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. 2020 Sep;66(9):e228–e237. [Article in French]

Mise à jour sur les effets indésirables des traitements antimicrobiens en pratique communautaire

Samiha Mohsen 1, James A Dickinson 2,, Ranjani Somayaji 3
PMCID: PMC7491662  PMID: 32933991

Résumé

Objectif

Rassembler l’information sur les effets indésirables des antibiotiques, que pourront utiliser les médecins prescripteurs comme référence et ressource d’apprentissage.

Qualité des données

Une recherche a été effectuée dans les sites web de diverses agences nationales indépendantes et dans de récentes revues de synthèse. Un tableau résume les effets indésirables de chaque groupe d’antimicrobiens et en indique les allergies, les effets nocifs à court terme et les effets nocifs graves. La fréquence de chaque effet indésirable apparaît au tableau lorsque disponible.

Message principal

Les antimicrobiens sont nécessaires pour traiter diverses maladies. Ils causent cependant des effets indésirables, tels que des réactions allergiques, en plus d’augmenter la résistance bactérienne. Nous sommes de plus en plus conscients du besoin de détecter et d’évaluer les effets indésirables associés aux médicaments. Des effets nocifs graves ont récemment été associés à des antibiotiques couramment utilisés. Ainsi, nous avons résumé, dans le présent article, les connaissances actuelles en matière d’effets nocifs liés aux antibiotiques oraux à action générale qui sont régulièrement utilisés en pratique familiale.

Conclusion

Il est difficile d’identifier et d’attribuer les probabilités exactes de la plupart des effets nocifs. Cependant, tous les antimicrobiens courants produisent des effets nocifs dont il faut tenir compte lors de la décision de prescrire. Nombreux sont les effets indésirables qui ne sont pas reconnus par les prescripteurs. Puisque les effets indésirables sont inévitables, les antimicrobiens doivent être prescrits pour la durée la plus brève possible, seulement lorsque la probabilité d’un bienfait surpasse le risque d’effets nocifs.


Les antibiotiques sont parmi les médicaments les plus souvent utilisés. Ils sont utiles pour le traitement des infections graves et potentiellement mortelles. Par ailleurs, leur utilisation entraîne la résistance bactérienne et des effets indésirables. La plupart des recherches ayant porté sur les antibiotiques se concentrent sur leurs bienfaits, mais beaucoup moins d’articles ont été publiés au sujet de leurs effets nocifs. Pourtant, lorsqu’ils prescrivent un médicament, les cliniciens doivent équilibrer les bienfaits et les effets nocifs potentiels liés aux médicaments prescrits. Lorsque le bienfait potentiel d’un médicament est grand, un risque modéré d’effets nocifs est acceptable. Cependant, lorsque le bienfait est négligeable, même un faible risque est inacceptable. Par exemple, lorsque le chloramphénicol était disponible et que peu d’autres médicaments traversaient la barrière hémato-encéphalique, il était utile contre la méningite et valait le faible mais grave risque d’anémie aplasique. Toutefois, après l’avènement d’antibiotiques plus sécuritaires contre la méningite, le risque est devenu trop grand. À leur lancement, les sulfonamidés étaient des « médicaments miracles », et ils étaient les seuls antibactériens commercialisés pour traiter de nombreuses infections. Ils ont été grandement utilisés pendant plusieurs années, mais leur contribution aux réactions cutanées sévères en a réduit l’utilisation1.

Les réactions allergiques sont les effets nocifs les mieux connus, et elles ont fait l’objet de récentes revues de synthèse2,3. On apprend aux professionnels médicaux à systématiquement s’informer des allergies avant de prescrire ou de distribuer des antibiotiques (ou d’autres médicaments). Les renseignements sur les allergies sont malheureusement peu précis, car beaucoup d’allergies ne sont pas répertoriées. Les faux positifs aux tests d’allergie sont également fréquents2.

La résistance communautaire aux antibiotiques est dans l’actualité et fait l’objet de nombreuses mises en garde quant à la possibilité et à la prévalence grandissante des infections multirésistantes sans autre option d’antibiothérapie, ainsi qu’au risque d’infection secondaire (plus particulièrement à Clostridium difficile)411. Cette résistance aux antibiotiques a lieu non seulement au niveau sociétal, mais aussi au niveau individuel; les personnes qui prennent plus d’antibiotiques ont plus tendance à acquérir d’autres infections et leur flore bactérienne est plus résistante à leur prochaine antibiothérapie8,9.

D’autres effets nocifs ou indésirables liés aux antibiotiques sont identifiés de plus en plus fréquemment. Les effets indésirables peuvent être courants ou rares et leur gravité peut varier; ils peuvent être proportionnels à la dose ou à la durée, ou encore complètement idiosyncrasiques. Malheureusement, les effets nocifs directs liés aux antibiotiques sont rarement identifiés par le patient ou le prescripteur, en partie parce que beaucoup de ces effets indésirables courants sont masqués par les effets de la maladie ou de l’infection (p. ex. nausées, vomissements) et que les patients ne les signalent pas. Certains effets indésirables se manifestent après la fin du traitement, donc si les patients ne sont pas suivis longitudinalement, le médecin ayant instauré l’antibiothérapie pourrait ne pas l’apprendre. Puisque beaucoup d’effets indésirables se manifestent à une fréquence relativement faible (et sont déterminés seulement dans le cadre d’études d’envergure ou d’une pharmacovigilance prolongée), il est difficile de les reconnaître ou de les attribuer directement à un médicament. Des effets nocifs graves ont récemment été rapportés à l’emploi de quinolones, des antibiotiques utilisés en pratique depuis de nombreuses années12.

Il est nécessaire d’avoir une connaissance précise des effets nocifs liés aux antibiotiques afin d’éclairer notre approche de prise en charge des infections, surtout en milieu communautaire. Il est difficile pour les médecins de connaître les diverses natures et fréquences des effets nocifs liés à chaque agent ou à chaque classe d’antibiotiques1315. Les renseignements sur les effets indésirables sont souvent abrégés ou simplifiés dans la documentation de référence des médicaments. Une des étapes clés de l’approche clinique de prise en charge des infections consiste à bien comprendre les bienfaits potentiels des antibiotiques et de les évaluer par rapport aux effets nocifs potentiels.

Objectif

Pour aider les médecins en pratique communautaire, nous avons résumé l’information sur les effets indésirables des antibiotiques afin de créer une ressource d’apprentissage et de référence aux fins de prescription. Nous avons effectué une revue et avons rassemblé les déclarations d’effets indésirables liés aux antimicrobiens fréquemment utilisés au-delà des réactions allergiques et de la résistance. Nous nous sommes concentrés sur les effets nocifs pouvant modifier les choix de prescription en pratique communautaire, mais nous n’avons pas recueilli les données sur les interactions médicamenteuses ou les surdoses.

Nous avons arrêté notre recherche aux antibiotiques et aux antifongiques oraux à action générale qui sont régulièrement utilisés en pratique communautaires : β-lactamines (pénicillines et céphalosporines), fosfomycine, lincosamides, linézolide, macrolides, méthénamine, métronidazole, nitrofurantoïne, quinolones, sulfonamidés, tétracyclines, vancomycine et antifongiques azolés.

Qualité des données

Nous avons effectué une recherche dans les sites web des agences nationales indépendantes importantes qui ont recours à des méthodes semblables de pharmacovigilance et de jugements quant à l’innocuité des médicaments16 : la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency du Royaume-Uni, l’European Medicines Agency, l’Australian Therapeutic Goods Administration et Medsafe de la Nouvelle-Zélande1721. Sur ces sites web, nous avons recherché chaque anti-microbien énuméré au Tableau 1 et en avons rapporté les réactions allergiques, les effets indésirables spontanément résolutifs et habituellement transitoires fréquents ainsi que les effets nocifs graves2,3,10,12,2263. Les effets nocifs graves désignent les manifestations pouvant entraîner le décès, causer un défigurement grave, perturber grandement la qualité de vie ou causer une perte ou une diminution substantielle de la mobilité16. Les effets nocifs graves incluent les mises en garde encadrées émises par la FDA pour alerter les prescripteurs d’un effet indésirable grave ou pour restreindre l’utilisation du médicament. Nous avons relevé très peu de conflits entre ces sites web sur les déclarations d’effets indésirables; en général, c’est la FDA qui fournissait le plus de détails. (Les mises en garde sur la moxifloxacine ne sont toutefois pas uniformes.)

Tableau 1.

Effets indésirables des antibiotiques : Les effets en caractères gras sont inclus dans les mises en garde encadrées de la FDA; le risque est indiqué selon les catégories du CIOMS (Tableau 2)22 lorsque la fréquence des effets indésirables n’était pas disponible.

MÉDICAMENTS RÉACTIONS ALLERGIQUES RÉACTIONS SPONTANÉMENT RÉSOLUTIVES ET HABITUELLEMENT TRANSITOIRES EFFETS NOCIFS GRAVES
β-lactamines
Pénicillines
  • Pénicilline V potassium

  • Éruption cutanée ou urticaire

  • Démangeaisons2

  • Peu fréquentes: anaphylaxie réelle hypersensibilité (0,01%)23

  • Fréquentes:allergie (9%)3

  • Peu fréquentes : effets gastro-intestinaux—vomissements

  • Nausées, diarrhée, ballonnement, indigestion, douleur abdominale et perte d’appétit (0,1 à 1 % des patients)23

  • Anaphylaxie mortelle (0,0015 à 0,002 %)3

  • Très rares : anémie médicamenteuse, inflammation rénale, maladie sérique2,23

  • Infection à Clostridium difficile24

  • Amoxicilline

  • Éruption cutanée (5 à 10 %)3

  • Anaphylaxie

  • Fréquentes : allergie3

  • Fréquentes:effets gastro-intestinaux25

  • Diarrhée (environ 2 %)25

  • Candidose (RC = 7,77, NNN = 27)25,26

  • Érythème fessier (50 %)27,28

  • Éruption cutanée chez les patients atteints de mononucléose29,30

  • Anaphylaxie30

  • Infection àC. difficile 30,31

  • Hématurie25

  • Amoxicilline et clavulanate

Mêmes que pour l’amoxicilline, en plus de :
  • Éruption cutanée

  • Urticaire2

Mêmes que pour l’amoxicilline, en plus de:
  • Fréquentes : effets gastro-intestinaux

  • Céphalée32

  • Diarrhée (RC = 3,30, NNN = 10)25,33

  • Candidose (RC = 7,77, NNN = 20)25,26

Mêmes que pour l’amoxicilline, en plus de :
  • Rares : hépatite médicamenteuse32

  • Infection à C. difficile (RR = 15,50)10,31

  • Cloxacilline

  • Très rares:éruption cutanée

  • Très rares:urticaire

  • Très rares: anaphylaxie2

  • Effets gastro-intestinaux34

  • Neutropénie avec éosinophilie34

Céphalosporines
  • Céphalexine (première génération), céfuroxime (deuxième génération) et céfixime (troisième génération)35,36

  • Fréquentes: effets dermatologiques (éruption cutanée : 1 à 2 %)2

  • Fréquentes : allergie(1,3 %)2

  • Fréquentes:effets gastro-intestinaux observés dans plus de cas sous la troisième génération que sous la première génération (2,5% pour première; 4,5 à 15% pour troisième)

  • Fréquentes : céphalées, symptômes neurologiques (étourdissements, paresthésie) (1 à 2 %)

  • Temps de Quick prolongé (4 %)

  • Syndrome semblable à une maladie sérique (0,024 à 0,2 %)2

  • Thrombophlébite (1 à 2 %)

  • Peu fréquentes : toxicités hématologiques (< 1 %)

  • Infection à C. difficile (troisième génération; RR = 15,33)10

Non–β-lactamines
Fosfomycine37,38
  • Éruption cutanée (1,4%)

  • Rares : œdème de Quincke

  • Diarrhée (10,4 %)

  • Nausée (5,2 %)

  • Céphalée (10,3 %)

  • Vaginite (7,6 %)

  • Rhinite (4,5 %)

  • Dorsalgie (3,0 %)

  • Dysménorrhée (2,6 %)

  • Troubles menstruels (< 1 %)

  • Pharyngite (2,5 %)

  • Étourdissements (2,3 %)

  • Douleur abdominale (2,2 %)

  • Douleur (2,2 %)

  • Dyspepsie (1,8 %)

  • Lymphadénopathie (< 1 %), anémie aplasique, asthme (exacerbation), ictère cholestatique, nécrose hépatique et mégacôlon toxique38

Lincosamides
  • Clindamycine

  • Très rares : allergie2

  • Très fréquentes : effets gastro-intestinaux—diarrhée le plus souvent (12 à 14 %)39

  • Effets dermatologiques (rougeur de la peau, éruption cutanée)

  • Réaction àC. difficile (RR = 29.97)10,39

Linézolide40
  • Fréquentes : éruption cutanée (2 %) et urticaire

  • Très rares : réactions allergiques

  • Nausée (6,2 %), constipation (2,2 %), vomissements, diarrhée (8,3 %)

  • Fièvre (1,6 %)

  • Étourdissements (2,0 %)

  • Myélosuppression (y compris anémie, leucopénie, pancytopénie et thrombopénie; irréversible dans certains cas. Surveiller la FSC toutes les semaines durant le traitement)

  • Infection à C. difficile

  • Neuropathie périphérique et optique (irréversible dans certains cas)

  • Hypertension, convulsions, acidose lactique

  • Syndrome sérotoninergique (inhibiteur faible de la MAO) lors de la prise d’inhibiteurs de la MAO ou de médicaments sérotoninergiques, surtout les ISRS ou IRSN, mais aussi d’autres médicaments

Macrolides
  • Infection à C. difficile (RR = 5.8)10

  • Érythromycine, clarithromycine et azithromycine

  • Rares : réaction cutanée allergique41,42

  • Effets gastro-intestinaux : douleur gastrique (NPT = 17), diarrhée (NPT = 19), nausée (NPT = 19) et vomissements (NPT = 45)41

  • Rythmes cardiaques irréguliers (irréversible; surtout lors de l’allongement du segment QT sous-jacent)42

  • Perte auditive (irréversible)41

  • Rares : décès d’origine cardiovasculaire (azithromycine)43

  • hépatite médicamenteuse mixte (idiosyncrasique)32

  • Infection à C. difficile : érythromycine (RR = 10,03), clarithromycine (RR =7,49) et azithromycine (RR = 2,88)

Méthénamine44
  • Éruption cutanée et urticaire (2 à 5 %)

  • Effets gastro-intestinaux (3,5 %)

  • Effets urologiques à fortes doses (p. ex. dysurie, pollakiurie, hématurie, albuminurie)

  • s.o.

Métronidazole45
  • Effets dermatologiques (3 %)

  • Effets gastro-intestinaux : surtout la nausée (12 %)

  • Goût métallique

  • Infection secondaire à espèces de Candida

  • Carcinogène chez les rats et les souris

  • Convulsions (à l’emploi prolongé, réversible)

  • Neuropathie périphérique (à l’emploi prolongé, irréversible)

  • Pancytopénie (réversible à l’arrêt du traitement)

  • Effets sur l’appareil reproducteur (dyspareunie, pression pelvienne, proctite, sécheresse vaginale, baisse de la libido; réversible)

  • Effets urologiques (p. ex. dysurie, polyurie, incontinence, urine foncée [1 sur 100 000]; réversible)

  • Autres:arthralgies, congestion nasale (réversible)

Nitrofurantoïne
  • Effets dermatologiques tels qu’éruption cutanée et DRESS2

  • Effets gastro-intestinaux tels que vomissements, diarrhée et douleur à l’estomac46

  • Nausée (8%), céphalée (6%) et flatulences (1,5%)46

  • Toxicité pulmonaire:réactions pulmonaires chroniques; pneumonite interstitielle diffuse, fibrose pulmonaire ou les deux (irréversible)46

  • Insuffisance hépatique médicamenteuse32

  • Anémie aplasique46

  • Neuropathie périphérique (irréversible)46

  • Anémie hémolytique46

Quinolones
  • Norfloxacine, ciprofloxacine, lévofloxacine et moxifloxacine

  • Rares:réactions allergiques3

  • Bouffées vasomotrices, démangeaisons et œdème de Quincke2

  • Effets gastro-intestinaux47

  • Céphalées12,47

  • Arthralgies et myalgies47

  • Neuropathies (engourdissement, picotements)47

  • Confusion47

  • Tendinite et rupture du tendon d’Achille, surtout chez les > 60 a ou à l’emploi concomitant de corticostéroïdes12,47,48

  • Risque accru de rupture de l’aorte abdominale12,49

  • Neuropathie périphérique persistante (irréversible)12,47

  • Dysglycémie, coma hypoglycémique47

  • Perturbations neurologiques ou psychiatriques50

  • Exacerbation de la myasthénie grave

  • Infection à C. difficile10:lévofloxacine (RR = 1,93), ciprofloxacine (RR = 8,03) et moxifloxacine (RR = 1,2)

  • Rares:décollement de la rétine (4 par 10 000)51

  • Hépatite médicamenteuse mixte52

  • Moxifloxacine:hépatite fulminante et nécrolyse épidermique toxique52

Sulfonamidés et médicaments connexes
  • Triméthoprime seul

  • Taux supérieur de réactions allergiques sous le triméthoprime-sulfaméthoxazole c. le triméthoprime seul (3,9 à 5% c. < 2%)53,54

  • s.o.

  • Triméthoprime-sulfaméthoxazole

  • Peu fréquentes:réactions allergiques graves pouvant entraîner le décès53

  • Effets gastro-intestinaux (3%)

  • Hyperkaliémie (environ 3%)55

  • Réactions d’hypersensibilité (0,09%):inclut anaphylaxie, syndrome de Stevens-Johnson, nécrolyse épidermique toxique, syndrome semblable à une maladie sérique, syndrome lupoïde, pneumonite, hépatite, néphrite interstitielle, vasculite et pancytopénie55

  • Rares:hépatite médicamenteuse mixte32

  • Infection à C. difficile (RR=3.32)10,55

Tétracyclines
  • Pourrait causer la décoloration permanente des dents pendant le développement de la dentition (deuxième moitié de la grossesse, petite enfance et enfance jusqu’à l’âge de 8 a)56

  • Peut causer des effets nocifs sur le fœtus lorsque administré à une femme enceinte56

  • Diarrhée liée à C. difficile56

  • Doxycycline

  • Éruption cutanée (1 %)57

  • Urticaire57

  • Réactions indésirables cutanées58

  • Effets gastro-intestinaux (jusqu’à 20 %)57

  • Phototoxicité (incidence de 3 % à 100 mg/j, 20 % à 150 mg/j, 42 % à 200 mg/j, 7,5 % dans l’ensemble)58

  • Prise pondérale anormale (23 % dans les cas d’endocardite de fièvre Q)58

  • Œsophagite59

  • Ulcères œsophagiens59

  • Réaction d’hypersensibilité57

  • Réaction semblable à une maladie sérique57

  • Infection à C. difficile (RR = 7,23)10

  • Minocycline

  • Éruption cutanée2

  • Urticaire2

  • Effets gastro-intestinaux (25 %)59

  • Effets neurologiques (vertige, ataxie, étourdissements, faiblesse)57

  • Réaction d’hypersensibilité57

  • Réaction semblable à une maladie sérique57

  • Lupus médicamenteux57

  • Pneumonite57

  • Hyperpigmentation de la peau (irréversible)58

  • Tétracycline

  • Éruption cutanée2

  • Urticaire2

  • Effets gastro-intestinaux59

  • Réaction d’hypersensibilité57

  • Réaction semblable à une maladie sérique57

  • C. difficile (RR = 14,04)10

Vancomycine60
  • Éruption cutanée

  • Nausée (17 %), douleur abdominale(15 %), vomissements (9 %), diarrhée (9 %), flatulences (8 %)

  • Fatigue (5 %)

  • Dorsalgie (6 %)

  • Céphalées (7 %)

  • Néphrotoxicité:rapportsd’insuffisance rénale (5%), surtout chez les > 65 a (irréversible dans certains cas)

  • Hypokaliémie (13 %)

  • Œdème périphérique (6 %)

Agents azolés
  • Fluconazole61

  • s.o.

  • Effets gastro-intestinaux (jusqu’à 7%)

  • Effets neurologiques (jusqu’à 3%; p. ex. étourdissements, céphalée, dysgueusie)

  • Insuffisance hépatique grave ou mortelle (irréversible dans certains cas)

  • Anaphylaxie

  • Autres:asthénie, convulsions, perturbations métaboliques (lipidémie) myalgie, insomnie, éruptions cutanées sévères, alopécie (plus fréquente dans les cas d’infection à VIH)

  • Itraconazole62

  • Effets dermatologiques (jusqu’à 3 %)

  • Effets gastro-intestinaux (jusqu’à 11%)

  • Effets généraux (jusqu’à 9%; p. ex. fatigue, fièvre, malaise)

  • Effets neurologiques (jusqu’à 10%; p. ex. étourdissements, céphalée, somnolence, rêves anormaux)

  • Baisse de la libido, impuissance (1%)

  • Effets cardiaques ou rénaux (jusqu’à 2%; p. ex. hypertension, hypokaliémie)

  • Hausse des enzymes hépatiques (4%)

  • Symptômes nasaux, sinusaux et respiratoires (jusqu’à 9%)

  • Hépatotoxicité : insuffisance hépatique mortelle

  • Réactions d’hypersensibilité

  • Perte auditive transitoire ou permanente (irréversible)

  • Autres : cytopénies, neuropathies, troubles visuels, dysgueusie, œdème pulmonaire, éruptions cutanées sévères (p. ex. syndrome de Stevens Johnson, vasculite), œdème

  • Kétoconazole63

  • Éruption cutanée

  • Nausées et vomissements (3 %), prurit (1,7 %), douleur abdominale (1,3 %)

  • Hépatotoxicité 3,6 % (IC à 95 % 3,2 à 4,2)

FSC—formule sanguine complète, CIOMS—Council for International Organizations of Medical Sciences, DRESS—éruptions d’origine médicamenteuse s’accompagnant d’éosinophilie et de symptômes généraux, FDA—Food and Drug Administration, MAO—monoamine oxydase, s.o.—sans objet, NNN—nombre néces-saire pour nuire, NPT—nombre de patients à traiter, RC—rapport de cote, RR—risque relatif, IRSN—inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, ISRS—inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine.

Le processus utilisé par ces agences pour identifier les réactions indésirables liées aux médicaments commence par l’identification d’un danger possible (un signal), qui est alors évalué et investigué plus en profondeur. Pour identifier un signal, les agences nationales s’appuient sur les déclarations de manifestations indésirables des médicaments. Les signaux sont également déterminés par la surveillance de l’information sur les effets indésirables de plusieurs autres sources (p. ex. données tirées d’études observationnelles et contrôlées). Les signaux sont alors décortiqués aux fins d’une investigation plus poussée en évaluant la qualité des données probantes, la plausibilité biologique, la gravité et la fréquence de l’effet. Les signaux choisis sont alors investigués en profondeur par l’entremise d’études mécanistiques de laboratoire et d’approches épidémiologiques16.

Puisque certains effets indésirables ne sont pas signalés par ces agences, nous avons également réalisé une recherche des publications scientifiques dans le but de fournir un tableau exhaustif des effets indésirables liés à chaque antimicrobien. Une recherche a été effectuée dans les bases de données MEDLINE, PubMed et Google Scholar, à l’aide des mots-clés suivants : adverse effects, prevalence, et les noms d’antimicrobiens précis et leurs synonymes. Nous avons répertorié la fréquence des événements indésirables, le cas échéant, dans la forme présentée (p. ex. pourcentage de patients, nombre nécessaire pour nuire, risque relatif). Lorsque la fréquence n’était pas rapportée, nous avons utilisé les descripteurs du groupe de travail Council for International Organizations of Medical Sciences (Tableau 2)22.

Tableau 2.

Descripteurs de la fréquence des événements

DESCRIPTEUR DU CIOMS FRÉQUENCE
Très fréquent > 1 sur 10
Fréquent 1 sur 10 à 1 sur 100
Peu fréquent 1 sur 100 à 1 sur 1000
Rare 1 sur 1000 à 1 sur 10 000
Très rare < 1 sur 10 000

CIOMS—Council for International Organizations of Medical Sciences.

Données du CIOMS Working Group IV22.

Message principal

L’identification des effets nocifs est une tâche difficile dont les résultats sont insatisfaisants. Les sites web officiels sont difficiles à utiliser, et les mises en garde sont souvent formulées avec beaucoup de précautions, ce qui les rend difficiles à bien comprendre. Nous avons relevé les effets indésirables courants et légers, de même que les effets plus graves, qui sont rares dans le cas des médicaments autorisés à demeurer sur le marché. Les effets allergiques sont surtout de nature dermatologique, quoique d’autres systèmes et appareils soient parfois touchés, surtout dans les cas graves tels que l’anaphylaxie2. Les effets nocifs graves persistants sont spécifiques à chaque groupe de médicaments1,3.

Tous les antibiotiques évalués causent des effets gastro-intestinaux (p. ex. nausées, vomissements, diarrhée, douleur abdominale, perte d’appétit, ballonnement), souvent parce qu’ils perturbent la flore intestinale. Les antibiotiques à large spectre causent aussi la prolifération d’espèces de Candida, surtout chez les personnes diabétiques. Les infections à Clostridium difficile sont plus souvent causées par l’ampicilline ou l’amoxicilline, la clindamycine, les céphalosporines de troisième génération (comme le céfotaxime et la ceftazidime) et les fluoroquinolones31. Alors que certains effets indésirables apparaissent après une antibiothérapie reçue à l’hôpital, environ la moitié des effets indésirables apparaissent après une antibiothérapie en milieu communautaire, souvent prescrite par des spécialistes qui ne sont pas médecins de famille pour traiter des problèmes médicaux complexes64,65. Teng et coll. ont utilisé le système de déclaration d’événements indésirables de la FDA pour calculer le risque relatif d’infection à C difficile10. Leurs résultats corroborent les estimations antérieures, sauf dans le cas des quinolones qui ont déjà démontré un risque plus élevé10. L’amoxicilline produit une éruption maculo-papuleuse répandue chez les patients qui présentent une anomalie monocytaire (p. ex. beaucoup de patients atteints d’une mononucléose infectieuse, de certaines leucémies ou d’une infection à VIH)29. Le site web de l’European Medicines Agency émet une mise en garde précisément contre la moxifloxacine causant l’hépatite fulminante19. Cette mise en garde est également obligatoire au Canada, mais pas aux États-Unis.

Le spectre d’action des quinolones est très vaste, les infections y sont de plus en plus résistantes, et certaines données en étayent les effets généraux, comme l’infection à C. difficile et autres effets nocifs précis. Les médecins doivent donc envisager d’autres médicaments contre les infections légères à modérées. La moxifloxacine n’est pas plus efficace que les autres quinolones, mais elle produit plus d’effets toxiques graves. Les médicaments d’association cumulent le risque d’effets indésirables des deux composants; ils ne doivent donc être utilisés que lorsque le spectre de la couverture est nécessaire. Le sulfaméthoxazole-triméthoprime est utile pour le traitement des infections graves à staphylocoque, la pneumonie à Pneumocystis jiroveci (anciennement pneumonie à Pneumocystis carinii) et autres infections atypiques. De nombreux médecins canadiens ignorent que dans beaucoup de pays, le triméthoprime seul est le traitement standard de la plupart des infections urinaires (y compris l’orchi-épididymite et la prostatite) et que la différence d’efficacité est imperceptible54. Le linézolide est rarement instauré en pratique communautaire, mais il faut être plus sensibilisé à son taux élevé d’effets indésirables et d’interactions lorsque les patients sous ce médicament reçoivent leur congé, habituellement en désescalade du traitement des infections à Staphylococcus aureus résistantes à la méthicilline. L’efficacité de la doxycycline et de la minocycline est comparable, mais la minocycline produit plus d’effets indésirables57,58, dont certains sont uniques, surtout si son emploi est prolongé. Il est difficile de comprendre pourquoi la minocycline est toujours prescrite66. Les macrolides, surtout l’azithromycine, ont été liés au décès d’origine cardiovasculaire, surtout chez les personnes âgées, mais de récentes revues systématiques et méta-analyses67 et les analyses des données administratives des É.-U.68 laissent penser que l’association apparente à l’infarctus du myocarde ou aux décès d’origine cardiovasculaire serait probablement le fruit d’un biais.

Limites

Les déclarations d’effets indésirables sont sporadiques, et peu de cliniciens reconnaissent et déclarent les effets indésirables, puisque la façon de le faire n’est pas publicisée, ne vient pas à l’esprit des médecins et n’est pas facilement accessible en cas de besoin. Les systèmes de pharmacovigilance active sont essentiels pour obtenir des données longitudinales liées aux habitudes de prescription des antimicrobiens, leur utilisation et leurs effets indésirables16. Les médecins de famille peuvent contribuer à la surveillance des effets indésirables des antimicrobiens (et autres) en déclarant toute réaction à Santé Canada, à https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/medeffet-canada/declaration-effets-indesirables.html.

Bien qu’il soit reconnu que presque tous les médicaments, et certainement les antimicrobiens, produisent des effets indésirables, il n’existe pratiquement pas de littérature indiquant le taux précis d’événements pouvant être utilisé en pratique clinique. Les études avec répartition aléatoire et contrôlées par placebo constituent le format idéal pour étudier les effets indésirables, mais les études portant sur les antibiotiques sont de durée fixe (habituellement brève) et saisissent rarement les événements qui font surface après l’emploi répété et prolongé. Les effets indésirables tirés d’études cliniques sont basés sur une dose standard administrée à des populations précises dans un contexte idéal, mais le taux d’effets indésirables varie grandement en situation réelle. Les études qui rapportent les événements indésirables au-delà des études cliniques initiales sont souvent limitées à des rapports ou des séries de cas et à des études de cohorte, dont les rapports sont souvent biaisés16. Le taux d’événements indésirables de certains agents a été noté au niveau de la population, mais ces renseignements ne sont pas uniformément disponibles, et les estimations varient. Depuis quelques années, les banques de données très volumineuses de dossiers médicaux permettent de mieux mesurer les effets nocifs, avec comme dénominateur la fréquence de prescription; cela devrait de plus en plus permettre de calculer le taux d’événements16.

Nos rapports s’appuient sur les banques de données et les revues de surveillance nationale primaires, et ont possiblement omis d’autres banques de données ou études, particulièrement dans le cas des événements rares. Nous avons relevé les événements indésirables qui étaient directement attribuables aux antibiotiques. Cependant, de nombreux facteurs entrent en jeu chez une personne donnée, y compris les facteurs de confusion liés à l’indication. C’est-à-dire que les patients plus malades qui ont plus de comorbidités ont plus tendance à obtenir l’aide d’un professionnel de la santé, seront plus probablement traités et présentent un risque supérieur d’effets indésirables (directement ou indirectement attribuables aux antimicrobiens)16. En outre, puisque ces patients prennent souvent plusieurs médicaments, il est difficile de déterminer les effets d’un médicament en particulier16.

Dans l’ensemble, les effets indésirables sont probablement sous-estimés vu la difficulté à les reconnaître et à leur attribuer une cause, et vu le taux limité de déclaration dans les systèmes de surveillance16. Cela signifie qu’il s’écoule souvent plusieurs années avant que les données soient suffisamment robustes pour en faire une identification officielle. Les agences comme Santé Canada et la FDA ajoutent les effets indésirables à une monographie s’ils sont graves et cliniquement significatifs, mais le taux est difficile à estimer16,69. Ainsi, les descriptions sont aussi précises que raisonnablement possible.

Conclusion

Les antimicrobiens se classent et continueront d’être classés parmi les traitements les plus souvent prescrits en pratique clinique. Alors que beaucoup d’antibiotiques sont rarement utilisés en pratique communautaire en raison de leurs effets nocifs fréquents et de la difficulté à les utiliser qui en résulte (p. ex. aminoglycosides), les antimicrobiens utilisés fréquemment en pratique communautaire causent également des effets indésirables. Les événements gastro-intestinaux et dermatologiques sont les plus fréquents, mais beaucoup d’antimicrobiens causent aussi des effets indésirables graves. Comme c’est le cas pour les autres aspects de notre pratique, les médecins doivent optimiser leur approche afin de maximiser les bienfaits et réduire au minimum les effets nocifs.

L’expression « moins c’est plus » s’applique à l’emploi des antibiotiques, qu’il soit question de les prescrire ou non et, une fois prescrits, de la durée du traitement. Puisque le plus grand facteur de risque d’effets indésirables est l’utilisation du médicament, nous devons prescrire le moins souvent possible—seulement lorsque nécessaire et pendant la durée la plus courte. Les brèves antibiothérapies ont montré être d’une efficacité équivalente à celle des traitements prolongés contre plusieurs affections, tout en réduisant la probabilité d’effets indésirables7072. Plusieurs lignes directrices recommandent maintenant de brèves antibiothérapies73,74, mais cette approche est utilisée moins souvent qu’on le souhaite.

Le tableau sommaire veut aider les prescripteurs à connaître les effets nocifs qu’ils pourraient causer. Il est nécessaire de poursuivre les travaux d’éducation, de surveillance active et de dissémination de l’information relative aux effets indésirables liés aux antimicrobiens afin d’optimiser les soins aux patients et les résultats.

Points de repère du rédacteur

  • ▸ Il est difficile d’identifier les effets nocifs des traitements antimicrobiens; les mises en garde sont souvent formulées avec beaucoup de précautions. Les effets secondaires indésirables courants et légers sont identifiés dans le présent article, de même que les effets plus graves, qui sont rares dans le cas des médicaments autorisés à demeurer sur le marché. Les effets allergiques sont surtout de nature dermatologique, quoique d’autres systèmes et appareils soient parfois touchés, surtout dans les cas graves tels que l’anaphylaxie. Les effets nocifs graves persistants sont spécifiques à chaque groupe de médicaments.

  • ▸ Tous les antibiotiques évalués causent des effets gastrointestinaux (p. ex. nausées, vomissements, diarrhée, douleur abdominale, perte d’appétit, ballonnement), souvent parce qu’ils perturbent la flore intestinale. Les antibiotiques à large spectre causent aussi la prolifération d’espèces de Candida, surtout chez les personnes diabétiques. Les infections à Clostridium difficile sont plus souvent causées par l’ampicilline ou l’amoxicilline, la clindamycine, les céphalosporines de troisième génération (comme le céfotaxime et la ceftazidime) et les fluoroquinolones.

  • ▸ Bien que certains effets indésirables apparaissent après une antibiothérapie reçue à l’hôpital, environ la moitié des effets indésirables apparaissent après la prise d’une antibiothérapie en milieu communautaire, souvent prescrite par des spécialistes qui ne sont pas médecins de famille, pour traiter des problèmes médicaux complexes.

Footnotes

Contributeurs

Mme Mohsen a dirigé l’obtention et l’organisation des données, et a rédigé la version préliminaire du manuscrit. Le Dr Dickinson a eu l’idée originale, a dirigé les efforts et a rédigé une grande partie de l’article. La Dre Somayaji a révisé l’article et y a ajouté le point de vue des maladies infectieuses.

Intérêts concurrents

Aucun déclaré

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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.

The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the September 2020 issue on page 651.

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