebola entraînent des CIVD sur un versant hémorragique [23], [24].
La cohorte prospective française de Helms et al. retrouvait une faible prévalence de CIVD (aucune ou 0,04 % selon le score utilisé). Le SIC score (incluant le TP, les plaquettes et le score SOFA (positif si ≥ 4) [25], détectant les patients à risque de CIVD n’était positif que chez 22 patients. Ces résultats tranchent avec les incidences habituelles de 30 à 40 % de CIVD dans le choc septique. De plus, les tests de coagulation conventionnels étaient différents d’une coagulopathie liée au choc septique (sepsis induced coagulopathy [SIC]) [5].
Dans une étude rétrospective de l’hôpital de Tongji dans la province de Wuhan, 449 patients présentant une forme sévère de COVID-19 (fréquence respiratoire ≥ 30/min ; saturation artérielle en oxygène ≤ 93 % au repos ; PaO2/FiO2 ≤ 300 mmHg) ont été inclus. Vingt-deux pour cent des patients de la cohorte ont reçu un traitement anticoagulant à dose préventive (principalement par HBPM). Cette prophylaxie n’était indiquée dans leur pratique que lorsque les patients présentaient un score SIC ≥ 4. Le traitement par héparine était associé à une mortalité significativement plus faible chez les patients ayant un score SIC ≥ 4 (40,0 % vs 64,2 %). En stratifiant sur le taux de D-dimères, la mortalité augmentait avec le taux de D-dimères dans le groupe sans héparine. Pour des taux de D-dimères ≥ 3,0 μg/mL (6 fois au-dessus de la normale), une réduction de mortalité d’environ 20 % était observée dans le groupe sous héparine (32,8 % vs 52,4 %). La limite d’utilisation du score SIC pourrait être que le taux de plaquettes, bien qu’abaissé, est faiblement impacté par le COVID-19 rendant le score inapproprié [8].
Eléments diagnostiques
Marqueurs de l’hémostase
Le temps de prothrombine et le temps de céphaline activé sont des éléments d’analyse de routine de l’hémostase. Nous avons vu qu’ils pouvaient être modifiés marquant une activation des cascades de coagulation par le processus infectieux. De façon plus intéressante, une élévation du fibrinogène et des D-dimères permet d’identifier des patients à haut risque de complications thromboemboliques. Ainsi, le GIHP a retenu les seuils de fibrinogène > 8 g/L et de D-dimères >3 μg/L pour définir ce haut risque. Compte tenu de ces éléments, le GIHP recommande de contrôler au minimum toutes les 48 h les paramètres d’hémostase suivants : numération plaquettaire, temps de Quick (TQ ou TP), TCA, fibrinogène, et D-Dimères. Dans les cas sévères, en cas d’aggravation clinique, de thrombopénie et/ou de diminution de la concentration de fibrinogène, il faudrait contrôler aussi pour le diagnostic d’une CIVD la concentration des monomères de fibrine (si dosage disponible), des facteurs II et V, et de l’antithrombine [26].
Diagnostic au lit du malade
La prise en charge en réanimation des SDRA COVID-19 nécessite évidemment des mesures strictes d’isolement. De plus, l’extrême gravité de l’état respiratoire de certains patients rend difficile leur déplacement et la réalisation d’un angioscanner thoracique pour rechercher une embolie pulmonaire. Cependant, une aggravation de l’hypoxémie (par une altération du rapport PaO2/FiO2), l’apparition d’une hypertension artérielle pulmonaire ou d’un cœur pulmonaire aigu doivent faire envisager ce diagnostic. L’échographie des axes veineux, notamment sur les trajets des cathéters, est accessible au lit du malade pour le diagnostic de thrombose veineuse profonde.
Les accidents artériels semblent plus rares mais ne doivent pas être négligés d’autant que la sédation peut être profonde et prolongée risquant de masquer ces évènements neurologiques.
De façon plus générale, la recherche d’un accident thrombotique doit faire partie de l’évaluation clinique quotidienne des patients hospitalisés en réanimation pour COVID-19.
Tests viscoélastiques ROTEM et TEG
Les tests viscoélastiques sont utilisés au cours de chirurgie à risque hémorragique majeur ou pour la gestion transfusionnelle des chocs hémorragiques du polytraumatisé ou du post-partum [27]. Ces examens réalisables « au lit du patient » permettent une analyse de la fonctionnalité du caillot et la recherche d’une hyper-fibrinolyse à la différence des tests de coagulation conventionnels. La détection d’une coagulopathie par ces tests est associée à la mortalité chez des patients en choc septique [28], [29]. De plus, dans le contexte des soins intensifs, ces mesures pourraient permettre d’optimiser la prophylaxie thromboembolique. En monitorant l’efficacité de l’anticoagulation, cela pourrait pallier les variations individuelles de pharmacocinétique de l’héparine et le déficit relatif en antithrombine [27]. Une étude italienne a rapporté les résultats de l’analyse du thromboélastogramme (TEG) pour 24 patients admis en réanimation pour COVID-19. Tous les patients avaient des profils hypercoagulables (avec une baisse des valeurs R et K, une augmentation de l’angle K et une augmentation de l’amplitude maximale du caillot) [30].
Prévention et traitement
Facteurs de risques thromboemboliques
La recherche de facteurs de risque thromboemboliques majeurs doit être effectuée pour tout patient COVID-19 : cancer actif (avec traitement au cours des 6 mois), antécédent personnel d’évènement TE dans les 2 ans (facteurs mineurs : âge > 70 ans, alitement prolongé, post-partum). Le GIHP a classé le risque en 4 niveaux :
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•
risque faible : patient non hospitalisé avec index de masse corporelle (IMC) < 30 kg/m2 sans autre facteur de risque ;
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•
risque intermédiaire : IMC < 30 kg/m2 avec ou sans FDR surajouté, sans nécessité d’oxygénothérapie nasale à haut débit (OHND) ni de ventilation artificielle ;
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•
risque élevé :
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IMC < 30 kg/m2 avec ou sans FDR surajouté, sous ONHD ou ventilation artificielle,
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∘
IMC > 30 kg/m2 sans FDR surajouté,
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∘
IMC > 30 kg/m2 avec FDR surajouté, sans nécessité d’OHND ni de ventilation artificielle ;
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•
risque très élevé :
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∘
IMC > 30 kg/m2 avec FDR surajouté, sous ONHD ou ventilation artificielle,
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∘
ECMO (veino-veineuse ou veino-artérielle),
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thromboses de cathéter itératives ou inhabituelles,
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∘
thromboses de filtre d’épuration extra-rénale,
-
∘
syndrome inflammatoire marqué et/ou hypercoagulabilité (ex. : fibrinogène > 8 g/L ou D-Dimères > 3 μg/mL ou 3000 ng/mL).
Une autre évaluation du risque de développement de maladie veineuse thromboembolique repose sur le score prédictif de Padua [31]. Une étude chinoise, utilisant ce modèle, rapportait que 40 % des patients hospitalisés pour COVID-19 présentaient un risque TE élevé [32].
Propositions thérapeutiques
En cas de risque thrombotique intermédiaire, il est proposé de prescrire une prophylaxie par une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) : par exemple, enoxaparine 4000 ui/24 h SC ou tinzaparine 3500 ui/24 h SC. Le fondaparinux 2,5 mg/24 h SC est une alternative si la clairance de la créatinine (Clcr) est supérieure à 50 mL/min. En présence d’une insuffisance rénale sévère, on peut proposer comme alternative à la calciparine : enoxaparine 2000 ui/24 h SC pour une Clcr entre 15 et 30 mL/min ou tinzaparine 3500 ui/24 h SC pour une Clcr entre 20 et 30 mL/min.
En cas de risque thrombotique élevé, il est proposé de prescrire une prophylaxie renforcée par HBPM aux doses suivantes : enoxaparine 4000 ui/12 h SC ou 6000 ui/12 h SC si poids > 120 kg. En cas d’insuffisance rénale (Clcr < 30 mL/min), il est proposé de prescrire de l’héparine non fractionnée (HNF) à la dose de 200 UI/kg/24 h.
En cas de risque thrombotique très élevé, il est proposé de prescrire une héparinothérapie curative par une HBPM, par exemple, enoxaparine à la dose de 100 ui/kg/12 h SC, ou par HNF à la dose de 500 ui/kg/24 h en cas d’insuffisance rénale sévère.
Chez tous les patients obèses (IMC > 30 kg/m2), le risque thrombotique étant élevé ou très élevé, les posologies d’héparine proposées sont :
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enoxaparine 4000 ui/12 h ou 6000 ui/12 h si poids > 120 kg ;
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avec un FDR surajouté et ONHD ou ventilation artificielle : enoxaparine 100 ui/kg (poids réel)/12 h sc sans dépasser 10 000 UI/12 h ou HNF 500 UI/kg/24 h.
La surveillance biologique de l’efficacité s’effectue sur la mesure de l’anti-Xa. Pour l’HNF, une mesure est effectuée à 4 heures d’une modification de posologie et toutes les 48 heures. L’objectif est d’obtenir une concentration entre 0,3 et 0,5 ui/mL lors d’un traitement prophylactique renforcé (dose de départ 200 ui/kg/24 h), et entre 0,5 et 0,7 ui/mL lors d’un traitement curatif (dose de départ 500 ui/kg/24 h) si le risque de saignement est maîtrisé. Pour les HBPM, le dosage d’anti-Xa est effectué 4 heures après la troisième injection et l’objectif dépend de l’HBPM choisie [26].
En plus de son action préventive des évènements TE, l’anticoagulation prophylactique pourrait diminuer la génération de thrombine et ainsi interférer également avec le développement d’une CIVD.
Fibrinolyse systémique : concernant les stratégies de reperfusion en cas d’embolie pulmonaire, les recommandations habituelles doivent être appliquées. Les embolies pulmonaires de risque intermédiaire, stables sur le plan hémodynamique doivent recevoir un traitement anticoagulant à dose curative avec surveillance rapprochée. Pour les patients avec instabilité hémodynamique (EP à haut risque selon la classification ESC), la fibrinolyse systémique est indiquée [33]. En cas de situation critique, l’initiation au lit du malade d’une oxygénation extra-corporelle (ECMO) peut s’avérer préférable à une thrombo-endartériectomie nécessitant de la radiologie interventionnelle ou de la chirurgie cardiovasculaire [10].
Durée traitement anticoagulant
Il n’existe pas de données spécifiques concernant la durée d’anticoagulation (quelle que soit la dose) des patients COVID-19. L’évaluation du risque thrombotique et hémorragique doit être individualisée. Pour les patients à risque TE élevé (critères du GIHP, mobilité réduite, cancer et selon certains auteurs D-dimères > 2 fois la normale) au très élevé et à faible risque hémorragique, une durée de 45 jours peut être proposée [10].
Conclusion
La coagulopathie liée à l’infection à SARS-CoV2 a des spécificités liées à l’atteinte endothéliale et l’excès d’inflammation. La fréquence des évènements thrombotiques dans les formes graves de COVID-19 impose une surveillance biologique régulière des paramètres d’hémostase et d’inflammation afin d’identifier les patients les plus à risque. L’administration d’une anticoagulation prophylactique pourrait limiter l’impact de cette hypercoagulabilité.
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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