Cher éditeur,
Lors de l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) liée au SARS-CoV (SARS-associated coronavirus) entre novembre 2002 et juillet 2003, la tomodensitométrie (TDM) thoracique ne retrouvait pas ou très peu d’épanchement pleural liquidien [1]. Lee et al. [2] n’en constataient aucun dans une cohorte de 138 patients. Parmi les 12 patients colligés par Müller et al. [3], un seul présentait un minime épanchement pleural bilatéral visible uniquement à la TDM de haute résolution.
En revanche, au cours de l’épidémie de MERS (Middle East respiratory syndrome) de 2012 liée au coronavirus MERS-CoV (MERS-related coronavirus), la fréquence des épanchements pleuraux était nettement plus élevée, de l’ordre de 33 % dans la revue générale de Hosseiny et al. [4] et de 30,9 % dans l’étude de Das et al. [5] incluant 55 patients. De plus, dans cette dernière étude, les épanchements pleuraux liquidiens étaient nettement plus fréquents chez les patients décédés du MERS que chez ceux ayant survécu (63 % versus 14 % ; p = 0,001).
Dans le contexte de la pandémie actuelle à SARS-CoV-2 (severe acute respiratory syndrome coronavirus 2), virus apparu en Chine en décembre 2019 [6], il nous a semblé intéressant d’étudier la fréquence et les caractéristiques des épanchements pleuraux dans les études comportant une TDM thoracique chez des patients ayant la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). La méta-analyse de Bao et al. [7], incluant 13 études, montrait que les opacités en verre dépoli représentaient l’anomalie la plus fréquente à la TDM thoracique (83 %). Les opacités étaient le plus souvent bilatérales (78 %), de localisation sous pleurale (77 %) et prédominant dans les zones basales et postérieures. Des zones de condensation alvéolaire y étaient associées dans 58 % des cas. Les autres anomalies fréquentes étaient les épaississements pleuraux adjacents aux opacités parenchymateuses (52 %) et les épaississements des septa interlobulaires (48 %). En revanche, les épanchements pleuraux liquidiens étaient rarement observés (6 %) ; ils étaient rares à la phase initiale de la COVID-19 et survenaient le plus souvent après l’apparition des opacités parenchymateuses et souvent trois semaines après le début de la pneumonie. Dans la revue systématique de Ye et al. [8], incluant 14 études portant sur les anomalies TDM au cours de la COVID-19, la prévalence des épanchements pleuraux était de 5 %, allant de 1 % à 8 %. Dans le travail de Li et al. [9] incluant 83 patients, dont 25 souffrant d’une forme sévère de la COVID-19, un épanchement pleural était noté dans 8,4 % des cas (7/83), mais uniquement dans les formes sévères (28 % ; n = 7/25).
Enfin, Hussein et al. [10], au Quatar, ont rapporté un cas d’épanchement pleural droit sans aucune anomalie parenchymateuse à la TDM thoracique. Pour les auteurs, il s’agit d’un aspect rare de la COVID-19. Le patient, un homme de 52 ans sans antécédents pulmonaires ni notion de contact avec un patient COVID-19, présentait depuis 3 semaines une douleur thoracique droite, une dyspnée et de la fièvre (température non renseignée). La radiographie thoracique et la TDM du thorax montraient un épanchement pleural droit de moyenne abondance avec un discret épaississement pleural associé, sans anomalies du parenchyme pulmonaire. La ponction pleurale ramenait un liquide trouble de couleur orangée. Les examens biologiques du liquide pleural retrouvaient les résultats suivants : pH : 7,5, glucose : 6,8 mmol/L, avec augmentation des lactate déshydrogénases (LDH) à 1185 U/L et des protides totaux à 60 g/L. L’examen cytologique de ce liquide pleural exsudatif montrait de rares cellules mésothéliales, un liquide inflammatoire avec 2450 leucocytes/mm3 (lymphocytes : 45 %, polynucléaires (PN) neutrophiles : 41 %, PN éosinophiles : 9 %) et une absence de cellules malignes. L’examen bactériologique du liquide pleural était négatif, avec notamment l’absence de bacilles acido-alcoolo résistants à l’examen microscopique et des cultures négatives pour Mycobacterium tuberculosis. Le test RT-PCR (reverse-transcription polymerase chain reaction) était positif pour le SARS-CoV-2. La thoracoscopie et les biopsies pleurales retrouvaient un aspect inflammatoire modéré avec de minimes adhérences pleurales. L’examen histologique montrait un exsudat inflammatoire fibrineux (associant fibrine, zones de fibrose et très nombreux PN neutrophiles ; quelques lymphocytes, plasmocytes et PN éosinophiles étaient notés dans certaines zones). Il n’était pas observé de granulomes ni de signes de malignité. Les cultures étaient négatives pour les mycobactéries. L’évolution clinique était favorable sous hydroxychloroquine et antibiotiques.
Chong et al. [11] ont décrit les caractéristiques du liquide pleural de 4 patients souffrant de la COVID-19 et présentant un épanchement pleural ; 5 prélèvements étaient étudiés, un patient ayant eu deux ponctions pleurales. Le délai moyen entre le diagnostic de la COVID-19 (test RT-PCR positif) et la ponction pleurale était de 18 jours. Dans 3 cas sur 5, l’aspect du liquide était séro-hématique ou hématique. Il était noté sur les 5 prélèvements une augmentation du nombre des hématies (2000 à 1 010 000/mm3) et des leucocytes (475 à 7738/mm3), avec une formule du liquide montrant de nombreux PN neutrophiles (46 %), des lymphocytes (33 %) et peu de PN éosinophiles (0–1 %). Il s’agissait d’un exsudat, avec augmentation importante des LDH (valeur moyenne : 1550 UI/L [284 à 3651UI/L]) et du pH (> 7,43 : valeur moyenne : 7,53 [7,43 à 7,57]). Le taux de glucose dans le liquide pleural était normal ou légèrement augmenté (taux moyen : 150 mg/dL [102 à 209 mg/dL]). Les examens bactériologiques étaient négatifs, avec des cultures négatives pour les bactéries, les champignons et les mycobactéries.
Les mécanismes physiopathologiques des épanchements pleuraux au cours de la COVID-19 sont mal connus. L’inflammation pulmonaire serait à l’origine d’une dysfonction endothéliale capillaire, avec microthrombi et augmentation de la perméabilité capillaire, permettant le passage de liquide dans la cavité pleurale [11]. Les autopsies réalisées chez des patients décédés de la COVID-19 à La Nouvelle-Orléans [12] montraient la présence de thromboses et de microangiopathie au niveau des petits vaisseaux et des capillaires pulmonaires, avec des zones d’hémorragie focales.
Dans le travail de Chong et al. [11], seulement 40 % des liquides pleuraux étaient lymphocytaires (taux de lymphocytes > 50 % des cellules nucléées), contrairement aux pleurésies dues aux autres infections virales [13] ou à la grippe aviaire (virus de la grippe A [H5N1]) [14]. Pour les auteurs, la lymphopénie observée chez les patients souffrant de la COVID-19 pourrait être une explication possible. D’autre part, chez la majorité des patients, le liquide pleural était hémorragique (hématies > 100 000/mm3). Le fait qu’ils recevaient tous des anticoagulants, non stoppés avant la ponction pleurale, pourrait l’expliquer en partie. Toutefois, il n’existe habituellement pas de risque hémorragique pour la simple ponction pleurale, contrairement à la biopsie pleurale [15]. En outre, lors des pleurésies hémorragiques, le taux de PN éosinophiles est souvent augmenté, alors que chez les patients de Chong et al., les PN éosinophiles étaient rares (0-1 %), comme observé dans les pleurésies associées aux infections virales [13], [16]. Le fait que tous les patients recevaient une corticothérapie pourrait expliquer la rareté des PN éosinophiles dans le liquide pleural. L’augmentation des LDH pourrait être expliquée par la nature hémorragique du liquide pleural, avec hémolyse des hématies ; toutefois, les LDH étaient également augmentées chez les patients ayant un liquide pleural d’aspect séreux. Une autre cause possible serait la réponse immunitaire et inflammatoire importante (« orage cytokinique ») lors de la seconde phase de la COVID-19, avec un turnover cellulaire très important [17]. Enfin, le taux normal ou légèrement augmenté du glucose dans le liquide pleural (taux moyen : 150 mg/dL) correspond à ce qui est observé au cours des autres infections virales [13].
Ainsi, les épanchements pleuraux liquidiens semblent rares au cours de la COVID-19 (< 10 %). Ils sont encore plus rares à la phase initiale de la maladie et surviennent le plus souvent 1 à 3 semaines après l’apparition des opacités parenchymateuses. En outre, une étude [9] notait que ces épanchements pleuraux étaient observés uniquement dans les formes sévères de la COVID-19 (fréquence des épanchements pleuraux : 28 %).
La TDM thoracique a donc une place essentielle chez les patients souffrant de la COVID-19 pour rechercher un épanchement pleural. Toutefois, des études complémentaires sont nécessaires pour mieux évaluer leur fréquence, leur chronologie par rapport aux opacités parenchymateuses. De plus, il serait important de savoir s’ils représentent ou non un facteur de risque de mauvais pronostic de la COVID-19, comme cela avait été observé lors de l’épidémie de MERS.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références
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