Abstract
Les infections respiratoires aiguës virales représentent une part importante de la morbidité et de la mortalité. La grippe, survenant par vagues épidémiques hivernales, continue d’être à l’origine de plusieurs centaines de milliers de décès chaque année. La pandémie, émergente, liée au nouveau coronavirus SARS-CoV-2 (maladie COVID-19) constitue une forte crise sanitaire, accroissant la morbidité et la mortalité, avec un fort impact socio-économique. Les données autour de la vitamine D ont nettement augmenté ces dernières années. La connaissance de son rôle a progressé de manière considérable, passant d’une vitamine ayant un rôle essentiellement sur le métabolisme phosphocalcique et osseux à une hormone ayant une implication sur la « santé intégrale ». La vitamine D semble favoriser l’activation de la réponse immunitaire et limite les conséquences néfastes de l’immuno-pathologie induite par les agents pathogènes. Dans la littérature, des données probantes lient le déficit en vitamine D d’une part, à la susceptibilité aux infections virales aiguës et, d’autre part, à l’évolution plus défavorable de certaines infections chroniques. Cette revue examine les connaissances actuelles sur la vitamine D et son influence sur le risque des infections respiratoires (épidémies de grippe et pandémie COVID-19).
Mots clés: Vitamine D, Infections respiratoires aiguës virales (IRA), Épidémie de grippe, Pandémie COVID-19, Supplémentation
Abstract
Acute viral respiratory infections represent a large part of the morbidity and mortality. The influenza, which occurs in epidemics waves during the winter, continues to cause hundreds of thousands of deaths each year. The emerging pandemic of new coronavirus 2019 (COVID-19) reports an huge health crisis, increasing morbidity and mortality, with a strong socio-economic impact. The data around vitamin D has greatly increased in recent years. Knowledge of its role has advanced considerably, from a vitamin with a phosphocalcic and bone metabolism role to a hormone with an implication for “integral health”. Vitamin D appears to stimulate the activation of the immune response and limit the destructive consequences of immunopathology induced by pathogens. In the literature, there is evidence linking vitamin D deficiency, on the one hand to susceptibility to acute viral infections and, on the other hand, to the more unfavorable evolution of chronic infections. This review examines current knowledge of vitamin D and its influence on the risk of respiratory infections (influenza epidemics and COVID-19 pandemic).
Keywords: Vitamin D, Acute viral respiratory infections (ARI), Influenza epidemic, COVID-19 pandemic, Complementation
1. Introduction
Le risque épidémiologique principal des épidémies des virus des infections respiratoires aiguës (influenza A/H5N1, 2004 ; A/H1N1, 2009 ; A/H7N9, 2013 ; coronavirus SARS-CoV, 2003 et MERS-CoV, 2012) est la survenue d’une pandémie émergente dont le SARS-CoV-2 (2019) entraînant la maladie COVID-19 en est l’illustration. Cette dernière entraîne une crise sanitaire mondiale, augmentant la morbidité et la mortalité, avec de plus un fort impact socio-économique.
Les connaissances scientifiques sur les vitamines et minéraux essentiels se sont accélérées depuis une décennie et, la compréhension de leurs rôles dans la genèse de nombreuses maladies s’est considérablement transformée. La connaissance du rôle de la vitamine D a ainsi grandement progressé. À côté de ses effets classiques, sur le métabolisme phosphocalcique et osseux, la vitamine D a des effets non classiques. Plusieurs associations ont pu être montrées entre un déficit en vitamine D et un nombre important de pathologies. Ceci est une problématique de santé publique importante car un déficit en vitamine D peut engendrer des répercussions non négligeables pour la santé. Parmi celles-ci on note la susceptibilité aux infections respiratoires aiguës et l’évolution plus défavorable de certaines infections chroniques. Le but de cette mise au point est d’examiner les connaissances actuelles à propos de l’influence de la vitamine D sur le risque des infections respiratoires aiguës virales (épidémies d’influenza et pandémie COVID-19).
2. Infections respiratoires aiguës virales : grippe et COVID-19
Les infections respiratoires aiguës virales représentent une part importante de la morbidité et de la mortalité. Bien qu’elles puissent être classées selon les syndromes cliniques (par exemple rhume, bronchiolite, pneumonie), elles peuvent aussi être catégorisées selon les virus responsables (par exemple : influenza) [1]. Les facteurs saisonniers et climatiques, ainsi que le mode de vie et l’état nutritionnel, sont parmi les facteurs de risque connus des infections respiratoires aiguës virales.
La grippe, liée au virus influenza, est une infection virale aiguë des voies respiratoires survenant par vagues épidémiques, principalement durant la saison froide, entre décembre et mars. Elle fait donc partie du cours normal de l’hiver dans les zones tempérées. Les virus de la grippe pénètrent dans l’hôte via les muqueuses des voies respiratoires supérieures, au niveau du rhinopharynx, ou via les muqueuses oculaires pour certaines souches. La grippe se caractérise, en cas de présentation typique, par l’apparition brusque d’un certain nombre de symptômes : la fièvre, la toux sèche, des myalgies, des arthralgies, des céphalées, des frissons, une anorexie, une asthénie, une pharyngite et/ou une rhinite [2].
Les virus de la grippe sont des agents infectieux, probablement les seuls capables, années après années, de traverser les pays et les territoires. Les virus de la grippe sont des virus enveloppés à génome acide ribonucléique (ARN), de la famille des Orthomyxoviridae. Ces virus évoluent très rapidement par émergence de mutations. L’accumulation de ces mutations est responsable de l’évolution des souches. Il existe trois types de virus influenza infectant l’homme : A, B et C. Un quatrième type, D, a récemment été découvert chez l’animal (bovins et porcins). Les virus de type A infectent l’homme et de nombreux animaux. Quelques sous-types de A ont franchi la barrière des espèces chez lesquels ils étaient présents, engendrant des pandémies chez l’homme. Le virus A/H1N1 par exemple, dit saisonnier, continue d’être à l’origine de plusieurs centaines de milliers de décès chaque année. La face cachée des virus de la grippe a été décrite par Gonçalves et al. [3].
Le risque épidémiologique principal des virus des infections respiratoires aiguës est donc la survenue de pandémie qui peut entraîner une crise sanitaire, pouvant augmenter la morbidité et la mortalité, avec un impact socio-économique. Une pandémie est une épidémie non limitée dans l’espace qui se propage très rapidement sur plusieurs continents. Elle apparaît suite à une modification génétique majeure d’un sous-type de virus, pour lequel la majorité de la population est immunologiquement naïve. La pandémie, émergente, de coronavirus 2019 (COVID-19) est provoquée par le nouveau virus (à ARN) du SARS-CoV-2, de la famille des Coronaviridae. Bien que le virus responsable de COVID-19 et le virus de la grippe saisonnière soient très différents, ils causent des symptômes en partie similaires, avec néanmoins des spécificités récemment décrites, notamment en termes de sévérité et d’atteintes mono (pulmonaire)- ou multi-systémiques immunologiquement médiés (« orage cytokinique »). L’apparition des foyers de COVID-19 a été notée pour la première fois en Chine, à Wuhan, en décembre 2019. Au niveau mondial, il y a à ce jour (chiffres au 12/05/2020) plus de 4,2 millions de contaminations et plus de 286 000 décès dans 209 pays ou territoires. Avec la propagation rapide du coronavirus SARS-CoV-2, les connaissances sur les caractéristiques de ce virus et de la maladie COVID-19 évoluent très rapidement et les pays du monde entier participent à la lutte contre ce nouveau virus. La transmission se fait principalement par les gouttelettes et les aérosols produits par une personne infectée lorsqu’il tousse, éternue ou parle. Le virus peut également être transmis par les contacts avec des surfaces contaminées, via les mains, d’où l’importance des mesures barrières lors des épidémies (port de masque, lavage/désinfection des mains…) [4].
3. Vitamine D
Depuis une décennie, la compréhension du rôle des micronutriments essentiels dans la genèse de nombreuses maladies s’est considérablement transformée. Les données autour de la vitamine D ont nettement augmenté ces dernières années. L’insuffisance en vitamine D est fréquente, relativement méconnue, et touche toutes les tranches d’âge des populations. On considère qu’un milliard de personnes à travers le monde seraient concernées et, 50 % à 80 % des personnes âgées présenteraient un tel déficit [5], [6], [7]. Ceci constitue un problème de santé publique important car un déficit en vitamine D peut engendrer des répercussions non négligeables pour la santé [8].
La vitamine D est une substance stérolique liposoluble. Elle est apportée par de rares sources alimentaires et plus de 90 % des besoins sont fournis par l’exposition habituelle au soleil. Il est intéressant de signaler que la vitamine D produite par la peau a une demi-vie environ deux fois plus longue que la vitamine D ingérée [9]. La peau peut synthétiser la vitamine D sous l’effet des rayonnements ultraviolet. Ces UV (B) réagissent avec le 7-déhydrocholestérol (précurseur de cholestérol) pour produire la pré-vitamine D3, qui est isomérisée en vitamine D3 (cholécalciférol). La biosynthèse continue au niveau hépatique par l’hydroxylation en 25-hydroxyvitamine D3 (25-(OH)D) (correspond à la forme de réserve) et se termine au niveau rénal par l’hydroxylation en 1-25-dihydroxyvitamine D3 (1-25-(OH)2D) (la forme active). Les caractéristiques et les fonctions physiologiques de la vitamine D sont bien décrites [10].
Le paramètre biologique qui définit si un patient a ou non une insuffisance en vitamine D, est la concentration sérique de 25-(OH)D3 (la forme de réserve). Les résultats de différentes approches utilisées pour établir les valeurs de références sont cohérents et considèrent qu’une concentration inférieure à 20 ng/mL (soit 50 nmol/L) correspond à un déficit en vitamine D (c’est-à-dire ce qu’il faut éviter pour toute la population). L’insuffisance en vitamine D (c’est-à-dire ce qu’il faut éviter pour « au moins » un certain nombre de patients) correspond à une concentration de 20 à 30 ng/mL (soit 50-75 nmol/L) [11].
La connaissance du rôle de la vitamine D a progressé de manière considérable. La forme active (1-25-(OH)2D) est maintenant davantage considérée comme une hormone que comme une vitamine ayant un rôle purement sur les métabolismes phosphocalcique et osseux. Elle est une hormone (synthèse à un site, passage dans le sang et actions biologiques sur des effecteurs à distance) à implication sur la « santé intégrale » (anti-inflammatoire, anti-cancer, protecteur cardiovasculaire et anti-infectieux) [12], [13], [14]. En effet, les récepteurs à la vitamine D (VDR) sont présents dans la plupart des tissus (système immunitaire, système cardio-vasculaire, poumon, rein, pancréas, intestin, cerveau, os ou muscles), ce qui explique les effets extra-osseux de la vitamine D sur la fonction du tissu ou de l’organe où ils ont été détectés. À l’heure actuelle, l’expression génique de 3 % du génome, soit plus de 900 gènes, est concernée par les effets du complexe 1-25-(OH)2D/VDR, dont certains participent à la pathogénie des maladies auto-immunes, de cancers ou de l’hypertension artérielle. De plus, la mise en évidence de la 1-α hydroxylase dans certaines cellules extrarénales, permettant ainsi une synthèse locale de 1-25(OH)2D, soutient également l’intérêt croissant des effets extra-osseux de la vitamine D. Il n’est donc pas étonnant que plusieurs associations ont pu être montrées entre un déficit en vitamine D et un nombre important de pathologies (les maladies cardiovasculaires [15], l’hypertension artérielle [16], le diabète [17], les cancers [18], les maladies inflammatoires ou dysimmunitaires [asthme [19], sclérose en plaques [20], psoriasis [21], polyarthrite rhumatoïde [22], lupus érythémateux [23]]) et les infections (tuberculose [24], épisodes oto-rhino-laryngologiques hivernaux [25]).
4. Vitamine D et risque des infections par le virus de la grippe et par celui de la maladie COVID-19
Il y a près d’un siècle, l’aspect curatif des rayons solaires fut reconnu par le médecin Danois, Niels Finsen (1860-1904). Sa découverte partit du fait que les chats se recroquevillent confortablement au soleil. Le prix Nobel lui fut attribué en 1903, pour ses travaux sur le traitement de la tuberculose par l’exposition au soleil. De même, l’hypothèse d’Edgar Hope-Simpson (1981) [26] explique la saisonnalité remarquable de l’influenza par un stimulus saisonnier associé aux rayons de soleil. Ce stimulus affecte la pathogénicité de la grippe A. Le métabolisme de la vitamine D, dont les niveaux de substrat sont faibles pendant la saison de la grippe, agirait comme un système hormonal stéroïdien saisonnier ayant un impact sur le système immunitaire humain. La vitamine D pourrait être reconnue comme ce stimulus saisonnier. Il est en effet bien connu qu’il existe une saisonnalité à la grippe qui correspond bien à la baisse saisonnière des niveaux de vitamine D [27].
À côté de ses effets classiques, la vitamine D a d’autres effets moins connus et un large éventail d’activité. Ceci a conduit plusieurs équipes à étudier les relations entre la vitamine D et les infections respiratoires aiguës. Dans la littérature, des données convaincantes lient le déficit en vitamine D, d’une part, à la susceptibilité aux infections aiguës et, d’autre part, à l’évolution plus défavorable de certaines infections chroniques [14], [25]. La vitamine D interviendrait dans le risque infectieux pour ses effets sur l’immunité innée et adaptative. Au niveau du système immunitaire, deux propriétés sont connues : d’une part, la vitamine D inhibe la prolifération lymphocytaire T [28] et, d’autre part, les macrophages peuvent synthétiser la vitamine D [29]. En effet, la vitamine D freine les médiateurs pro-inflammatoires et stimule les cellules du système immunitaires, monocytes et macrophages, qui s’en servent dans leur lutte contre les processus infectieux. Exposées à un agent infectieux, les monocytes et les macrophages sur-expriment le récepteur de type Toll « Toll-like receptor », le VDR et la 1-α-hydroxylase. L’activation du VDR induit à la fois une diminution des cytokines pro-inflammatoires (tumor necrosis factor-α, interleukine-1, interféron-γ) et une augmentation des cytokines anti-inflammatoires (notamment interleukine-10). La 1-25-(OH)2D, produite au niveau local, va activer les macrophages en entraînant le mécanisme d’autophagie et le processus de synthèse de peptides antimicrobiens, en particulier la cathélicidine [30], qui est impliquée dans la défense de première ligne de l’organisme contre un agent pathogène [31]. Les peptides antimicrobiens sont considérés comme des antibiotiques naturels, et qui vont contribuer à détruire l’agent infectieux dans les infections bactériennes et réduire le risque des infections de la grippe [25] et possiblement au virus causant la maladie COVID-19.
La grippe survient chaque année par vagues épidémiques. L’insuffisance en vitamine D est très fréquente et sous-diagnostiquée [5], [6], surtout en l’absence d’ensoleillement dans les pays de l’hémisphère Nord. En Norvège, le nombre élevé de décès dus à la grippe saisonnière annuelle et à la pneumonie est lié aux faibles niveaux en vitamine D [32]. Aux États-Unis, une étude de cohorte chez des adultes en bonne santé a montré que des concentrations plasmatiques de 25-(OH)D3 d’au moins 38 ng/mL étaient associées à un risque d’infection respiratoire virale divisé par deux [33]. De même, chez des jeunes Finlandais volontaires (18-28 ans), un essai randomisé a montré un effet préventif de la supplémentation en vitamine D contre les infections des voies respiratoires [34]. Dans un autre essai randomisé, en double aveugle, comparant des suppléments de vitamine D (1 200 UI/jour) à un placebo chez des écoliers japonais (6-15 ans) durant la saison froide (décembre à mars), les auteurs [35] suggèrent que la supplémentation en vitamine D pendant l’hiver pourrait réduire l’incidence de la grippe A, en particulier dans des sous-groupes spécifiques d’écoliers ayant un diagnostic antérieur d’asthme ou de crise d’asthme. Un déficit en vitamine D prédispose les enfants aux infections respiratoires [35]. Lorsqu’on vaccine des volontaires contre la grippe, leur réponse immunitaire est meilleure en été qu’en hiver. Le déficit en vitamine D déclenche ainsi une augmentation du risque infectieux et une moindre réponse aux vaccinations [36]. Dans un autre travail, où il a été mesuré le statut vitaminique, la fonction pulmonaire et les infections respiratoires chez des adultes britanniques (de plus de 45 ans), les auteurs ont montré une association linéaire entre le statut en vitamine D et les infections saisonnières et la fonction pulmonaire. Chaque augmentation de 10 nmol/L de la vitamine D était associée à un risque d’infection inférieur de 7 % [37]. Chez les personnes âgées, dont 50 % à 80 % présentent un déficit en vitamine D, il existe une augmentation de la susceptibilité de développer de graves complications de la grippe. Cela est en partie dû à l’affaiblissement du système immunitaire, qui devient moins efficace pour lutter contre les infections avec l’âge [5], [6], [7].
Une équipe australienne, dans une méta-analyse (études cas-témoins, études transversales et études de cohorte), a analysé la relation entre la vitamine D et les infections respiratoires aiguës. Les résultats ont montré une relation inverse entre la concentration plasmatique de la vitamine D, d’une part, au risque d’infections respiratoires aiguës et, d’autre part, à la sévérité de ces infections [38]. Dans une autre méta-analyse des essais randomisés en double aveugle contre placebo, les auteurs ont indiqué que la supplémentation en vitamine D était associée à un risque moindre d’infection respiratoire aiguë. De plus, la diminution du risque d’infection a été observée chez les sujets recevant une supplémentation quotidienne ou hebdomadaire en vitamine D, mais pas chez ceux qui recevaient une dose mensuelle ou trimestrielle. Il est suggéré qu’une supplémentation quotidienne ou hebdomadaire en vitamine D serait plus efficace dans la prévention des infections respiratoires aiguës lorsque la concentration plasmatique de 25-(OH)D3 est inférieure à 25 nmol/L que lorsqu’elle est supérieure ou égale à cette valeur [39].
Toutes ces données soutiennent l’hypothèse que la vitamine D agit comme un protecteur contre les infections respiratoires aiguës, bien qu’il ne soit pas bien établi par quels mécanismes d’actions dominants ceci intervient. Dans une revue très récente, les auteurs suggèrent que le déficit en vitamine D pourrait aussi être un facteur de risque pour la survenue et la gravité de l’infection de la maladie COVID-19 [40]. Cette équipe californienne estime que les preuves soutenant le rôle de la vitamine D dans la réduction du risque de COVID-19 comprennent, d’une part, que la pandémie COVID-19 s’est produite en hiver dans l’hémisphère nord, à un moment où les concentrations de 25-(OH)D3 sont les plus faibles et, d’autre part, que la morbidité est faible dans l’hémisphère sud [40], [41], [42], qui est en période de fin d’été. De plus, deux constats sont associés à une concentration plus faible en 25-(OH)D3 : d’une part, le déficit en vitamine D contribue aux infections respiratoires aiguës et, d’autre part, le taux de létalité dû au COVID-19 augmente avec l’âge et avec les comorbidités associées (maladies chroniques) [40]. Dans un travail récent, basé uniquement sur les pays Européens afin de limiter les biais de confusion (latitude, etc.), des corrélations négatives entre les niveaux moyens de vitamine D dans chaque pays et le nombre de cas de COVID-19 et en particulier la mortalité, ont été observées. Les niveaux de vitamine D sont très bas dans la population âgée, qui était également la plus vulnérable face au COVID-19 [43].
Une supplémentation en vitamine D, pour obtenir un taux circulant supérieur à 30 ng/mL, surtout en hiver, est nécessaire pour de nombreuses personnes. Plusieurs études observationnelles et essais cliniques ont indiqué que l’exposition au soleil ou la supplémentation en vitamine D réduisait le risque de grippe et pourrait également le faire pour le COVID-19. Une supplémentation permettant d’obtenir des concentrations d’au moins 40–50 ng/mL (100–125 nmol/L) peut aider à réduire les infections hospitalières [44], [45]. Wimalawansa [46] a suggéré d’utiliser des doses de vitamine D de 200 000 à 300 000 UI en une seule dose orale (quatre à six capsules de 50 000 UI) pour renforcer le système immunitaire. La prise peut être répétée après une semaine pour reconstituer rapidement les réserves corporelles de vitamine D, ce qui pourrait réduire le risque et la gravité de COVID-19. Sur le plan sécurité d’emploi, une supplémentation mensuelle avec 100 000 UI de vitamine D3 n’augmente pas significativement le risque de calculs rénaux ou d’hypercalcémie [47].
La supplémentation en vitamine D pourrait donc réduire le risque de survenue et de gravité de l’infection de la maladie COVID-19. La gestion de la pandémie de coronavirus, le COVID-19, encourage donc à s’assurer que la population à risque ne souffre pas de déficit en vitamine D. L’évaluation du statut en vitamine D et le maintien des niveaux sériques optimaux doivent être envisagés pour toute personne à risque de COVID-19 : personnes âgées, sujets atteints de diabète, personne souffrant d’asthme modéré à sévère, personnes immunodéprimées, personnes souffrantes d’obésité [48]. Grant et al. [40] ont proposé que toutes personnes à risque de COVID-19 et en particulier le personnel hospitalier, devrait bénéficier d’un traitement par 10 000 IU par jour de la vitamine D pendant quelques semaines pour augmenter rapidement les concentrations sériques de la vitamine D, suivie de 5 000 UI par jour. L’objectif de la supplémentation devrait être d’augmenter les niveaux de la concentration sérique de 25-(OH)D3 au-dessus de 40 à 60 ng/mL [40].
Jusqu’à présent, aucun traitement spécifique pouvant traiter le COVID-19 et la pandémie causée par le virus du SARS-CoV-2 n’a été prouvé scientifiquement. La nécessité d’agir rapidement justifie la réutilisation des médicaments existants, dont certains pourraient donner l’espoir de contribuer à maîtriser la pandémie de COVID-19. L’hypothèse que la vitamine D constitue un traitement adjuvant opportun pour intervenir, doit être envisagée. La recommandation d’une supplémentation large, peu onéreuse, bien tolérée et sans effet néfaste avec des doses même élevées, visant à réduire la survenue et/ou la gravité de COVID-19 mérite ainsi à notre sens d’être sérieusement considérée [49]. Il serait également raisonnable de considérer une supplémentation en vitamine D chez les personnes à risque de carence en raison de leur confinement à domicile. Ainsi, une supplémentation ou une exposition au soleil « à sa fenêtre », une alimentation équilibrée et un exercice physique seraient logiques pour la santé globale, physique et mentale, pendant cette crise du COVID-19 [50].
La place de la vitamine D dans la protection des personnes à risque ou dans la prise en charge des infections de la grippe et de COVID-19, a donné des résultats potentiellement encourageants. La vitamine D interviendrait dans le risque des infections respiratoires aiguës virales pour ses effets sur l’immunité innée et adaptative comme indiqué plus haut. Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour élucider les mécanismes d’action principaux possibles de la vitamine D dans la lutte contre ces infections virales. De plus, il manque encore des recherches consistantes permettant d’objectiver une relation de cause à effet, pour pouvoir donner des indications sur la supplémentation nécessaire pour réduire le risque des infections virales respiratoires aiguës, grippe et COVID-19. Il reste également à définir, en toute rigueur, l’effet préventif de la vitamine D par des études d’intervention contre placebo portant sur les évènements majeurs et les décès de causes COVID-19.
5. Conclusion
La vitamine D est impliquée dans la « santé intégrale » et doit être considérée comme l’un des facteurs essentiels qui soutiennent la lutte contre certaines maladies. Les biais d’interprétation des études d’observation sur la survenue d’infections aiguës respiratoires doivent être levés. Plusieurs données soutiennent le rôle de la vitamine D, qui agit comme un protecteur contre les infections respiratoires aiguës. Cependant, des études supplémentaires sont indispensables pour élucider les mécanismes d’action principaux de la vitamine D dans la lutte contre les infections virales et montrer un impact préventif significatif, par des études interventionnelles randomisées, sur la morbidité et la mortalité, tout particulièrement pour le COVID-19.
L’évaluation du statut en vitamine D et le maintien des niveaux sériques optimaux doivent être envisagés pour toute personne à risque de COVID-19. Une supplémentation quotidienne ou hebdomadaire en vitamine D pourrait permettre de réduire le risque de survenue d’une infection respiratoire aiguë virale, notamment hivernale. L’utilisation de la vitamine D dans l’approche médicamenteuse pour diminuer le risque de COVID-19 mérite d’être considérée.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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