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. 2020 Aug 24;4(3):217–222. [Article in French] doi: 10.1016/j.pxur.2020.08.009

Gestion de la pandémie COVID-19 au Sénégal

COVID-19 pandemic management in Senegal

Ibrahima Diouf a,, Abdoulaye Bousso b, Ibrahima Sonko b
PMCID: PMC7445002

Abstract

La pandémie COVID-19 qui a débuté en décembre 2019 dans la ville de Wuhan en Chine a atteint le Sénégal le 02 mars 2020 par l’intermédiaire d’un cas importé d’Europe. Le pays a débuté la riposte à partir de l’expérience tirée de l’épidémie à fièvre Ebola et en s’appuyant sur l’approche « ONE HEALTH » déclinée dans le plan national de sécurité sanitaire. Ainsi, bien qu’étant multisectorielle, le ministère de la Santé a joué un rôle prépondérant au début de la riposte coordonnée à travers ses différents démembrements dont le centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS). Concomitamment à cette riposte sanitaire, des mécanismes ont été élaborés dans le « programme de résilience économique et sociale » (PRES) et afin de bien d’assurer la continuité des opérations dans cette lutte de longue haleine aux conséquences dans tous les secteurs. Au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie COVID-19, la réponse mobilise d’importants moyens facilités par l’engagement des plus hautes autorités et suivant une stratégie adaptative, ce qui a permis d’avoir des résultats probants.

Mots clés: Sénégal, Pandémie COVID-19, Programme de résilience économique et sociale

Introduction

Le Sénégal, à l’instar des autres pays africains, a été atteint par la vague de la pandémie après l’Asie, l’Europe et le continent américain.

Pour le premier malade enregistré le 02 mars 2020, il s’agissait d’un cas importé à partir de l’aéroport international Blaise Diagne de Dakar et venait de l’Europe.

Néanmoins, dès le début de l’épidémie en Chine, le Sénégal a activé son plan national de sécurité sanitaire à travers une cellule de veille et en sensibilisant tous les secteurs concernés.

Nous allons à travers cet article présenter les différentes étapes de la riposte au Sénégal, les difficultés rencontrées et enfin les perspectives en fonction de l’évolution de la pandémie.

Organisation de la lutte contre la pandémie COVID-19 au Sénégal

Cadre géographique et institutionnel

Situé à la pointe ouest de l’Afrique occidentale, le Sénégal a une population de 16 700 000 d’habitants répartie sur une superficie de 196 722 km2. Dakar, la capitale, et sa banlieue concentrent le quart de cette population très jeune. Les plus de 65 ans ne représentent que 3,2 % de cette population ; l’espérance de vie est de 68 ans.

L’organisation du secteur de la santé et de l’action sociale est de type pyramidal, adossée au découpage administratif du pays (Fig. 1 ). Elle comprend un niveau central, un niveau intermédiaire et un niveau périphérique. Les secteurs public et confessionnel contribuent à l’offre de soins de même que les forces de défense et de sécurité.

Figure 1.

Figure 1

Pyramide sanitaire du Sénégal. MSAS : ministère de la Santé et de l’Action sociale ; DGS : direction générale de la santé ; DES : direction des établissements de santé ; RM : régions médicales ; EPS : établissements de santé ; DS : districts sanitaires ; PS : postes de santé ; CS : cases de santé ; MR : maternités rurales.

Dans le cadre du diagnostic des maladies animales, la direction des services vétérinaires (DSV) travaille en étroite collaboration avec le laboratoire national de l’élevage et de recherches vétérinaires (LNERV) qui appartient au ministère de l’Agriculture et de l’Équipement rural (MAER) et fait partie intégrante du système des services vétérinaires au niveau de l’Organisation internationale de l’élevage (OIE). Le LNERV est, depuis 2007, le laboratoire régional de référence dans le cadre du réseau des laboratoires vétérinaires africains pour la grippe aviaire et les maladies transfrontalières. Depuis 2017, il a été désigné comme laboratoire régional de référence des maladies zoonotiques pour l’Organisation ouest africaine de la santé (OOAS).

S’inspirant du concept « ONE HEALTH », le Sénégal a élaboré en 2017 un plan national de sécurité sanitaire (2017–2021) basé sur une approche multisectorielle intégrant les volets de santé humaine, animale et environnementale. Ce plan comporte 10 domaines d’activités :

  • activités de surveillance et de laboratoire ;

  • triage et soins des patients ;

  • mesures de contrôle des infections ;

  • acquisition et distribution des médicaments ;

  • acquisition et distribution des vaccins ;

  • gestion des décès massifs ;

  • santé mentale ;

  • logistique ;

  • communication et éducation de la population ;

  • commandement-contrôle-continuité des opérations.

Principales actions menées dans le cadre de la riposte

Pour faire face à l’évolution inquiétante de l’épidémie, le pays a entrepris de mener des actions qui sont déclinées ci-dessous :

  • réunion extraordinaire du Comité national de gestion des épidémies (CNGE) le 20 janvier avec l’activation des différentes commissions ;

  • élaboration d’un plan national de préparation et de riposte face à la pandémie COVID-19 ;

  • notification à l’OMS par le point focal national RSI (règlement sanitaire international) des cas confirmés de COVID-19 ;

  • activation du centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS) le 2 mars ;

  • suivi par le COUS des réunions journalières du groupe de coordination opérationnelle ;

  • réunion hebdomadaire du CNGE ;

  • suivi des réunions des Comités régionaux de gestion des épidémies (CRGE) ;

  • tenue de deux visioconférences avec l’OOAS les 03 et 06 mars pour faire le point sur la situation épidémiologique ;

  • implication effective des partenaires : OMS, OOAS, CDC, Unicef, Usaid, Croix-Rouge sénégalaise, etc.

Conscient du risque de l’évolution de l’épidémie vers une pandémie, le Président de la République a convoqué le 14 mars un conseil présidentiel axé sur la riposte. Le 19 mars, un plan de contingence de lutte contre la pandémie COVID-19 a été élaboré pour une durée initiale de six mois et d’un coût de cent millions (100 000 000) d’euros. Parallèlement à ce plan largement inspiré de plan national de sécurité sanitaire, le Président de la République a initié la conception d’un « programme de résilience économique et sociale » (PRES) d’un coût de 152 671 000 euros = 1000 milliards de FCFA, équivalent à environ un quart du budget national et comportant quatre volets :

  • le renforcement du secteur de la santé (équipements, formation, recrutement, constructions) ;

  • le renforcement de la résilience de la population avec la distribution de denrées alimentaires de première nécessité et d’aliments pour le bétail (150 000 000 euros) ;

  • la stabilité macroéconomique (1 225 000 000 euros : prêts, annulation de taxes, subvention aux entreprises) ;

  • l’appui à la diaspora (soutien financier aux impactés, rapatriement de voyageurs et des dépouilles = 23 000 000 euros).

Un comité de suivi COVID-19 a été mis en place par le Président de la République. Dirigé par un général des Forces armées, il est composé de députés, de syndicalistes, de membres de la société civile, de représentants du gouvernement et de l’association des élus locaux. Ce comité rend compte directement au Président de la République.

Les Forces armées ont apporté leurs expertises dans les activités suivantes :

  • la mise à disposition de personnel pour l’état-major du comité de suivi ;

  • le déploiement d’un hôpital de campagne comprenant une centaine de personnes à Touba premier épicentre et destiné à la suppléance du centre de santé devenu centre de traitement COVID-19 ;

  • l’aménagement du service de maladies infectieuses et de la réanimation médicale de l’hôpital d’instruction des armées de Dakar pour accueillir les patients de la COVID-19 ;

  • le concours des deux hôpitaux militaires de Dakar à la réalisation des tests de laboratoire ;

  • le renforcement en personnel des centres de traitements des structures sanitaires civiles ;

  • la fabrication de masque au niveau des ateliers de confection de la direction de l’intendance des armées ;

  • l’appui à la fourniture en pain aux Forces de sécurité ;

  • la mise à disposition de moyens logistiques pour la distribution des denrées alimentaires ;

  • les contrôles pendant le couvre-feu ;

  • le transport des dépouilles rapatriées vers les cimetières et du transfert des personnes contacts vers les centres de quatorzaine par les sapeurs-pompiers ;

  • la mise à disposition d’un centre aéré de plus de 200 lits pour les confinements ;

  • la mise à disposition d’un site de traitement au niveau du centre d’entraînement tactique no 7 (lieu de regroupement des troupes en préparation pour les opérations extérieures).

Pendant la mise en œuvre du plan de lutte ; certaines décisions des autorités (ministre de l’Intérieur, ministre de la Santé, ministre de l’Éducation nationale, ministre de l’Enseignement supérieur, ministre du Tourisme et des Transports aériens) ont été prises après avis du Comité de gestion de la pandémie COVID-19 ; ces décisions sont des témoins de changements de la stratégie de lutte (Tableau I ).

Tableau I.

Chronologie des principales décisions prises.

Semaine Décisions
S 1 (2–8 mars) 1er cas importé
S 3 (16–22 mars) Fermeture des frontières
S 4 (23–29 mars) 23 mars : état d’urgence et couvre-feu
S 8 (20–26 avril) 20 avril : port du masque obligatoire
Fermeture des lieux de culte
S 11 (11–17 mai) Réouverture lieux de culte
15 mai : suivi des cas contacts à domicile
S 14 (1–7 juin) 02 juin : réouverture des classes d’examen (CM2, 3e, terminales, CAP, BEP, BTS)
Reprise des transports interrégionaux
04 juin : allégement du couvre-feu et de l’état d’urgence
S 16 (15–21 juin) 20 juin : levée du couvre-feu et de l’état d’urgence
S 17 (22–28 juin) 25 juin : report de l’ouverture des classes
S 18 (29 juin–05 juillet) Tests limités aux contacts symptomatiques
Traitement des cas simples à domicile
S 21 (13–19 juillet) 15 juillet : ouverture des frontières aériennes avec tests pour les voyageurs et réciprocité entre pays
S 32 (03–09 août) Interdiction des rassemblements
Contrôle plus strict du port du masque dans les lieux publics et les transports

Bilan de la pandémie COVID-19

Après une campagne de sensibilisation visant à une meilleure connaissance de la maladie et des mesures de prévention, la population est invitée à contacter, soit les districts sanitaires, soit le samu national grâce à des numéros largement diffusés.

En cas de symptomatologie suspecte, les patients ayant contacté les services compétents sont ; soit transférés par le samu, soit par les ambulances des structures sanitaires locales vers les centres de traitement.

Jusqu’au 15 mai, tous les cas contacts ont été acheminés vers les centres de confinement composés de 353 hôtels et autres réceptifs ; cette stratégie a été remplacée par l’autoconfinement à domicile lorsque les capacités de ces centres ont été dépassées.

Il a été mis sur pied 35 centres de traitement, dont 26 hospitaliers et neuf extrahospitaliers. La région qui abrite la capitale dispose de 13 centres de traitement et chacune des autres régions en abrite au moins un.

Le dispositif des laboratoires à travers le pays qui a permis de réaliser 128 744 tests à la date du 11 août 2020 (Fig. 2 ).

Figure 2.

Figure 2

Dispositif des laboratoires COVID-19 au Sénégal et activités.

À la date du 07 août, le bilan s’établit comme suit : 10 887 cas, dont 232 personnels de santé, 7186 guéris, 225 décès, 3475 sous traitement, 39 cas en réanimation (Figure 3, Figure 4 ).

Figure 3.

Figure 3

Répartition des cas de COVID-19 au Sénégal par région à la date du 07 août 2020.

Ministère de la Santé et de l’Action sociale du Sénégal.

Figure 4.

Figure 4

Répartition des cas de COVID-19 dans la région de Dakar, capitale du Sénégal.

Ministère de la Santé et de l’Action sociale du Sénégal.

La répartition des cas montre une forte prédominance des plus de 60 ans (Fig. 5 ). L’âge moyen des cas graves est de 64 ans (extrêmes entre 14–92 ans) et la létalité de ces cas graves se situe entre 41 et 45 %. En ce qui concerne les comorbidités, 84 % des patients ont un diabète et/ou une hypertension artérielle comme pathologie associée.

Figure 5.

Figure 5

Répartition des cas de COVID-19 au Sénégal selon l’âge.

Ministère de la Santé et de l’Action sociale du Sénégal.

L’évolution hebdomadaire des cas confirmés et des décès montrent une évolution ascendante permettant d’affirmer que le pic n’est pas encore atteint (Fig. 6 ). Le nombre de décès a connu une forte hausse au début de la pandémie, puis une évolution en dents de scie. Les cas graves de plus en plus nombreux ont entraîné une saturation des services et a conduit à une meilleure maîtrise de la prise en charge.

Figure 6.

Figure 6

Évolution du nombre de cas confirmés de COVID-19 et des décès au Sénégal.

Ministère de la Santé et de l’Action sociale du Sénégal.

Difficultés rencontrées dans la gestion de cette crise

La mise en œuvre du plan de contingence a été ponctuée de difficultés en rapport avec :

  • un nombre très réduit de lits de réanimation, dont l’essentiel est dans la capitale ;

  • une insuffisance de laboratoire habilité pour réaliser les tests, d’où des acheminements sur plus de 300 km ;

  • une très forte baisse de la fréquentation des établissements de santé pour les autres pathologies ;

  • une léthargie des programmes de santé préventive (santé de la mère et de l’enfant, programme national de lutte contre le paludisme) ;

  • à des problèmes d’approvisionnement en consommables (masques, gants) qui ne sont pas fabriqués dans le pays ;

  • à un déficit en personnel de santé, aggravé par la contamination de certains.

Conclusion

Face à la pandémie COVID-19, le Sénégal, qui avait tiré beaucoup d’enseignement de l’épidémie de fièvre Ebola, a organisé la lutte autour du concept « ONE HEALTH » en élaborant un plan de contingence inspiré du plan national de sécurité sanitaire.

Malgré des ressources limitées, le pays a pu obtenir des résultats probants en comparaison avec les pays les plus développés qui ont été plus éprouvés.

L’engagement des plus hautes autorités dans cette lutte multisectorielle adaptative permettra sans doute se soutenir les activités dans la durée.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.


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