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. Author manuscript; available in PMC: 2020 Oct 28.
Published in final edited form as: Bull Cancer. 2015 Apr;102(4):297–299. [Article in French] doi: 10.1016/j.bulcan.2015.02.010

Les biphosphonates, nouveaux agents anticancéreux ?

Bisphosphonates as new anticancer agents

Jacques Robert 1, William C Reinhold 2
PMCID: PMC7592604  NIHMSID: NIHMS1612578  PMID: 26042254

Deux articles publiés en décembre 2014 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA (PNAS) [1,2] apportent un nouveau regard sur les biphosphonates. Ces composés, dont le chef de file est l’acide zolédronique (Zometa®), sont utilisés de longue date dans le traitement de l’ostéoporose et des métastases osseuses des cancers, en particulier du sein et de la prostate. Il a été noté de façon accessoire que ce traitement, dans les cancers du sein, s’accompagnait d’une réduction du volume tumoral et d’un allongement de la survie [3]. Par ailleurs, des études épidémiologiques avaient montré que des patients non cancéreux traitxs par biphosphonates pour ostéoporose avaient un risque plus faible de survenue d’un cancer du sein ou du côlon [4].

Plusieurs mécanismes ont été proposés dans le passé pour expliquer l’action des biphosphonates sur la croissance tumorale : inhibition de la farnésyl pyrophosphate synthase, activation des récepteurs Tγδ, inhibition du NFκB, inhibition de l’angiogenèse, etc., mais aucun de ces mécanismes n’était vraiment convaincant. Le travail présenté dans le premier article [1] montre clairement que la cible des biphosphonates est le récepteur de l’epidermal growth factor (EGFR). Un premier argument provient de l’établissement d’une « signature » de l’action de biphosphonates sur des lignées cellulaires, qui a révélé une silitude avec celles obtenues par des inhibiteurs de l’EGFR. Un deuxième argument est l’existence d’un site de liaison des biphosphonates au niveau du domaine kinase de l’EGFR. Enfin, les biphosphonates inhibent la prolifération de lignées cellulaires cancéreuses lorsque celle-ciest dépendante de l’EGFR : lignées de cancers du poumon présentant la mutation activatrice L858R ou la délétion Δ746–750 de l’exon 19, lignées de cancers colorectaux présentant une surexpression du gène EGFR, etc. L’ensemble de cette expérimentation particulièrement soigneuse démontre que la cible de ces biphosphonates est bien l’EGFR. Ces travaux confortent les observations originales faites sur le panel de 60 lignées cellulaires du National Cancer Institute (NCI-60) et non encore publiées. Rappelons que cette base de données [5] permet d’accéder librement aux mesures de cytotoxicité réalisées avec près de 20 000 composés sur les 60 lignées, dont la caractérisation très complète sur le plan moléculaire (profils d’expression des gènes de des micro-ARN, séquence de l’exome, etc.) est également disponible en accès libre. En recherchant quelles étaient les molécules qui étaient plus actives sur les trois lignées de cancer de sein de type « triple négatif » que sur les deux lignées de type « luminal » (il n’existe pas de lignées de type « ERBB2 amplifié » dans la collection du NCI), on obtient peu de molécules qui satisfont à ce critère, contrairement au critère inverse (plus actives sur les lignées luminales que sur les lignées triple négatives). En se limitant à celles déjà utilisées en clinique (quelle que soit leur indication), figure l’acide zolédronique (figure 1). Un point important dans cette comparaison entre lignées cellulaires originaires de cancers du sein est que l’acide zolédronique y apparaît supérieur à toutes les molécules actuellement utilisées en cancérologie (158 « FDA approved drugs ») ou en essais cliniques (79).

Figure 1.

Figure 1

Représentation graphique des IC50 de 20 861 composés vis-à-vis des lignées de la collection NCI-60. Les IC50 sont exprimées en valeur relative dans les lignées triple négatives (TN : MDA-MB-231, HS-578T, BT-549) et les lignées exprimant le récepteur des œstrogènes (ER+ : MCF-7, T47-D). L’acide zolédronique est repéré par un point rouge, les médicaments classiques utilisés dans le cancer du sein (capécitabine, carboplatine, cyclophosphamide, docétaxel, doxorubicine, épirubicine, fluorouracile, gemcitabine, méthotrexate, mitomycine, mitoxantrone, paclitaxel, vincristine) sont repérés par des points verts, les inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase de l’EGFR (afatinib, erlotinib, géfitinib, lapatinib), ainsi que la rapamycine, par des points orangés

À la lumière de l’article [1], une recherche rapide montre que ces trois lignées triple négatives ont une surexpression d’un facteur 25 du gène EGFR par rapport aux lignées luminales (p = 0,03). En explorant la base de données de la Cancer Cell Line Encyclopedia (CCLE) [6] qui contient plus de 1000 lignées cellulaires, dont 59 lignées de cancer du sein, bien caractérisées sur le plan moléculaire mais non sur le plan pharmacologique (la cytotoxicité de l’acide zolédronique n’y a pas été évaluée), on retrouve une surexpression du gène EGFR dans les lignées de type triple négatif par rapport aux lignées de type luminal et de type ERBB2 amplifié, cette différence, d’un facteur 2,5, étant significative au seuil de p = 0,003. Enfin, dans la collection de près de 1000 cancers du sein du TCGA (The Cancer Genome Atlas), la situation est la même et la significativité de la différence entre les cancers triple négatifs et les autres est de 1,5 × 10−48 avec un rapport d’expression moyen de 5,3 (figure 2).

Figure 2.

Figure 2

Expression du gène EGFR dans les trois types de tumeurs de la collection du TCGA : triple négatives (TN), luminales (LUM) et amplifiant le gène ERBB2 (ERBB2). La différence entre les tumeurs triple négatives et l’ensemble des autres tumeurs est significative au seuil de 10−48

Il existe donc des bases rationnelles fortes pour expliquer l’activité des biphosphonates dans les cancers du sein triple négatifs, en suivant le syllogisme :

  • les biphosphonates exercent une inhibition sélective de l’EGFR et sont cytotoxiques selon ce mécanisme ;

  • or, les cancers du sein triple négatifs présentent une surexpression du gène EGFR par rapport aux autres cancers ;

  • donc, les cancers du sein triple négatifs pourraient bien être sensibles aux biphosphonates…

Le moment paraît propice pour lancer un essai clinique prospectif pour évaluer cette activité antitumorale. Les biphosphonates sont disponibles depuis longtemps et leur toxicité a été évaluée dans la pratique clinique de routine, dans la situation des cancers ayant métastasé au niveau osseux, en association avec des anticancéreux de divers types (anthracyclines, taxanes, cyclophosphamide). Il n’apparaît certes pas nécessaire de relancer des études de phase I avant d’évaluer l’activité antitumorale de ces composés dans le cancer du sein triple négatif métastatique sans métastase osseuse, une situation relativement fréquente pour ce type de cancer. Si l’on prend en compte la pénurie de molécules efficaces dans les cancers du sein triple négatifs, l’acide zolédronique présente pour le moins une option digne d’investigations cliniques.

References

  • [1].Yuen T, Stachnik A, Iqbal J, et al. Bisphosphonates inactivate human EGFRs to exert antitumor actions. Proc Natl Acad Sci U S A 2014;111:17989–94. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • [2].Stachnik A, Yuen T, Iqbal J, et al. Repurposing of bisphosphonates for the prevention and therapy of non-small cell lung and breast cancer. Proc Natl Acad Sci U S A 2014;111:17995–8000. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • [3].Coleman R, Gnant M, Morgan G et al. Effects of bone-targeted agents on cancer progression and mortality. J Nat Cancer Inst 2012;104: 1059–67. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • [4].Rennert G, Pinchev M, Rennert HS et al. Use of bisphosphonates and reduced cancer risk of colorectal cancer. J Clin Oncol 2011;29: 1146–50. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • [5].Reinhold WC, Sunshine M, Liu H, et al. CellMiner: a web-based suite of genomic and pharmacologic tools to explore transcript and drug patterns in the NCI-60 cell line set. Cancer Res 2012;72:3499–511. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • [6].Barretina J, Caponigro G, Stransky N, et al. The Cancer Cell Line Encyclopedia enables predictive modelling of anticancer drug sensitivity. Nature 2012;483:603–7. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]

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