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editorial
. 2020 Aug 8;11(3):145–146. [Article in French] doi: 10.1016/j.praneu.2020.08.009

Les manifestations neurologiques de la COVID-19

The neurological manifestations of COVID-19

J de Seze 1
PMCID: PMC7414306

La fin de l’année 2019 a été marquée par l’émergence d’un nouveau coronavirus, appelé SARS-Cov-2 pour « severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 », responsable de l’infection COVID-19. Le virus s’est rapidement et brutalement installé à travers le monde, au début du printemps 2020, une situation de pandémie totalement inédite. Les conséquences sur la santé, l’économie, la culture et le sport ont été sans précédents et les hôpitaux ont été rapidement saturés en raison de l’afflux de formes sévères nécessitant assistance respiratoire et réanimation pour un bon nombre de sujets, notamment âgés ou fragiles. Ceci a conduit à un confinement massif et au recours au télétravail à chaque fois que cela était réalisable.

D’emblée, 2 populations susceptibles d’être prises en charge par les neurologues ont été identifiées. D’une part, des patients présentant des complications neurologiques du COVID comme cela peut se voir suite à toute épidémie virale (méningite, Guillain–Barré, encéphalomyélite aiguë disséminée [ADEM], encéphalite…). Un registre national de ces complications neurologiques observées en population générale a été implémenté durant mars et avril 2020. Il est actuellement soumis à publication. D’autre part, nos patients neurologiques qui, de par leurs affections ou leurs traitements, pouvaient potentiellement être exposés au virus et développer une forme plus sévère ou des complications plus graves de la maladie.

Pour la première population, les patients n’ont pas été particulièrement nombreux dans les services de neurologie. Nous avons accueilli quelques cas de Guillain–Barré [1] ou d’ADEM mais pas en proportion supérieure à ce qu’il est habituel de voir au mois de mars les autres années. Nous n’avons notamment pas eu de méningite et le tropisme neurologique direct du virus reste incertain. En revanche, nos collègues de réanimation nous ont assez vite alertés sur des troubles comportementaux de sujets atteints de formes graves du virus, avec une facilité inhabituelle, notamment chez les sujets jeunes, lors de l’intubation. À l’inverse, nos collègues ont remarqué une résistance importante à l’extubation, des confusions et des agitations, voire des hallucinations [2].

Rapidement, les IRM de ces patients ont révélé des anomalies cérébrales aussi variées qu’inquiétantes (AVC notamment associant thrombose et micro-hémorragies, encéphalites, PRES [posterior reversible encephalitis syndrome]…) [2], [3]. Ces anomalies étaient assez fréquemment associées à des troubles de la coagulation ou du bilan auto-immun (anticoagulants circulants, antiphospholipides…).

Pour la deuxième population, les patients atteints de maladies neurodégénératives ont rapidement été identifiés comme à risque, du fait de leur âge le plus souvent supérieur à 65 ans, mais la question des maladies chroniques du sujet jeune (épilepsie, maladies neuromusculaires, SEP…) restait entière. Les patients SEP, pour certains d’entre eux, rentraient dans le cadre des sujets supposés à risque (âge > à 65 ans, comorbidités de type obésité, troubles cardiorespiratoires ou diabète, maladies chroniques avec traitements immunosuppresseurs, grossesse…) mais ces recommandations étaient purement théoriques. De fait, une grande partie de nos patients, atteints de SEP, se sont retrouvés dans cette catégorie, même s’ils étaient jeunes et sans comorbidité. Nous n’avions donc, au début de l’épidémie, aucune information fiable sur le comportement de la population SEP face au virus, et le principe de précaution prévalait. Très rapidement, la société francophone de la SEP (SF-SEP) et les centres experts SEP (CRC-SEP) ont proposé des recommandations basées sur les connaissances scientifiques et les données gouvernementales [4].

Dans la foulée, un très gros effort collaboratif, possible grâce au soutien du réseau de recherche clinique sur la SEP FCRIN4MS, a permis de constituer, en un temps record, une cohorte de patients SEP ayant souffert de la COVID-19 (dénommée COVID-SEP) [5]. Ceci a été possible grâce à la parfaite entente qui existe entre les différents centres experts SEP, la SF-SEP, l’observatoire français de la SEP, les neurologues libéraux et des centres hospitaliers généraux ainsi que les associations de patients et, notamment, l’ARSEP. La cohorte COVID-SEP contient plus de 400 patients et est encore ouverte, puisque certains patients ne sont découverts seulement maintenant que le confinement est levé. Les malades peuvent, d’ailleurs, encore en parler à leur neurologue si jamais ils souffrent de cette infection COVID-19. Ce dernier pourra les intégrer dans la cohorte. Les résultats de cette étude ont été acceptés pour publication dans la prestigieuse revue JAMA Neurology fin mai 2020 et devraient sortir avant l’été [5]. Les principaux messages délivrés par cette étude sont rassurants. Même si la cohorte n’a pas été configurée pour cela, le nombre de patients SEP signalés comme ayant présenté l’infection n’est pas supérieur à celui observé dans la population générale, voire même plutôt inférieur. Ceci étant, la population SEP n’est pas représentative de la population générale, car la moyenne d’âge est plus jeune et la prédominance féminine est différente de celle de la population à prédominance masculine majoritairement atteinte des formes graves de COVID-19. L’objectif principal de cette étude était de définir la présentation clinique de l’infection par la COVID-19 dans la population SEP sur le plan clinique, radiologique quand celle-ci avait pu être faite et surtout pronostique. Ainsi, nous avons pu démontrer que les patients SEP avaient le même type de symptômes que la population générale (fièvre, toux, difficultés respiratoires, anosmie-agueusie, notamment dans les formes peu sévères…) et que le pronostic était très semblable à la population générale. Vingt et un pour cent des patients ont dû être hospitalisés et nous déplorons 3 % de décès. Ces chiffres sont extrêmement proches de ceux rapportés dans la population générale.

Dans un second temps, nous avons regardé comment se comportait le virus chez les patients traités pour leur SEP et, là encore, il n’a pas été identifié de surrisque d’infection plus sévère chez ceux traités par immunomodulateurs ou par immunosuppresseurs. Même si une étude thérapeutique porte actuellement sur l’utilisation de l’interféron Béta dans le traitement de l’infection COVID-19, il serait hâtif de conclure que nos patients SEP traités par ce type de molécule seraient protégés, mais il faut, tout de même, constater qu’aucun des patients traités par Interféron Béta n’a fait de forme grave ou n’a été hospitalisé. Des études de plus grande ampleur seraient nécessaires pour pouvoir évaluer l’effet de chaque traitement mais dans l’étude COVID-SEP, seul l’âge (> 65 ans), les comorbidités (notamment maladies cardiovasculaires et obésité) et le haut degré de handicap ont été identifiés comme facteurs favorisant la survenue d’une forme sévère. Nous avons donc bien fait de conseiller de maintenir les traitements, même si, dans certains cas particuliers, ceux-ci ont été légèrement différés. Le risque d’une réactivation, voire d’un rebond, de la SEP semble actuellement bien plus grave que le risque d’une infection grave induite par le virus.

Ces données sont donc très rassurantes et nous ont permis de communiquer tout au long du confinement et surtout de rassurer ceux qui voulaient et devaient aller travailler, non seulement les soignants mais aussi les personnes travaillant dans le secteur agroalimentaire ou les services non facultatifs.

Au moment où nous écrivons ces lignes, la phase 3 du déconfinement vient de débuter avec un espoir commun, l’absence de rebond ou de deuxième vague et, dès que possible, un retour à la vie normale.

Nous sommes conscients, pour en avoir parlé avec un grand nombre de patients, que ceux-ci ont souffert moralement et physiquement du confinement et de l’isolement relatif. Le manque de soin et notamment de kinésithérapie, l’impossibilité pour certains de faire de l’activité physique régulière ont exacerbé la fatigue chronique, la spasticité ou les douleurs.

Mais cette épidémie aura aussi des vertus, celles de se recentrer sur l’essentiel, de prendre du temps lorsque cela était possible avec notre cercle familial le plus proche, de mesurer l’impact écologique de notre société de consommation, de reconnaître la qualité de notre système de santé, de retravailler et enfin de faire preuve une nouvelle fois d’une grande solidarité collective.

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références


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