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. 2021 Mar 5;180(5):410–411. [Article in French] doi: 10.1016/j.amp.2021.03.008

Les accès psychotiques aigus liés à la pandémie COVID-19

Acute psychotic episodes related to the COVID-19 pandemic

Jalal Doufik a,, Mina Ouhmou b, Ilham Bouraoua b, Hicham Laaraj b, Khalid Mouhadi b,c, Ismail Rammouz b
PMCID: PMC7970018  PMID: 33753949

Abstract

Le monde traverse actuellement une période extrêmement stressante à cause de la pandémie du COVID-19. Cette situation exceptionnelle et alarmante pourrait augmenter l’incidence des problèmes de santé mentale, parmi lesquels les troubles psychotiques aigus. Notre observation rapporte deux cas de patients présentant un accès psychotique aigu, avec une thématique délirante en relation avec la pandémie du coronavirus. Les deux patients, qui ne présentaient pas d’antécédents antérieurs de troubles psychiatriques, ont été hospitalisés dans notre service de psychiatrie, après le début du confinement sanitaire obligatoire dans notre pays. La symptomatologie clinique retrouvée était surtout faite d’un syndrome hallucinatoire et d’un syndrome délirant à thématique religieuse, avec des idées délirantes centrées sur le COVID-19. Ce rapport de cas suggère qu’un stress psychosocial intense, provoqué par la crise mondiale actuelle et les mesures de confinement, pourrait constituer un facteur déclenchant de premiers épisodes psychotiques, et avoir un impact sur l’expression clinique et délirante de la psychose aiguë.

Mots clés: Coronavirus, COVID-19, Délire, Pandémie, Psychose aiguë, Stress

1. Introduction

La maladie à coronavirus 19 (COVID-19) a été déclarée pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en mars 2020. Des stratégies de santé publique pour contenir la propagation de la maladie ont été mises en place dans presque tous les pays [7]. Celles-ci incluent la mise en quarantaine et la distanciation sociale de la population générale [7]. Si la distanciation physique et la mise en quarantaine sont le moyen le plus efficace de prévenir la propagation du virus [2], cette mesure pourrait être associée à une série d’effets psychologiques indésirables, notamment la peur, l’anxiété et l’inquiétude [1], [4].

La littérature rapporte que des personnes vulnérables aux facteurs de stress environnementaux peuvent être profondément affectées par les quarantaines [1], mais aucune donnée n’est encore disponible concernant les effets collatéraux de la pandémie du coronavirus 2019 (COVID-19) sur l’apparition de la psychose aiguë.

Ici, nous rapportons deux cas de patients ayant présenté un accès psychotique aigu avec un délire lié à la thématique COVID-19, illustrant le potentiel d’une grande épidémie comme le COVID-19 pour précipiter l’entrée dans une phase psychotique et avoir un impact sur l’expression clinique et surtout délirante de la psychose.

Les deux cas ont été admis dans le service psychiatrique du centre hospitalier provincial d’Inezgane (Agadir, Maroc) après le 20 mars 2020, date de début du confinement sanitaire dans notre pays. Ils ont été hospitalisés pour une prise en charge d’un accès psychotique aigu, avec une symptomatologie clinique incluant un délire en rapport avec la pandémie du COVID-19. Un trouble psychotique dû à une affection médicale, un delirium (confusion mentale), et un trouble délirant (paranoïa) ont été exclus. D’autres critères d’exclusion étaient le fait d’être COVID-19 positif, de présenter des symptômes d’infection respiratoire, ou d’être en contact avec des personnes positives au COVID-19. L’examen physique ainsi que les examens biologiques standards de nos patients étaient sans particularité. Les deux patients ont donné leur consentement éclairé pour publier ce rapport de façon anonyme.

2. Observation 1

Monsieur A, âgé de 28 ans, sans antécédents médicaux ou psychiatriques notables, vit seul dans son lieu de travail (bain maure). Il a été amené en service de psychiatrie par son patron, après l’installation d’un changement de comportement depuis moins d’un mois : le patient a commencé à se sentir persécuté, pensant que son entourage le suivait, et qu’on voulait le tuer.

Selon lui, il était à l’origine du virus du COVID-19, et Dieu lui envoyait des messages via son téléphone portable, concernant les tests des personnes infectés par le virus. Le patient rapportait aussi des hallucinations intrapsychiques et cénesthésiques, avec une insomnie et une anorexie. Le diagnostic retenu était celui d’un trouble schizophréniforme (diagnostic provisoire), et le patient a été mis sous halopéridol 6 mg/jour. L’évolution au cours de l’hospitalisation a été marquée par une bonne réponse au traitement, avec disparition des symptômes psychotiques, après une durée de séjour en service de psychiatrie de 14 jours.

3. Observation 2

Monsieur B, âgé de 24 ans, fils adopté, travaille comme plombier. Il consomme de manière quotidienne du cannabis, il n’a pas d’antécédents psychiatriques, ni de psychose ni de trouble de l’humeur. Le patient a été hospitalisé en service de psychiatrie à la demande de sa famille, suite à l’apparition brutale, trois jours avant son admission, d’un trouble du comportement fait de bizarreries et d’une agitation psychomotrice.

Le patient présentait un délire paranoïde, à thématique religieuse, en disant qu’il était un prophète envoyé par Dieu, ayant comme mission d’apprendre aux gens les règles de la religion, que Dieu lui parle, et lui dit exclusivement à lui des secrets et des prévisions concernant les cas infectés par le coronavirus. De ce fait, il présume reconnaître les sujets atteints des sujets sains. Il présentait aussi des hallucinations intrapsychiques et une insomnie. Le diagnostic retenu était celui d’un trouble psychotique bref (diagnostic provisoire) ; le patient a été mis sous halopéridol à la dose de 6 mg/jour puis augmentation de dose à 10 mg/jour devant la non-amélioration des symptômes.

Après neuf jours d’hospitalisation, le patient est sorti de l’hôpital contre avis médical et à la demande de sa famille, et il a été perdu de vue.

4. Discussion

Ces deux observations rapportent une illustration clinique d’un accès psychotique aigu avec un délire lié à la pandémie actuelle du COVID-19. Ainsi, durant ces circonstances exceptionnelles vécues à travers le monde, une telle situation est à l’origine d’une détresse psychologique qui pourrait conduire à une augmentation significative de l’incidence de nouveaux cas de psychoses. Dans ce sens, une étude rétrospective menée en Chine, pays d’origine de la pandémie, a révélé que le COVID-19 était associé à une augmentation anormale de premiers épisodes de schizophrénie [5]. La crise actuelle pourrait donc jouer un rôle dans l’émergence de cas de psychose aiguë [8] ; toutefois, le nombre d’études abordant cette question reste très limité.

Une étude menée en Espagne a rapporté quatre cas de patients présentant des troubles psychotiques brefs, avec des idées délirantes centrées sur la pandémie actuelle [6].

Par ailleurs, on estime que la couverture médiatique de ces circonstances exceptionnelles influence le contenu des pensées délirantes, en particulier lors de crises telles que les pandémies ou juste après des attentats terroristes. Des cas de patients présentant des délires paranoïdes, avec des thématiques religieuses et de persécution comme dans notre rapport, sont couramment observés dans la pratique clinique ; en effet, les délires sont inéluctablement attachés au contexte culturel du sujet, et l’influence d’événements historiques et sociopolitiques ou de contenus, telles les nouvelles technologies, est courante [3].

Ce rapport de cas montre l’impact de la crise du COVID-19 sur des patients auparavant en bonne santé, entraînant l’éclosion d’un épisode psychotique avec une expérience paranoïaque-hallucinatoire et des attentes et des préoccupations irréalistes. Bien que des recherches ultérieures sur des populations à grande échelle soient nécessaires, notre observation suggère qu’un stress psychosocial intense, provoqué par la pandémie actuelle et les mesures de confinement, pourrait constituer un facteur déclenchant de premiers épisodes psychotiques.

Financement

Aucun financement n’a été reçu pour ce travail.

Contribution des auteurs

Tous les auteurs ont lu et approuvé le manuscrit final et y ont contribué à parts égales.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

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