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. 2020 Sep 12;59(598):20–22. [Article in French] doi: 10.1016/j.actpha.2020.06.010

Ibuprofène et paracétamol, promouvoir le bon usage

Ibuprofen and paracetamol, promoting proper use

Damien Malbos 1
PMCID: PMC7486287  PMID: 32952281

Abstract

L’ibuprofène et le paracétamol sont certainement les médicaments les plus connus et les plus consommés. Sur prescription, sur conseil ou en automédication, ils sont facilement accessibles à l’ensemble de la population. L’équipe officinale est garante de leur bon usage.

Mots clés: antalgique, anti-inflammatoire, bon usage, ibuprofène, paracétamol


L’ibuprofène et le paracétamol sont des médicaments dont l’usage est souvent injustement banalisé par les patients. Pourtant, leur consommation présente des risques non négligeables, qui nécessitent d’être régulièrement rappelés par l’ensemble des professionnels de santé, en particulier par l’équipe officinale. Durant l’épidémie de Covid-19, qui a placé ces deux molécules sur la sellette, les autorités de santé ont recommandé de privilégier le paracétamol pour lutter contre la fièvre.

L’ibuprofène

L’ibuprofène est un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), plus précisément un dérivé de l’acide propionique [1], [2], [3], [4]. C’est le chef de file de cette classe médicamenteuse (encadré 1 ).

Encadré 1. Posologie de l’ibuprofène.

Adulte : 400 mg au maximum par prise, à renouveler si nécessaire toutes les six à huit heures, sans dépasser trois comprimés à 400 mg par jour (soit 1 200 mg par jour).

Enfant de 3 mois à 12 ans : privilégier la forme sirop, à raison de 20 à 30 mg par kg et par jour, répartis en trois ou quatre prises, sans dépasser 30 mg par kg et par jour (espacement des prises d’au moins six heures).

Privilégier la dose minimale efficace et limiter la durée de traitement sans avis médical à cinq jours en cas de douleur et trois jours en cas de fièvre.

Propriétés pharmacologiques

Les AINS possèdent de nombreuses propriétés pharmaco- logiques, notamment anti-inflammatoires, antalgiques, antipyrétiques et antiagrégants plaquettaires (à faibles doses) [2].

Leur action anti-inflammatoire est expliquée par l’inhibition des cyclo-oxygénases (COX), mais aussi par les effets des prostanoïdes (prostaglandines E2, I2, G2) et du thromboxane (TX). Elle se traduit par une réduction de la vasodilatation, de l’œdème et de la douleur. D’autres effets sont rapportés, telles une diminution de la migration des leucocytes (polynucléaires neutrophiles et macrophages), une stabilisation de la membrane des lysosomes et une limitation de la formation des radicaux libres.

Les COX jouent un rôle essentiel dans la cascade inflammatoire. Il en existe deux types, COX-1 et COX-2, responsables de la synthèse de médiateurs chimiques (prostanoïdes et TX) impliqués dans la transmission des informations entre les cellules et dans le mécanisme de l’inflammation. Elles constituent donc une cible privilégiée des diverses thérapeutiques anti-inflammatoires. L’inhibition non sélective de ces médicaments est toutefois responsable de nombreux effets indésirables. C’est notamment le cas avec l’ibuprofène, une molécule ancienne qui manque de sélectivité. Des spécialités visant à être plus sélectives ont été mises sur le marché : il est question d’AINS sélectifs des COX-2 ou de coxibs.

Effets indésirables

Les effets indésirables des AINS liés à l’inhibition de la synthèse des prostaglandines se traduisent par :

  • une toxicité digestive ;

  • une toxicité rénale (insuffisance rénale fonctionnelle ou rénale aiguë, rétention hydrosodée, hyperkaliémie) ;

  • un risque de bronchoconstriction, par majoration de la synthèse des leucotriènes dotés de propriétés bronchoconstrictives.

Compte tenu des dosages disponibles, cette classe d’anti-inflammatoires semble ne pas être à l’origine d’effets indésirables hémostatiques. L’ibuprofène ne majorerait pas le risque hémorragique.

D’autres effets indésirables, indépendants des prostaglandines, peuvent être rapportés : des réactions d’hypersensibilité (rash, prurit, urticaire, dermatose bulleuse), des accidents hématologiques (anémie, leucopénie, thrombopénie), des accidents hépatiques et un risque accru de syndrome de Reye.

Contre-indications

Les AINS sont contre-indiqués en cas d’hypersensibilité au produit, d’ulcère gastroduodénal évolutif, d’insuffisance hépatique ou rénale sévère, d’insuffisance cardiaque non contrôlée et chez l’enfant de moins de 15 ans.

De même, leur usage chez la femme enceinte est proscrit à partir du sixième mois de grossesse. S’il n’est pas tératogène, l’ibuprofène est responsable d’une toxicité fœtale pouvant se traduire par une insuffisance rénale, une hémorragie ou une insuffisance cardiaque expliquée par une fermeture précoce du canal artériel [3].

Recommandations d’utilisation

L’ibuprofène a longtemps été privilégié par rapport à l’aspirine et au paracétamol, mais les stratégies thérapeutiques se sont inversées. Le paracétamol doit dorénavant être utilisé en première intention en cas de fièvre ou de douleur d’intensité légère à modérée, en particulier dans la population pédiatrique.

Les centres régionaux de pharmacovigilance ont rapporté des cas d’aggravation des symptômes lors de viroses ou d’infections bactériennes sévères, notamment à pneumocoque et à streptocoque, qui se sont manifestés par des infections des tissus mous, pulmonaires, neurologiques ou oto-rhino-laryngologiques. Les mécanismes impliqués ne sont pas encore clairement connus, mais il est avancé que les AINS pourraient perturber la résolution du processus inflammatoire dans un contexte infectieux, d’où un risque majoré d’infections et de complications infectieuses.

En cas de varicelle, le principal risque concerne des complications infectieuses cutanées de type fasciite nécrosante, pyodermite gangréneuse et abcès cutané.

Bien qu’à ce jour aucune étude scientifique n’ait évalué l’implication d’un AINS dans l’aggravation d’une infection par la Covid-19, le principe de précaution est de rigueur : les AINS sont fortement déconseillés chez les patients concernés [4].

Le paracétamol

Le paracétamol est l’une des molécules le plus souvent prescrites et conseillées au comptoir [5], [6], [7], [8], mais aussi utilisées en automédication ( encadré 2 ). Pourtant, des zones d’ombre persistent sur son mécanisme d’action pharmacologique.

Encadré 2. Posologie du paracétamol.

Adulte et enfant de plus de 15 ans (>   50 kg) : 500 à 1 000 mg maximum par prise, une à trois fois par jour, sans dépasser 3 g par jour sans avis médical. La dose maximale de 4 g par jour est à réserver dans les douleurs sévères de l’adulte et sur avis médical.

Enfant : 60 mg par kg et par jour, à répartir en quatre prises, soit environ 15 mg par kg toutes les six heures sans dépasser quatre prises par jour.

Mécanismes d’action

Plusieurs mécanismes ont été évoqués pour expliquer l’action du paracétamol, antalgique de palier I et antipyrétique. La première hypothèse évoquait une inhibition des COX, dont une inhibition sélective de la COX-3. Cependant, l’étude de son effet antalgique en dehors d’un contexte inflammatoire suggère qu’un mécanisme différent entre en jeu.

Si l’inhibition des COX est partiellement admise, d’autres hypothèses mécanistiques centrales ont donc été émises : activation du système sérotoninergique, implication du système endocannabinoïdergique (activation des récepteurs de cannabinoïde de type 1) ou encore du système endovanilloïdergique central (activation des récepteurs Transient Receptor Potential Vanilloid Type 1 centraux). Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une molécule ancienne, le paracétamol fait encore l’objet de nombreux travaux de recherches.

Indications

Le paracétamol possède de larges indications : il est utilisé dans le traitement des douleurs d’intensité légère à modérée (céphalées, migraines, algies dentaires, arthrose, lombalgie aiguë ou chronique, douleurs postopératoires) et dans celui des états fébriles [6].

En cas de fièvre ou de douleur chez l’enfant, il est devenu le traitement de première intention.

Présentations

Le paracétamol est disponible sous de nombreuses formes galéniques : comprimé, suppositoire, sirop, poudre, lyophilisat, solution injectable, stick à avaler, etc.

Il peut être associé à d’autres substances médicamenteuses, comme la caféine, la codéine et la poudre d’opium.

Tolérance

Le paracétamol est une molécule très bien tolérée, qui entraîne peu d’effets indésirables lorsqu’elle est utilisée à faible dose thérapeutique. Seuls de très rares cas d’hypersensibilité, mais aussi de leucopénie, de trombopénie et de neutropénie ont été observés.

Risque hépatique

Des accidents de surdosage, volontaires ou involontaires, sont très souvent rapportés avec le paracétamol. Le surdosage se traduit par une accumulation de métabolites à forte toxicité hépatique conduisant, dans les cas les plus extrêmes, à une insuffisance hépatique fatale. Le patient doit donc être transféré en urgence à l’hôpital, où un dosage plasmatique du paracétamol et de plusieurs autres substances médicamenteuses sera réalisé afin d’évaluer l’importance du surdosage. L’antidote du paracétamol, la N-acétylcystéine, lui sera immédiatement administré.

Pour limiter les risques de surdosage, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a lancé, en 2018, une première campagne de consultation publique pour sensibiliser les patients et les professionnels de santé au risque de toxicité hépatique. En 2019, elle a finalement imposé aux laboratoires pharmaceutiques de faire figurer sur le conditionnement des médicaments contenant du paracétamol plusieurs messages d’alerte comme : “Surdosage  =  danger. Dépasser la dose peut détruire le foie” ou “Surdosage  =  danger. Ne pas prendre un autre médicament contenant du paracétamol” [7].

Les professionnels de santé doivent rappeler les recommandations de bon usage aux patients, telles que respecter la dose maximale quotidienne et la durée de traitement recommandées. Ils doivent aussi vérifier la présence de paracétamol dans les autres médicaments prescrits ou consommés. Certaines populations nécessitent une vigilance particulière, notamment les personnes pesant moins de 50 kg, mais aussi les patients souffrant d’une insuffisance hépatique et/ou rénale, ou d’un alcoolisme chronique.

Conclusion

Toutes les spécialités pouvant contenir du paracétamol et de l’ibuprofène ont été placées derrière le comptoir et ne sont plus disponibles en accès direct depuis le 15 janvier 2020 [8]. Cette mesure permet aux membres de l’équipe officinale de délivrer ces médicaments dans de bonnes conditions et de mettre en exergue leur valeur ajoutée.

Points à retenir.

  • L’ibuprofène possède des actions anti-inflammatoires, antalgiques, antipyrétiques et antiagrégants plaquettaires (à faibles doses).

  • Les effets indésirables de l’ibuprofène sont liés à l’inhibition de la synthèse des prostaglandines : toxicité digestive et rénale, allergie, bronchoconstriction.

  • L’ibuprofène est contre-indiqué en cas d’hypersensibilité, d’ulcère gastroduodénal en évolution, d’insuffisance hépatique ou rénale sévère, d’insuffisance cardiaque non contrôlée ou chez l’enfant de moins de 15 ans.

  • Le paracétamol est l’une des molécules le plus souvent prescrites et conseillées au comptoir.

  • Le paracétamol est très bien toléré et présente peu d’effets indésirables lorsqu’il est utilisé à faible dose thérapeutique, mais il devient hépatotoxique à doses élevées.

Inline graphicLes effets indésirables des anti-inflammatoires non stéroïdiens liés à l’inhibition de la synthèse des prostaglandines se traduisent par une toxicité digestive et rénale, ainsi que par un risque de bronchoconstriction.

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

  • 1.Devillier P. Pharmacologie des anti-inflammatoires non-stéroïdiens et pathologies ORL. Presse Med. 2001;30(39–40):70–79. [PubMed] [Google Scholar]
  • 2.Vidal. AINS (traitement par). Prise en charge. 14 mai 2020. www.vidal.fr/recommandations/4022/ains_traitement_par/prise_en_charge/.
  • 3.Quoi de neuf ? Risque fœtal et néonatal des AINS pris en fin de grossesse ? J Pediatr Puericult 2015;28(4):210-1
  • 4.Micallef J., Soeiro T., Jonville-Béra A.P., French Society of Pharmacology Therapeutics (SFPT). Non-steroidal anti-inflammatory drugs, pharmacology, and COVID-19 infection. Therapie. 2020 doi: 10.1016/j.therap.2020.05.003. [S0040-5957(20)30092-5] [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 5.Mallet C., Barrière D.A., Eschalier A. Le paracétamol : un ancêtre plein d’avenir. Therapie. 2012;67(4):277–281. doi: 10.2515/therapie/2012039. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 6.Olive G. Traitement analgésique/antipyrétique: ibuprofène ou paracétamol ? Mise au point. Therapie. 2006;61(2):151–160. doi: 10.2515/therapie:2006034. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 7.Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Paracétamol et risque pour le foie : un message d’alerte ajouté sur les boîtes de médicament–Communiqué. 9 juillet 2019. www.ansm.sante.fr/S-informer/Communiques-Communiques-Points-presse/Paracetamol-et-risque-pour-le-foie-un-message-d-alerte-ajoute-sur-les-boites-de-medicament-Communique.
  • 8.Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Bon usage du paracétamol et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : ces médicaments ne pourront plus être présentés en libre accès–Point d’information. 17 décembre 2019. www.ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Bon-usage-du-paracetamol-et-des-anti-inflammatoires-non-steroidiens-AINS-ces-medicaments-ne-pourront-plus-etre-presentes-en-libre-acces-Point-d-Information.

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