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. 2021 Feb 25;70(2):94–101. [Article in French] doi: 10.1016/j.ancard.2021.01.006

Les conséquences du confinement sur les maladies cardiovasculaires

The consequences of the lockdown on cardiovascular diseases

A Aajal a, B El Boussaadani a,, L Hara a, C Benajiba a, O Boukouk a, M Benali a, O Ouadfel a, H Bendoudouch a, N Zergoune a, D Alkattan a, Z Mahdi b, A Najdi b, Z Raissuni a
PMCID: PMC7906014  PMID: 33642051

Abstract

Introduction

L’infection à Sars COV-2 causant la maladie du covid-19 a pris naissance en décembre 2019 à Wuhan en Chine. Puis, elle s’est propagée rapidement à plus de 100 pays en moins de trois mois. Le 11 mars 2020, l’OMS déclarait officiellement la pandémie Covid-19. En l’absence de traitement efficace contre le SARS-Cov2, les mesures de distanciation sociale et de confinement constituent à ce jour les moyens les plus efficaces de lutte contre la pandémie. Néanmoins, ces dernières mesures peuvent présenter des répercussions en particulier sur les patients suivis pour des maladies chroniques. Le but de notre étude sera d’évaluer l’impact du confinement chez les patients suivis pour des pathologies cardiaques non Covid-19.

Méthodes

Nous avons choisi un échantillon aléatoire de patients suivis au service de cardiologie du CHU Tanger-Tétouan Al-Hoceima. Nous avons collecté leurs données démographiques ainsi que l’évolution de leurs symptômes, leurs paramètres cliniques, biologiques, et leurs modes de vie au début du confinement et 60 jours après.

Résultats

Nous avons inclus 100 patients. L’âge moyen de notre population est de 55 ans ± 15,86. L’IMC (indice de masse corporelle) moyen est de 26,40 kg/m2 ± 5,84. La pathologie coronaire est présente chez 27 % des patients, valvulaire chez 40 %, et l’insuffisance cardiaque chez 37 %. Enfin, les troubles de rythme apparaissent chez 22 % et plus de la moitié de notre échantillon (52 %) est hypertendue. Nous avons constaté une prise moyenne significative de poids de 1,71 kg (p < 0,000) après 60 jours de confinement avec une augmentation de l’IMC de 0,58 kg/m2 (p < 0,005). Le pourcentage des patients ayant une PAS ≥ 140 mm Hg a connu une évolution de 38 à 44 %, soit une élévation de 6 % (p < 0,0001), alors que celui des patients ayant une PAD ≥ 90 mm Hg est passé de 21 à 15 % (soit une baisse de 6 %, p < 0,0001). Vingt patients avaient arrêté de fumer, soit une baisse de 7 % (p < 0,0001). Le taux de sédentarité présente une élévation de 22 % (p < 0,0001). Les apports caloriques journaliers ont été augmenté de 35,4 % et 46,8 % des patients ont augmenté leurs apports en sel de plus de 4 g/j. L’augmentation de l’apport calorique journalier concerne plus les hommes que les femmes (41,9 % des hommes vs 31,3 % des femmes). Chez la population hypertendue, nous n’avons pas observé de différence statistiquement significative de la PAS, de la PAD et de la fréquence cardiaque entre le début et deux mois après le confinement. Concernant les patients insuffisants cardiaques, nous avons noté une aggravation des symptômes d’insuffisance cardiaque. Ainsi, 8,1 % des patients présentant une dyspnée stade 2 sont passés au stade 3 de la NYHA (32,4 vs 40,5 %), tandis que le pourcentage des patients présentant des OMI a augmenté de 13,5 %, mais de manière non statistiquement significative (p = 0,267). Nous avons remarqué un écart de régime avec une augmentation des apports en sel (plus de 4 g par jour) chez plus de la moitié de cette sous-population (55,6 %) pendant la période du confinement. Dans la sous-population atteinte de pathologie valvulaire, nous avons relevé une aggravation de la dyspnée chez 7,5 % des patients ; celle-ci est passée du stade 2 au stade 3 de la NYHA avec une augmentation du pourcentage des patients ayant des OMI de 7,5 % à 25 % (p = 0,065). Par ailleurs, nous avons constaté une incidence de 10 % d’évènements cardiovasculaires (2 cas d’infarctus de myocarde [dont un est décédé], un décès pour insuffisance cardiaque au stade terminal, 3 hospitalisations pour des poussées d’insuffisance cardiaque, 2 cas de dissections aortiques et 2 cas de fibrillation atriale rapide).

Notre constat

Selon les résultats de cette étude, le confinement sanitaire a induit d’importantes répercussions sur les patients suivis pour une pathologie cardiaque, d’où la nécessité d’une sensibilisation de ces malades, et surtout de la restructuration de notre système de soins fortement perturbé par la COVID-19.

Mots clés: Pandémie, Covid-19, Confinement, Cardiovasculaire, Cœur

1. Introduction

La pandémie de la maladie due au SARS-CoV-2 (severe acute respiratory syndrome coronavirus 2) appelée Covid-19 (coronavirus disease 2019) a commencé en décembre 2019 à Wuhan, en Chine [1].

La transmission interhumaine a été confirmée dès le 22 janvier 2020 [2] par mode direct (gouttelettes de salive) et indirect (contact des mains avec les yeux, le nez ou la bouche) [3]. En trois mois, l’épidémie s’est propagée à plus de 100 pays autour du monde, mais elle ne sera déclarée pandémie par l’OMS que le 11 mars 2020 [4].

Pour prévenir la saturation des services de soins intensifs, des mesures de prévention de la contagion ont été rapidement adoptées par la plupart des pays atteints, notamment la distanciation sociale qui reste le moyen le plus ancien et le plus efficace pour contrôler la propagation [5]. Cependant, ces mesures génèrent d’importantes conséquences sanitaires, sociales et économiques [6].

Au Maroc, le premier cas de covid19 a été confirmé le 2 mars 2020. Dès le 20 mars, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré et un confinement total a été imposé comme mesure de santé publique inévitable et nécessaire afin d’empêcher la propagation du virus et protéger la population.

Selon les premières études épidémiologiques publiées, les patients cardiaques représentent des sujets à risque susceptibles de développer les formes les plus sévères de la covid-19 [7] ; l’atteinte cardiaque est décrite comme un facteur de haut risque de mortalité chez les patients atteints de la covid-19 [8], [9]. Cette sursaturation a conduit les autorités médicales à recommander de différer la majorité des activités de soins jugées non urgentes. La finalité étant de limiter l’exposition des patients dans les milieux de soins jugés à risque élevé à la Covid-19. Dans cette perspective, les consultations non urgentes ont été reportées ou réalisées par la télémédecine.

Dans ce contexte, nous avons réalisé une étude prospective. Celle-ci regroupe 100 patients suivis pour pathologies cardiovasculaires chroniques au CHU de Tanger et non atteints de la Covid-19. L’objectif de notre étude sera d’évaluer l’impact du confinement sur les facteurs de risques cardiovasculaires, les habitudes alimentaires, le mode de vie, ainsi que sur l’évolution des symptômes et des signes cliniques chez les patients suivis pour hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, coronaropathie, valvulopathie ou un trouble du rythme.

2. Matériels et méthodes

2.1. Type d’étude

Il s’agit d’une étude prospective réalisée sur un échantillon de patients marocains suivis pour pathologies cardiovasculaires chroniques au sein de l’unité de cardiologie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Tanger.

Les données ont été recueillies entre le 20 mars 2020 et le 1er mai 2020.

2.2. Population d’étude

Nous avons inclus dans cette étude de façon aléatoire, tous les patients suivis dans notre service pour des pathologies cardiovasculaires chroniques.

Les critères d’inclusion sont les suivants :

  • Les patients cardiaques nécessitant un suivi ;

  • Les patients respectant le confinement ;

  • Les patients non atteints de Covid-19.

Les informations recueillies

  • Des informations sociodémographiques ;

  • Les données d’anamnèse ;

  • Les concernant les habitudes et les comportements liés à la santé ;

  • Les données cliniques ;

  • Les données biologiques.

2.3. Le suivi des patients

La durée de suivi était de 45 jours. Les patients ont été convoqués (2 fois par patients minimum), puis par des téléconsultations pendant le suivi.

2.4. L’analyse statistique

Les données saisies sur Excel ont été analysées à l’aide de SPSS V 21.

Une analyse descriptive initiale a été effectuée. Les variables quantitatives sont présentées sous la forme de moyen ± écart type ; les variables qualitatives sous forme d’effectifs (pourcentages).

Afin de comparer les différents paramètres entre l’avant et pendant le confinement, une analyse sur les données appariées a été effectuée. Pour les variables quantitatives, le test T de Student pour séries appariées a été utilisé ; pour les variables quantitatives, nous avons opté pour le test Chi2 de Mac Nemar.

2.5. Les aspects éthiques

Il importait éthiquement, dès le début de l’étude d’obtenir le consentement volontaire et éclairé des patients.

Les investigateurs se sont engagés au respect de la confidentialité des données recueillies (anonymat).

3. Les résultats

3.1. Les caractéristiques de la population de l’étude

100 patients ont été inclus dans l’étude. Si l’âge moyen était de 55,34 ans ± 15,86 (extrêmes 16 - 86 ans), 49 % des patients avaient plus de 60 ans. Nous avons pu observer une prédominance féminine (63 %). La moyenne de l’indice de masse corporelle (IMC) était de 26,40 ± 5,84 kg/m2, et 25 % des patients avaient un IMC ≥ 40 kg/m2. La pathologie coronaire était présente chez 27 % des patients et valvulaire chez 40 % ; l’insuffisance cardiaque chez 37 % ; les troubles de rythme chez 22 %. Plus de la moitié de notre population (52 %) était hypertendue.

3.2. Les changements observés pendant le confinement

3.2.1. La modification des symptômes et des constantes vitales

Le pourcentage des patients présentant des œdèmes des membres inférieurs (OMI) est passé de 12 à 30 % soit une élévation de 18 % (p  < 0,001). La dyspnée a réapparu chez 7 % des patients (67 % vs 74 %, p  = 0,143) et les palpitations chez 5,1 % (41,4 % vs 46,5 %, = 0,442). La fréquence cardiaque (FC) moyenne a augmenté de 12 battements par minute bpm (p  = 0,001). La pression artérielle systolique (PAS) étant de 1,7 mmHg (p  = 0,365) et la pression artérielle diastolique (PAD) de 0,7 mmHg (p  = 0,569).

3.2.2. Les changements concernant les FDR-CVX, les habitudes alimentaires et les modes de vie

Le pourcentage des patients ayant une PAS ≥ 140 mmHg laisse apparaître une augmentation de 38 à 44 % soit une élévation de 6 % (p  < 0,0001), alors que celui des patients ayant une PAD ≥ 90 mmHg de 21 à 15 % (soit une baisse de 6 %, p  < 0,0001). Une prise de poids de 1,71 kg a été observée après 45 jours de confinement (1,8 kg chez les femmes et de 1,55 kg chez les hommes, p  < 0,0001) (Fig. 1 ) avec une augmentation de l’IMC de 0,58 kg/m2 (p  < 0,005). Notons que vingt patients avaient arrêté de fumer, soit (10 %) avec un p  < 0,0001.

Fig. 1.

Fig. 1

Répartitions des tranches de l’IMC selon le sexe avant et 60 j après le confinement.

Par ailleurs, le pourcentage des patients ayant une faible activité physique quotidienne s’est élevé de 22 % (p  < 0,0001) ; concomitamment, le poucentage de la sédentarité est passé de 41,3 à 61,9% chez les femmes et de 45,9 à 70,3% chez les hommes (Fig. 2, Fig. 3 ).

Fig. 2.

Fig. 2

Niveau de l’activité physique chez les deux sexes avant le confinement.

Fig. 3.

Fig. 3

Niveau de l’activité physique chez les deux sexes après 60 jours de confinement.

Concernant les modifications du comportement alimentaire pendant cette période chez nos patients, 35,4 % des sujets ont augmenté leurs apports caloriques journaliers et 46,8 % leurs apports en sel. Observons que l’augmentation de l’apport calorique journalier concerne plus les hommes que les femmes (41,9 % des hommes vs 31,3 % des femmes).

3.2.3. Les changements observés chez la population hypertendue

Chez la population hypertendue, nous n’observons pas de différence statistiquement significative du pourcentage des patients ayant une PAS > 140 mmHg avant et après les 45 jours de confinement. A contrario, nous avons constaté une augmentation du pourcentage de ceux présentant une PAD > 90 mmHg de 8,2 à 10,2 %, soit une différence de 2 % (p  < 0,014) (Tableau 1, Tableau 2, Tableau 3, Tableau 4, Tableau 5, Tableau 6 ).

Tableau 1.

Caractéristiques de la population de l’étude.

Caractéristiques Valeur
Âge(année) (n= 100) 55,34 ± 15,86
Tranches d’âge (n= 100)
 < 20ans 3(3)
 20-39 ans 15(15)
 40-59 ans 33(33)
 > 60 ans 49(49)
Sexe (n= 100)
 Homme 37(37)
 Femme 63(63)
Poids 1 (kg) (n= 75) 72,6 ± 17,3
Poids 2 (kg) (n= 75) 74,3 ± 17,9
IMC 1 (kg/m2) (n= 75)
 < 18,5 8,2(8,2)
 18,5-24,9 33,7(33,7)
 25-29,9 32,7(32,7)
 30-39,9 22,4(22,4)
 > 40 3,1(3,1)
IMC 2 (kg/m2) (n= 75) 27,15 ±7
Tour de taille 1 (cm) (n= 7) 106 ±22
Tour de taille 2 (cm) (n= 7) 109 ±21
Coronaropathie (n= 100)
 Non 73(73)
 Oui 27(27)
Valvulopathie (n= 100)
 Non 60(60)
 Oui 40(40)
Insuffisance cardiaque (n= 100)
 Non 63(6 3)
 Oui 37(37)
Fibrillation atriale (n= 100)
 Non 78(78)
 Oui 22(22)
HTA (n= 100)
 Non 48(48)
 Oui 52(52)
Diabète (n= 100)
 Non 74(74)
 Oui 26(26)
Dyslipidémie (n= 100)
 Non 76(76)
 Oui 24(24)
Tabac 1 (n= 100)
 Non 78(78)
 Oui 22(22)
Tabac 2 (n= 100)
 Non 88(88)
 Oui 12(12)
Pression artérielle systolique (mmHg) 133,3 ± 20,4
Pression artérielle diastolique (mmHg) 76,5 ± 11,9
Fréquence cardiaque (bat/min) 75,7 ± 14,4

Âge en année, IMC : indice de la masse corporelle en Kg/m2, 1 : avant confinement ; 2 : 60 jours après confinement.

Tableau 2.

Analyse globale des symptômes avant et après confinement.

Avant confinement Après 45 j de confinement Différence (Δ) p
Dyspnée 67 74 7 0,143
Syncope 0 0
Palpitations 42 46 5,1 0,442
OMI 12 30 18 0,001
FC (bpm) 65,59 ± 29,25 77,41 ± 16,07 11,82 0,001
PAS 131,61 ± 18,35 133,31 ± 22,58 1,7 0,365
PAD 76,52 ± 11,94 75,82 ± 11,88 −0,7 0,569
Tableau 3.

Évolution des facteurs de risques cardiovasculaire, des habitudes alimentaires et du mode de vie (avant et après confinement).

Avant confinement Après 45j de confinement Différence (Δ) p
PAS ≥ 140 38 44 < 0,0001
PAD >  = 90 21 15 < 0,0001
Poids (Kg) 72,64 ± 17,36 74,35 ± 17,96 1,710 < 0,0001
IMC (Kg/m2) 26,57 ± 5,92 27,15 ± 6,25 0,58 < 0,005
Tabac 22 12 10 < 0,002
Activité physique
 Faible 43 % 65 % - < 0,005
 Modérée 40 % 34 %
 Intense 11 % 1 %
Augmentation de l’apport calorique journalier 28 (53,4)
Augmentation de l’apport en sel >4 g/j 37 (46,8)
Tableau 4.

Les changements observés chez les patients hypertendus.

Avant confinement Après 45j de confinement Différence p
PAS > 145 bpm 41 % 45 % 4 % NS
PAD > 95 bpm 8,2 % 10,2 % 2 % < 0,047
FC 72,35 ± 18,86 74,71 ± 14,07 2,36 NS
OMI 18 % 29 % 11 % 0,014
Apport en sel > 4 g/j 14 (36,8)

PAS : pression artérielle systolique, PAD : pression artérielle diastolique, FC : fréquence cardiaque, OMI : œdèmes des membres inférieurs.

Tableau 5.

Les changements observés chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque.

Avant confinement Après 45j de confinement Différence (Δ) p
Poids (Kg) 75,49 ± 19,88 77,82 ± 20,21 2,33 < 0,0001
IMC (Kg/m2) 26,65 ± 6,74 27,69 ± 6,81 1,04 0,013
PAS (mmHg) 134,19 ± 18,61 136,73 ± 19,71 2,54 0,283
PAD (mmHg) 76,16 ± 13,45 76,32 ± 11,30 0,16 0,925
FC (bpm) 56,81 ± 39,75 75,54 ± 17,02 18,73 0,01
Dyspnée
 Stade 1 3 (8,1) 3 (8,1) NA
 Stade 2 22 (59,5) 19 (51,4) -
 Stade 3 12 (32,4) 15 (40,5)
OMI 8 (21,6) 13 (35,1) 13,5 0,267
Augmentation de l’apport en sel > 4 g/j 15 (55,6)
Tableau 6.

Effets du confinement sur le patient valvulaire.

Avant confinement Après 45j de confinement p
Palpitations 15 (37,5) 15 (35,9) 1
Syncope 0 0
Dyspnée
 Stade 1 16 (40) 16 (40)
 Stade 2 19 (47,5) 16 (40)
 Stade 3 5 (12,5) 8 (20) NA
OMI 3 (7,5) 10 (25) 0,065
Poids 63,65 ± 12,85 64,98 ± 13,85 < 0,006
PAS 123,28 ± 18,60 121,70 ± 22,69 0,570
PAD 71,63± 11,57 69,90 ± 11,32 0,447
FC 66,95 ± 30,98 78,20 ± 15,99 0,052
Apport en sel > 4 g/j 16 (50)

Paradoxalement, la fréquence cardiaque moyenne n’a pas augmenté de manière significative chez cette population. Néanmoins, nous avons observé une élévation de 11 % de la survenue des OMI (18 % vs 29 %, p  < 0,014) et de 36,8 % des apports en sel > 4 g/j. Durant, le suivi de ces patients, 3 évènements cardiovasculaires sont survenus (2 dissections aortiques et un IDM inférieur) (Tableau 7 ).

Tableau 7.

Événements cardiovasculaires.

Évènement Valeur (n = 100)
Décès (IC et mort subite) 2 (2)
Dissection aortique 2 (2)
IDM inférieur 1 (1)
Poussée IC 3 (3)
TachyFA 2 (2)

3.2.4. Le confinement et les patients insuffisants cardiaques

L’analyse du sous-groupe des patients suivis pour insuffisance cardiaque nous a permis de constater une prise du poids significative de 2,33 kg (75,49 kg ± 19,88 vs 77,82 kg ± 20,21, p  < 0,0001) et une augmentation de l’IMC de 1,04 kg/m2 (26,65 ± 6,74 vs 27,69 ± 6,81, p  < 0,013). Notons qu’afin de vérifier que cette prise de poids n’était pas en rapport avec les OMI, nous avons exclu les patients insuffisants cardiaques ayant des OMI et dont la prise du poids restait significative (de 2,10 kg ± 2,48, p  < 0,0001).

La fréquence cardiaque moyenne a augmenté de 18,73 bpm (56,81 ± 39,75 vs 75,54 ± 17,02, p  < 0,01). Si les patients présentant une dyspnée stade 1 sont restés stables, 8,1 % de ceux présentant un stade 2 sont passés au stade 3 de la NYHA (32,4 vs 40,5 %). Le pourcentage des patients ayant des OMI a augmenté de 13,5 % (p  = 0,267). Pendant la période du confinement, Plus de la moitié des patients insuffisants cardiaques (55,6 %) présentait une augmentation des apports en sel de plus de 4 g/j t.

Pendant le suivi, seuls 3 patients ont présenté une décompensation cardiaque (2 poussées en raison d’une insuffisance cardiaque globale et une poussée pour insuffisance cardiaque gauche) ; ils ont tous été hospitalisés dans notre service.

3.2.5. Les changements observés chez le patient atteint de pathologie valvulaire

Concernant les patients porteurs de valvulopathies, nous avons noté une aggravation de la dyspnée chez 7,5 % des patients ; celle-ci est passée du stade 2 au stade 3 de la NYHA. La moyenne de la prise de poids s’est avérée significative (1,33 kg, p  < 0,006), car la FC moyenne a augmenté de 11,95 bpm (p  = 0,052). Par ailleurs, nous avons relevé une augmentation du pourcentage des patients ayant des OMI 7,5 % vs 25 % (p= 0,065). Le même constat concernait la moitié de la sous-population concernée par l’apport en sel.

3.2.6. Les évènements cardiaques survenus durant le confinement chez la population étudiée

Durant la période du suivi, nous avons recensé dix évènements cardiovasculaires, à savoir deux décès, deux dissections de l’aorte, un infarctus du myocarde de topographie inférieure, trois décompensations cardiaques et deux passages en FA rapide. Notons que le nombre des évènements a dépassé celui généralement observé en dehors du confinement.

4. Discussion

Notre étude prospective incluait un total de 100 patients suivis au service de cardiologie du CHU de Tanger, confinés et non atteints de la Covid-19, avec évaluation de l’impact du confinement sur les facteurs de risque cardiovasculaires, les habitudes alimentaires, le mode de vie, ainsi que sur l’évolution des symptômes et des signes cliniques chez patients suivis pour hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, coronaropathie, valvulopathie et trouble du rythme cardiaque.

Ainsi, nous avons relevé une augmentation de 35,4 % des apports caloriques journaliers ; celle-ci concernait plus les hommes que les femmes avec une prise du poids statistiquement significative et une élévation de l’IMC après 45 jours de confinement. Des résultats similaires ont été décrits dans une étude américaine ; Une prise de poids supérieure à 2,26 kg a être observée chez 22 % de la population étudiée [10].

En ce qui concerne l’activité physique, nos patients cardiaques pratiquant une activité physique faible sont passés de 43 à 65 patients avec un p  < 0,0001 ; ceux avec une activité physique modérée de 40 à 34 patients ; un seul patient a gardé une activité physique intense versus 11 patients avant le confinement. Pareillement, une étude chinoise avec 12 107 participants a montré que durant les premiers jours du confinement, presque 60 % produisaient une activité physique réduite (IC 95 % : 56,6 - 58,3) [11].

Dans notre étude, nous avons noté une baisse significative de la consommation du tabac chez les patients cardiaques (22 % vs 12 %) après 45 jours de confinement. Probablement en rapport avec la fermeture des cafés et des espaces ouverts, et les campagnes de sensibilisation contre le covid-19 réalisées par le ministère de la santé.

Concernant la population hypertendue, nous n’avons pas enregistré de différence statistiquement significative de la PAS, de la PAD et de la fréquence cardiaque avant et après le confinement. Toutefois, nous avons pu constater une augmentation de 11 % de la survenue des OMI (18 % vs 29 %, p  = 0,014) et de 36,8 % des apports en sel > 4 g/j. Rappelons que le suivi de ces patients a été marqué par la survenue de 3 évènements cardiovasculaires (2 dissections aortiques et un IDM de topographie inférieure). Paradoxalement, dans la littérature, peu de données concernant ces constats sont disponibles.

Concernant nos patients insuffisants cardiaques, nous avons remarqué une prise du poids significative de 2,33 kg avec une augmentation de l’IMC de 1,04 kg/m2, ainsi que de la fréquence cardiaque moyenne, avec une aggravation des symptômes d’insuffisance cardiaque. ;une patiente en insuffisance cardiaque terminale est décédée. Trois autres patients ont présenté des décompensations dues à un écart du régime hyposodé, d’une mauvaise observance thérapeutique et d’un non-recours aux soins. Cette dernière notion a été rapportée par une étude réalisée dans un service d’urgence en Italie qui a souligné une diminution du nombre des patients consultant pour des poussées d’insuffisance cardiaque de 49 % contrastant avec une élévation observée de la mortalité toutes causes confondues à l’hôpital [12]. Même constat a été observé dans une étude anglaise [13].

Chez 7,5 % des patients de la sous-population valvulaire, nous avons relevé une aggravation de la dyspnée et des signes d’insuffisance cardiaque droit. Ces données n’avaient pas été abordées par les études ayant fait l’objet de publication.

Durant toute la période du confinement, nous avons constaté une baisse importante de l’incidence des hospitalisations pour syndrome coronarien aigu avec ou sans sus de décalage du segment ST ; Nous avons reçu deux cas d’infarctus de myocarde, dont un est décédé. Confirmant notre affirmation, une étude réalisée à Milan en Italie témoigne d’une diminution significative allant jusqu’à 50 % des patients hospitalisés pour NSTEMI [14]. De même, une autre étude menée en Californie aux États-Unis rapporte une baisse de l’incidence des hospitalisations pour cause d’infarctus du myocarde pendant la pandémie du covid-19 [15].

Enfin, des résultats équivalents ont été observés dans le nord de l’Italie [16] et en Autriche [17] avec la crainte que cette baisse ne soit accompagnée d’une augmentation substantielle de morbi-mortalité précoce et tardive liée à l’infarctus du myocarde [18].

Enfin, nous citerons une étude effectuée à Paris pendant la période de pandémie. Celle-ci a objectivé une augmentation de l’incidence des arrêts cardiaques survenus hors hôpital avec un retour rapide à la normale dans les dernières semaines de la pandémie grâce au développement des téléconsultations et au lancement des campagnes publiques pour encourager le recours aux soins médicaux pour les symptômes non liés à la COVID-19 [19].

4.1. Les points forts et les limites de notre étude

À notre connaissance, notre étude serait la première recherche portant sur l’impact du confinement sur les maladies cardio-vasculaires. Néanmoins, nous sommes conscients de ses limites, en raison du nombre restreint de sujets et de l’absence de comparaison des paramètres biologiques.

4.2. Nos recommandations

Privilégier une alimentation équilibrée à base de fruits, légumes frais, soja et noix qui constituent des sources d’antioxydants et d’oméga-3 avec l’éviction les aliments riches en sucre, en acides gras saturés et en protéines animales.

Pratiquer une activité physique adéquate : Dans cette optique, l’OMS incite les personnes suivre ces recommandations sur l’activité physique et psychique minimale nécessaire pour maintenir une bonne santé selon l’âge en particulier pendant la pandémie actuelle. (marche à la maison, danse, cours en ligne, exercices d’étirement…).

Développer des actions de sensibilisation et d’éducation thérapeutique (inciter les sujets de recourir aux soins, l’observance thérapeutiques et du régime hyposodé, le recour à la télémédecine…).

5. Conclusion

Les patients suivis pour une pathologie cardiaque, d’où la nécessité d’une sensibilisation de ces malades, et surtout de la restructuration de notre système de soins fortement perturbé par la COVID-19.

Le confinement sanitaire a induit d’importantes répercussions sur l’état de santé des patients cardiaques, d’où l’importance de sensibiliser des patients au maintien d’une activité physique en respectant les recommandations internationales, mais aussi d’une alimentation équilibrée, de l’arrêt de tabac d’une part, et d’autre part, de ne pas hésiter à recourir aux soins dès l’apparition ou l’aggravation de symptômes.

Par ailleurs, d’autres conséquences concernant les patients cardiaques confinés pourraient être dévoilées après la fin de la pandémie actuelle, et de perdurer plusieurs mois voire plus, éventuellement de manière subtile. Le défi prochain sera de dépister ces patients et de leur assurer une prise en charge adéquate.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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