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editorial
. 2021 Feb 16;108(3):225–227. [Article in French] doi: 10.1016/j.bulcan.2021.02.001

Vaccination anti COVID-19 pour les personnes souffrant de cancer : un impératif médical et éthique

COVID-19 vaccination for cancer patients: Medical and ethical need

Jean-Philippe Spano 1,, Françoise Barre-Sinoussi 2, Marie Paule Kieny 3, Anne-Geneviève Marcelin 4,5, Jean-Yves Blay 6
PMCID: PMC7885674  PMID: 33674059

La pandémie actuelle de COVID-19 liée au SARS-CoV-2 est devenue en moins d’un an un défi de santé publique au niveau mondial, imposant une course à la recherche de traitements, une mise en commun des forces vives issues du monde de la recherche fondamentale, clinique et de l’épidémiologie, et une convergence des initiatives pour trouver les mesures les plus efficaces, dont la vaccination représente une arme essentielle à de nombreux égards.

D’une manière remarquable, peu après l’émergence du virus SARS-CoV-2, le séquençage de son génome a permis de le définir comme un bêta-coronavirus, dont la séquence (similaire à celle du SARS-Cov-1) est également similaire à 96 % avec celle d’un coronavirus de la chauve-souris (BATCOV RaTG 13) [1]. Le SARS-CoV-2 se lie aux cellules humaines via une interaction entre son domaine de liaison appelé RBD (receptor-binding domain) situé au niveau de la glycoprotéine trimérique S (Spike pour spicule) virale et le récepteur humain ACE 2 (enzyme de conversion de l’angiotensine 2). Cette protéine S est très importante à considérer car elle est aussi la cible principale pour le développement de vaccins contre la COVID-19.

Alors que le respect des mesures barrières et des diverses mesures de confinement demeure à court terme parmi les éléments clé de la lutte contre la pandémie, la recherche d’un traitement anti-viral efficace via différentes approches directes ou indirectes sur le virus, l’amélioration de la prise en charge des patients atteints à différents stades de la maladie (de la forme peu symptomatique aux formes les plus graves) et la vaccination restent et demeurent une arme fondamentale pour tenter d’éliminer les formes graves de la maladie et, à terme, réduire ou éliminer la transmission du SARS-CoV-2, et ainsi diminuer les conséquences délétères de cette pandémie, sur le plan médical, social et économique. Diminuer la morbidité et la mortalité liées à ce virus est notre premier défi. Les personnes les plus vulnérables, qui ont un risque élevé de développer des formes graves ont été identifiées. L’âge est le facteur le plus important qui majore, à partir de 50 ans et surtout à partir de 65 ans [2] la vulnérabilité associée à un certain nombre de conditions : obésité, immunodépression (VIH, patients transplantés, greffés), pathologies cardiaques chroniques et/ou respiratoires, diabète, insuffisance rénale chronique et pathologies malignes, tout particulièrement pour les patients en cours de traitements spécifiques. L’accès urgent à la vaccination est un enjeu majeur pour ces populations « vulnérables » ou « à haut risque ».

Plusieurs types de « plateformes » ont été utilisées pour développer des candidats vaccins contre la COVID-19. Parmi ces plateformes, l’ARN messager (ARNm) est une technologie qui n’avait jamais été expérimentée auparavant chez l’homme jusqu’à la preuve de concept. L’ARN messager simple brin hautement purifié qui forme le principe actif du vaccin code pour la protéine de spicule du SARS-CoV-2 est encapsulé dans des nanoparticules lipidiques pour le protéger de la dégradation et favoriser sa pénétration dans la cellule. Les vaccins candidats basés sur l’ARNm ont pourtant été développés dans des délais exceptionnels et les laboratoires Pfizer avec l’entreprise BioNTech [3] et la firme Moderna [4] ont démontré l’efficacité de ces nouveaux vaccins. L’ARNm a par ailleurs déjà été utilisé en cancérologie comme en témoigne la publication de Fiedler Katja, qui rapporte les résultats obtenus grâce à l’injection directe d’ARNm codant pour des antigènes tumoraux ou encore dans le cadre de programmes de thérapies cellulaires, via l’administration de cellules dendritiques du patient dirigées contre des antigènes ou néo-antigènes tumoraux [3].

Si les résultats [4], [5], des études vaccinales de phase III (BNT 162b2 et mRNA-1273) ont conclu à une efficacité de près de 95 % (IC95 % = 90,3–97,6) sur la réduction du nombre de cas de COVID-19 symptomatiques, nous ne disposons pas de résultats en termes d’efficacité et de tolérance pour les sous-groupes de patients décrits précédemment comme à haut risque de formes graves et en l’occurrence pour les patients atteints de pathologies malignes. Dans la mesure où il sera difficile d’établir l’efficacité clinique des vaccins dans des sous-groupes très spécifiques, il sera indispensable de pouvoir comparer les réponses immunes innées et adaptative humorale et cellulaire à celles induites dans la population pour laquelle l’efficacité a été démontrée. Les patients atteints de cancer en cours de traitement anti-tumoral ou spécifique sont à haut risque non seulement de contracter le virus mais aussi de développer des formes graves de COVID-19, en particulier lorsqu’il s’agit de stade avancé de la maladie [6], [7], [8], [9], [10]. Par ailleurs, les patients atteints de cancer peuvent, comme évoqué précédemment, avoir une moins bonne réponse immunitaire au SARS-CoV-2 et le rôle de la lymphopénie post-chimiothérapie ou radiothérapie selon les champs d’irradiation peut en être une cause non négligeable [11].

Ainsi, la mise en place d’une cohorte vaccinale COVID-19 nationale (intitulée COV-POPART, sous la direction du Pr Odile Launay) a été décidé pour pouvoir évaluer l’efficacité et la tolérance de la vaccination anti-COVID 19 dans les sous-populations à haut risque. Cette action sera soutenue par la nouvelle agence ANRS-Maladies infectieuses émergentes, et son objectif principal sera d’évaluer la réponse immunitaire induite par les différentes plateformes vaccinales dans diverses populations particulières afin de disposer d’éléments pour le choix du ou des vaccins les plus adaptés à chaque situation clinique et pour éclairer la politique de rappel vaccinal.

Pour ce faire, un protocole générique a été mis en place, qui se décline dans les différents groupes de populations particulières afin de comparer les caractéristiques et le potentiel des vaccins disponibles, par rapport à la population générale.

Pour les patients atteints de cancers ou tumeurs solides, une cohorte nationale spécifique est en cours de recrutement, mise en place sous la coordination des Professeurs Jean-Yves Blay et Jean-Philippe Spano, et quatre sous-groupes de patients sont prévus d'être analysés :

  • K1. Patients en suivi à long terme pour un cancer, sans traitement carcinologique depuis au moins six mois et moins de deux ans après la fin du traitement ;

  • K2. Patients qui ont reçu un traitement carcinologique actif autre qu’une chimiothérapie (thérapie ciblée, radiothérapie, chirurgie, hormonothérapie) dans le mois précédent ;

  • K3. Patients qui ont reçu un traitement carcinologique actif par chimiothérapie (seule ou en combinaison avec de l’immunothérapie, de la radiothérapie ou une thérapie ciblée) dans le mois précédent ;

  • K4. Patients qui ont reçu un traitement carcinologique actif par une ou plusieurs immunothérapie(s) en combinaison par anticorps anti-PD1, anti-PD-L1, anti-CTLA4 sans chimiothérapie.

Un suivi spécifique des patients atteints de cancer en France après leur vaccination anti-COVID-19 est donc prévu, qui fournira des informations précieuses pour optimiser le suivi de nos patients. De plus, l’émergence de nouveaux variants du SARS-COV-2 est devenue aujourd’hui une préoccupation majeure et il faudra donc évaluer l’efficacité vaccinale vis-à-vis de ces variants chez des patients plus fragiles comme les patients atteints de cancer.

En conclusion, le combat contre la pandémie de COVID-19 et le virus SARS-CoV-2 est un défi pour la santé mondiale. En France, l’épidémie demeure très active, avec plus de 20 000 cas quotidiens en moyenne début février 2021 [12]. Les patients atteints de cancer sont une population « vulnérable » (et ce, quel que soit l’âge, le sexe ou le type de tumeur), qui doit donc être considérée comme prioritaire pour la vaccination, comme souligné récemment par nos collègues de l’European Society of Medical Oncology (ESMO) à juste titre dans Annals of Oncology [13].

Déclaration de liens d’intérêts

JPS : Consultancy : MSD, Daiichi-Sankyo et adboard/symposium : Roche, Pfizer, AZ, LeoPharma, Myriads, BMS, Pierre Fabre Oncologie, Biogaran, Novartis, Lilly et Grant (MSD Avenir).

JYB : LYRICAN (INCA-DGOS-Inserm-12563), the French National Research Agency [LabEx DEvweCAN (ANR-10-LABX0061)], RHU4-DEPGYN (ANR-18-RHUS-0009), INCA&DGOS (NetSARC, RREPS, RESOS), INCA (InterSARC), European commission (EURACAN-EC739521), Fondation ARC, PIA Institut Convergence François Rabelais PLAsCAN (17-CONV-0002).

Références

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