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. 2020 Aug 17;66(3):306–312. doi: 10.1177/0706743720944079

Traduction et validation du questionnaire de dépistage Borderline Personality Questionnaire

Nadine Larivière, erg 1,2,, Frédéric Pérusse 2, Pierre David 2
PMCID: PMC7958204  PMID: 32799647

Abstract

Objectif:

Disposer d’outils de dépistage valides pour évaluer le trouble de la personnalité limite est essentiel en pratique clinique et en recherche. Parmi les outils existants, le questionnaire sur la personnalité limite (BPQ) présente plusieurs qualités. Cependant, il n’existe pas de version française et il n’a pas été validé avec des adultes dans un échantillon clinique. Les objectifs de cette étude étaient : 1) traduire le BPQ en français; 2) mesurer la validité convergente, prédictive et discriminante, la cohérence interne et la fidélité test-retest.

Méthode:

Les recommandations de Streiner, Norman et Cairney (2014) sur la traduction d’évaluations ont été suivies. Quarante adultes référés à un programme spécialisé en troubles de la personnalité ont participé à l’étude. Pour évaluer la validité du BPQ français, le questionnaire SCID-II (entrevue et auto-évaluation) fut administré et le diagnostic psychiatrique fut établi par un psychiatre à l’insu.

Résultats:

Aucune modification majeure n’a été apportée au BPQ français. Les analyses ont montré une cohérence interne élevée (α = 0,84), une bonne fidélité test-retest (r = 0,77), une discrimination significative avec le trouble de la personnalité schizotypique (r = -0,31; p < 0,05), une convergence significative avec le SCID-II (r = 0,72) et une validité prédictive significative du diagnostic psychiatrique (p < 0,01).

Conclusions:

La version française du BPQ présente des qualités psychométriques prometteuses à un usage auprès des personnes ayant un trouble de la personnalité limite.

Keywords: Évaluation, traduction, questionnaire, psychométrie, trouble de la personnalité limite

Introduction

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, dans sa cinquième version1, définit le trouble de la personnalité limite ou borderline (TPL) comme étant caractérisé par « un mode général d’instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects, et l’impulsivité commençant au début de l’âge adulte et se présentant dans divers contextes » (1, p. 780). Le trouble de la personnalité limite est un trouble psychiatrique qui affecte environ 2% de la population générale et qui représente quelque 20% des utilisateurs de services de santé mentale2. Il s’agit d’un trouble grave qui occasionne des dysfonctionnements importants dans la vie quotidienne3 et qui est associé à un taux de mortalité par suicide de près de 10%4. Les personnes aux prises avec un TPL souffrent, mais la bonne nouvelle est que leur pronostic est souvent bon et qu’elles s’améliorent à l’aide d’une thérapie appropriée, ce qui souligne l’extrême pertinence du diagnostic et du traitement.

Bien détecter le TPL avec des outils simples et fiables est nécessaire à la fois pour la pratique clinique et la recherche, à plus forte raison pour le TPL car cette condition est souvent sous-diagnostiquée en pratique clinique5. Une recension ciblant des outils cliniques connus et des articles scientifiques sur le développement et la validation d’outils de mesure des troubles de la personnalité limite de 2000 à 2016 fut effectuée, de laquelle sept outils d’évaluation ont été identifiés6. La plupart de ces outils évaluent tous les troubles de la personnalité, en réservant une section au TPL (par exemple: le Structured Clinical Interview for DSM-5 Personality Disorders- SCID-5-PD 7; le Personality Diagnostic Questionnaire 89). Certains ont été mis au point spécifiquement pour évaluer les traits de personnalité sans cibler les troubles (par exemple : le Borderline Personality Inventory 10), et finalement, beaucoup sont des entrevues semi-structurées qui nécessitent une formation et un soutien continus pour les utiliser et les corriger (par exemple, le Revised Diagnostic Interview for Borderlines 11). Parmi tous les outils existants, seuls deux sont disponibles en français et ont des qualités psychométriques limitées12.

Un programme spécialisé dans les troubles de la personnalité du groupe B québécois (principalement le TPL), et son collaborateur, un partenaire en soins de première ligne, étaient à la recherche d’un outil commun, simple, en mode auto-administré et facile à mettre en œuvre dans différents contextes cliniques. Ces deux équipes travaillaient ensemble à un projet visant à concevoir et mettre en place des pratiques de pointe pour les personnes souffrant d’un TPL et à créer un questionnaire commun permettant d’évaluer la gravité des symptômes de leurs clientèles respectives.

Ainsi, après avoir examiné qualitativement des caractéristiques des différents outils recensés, y compris les procédures d’administration, le temps de complétion, la conceptualisation du TPL et le diagnostic selon les critères du DSM-5, les auteurs ont sélectionné le Borderline Personality Questionnaire (BPQ)13. Ce questionnaire de dépistage intègre bien les concepts du TPL décrits dans le DSM-5 avec des scores liés aux neuf critères du TPL. Il est rapide à compléter et facile à interpréter. Sa version originale en anglais a été validée avec des échantillons adultes non cliniques1314 et des jeunes en consultation externe15 . Il présente de fortes qualités psychométriques en ce qui concerne sa cohérence interne (alpha de Cronbach sur des échelles comprises entre 0,78 et 0,93), sa validité convergente, divergente et de critère avec des mesures standards, ainsi que sa fidélité test-retest (ICC = 0,92)1315. Il est utilisé en milieu clinique dans plusieurs pays d’Amérique, d’Europe et d’Océanie. Le BPQ comprend 80 items sur les symptômes du TPL et une échelle de réponse de type vrai/faux. Il est divisé en neuf dimensions en relation avec les critères du DSM-5 : 1) impulsivité (9 items); 2) instabilité affective (10 items); 3) abandon (10 items); 4) relations (8 items); 5) image de soi (9 items); 6) suicide / automutilation (7 items); 7) vide intérieur (10 items); 8) colère (10 items); 9) quasi-psychotique (7 items). Le score global mesure la gravité des symptômes13.

Le BPQ n’est actuellement pas disponible en français et le fait de disposer d’une version française validée du BPQ pour des échantillons cliniques adultes a été déterminé prioritaire. Les objectifs de cette étude étaient donc les suivants : 1) traduire le BPQ de l’anglais vers le français; 2) vérifier les qualités psychométriques suivantes de la version française du BPQ; 2.1) validité convergente avec la version de l’entrevue SCID-II: section TPL; 2.2) validité concordante avec la section TPL de la version auto-administrée du SCID-II-Personality Questionnaire (SCID II-PQ); 2.3) validité discriminante avec la section schizotypie de la version auto-administrée du SCID-II-Personality Questionnaire (SCID II-PQ); 2.4) la validité prédictive de critère avec le diagnostic posé par un psychiatre; 2.5) fidélité test-retest; 2.6) cohérence interne.

Méthodes

Processus de traduction

Pour atteindre le premier objectif, les recommandations de Vallerand16 ainsi que celles de Streiner, Norman et Cairney17 concernant la traduction d’outils de mesure ont été suivies. La première étape consistait donc à traduire le questionnaire BPQ de l’anglais vers le français. Cela a été accompli dans cette étude par trois des auteurs, experts en contenu et bilingues, dont le français est la langue maternelle. Ils ont chacun traduit le BPQ de manière indépendante et ont ensuite produit par consensus une première version française. La deuxième étape consistait en une traduction inversée du français vers l’anglais. Cela fut réalisé par deux experts en contenu (étudiants en cycles supérieurs en psychologie) bilingues, ayant l’anglais comme langue maternelle. Ils ont été recrutés par l’intermédiaire du réseau de connaissances des auteurs. Les deux versions anglaises ont ensuite été comparées pour vérifier les similitudes et différences. La version française fut ajustée en fonction de cette comparaison. Puis, un traducteur professionnel a révisé la version française et une nouvelle version a été préparée par les auteurs. Afin de vérifier la clarté du vocabulaire figurant dans le questionnaire, un pré-test qualitatif a été mené auprès de trois utilisateurs de services souffrant d’un TPL, recrutés par des cliniciens du programme spécialisé des troubles de la personnalité. La version française du BPQ fut finalisée par les auteurs.

Validation

Pour atteindre le deuxième objectif, dans une première étude pilote de validation, une taille d’échantillon de 40 personnes souffrant d’un TPL a été estimée selon les paramètres suivants : corrélations entre 0,20 (hypothèse nulle) et 0,60 (corrélation modérée); p = 0,05; puissance de 80%; attrition de 10% (test-retest). Cette taille d’échantillon est jugée adéquate pour mesurer la fidélité test-retest18.

Pour être inclus dans l’étude, les participants devaient être âgés de 18 ans et plus et récemment adressés au programme spécialisé des troubles de la personnalité. Les personnes présentant une déficience intellectuelle, la schizophrénie ou un trouble schizo-affectif ont été exclues.

Afin de mesurer la validité convergente de la version française du BPQ avec un autre outil qui évalue les symptômes du TPL, mais avec une méthode différente, la version entrevue du SCID-II (section TPL) fut administrée par un clinicien formé à cette fin (objectif 2.1). Le SCID-II est une entrevue manualisée utilisée couramment dans la pratique clinique et en recherche7. La fidélité inter-juges du SCID-II est bonne, avec des ICC allant de 0,60 à 0,9519.

Le questionnaire de personnalité SCID-II (auto-évaluation) est un complément à l’entrevue et a été sélectionné pour évaluer la validité concordante et discriminante du BPQ français (objectifs 2.2 et 2.3). Le questionnaire sur la personnalité SCID-II7 comprend 119 items qui couvrent tous les troubles de la personnalité, dont 15 questions sur le TPL. La personne évalue si elle considère qu’elle présente ou non le symptôme (échelle de type oui/non). Un accord global kappa de 0,78 a été montré entre le questionnaire SCID-II-Personality et l’entrevue SCID-II20. La cohérence interne du questionnaire de personnalité SCID-II varie entre 0,36 (schizoïde) et 0,80 (évitant) et est de 0,75 pour le TPL, ce qui est satisfaisant21. Ainsi, les scores TPL du questionnaire de personnalité SCID-II ont été calculés pour évaluer la validité concordante avec le BPQ français. Les scores de la section schizotypie du questionnaire sur la personnalité SCID-II ont été utilisés pour examiner la validité discriminante du BPQ français. Ce volet de discrimination entre le TPL et la personnalité schizotypique a été choisi afin de reproduire ce qui fut réalisé dans les études antérieures de Poreh et al13 ainsi que Chanen et al15 avec la version anglaise du BPQ. Pour conclure, les outils SCID sont disponibles en français et des tests psychométriques limités ont été effectués sur les versions françaises avec 26 patients et 16 témoins, avec des kappas allant de 0,04 à 0,2512.

Pour déterminer la validité prédictive de critère, c’est-à-dire comparer le BPQ français à une mesure étalon (objectif 2.4), le diagnostic psychiatrique a été établi par un psychiatre du programme spécialisé des troubles de la personnalité, au moyen d’un entretien standard, sans connaître les résultats au BPQ et au SCID18. Pour mesurer la fidélité test-retest, le BPQ français a été administré deux fois dans un intervalle de deux à quatre semaines (objectif 2.5). Enfin, pour décrire le profil des participants, certaines informations sociodémographiques ont été extraites de la base de données du programme spécialisé des troubles de la personnalité (par exemple, sexe, âge, niveau de scolarité).

Collecte et analyse des données

La procédure utilisée habituellement dans le programme spécialisé des troubles de la personnalité au moment de l’admission au programme fut appliquée à l’étude. Ainsi, tous les nouveaux usagers référés au service ont reçu les outils d’évaluation habituels et le questionnaire sur la personnalité SCID-II, par courrier. Après les avoir remplis, ils ont rencontré un professionnel de la santé du programme pour participer à l’entretien SCID-II et répondre au questionnaire BPQ français (temps 1). Le professionnel de la santé a ensuite demandé aux candidats s’ils accepteraient de refaire le BPQ français dans les deux à quatre semaines suivantes. Dans l’affirmative, un assistant de recherche les contactait pour fixer le temps 2 et refaire le BPQ français. Le diagnostic établi par un psychiatre et les informations sociodémographiques du participant ont été extraits du dossier médical du participant au programme.

Pour présenter les caractéristiques sociodémographiques des participants, des tests statistiques descriptifs, comme des moyennes et des pourcentages, ont été utilisés. La validité concordante et discriminante du BPQ français a été examinée par le coefficient de corrélation de Pearson. Un test du chi carré a été retenu pour la validité prédictive et convergente. La fidélité test-retest a été évaluée avec le coefficient de corrélation intra-classe. La cohérence interne de l’échelle globale et ses dimensions a été déterminée à l’aide du coefficient alpha de Cronbach. Le processus de traduction suivi de la collecte et l’analyse des données a eu lieu de 2015 à 2017. Cette étude a été approuvée par le comité d’éthique de la recherche du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal (projet #2016-255).

Résultats

Processus de traduction

La comparaison entre les deux versions anglaises du BPQ (traduction originale et antérieure) a montré que les items 18, 24, 32 et 80 devaient être clarifiés pour que la version française traduise bien le sens des termes utilisés. Les précisions ont été demandées par courrier électronique à l’auteur original. Aucune modification du questionnaire n’a été faite. Le pré-test a montré que, dans l’ensemble, les instructions étaient claires et que les items étaient bien compris par les participants. L’item no 16 nécessitait une correction du mot utilisé pour exprimer précisément le mot « ennui » en français. Les trois participants au pré-test étaient suivis dans ce programme depuis un certain temps et ont émis l’opinion qu’une échelle de réponse de type Likert serait pertinente afin de mesurer plus précisément les changements au fil du temps, le type d’échelle vrai /faux étant moins nuancé. Un extrait du BPQ français est fourni au tableau 1.

Tableau 1.

Extrait de la version française du BPQ.

1 Je fais souvent les choses sans y avoir bien pensé.
(I often do things without thinking them through.)
 V F
2 Je deviens souvent déprimé ou anxieux de façon soudaine et inattendue.
(I often become depressed or anxious ‘out of the blue’.)
 V F
3 Les gens me quittent souvent.
(People often leave me.)
 V F
4 Mes amis me déçoivent rarement.
(I am rarely disappointed by my friends.)
 V F
5 Je me sens inférieur aux autres.
(I feel inferior to other people.)
 V F
6 J’ai déjà menacé de me faire mal.
(I have threatened to hurt myself in the past.)
 V F
7 Je ne crois pas avoir les habiletés nécessaires pour faire quoi que ce soit de ma vie.
(I do not believe that I have the skills to do anything with my life.)
 V F
8 Je me mets rarement en colère envers les autres.
(I rarely get angry at other people.)
 V F
9 Je me sens parfois comme si je n’étais pas réel.
(Sometimes I feel like I am not real.)
 V F
10 Je n’aurais pas de relation sexuelle avec quelqu’un à moins de le connaître depuis un certain temps.
(I will not have sex with someone unless I have known them for quite some time.)
 V F

Validation

Le tableau 2 décrit les caractéristiques démographiques et cliniques des 40 participants. Un peu plus de 60% des participants étaient des femmes, âgées en moyenne de 36 ans et majoritairement célibataires, dont environ la moitié avaient actuellement un emploi. En ce qui concerne les caractéristiques diagnostiques, 45% répondaient aux critères du TPL fondés sur une entrevue psychiatrique, 52,2% répondaient au SCID-TPL et 42,5%, au BPQ français.

Tableau 2.

Profil des participants (n = 40).

Variables
Variables continues Moyenne (é.t.)
Âge (années) 35,7 (8,14)
SCID-II-PQ
 Trouble de personnalité limite 11,9 (1,65)
 Trouble de personnalité schizotypique 2,6 (1,38)
Variables catégoriques n (%)
Sexe
 Femmes 25 (62,5)
État civil
 Célibataire 31 (77,5)
 En couple 9 (22,5)
Niveau de scolarité
 Primaire 5 (12,5)
 Secondaire 21 (52,5)
 CEGEP 8 (20)
 Université 6 (15)
Emploi (oui/non) 20 (50)
Diagnostic de TPL:
 Psychiatre (plus de 5 critères du DSM) 18 (45)
 SCID-II-TPL (plus de 5 critères du TPL) 21 (52,5)
 BPQ (cote > 56) 17 (42,5)

Le tableau 3 indique la moyenne, l’écart type, l’étendue des scores, les coefficients alpha de Cronbach et de corrélations intra-classes pour les dimensions et le score total. La cohérence interne du BPQ français montre une fidélité élevée avec un alpha de 0,87. Les sous-échelles du BPQ sont généralement satisfaisantes pour les dimensions qui comptent plus d’items22. Il existe deux exceptions, en particulier l’impulsivité et le sentiment de vide dont les alphas sont inférieurs. Les coefficients de fidélité test-retest du score total et des sous-échelles du BPQ montrent qu’ils varient entre des niveaux « acceptable » et « bon » (0,71-0,86), sauf pour les sous-échelles de sentiment de vide et suicide/automutilation, qui ont des CCI plus faibles, soit 0,41 et 0,53 respectivement.

Tableau 3.

Cohérence interne et test-retest.

BPQ1 # items Étendue α 2 Test
(n = 40)
Moy, (é.t.)
Retest
(n = 40)
Moy, (é.t.)
CCI 3
(Bornes inférieures et supérieures)
Abandon 10 0-9 0,83 5,16 (2,76) 5,47 (3,05) 0,76* (0,59-0,87)
Relations 8 0-8 0,80 5,46 (2,37) 5,67 (2,55) 0,78* (0,61-0,88)
Image de soi 9 0-9 0,62 6,37 (2,01) 6,92 (1,98) 0,74* (0,49-0,86)
Impulsivité 9 0-9 0,40 3,99 (1,68) 4,05 (1,47) 0,82* (0,69-0,90)
Instabilité affective 10 0-10 0,76 8,72 (1,83) 9,07 (1,44) 0,73* (0,55-0,85)
Suicide/Auto-mutilation 7 0-6 0,55 3,86 (1,66) 3,75 (2,31) 0,53* (0,26-0,72)
Sentiment de vide 10 0-10 0,42 7,49 (1,66) 7,65 (1,41) 0,41 (0,12-0,64)
Colère 10 0-10 0,89 6,50 (3,17) 7,05 (2,70) 0,71* (0,51-0,84)
Quasi-Psychotique 7 0-7 0,61 2,50 (1,71) 2,76 (1,80) 0,86* (0,76-0,92)
Total 0,84 48,89 (11,34) 52,35 (9,85) 0,73* (0,50-0,85)

Notes.

1 BPQ = Borderline Personality Questionnaire.

2 α = Alpha de Cronbach.

3 CCI = Coefficient corrélation intra-classe (*50 ou plus = fidélité acceptable)

Le tableau 4 présente la validité prédictive et convergente du BPQ. Les résultats montrent que le score-seuil du BPQ français prédit de manière significative le diagnostic de TPL par un psychiatre (p = 0,001) et converge significativement avec le diagnostic de TPL selon l’entrevue SCID-II (p = 0,001).

Tableau 4.

Validité prédictive et convergente.

Diagnostic TPL par psychiatre Diagnostic TPL par entrevue SCID-II2
BPQ1 Présence Absence p Présence Absence p
Présence 76,5 23,5 0,001 76,5 23,5 0,001
35,8 65,2
Absence 21,7 78,3

Notes.

1 BPQ = Borderline Personality Questionnaire.

2 SCID-II= Structured Clinical Interview for DSM disorders-Personality.

La validité concordante et discriminante a été examinée en corrélant le BPQ avec les SCID-II-PQ-TPL et SCID-II-PQ schizotypique. Le BPQ était significativement corrélé avec SCID-II-PQ-TPL et SCID-II-PQ schizotypique, produisant des coefficients de 0,72 et -0,31 respectivement (tableau 5).

Tableau 5.

Validité concomitante et divergente.

Trouble de la personnalité limite2 Trouble de la personnalité schizotypique3
BPQ1 Moyenne (é.t.) r Moyenne (é.t.) r
11,90 (1,65) 0,72** 2,55 (1,38) -0,31*

Notes.

1 BPQ = Borderline Personality Questionnaire.

2-3SCID-II-PQ= Structured Clinical Interview for DSM disorders-Personality Patient Questionnaire.

* = p < 0,001.

** = p < 0,05.

Discussion

Cette étude visait à traduire le questionnaire de dépistage Borderline Personality Questionnaire de l’anglais vers le français et à effectuer une première vérification des propriétés psychométriques du BPQ français dans un contexte canadien avec un échantillon clinique d’adultes consultant un programme spécialisé pour les troubles de la personnalité. Tout comme Poreh et al13 avec la version originale du BPQ, la version française du BPQ présente une bonne cohérence interne, ainsi qu’une bonne validité convergente et discriminante. De plus, le BPQ français converge de manière significative avec le diagnostic selon le SCID-II-TPL, un outil largement utilisé, et prédit de manière significative un diagnostic établi par un psychiatre.

Le BPQ a plusieurs atouts. Il semble être facile à comprendre pour les personnes ayant un TPL et rapide à remplir. Il complète bien les scores obtenus dans les entrevues et estimés par les cliniciens. Pour une personne commençant un processus de traitement, qu’elle ait ou non son diagnostic de TPL, le BPQ peut être un outil de réflexion utile pour déclencher une discussion avec les cliniciens. Le format d’échelle dichotomique a suscité les commentaires de plusieurs participants, principalement en raison de la division de la manière de répondre, ce qui a rappelé à certains la manière clivée de se voir et de percevoir le monde. De plus, ceux qui étaient en suivi depuis un certain temps avaient le sentiment qu’il était plus difficile de montrer leurs progrès de manière nuancée.

La sous-échelle du sentiment de vide a été examinée de plus près, car elle a montré une cohérence interne et une fidélité test-retest inférieures. Ce résultat n’a pas été trouvé dans les échantillons non cliniques de l’étude de Poreh et al13 menée aux États-Unis, en Angleterre et en Australie. Un examen plus approfondi des éléments de cette sous-échelle a conduit à l’hypothèse que certains items, comme par exemple le no 39 (je suis souvent différent selon les gens avec qui je suis et les situations, si bien que parfois je ne suis plus certain de qui je suis) et le no 79 (je suis souvent confus quant à mes buts à long terme) peuvent se chevaucher avec le concept d’identité. Cela donne à penser qu’il serait pertinent de poursuivre d’autres études de validation, comme une analyse factorielle.

Cette étude a suivi des normes de traduction et de validation rigoureuses. Aucune adaptation spécifique n’a dû être faite pour la version française du BPQ. Le libellé choisi était aussi universel que possible, mais il serait pertinent de vérifier son applicabilité dans les autres pays francophones. Bien que prometteuse, il s’agit d’une première validation avec un échantillon clinique modeste recruté dans un programme urbain spécialisé dans les troubles de la personnalité. Il pourrait y avoir un biais dans l’échantillon, à savoir que les participants auraient possiblement souhaité être admis au programme et avoir ainsi un score biaisé. Cependant, ceci est contrôlé par le fait que le contexte était le même pour tous les autres questionnaires auto-administrés utilisés dans cette étude. De plus, la version française de l’instrument SCID, même s’il est reconnu et couramment utilisé, possède des propriétés psychométriques très limitées. Cependant, dans les contextes francophones, le défi demeure de disposer d’un répertoire d’outils bien établis. Enfin, les tests de sensibilité et spécificité demeurent à réaliser dans une prochaine recherche et ainsi, la présente étude ne permet pas de statuer sur la portée de l’efficacité du BPQ français à bien dépister le TPL.

Conclusion

Le trouble de la personnalité limite demeure un trouble psychiatrique sous-diagnostiqué et aussi mal diagnostiqué23. Il est considéré comme un problème de santé publique important24. Cette étude a montré que le BPQ français prédit de manière significative le diagnostic établi par les psychiatres dans une population clinique et constitue un outil de dépistage prometteur.

Les recherches futures sur le BPQ français devraient le soumettre à un test avec un groupe de comparaison et en évaluer l’applicabilité au niveau international, dans divers contextes cliniques et auprès de la population générale. Par ailleurs, sa validité conceptuelle pourrait être approfondie par une analyse factorielle. Il serait également intéressant de faire l’essai d’une version incluant une échelle de réponse de type Likert et évaluer la sensibilité au changement du BPQ. Il pourrait alors ultimement être intégré en tant que mesure de résultats examinant les symptômes du trouble de la personnalité limite.

Footnotes

Financement: Cette étude a reçu du financement du Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal.

ORCID iD: Nadine Larivière, OT(C), PhD Inline graphic https://orcid.org/0000-0001-8917-8240

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

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Articles from Canadian Journal of Psychiatry. Revue Canadienne de Psychiatrie are provided here courtesy of SAGE Publications

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