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Elsevier - PMC COVID-19 Collection logoLink to Elsevier - PMC COVID-19 Collection
. 2021 May 28;181(1):40–45. [Article in French] doi: 10.1016/j.amp.2021.05.006

Retour d’expérience de la mise en place d’une ligne de régulation psychiatrique au SAMU 62 dans le contexte Covid-19

Feedback from the establishment of a psychiatric regulation line at SAMU 62 in the context of Covid-19

Laure Rougegrez 1,, Marine Dupont 1
PMCID: PMC8162714  PMID: 34092798

Abstract

Le contexte épidémique du Covid-19 et les mesures de confinement mises en place à partir du 16 mars 2020 ont été à l’origine d’une majoration significative du nombre d’appels arrivant au centre 15. Au SAMU 62, l’une des réponses apportées à la montée en puissance du dispositif de renfort Covid au CRAA a été la mise en place d’une ligne de régulation psychiatrique, destinée aux appels à forte valence émotionnelle, qu’ils soient en lien avec l’anxiété relative à l’épidémie, les difficultés d’ajustement en lien avec le confinement, ou la rupture des soins psychiatriques chez les personnes souffrant de troubles mentaux. Cette ligne a été assurée, du 20 mars 2020 au 15 mai 2020, par 15 régulateurs exerçant dans le champ de la santé mentale (psychiatres, psychologues et infirmiers) et volontaires de la cellule d’urgence médicopsychologique du Pas-de-Calais. Sur l’ensemble du dispositif, 556 appels ont été régulés, soit une moyenne de 9,8 appels par jours. La typologie des appels était dans un quart des cas une anxiété en lien avec la crainte d’être infecté, pour le deuxième quart, des difficultés d’ajustement engendrées par le confinement et pour la moitié environ une symptomatologie psychiatrique, qu’elle soit connue et en rupture partielle de suivi du fait de la suspension des soins programmés en psychiatrie, ou précipitée par le contexte. Les bénéfices mis en exergue du dispositif étaient les suivants : la décharge des ARM d’appels souvent chronophages, l’expertise d’un professionnel de santé mentale permettant de fluidifier le parcours du patient en aval et la connaissance des différents secteurs de psychiatrie du département permettant de moduler la réponse apportée à l’appelant. Enfin, il est à noter que la présence du régulateur psychiatrique en salle de régulation a permis un transfert naturel de ces appels, et une acculturation réciproque, appréciée par les professionnels du SAMU. Au vu de la pertinence de la mise en place d’une ligne de régulation psychiatrique dans le contexte épidémique du Covid-19, il semble intéressant d’envisager la pérennisation de ce dispositif, qui s’inscrit dans un contexte global d’évolution de l’offre de soins d’urgence.

Mots clés: Cellule d’urgence médicopsychologique, Covid-19, Crise sanitaire, SAMU, Retour d’expérience

1. Contexte

L’émergence d’une maladie infectieuse apparue en Chine fin 2019, le Covid-19, est à l’origine d’une pandémie mondiale déclarée par l’OMS le 11 mars 2020, responsable d’une crise sanitaire majeure en France.

Le 24 janvier 2020, trois premiers cas sont identifiés en métropole. Le 23 février 2020, le ministre de la Santé déclenche le plan ORSAN REB au stade 1, visant à freiner l’introduction du virus en France. Le stade 2, consistant en une stratégie d’endiguement de la progression virale dans le pays, est déclenché le 29 février, suite à deux décès, visant à freiner la propagation du virus sur le territoire. Certaines écoles dans l’Oise, épicentre de l’épidémie, sont alors fermées. Les manifestations de plus de 5 000 personnes en milieu fermé sont interdites. Le 11 mars, les visites dans les EHPAD sont interdites. Les mesures sont proportionnées en fonction des territoires impactés et les médecins de ville doivent assurer un filtrage, seuls les cas graves étant hospitalisés.

Le 14 mars 2020, en raison de la circulation du virus sur le territoire, la stratégie gouvernementale passe au stade 3 et tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays sont fermés. Le 17 mars, la population française est confinée au domicile et les contacts et les déplacements sont réduits à leur plus strict minimum, afin de limiter la propagation interhumaine du virus. Les frontières de l’espace Schengen sont fermées. Fin avril 2020, l’Agence Nationale de Santé Publique fait état de plus de 24 000 morts (dans les centres hospitaliers et les établissements médicosociaux) pour plus de 120 000 cas positifs (confirmés par PCR), soit un taux de létalité provisoire de 18 %, avec un taux de tests faible en France, comparativement à d’autres pays européens. Les mesures de confinement visent à diminuer le risque de saturation des hôpitaux en étalant les vagues d’arrivées.

Dans le guide méthodologique de la phase épidémique du Covid-19 (version du 16 mars 2020), il est rappelé que les SAMU/centre 15 sont au cœur du dispositif de régulation des tensions sur le système de santé, avec un rôle de conseil médical auprès de la population. L’objectif est alors de renforcer les SAMU pour faire face à l’augmentation des appels entrants, à la fois sur le plan des moyens humains et de l’adaptation logistique. Il est aussi recommandé de mettre en place dans chaque SAMU une organisation spécifique au Covid avec un numéro dédié. Dans les messages nationaux, le numéro 15 est alors identifié comme le lieu d’appel en cas de signe de gravité ou en cas de problème à une réponse médicale de ville.

2. Activité au CRAA–SAMU 62

Le 24 février, l’ARS positionne le Centre Hospitalier d’Arras comme établissement de santé répondant en deuxième ligne (derrière les CHU de Lille et d’Amiens, les deux établissements de première ligne des Hauts-de-France) à la crise sanitaire du Covid-19.

Le 26 février, le Centre 15 du SAMU 62 est renforcé en journée, sept jours sur sept, par la présence d’un quatrième médecin régulateur dédié aux appels touchant à l’épidémie. Ce médecin est épaulé par un interne en DES de Médecine d’Urgence. Des internes de Médecine Générale viendront suppléer ponctuellement leurs collègues.

La moyenne des appels entrants sur 24 heures oscille entre 1 600 et 1 800. Pour le mois de mars 2020, ils sont passés à plus de 2 000, entraînant de nombreux abandons d’appels considérés alors comme perdus car non traçables. Un pic est observé dans la journée du 13 mars avec 1 200 appels supplémentaires sur le dispositif Covid et 655 abandons (appels perdus).

Au SAMU 62, des renforts extérieurs pour le dispositif Covid ont été mis en place du 17 mars au 13 avril 2020, composés de secouristes (23 secouristes de la Croix-Rouge française et 15 secouristes de la protection civile) mais aussi d’étudiants hospitaliers (les externes).

Entre le 13 et le 18 mars, on retrouve une montée en puissance des appels identifiés « Covid », nécessitant, le 18 mars, l’ouverture du centre de régulation par les médecins libéraux (CRAAL) en journée (avec 450 appels en moyenne sur la plage 8h–20 h).

Concernant les renforts Covid en salle de régulation, on note une augmentation de 800 appels par jour en moyenne, avec une décroissance continue à partir du 12 avril (environ 100 appels supplémentaires par jour).

Référente nationale de l’urgence médicopsychologique, le Dr Nathalie Prieto a sollicité le 18 mars 2020 l’ensemble des CUMP à se mobiliser en soutien aux équipes d’urgences. Suite à ces directives nationales, la cellule d’urgence médicopsychologique, unité fonctionnelle rattachée au SAMU 62, s’est articulée avec les moyens de régulation afin d’apporter un renfort concernant les appels présentant une valence émotionnelle forte, et permettre ainsi de limiter les appels perdus.

La CUMP est une unité fonctionnant avec des volontaires issus d’établissements du département, dont la mission princeps est la prise en charge des victimes et des impliqués confrontés à un événement psychotraumatisant. La mobilisation de la CUMP dans le contexte COVID n’a pas lieu pour son action spécifique concernant le risque psychotraumatique mais du fait de sa mobilisation systématique dans le cadre de l’urgence et de la crise, ainsi que parce qu’elle est composée de volontaires professionnels de santé mentale, formés à la prise en charge de pathologies réactionnelles, et de par son activité en réseau couvrant l’ensemble du territoire départemental.

3. Description du dispositif

Dans les suites de l’annonce du confinement et de la déprogrammation des soins hospitaliers non urgents et de la limitation des passages aux services d’accueil des urgences, il a été convenu de mettre en place, et ce dès le 20 mars 2020, une ligne de régulation psychiatrique au SAMU 62, assurée par les volontaires de la CUMP 62. Ce dispositif de renfort s’est intégré dans le cadre du dispositif spécifique Covid mis en place en salle de régulation.

Quinze régulateurs psychiatriques ont ainsi été formés, en salle de régulation, aux principes de la télémédecine, de l’articulation avec les ARM, médecins régulateurs, et au logiciel CENTAURE.

L’amplitude horaire couverte a été de 8 heures à 20 heures, tous les jours, week-ends et jours fériés inclus, scindés en deux postes (8 h–14 h et 14 h–20 h).

Le régulateur psychiatrique était présent en salle de régulation et mobilisait un poste et un numéro dédié et fixe.

Les régulateurs étaient des professionnels de santé mentale, exerçant au centre hospitalier Arras, l’EPSM de Saint-Venant et le centre hospitalier de Lens. Étaient recensés trois psychiatres, une interne en psychiatrie, un psychologue et neuf infirmiers diplômé d’État (IDE). Tous avaient une expérience des missions CUMP, de l’intervention de crise et de l’évaluation psychiatrique aux urgences.

4. Mission du dispositif

Les appels à forte valence émotionnelle sont naturellement plus longs, nécessitant de la réassurance souvent chronophage. L’Analyse du Risque Médical (ARM) ayant pour fonction de réguler les appels, sans dimension de soin, exprime des difficultés plus fréquentes dans la gestion d’appels en lien avec une symptomatologie anxieuse, ou psychiatrique au sens large. D’autre part, le fonctionnement de la psychiatrie, avec la dimension de sectorisation et ses fonctionnements locaux parfois disparates, peut paraître obscur lorsque l’on n’y est pas sensibilisé.

L’idée de ce dispositif de renfort par une ligne psychiatrique est de décharger les régulateurs au SAMU 62 des appels en lien avec des symptomatologies anxieuses, dans le contexte de confinement ajouté au contexte endémique, ou de décompensation de troubles psychiatriques sous-jacents favorisés par la rupture partielle des soins avec le fonctionnement en mode dégradé des Centres Médico-Psychologiques (CMP) du département (sur un mode téléphonique pour la plupart, avec limitation des visites à domicile habituellement organisées, fermeture des Centres d’accueil Thérapeutiques à Temps Partiel [CATTP] et parfois des hôpitaux de jour).

5. Activité qualitative et quantitative

5.1. Sur le plan quantitatif

Du 20 mars au 15 mai 2020, 556 appels ont été régulés, soit une moyenne de 9,8 appels par jour ; 57 jours couverts, soit 684 heures (voir Fig. 1 ).

Fig. 1.

Fig. 1

Répartition des appels régulés sur la ligne psychiatrique.

La typologie d’appel était la suivante (voir Fig. 2 ) :

  • angoisse en lien avec le confinement (26,3 %) ;

  • trouble psychiatrique sans lien avec le contexte Covid (23,4 %) ;

  • angoisse liée à la crainte d’être infecté par le Covid (23,3 %) ;

  • décompensation de troubles psychiatriques sous-jacents en lien avec le confinement et/ou la rupture partielle du suivi (14,6 %) ;

  • velléités suicidaires (5,8 %) ;

  • angoisses (4 %) ;

  • familles endeuillées (1,6 %) ;

  • rappel de personnes ayant sollicité le numéro vert national, en lien avec une symptomatologie psychiatrique (0,6 %) ;

  • violences familiale (0,4 %).

Fig. 2.

Fig. 2

Typologie des appels régulés par la ligne psychiatrique.

5.2. Sur le plan qualitatif

Les appels régulés par la ligne psychiatrique étaient significativement plus longs, avec la particularité d’articuler la décision en fonction du travail en réseau qui pouvait être effectué (par exemple, appelante présentant des idées suicidaires, sans velléités de passage à l’acte mais peu de facteurs protecteurs, interpellation du CMP où elle était suivie pour organisation d’une visite à domicile dans l’après-midi afin d’éviter la mobilisation d’un vecteur). D’autre part, pour certains patients connus de la psychiatrie de secteur, il a pu être organisé des hospitalisations avec entrée directe suite à l’évaluation téléphonique réalisée par le régulateur des Cellules d’Urgence Médico-Psychologiques (CUMP), en évitant un transit aux urgences et ses effets délétères (risque de contamination, attente du patient, mobilisation du psychiatre et/ou de l’équipe de liaison, attente du patient, risque de fugue ou d’agitation).

De manière ponctuelle, quelques rappels téléphoniques ont été réalisés. Il s’agissait de personnes ayant appelé pour qui une réévaluation semblait nécessaire, ou encore les rappels de personnes appelant au numéro vert national, dont les coordonnées étaient renvoyées par la Croix-Rouge sur les CUMP départementales pour recontact et réévaluation de la symptomatologie.

6. Intérêt de la présence en salle de régulation

La présence du régulateur CUMP en salle de régulation a permis un effet d’acculturation, incarné notamment dans les temps de double écoute mis en place. Il est intéressant de noter que cette double écoute a eu lieu dans les deux sens, que ce soit le régulateur CUMP qui écoute l’ARM réguler ou les ARM se mettant en double écoute sur la régulation psychiatrique.

Les régulateurs CUMP ont ainsi pu avoir une compréhension globale du fonctionnement de la salle, du centre 15, de la cellule Covid et du CRAAL. Les ARM ont également pu saisir l’intervention du régulateur CUMP (technique de contrôle respiratoire, de reformulation, de désescalade émotionnelle, outils de relaxation) et ainsi identifier plus facilement les appels à faire réguler sur la ligne psychiatrique. Le lien se faisait également plus naturellement, par exemple lors d’un doute quant à la pertinence de passer un appel sur la ligne psychiatrique, avec la possibilité de rebasculer plus facilement l’appel sur l’ARM ayant pris l’appel ou sur le CRAAL, à la différence d’une ligne délocalisée de la régulation. Les transferts d’appels se faisaient d’autant plus facilement que le poste de régulation psychiatrique était toujours le même avec un numéro fixe dédié tout au long du dispositif.

D’autre part, la présence de professionnels de santé mentale a permis d’organiser un soutien informel et constant des équipes du SAMU 62. Une étude chinoise parue le 23 mars dans le Journal of the American Medical Association [1] menée sur 1 257 soignants retrouve 71,5 % de symptômes de détresse post-traumatique (anxiété, insomnie, ou trouble de stress post-traumatique caractérisé) avec un risque d’addiction (surconsommation d’alcool notamment). La désorganisation inhérente à la crise peut entraîner un sentiment de manque d’appartenance, dans des équipes recomposées, le sentiment d’être submergé ou parfois de ne plus être en mesure d’effectuer son travail. Dans le contexte de réorganisation de l’ensemble du système hospitalier induit par la crise sanitaire, il est intéressant de noter que la désorganisation semble être un facteur significatif dans le stress des soignants, et ce parfois plus que la charge émotionnelle en lien avec les pathologies prises en charge (constat fait lors des maraudes réalisées dans les différents services hospitaliers dans le cadre du dispositif de soutien aux équipes hospitalières). En effet, un nombre important d’agents hospitaliers impactés ne sont pas en première ligne dans la lutte contre le Covid, mais travaillent dans les services désorganisés par la crise. Le SAMU, du fait de la mobilisation de renforts extérieurs (associations de secouristes, étudiants), s’est réorganisé, et a fait face à un afflux massif d’appel au début de la crise, épuisant rapidement les équipes. La présence quotidienne de volontaires CUMP a permis la réalisation de maraudes et de débriefings individuels informels, favorisés d’autant plus que les régulateurs psychiatriques étaient inclus dans la salle et au fait de la réalité vécue par les agents ; ainsi, 48 débriefings informels ont pu être réalisés durant cette période par les régulateurs CUMP.

7. Retour des régulateurs psychiatriques

Il existait au préalable du dispositif une appréhension sur l’intégration dans l’équipe de régulation, sous-tendue par l’idée d’un grand écart entre la régulation de l’aide médicale d’urgence et la psychiatrie. Toutefois, l’accueil fut particulièrement bienveillant, en lien avec le soulagement de l’équipe que les appels « psychiatriques » puissent être pris en charge dans un temps suffisant.

Pour les régulateurs CUMP, l’expérience de mission CUMP avec les compétences acquises dans la gestion de débordement émotionnel a été bénéfique. D’autre part, certains régulateurs (environ la moitié) étaient formés à l’intervention de crise (M. Séguin, N. Chawky, 2015), et les outils en découlant se sont révélés très fonctionnels dans le contexte des appelants (reformulation, travail sur l’instauration de l’alliance thérapeutique, recueil des données pour évaluer la conduite à tenir à court terme, etc.).

L’intérêt a été soulevé de la participation de régulateurs de différents établissements du département, dans le cadre de conventions interhospitalières avec la CUMP, apportant une connaissance des fonctionnements internes de différentes structures (services d’accueil des urgences des autres établissements, CMP de différents secteurs de psychiatrie, établissements médicosociaux du département, etc.).

8. Retours des ARM et des médecins régulateurs

Un questionnaire a été envoyé aux ARM, ARM référents et médecins régulateurs à la fin du dispositif psychiatrique au CRAA, afin d’en évaluer l’utilisation qu’ils avaient pu en faire (voir Annexe 1).

Il s’agissait d’un questionnaire en ligne, anonyme, composé de cinq questions, évaluant la fonction du répondant, la fréquence de sa sollicitation de la ligne psychiatrique, la fréquence des difficultés ressenties lors de la gestion des appels psychiatriques, et l’identification de ces difficultés, l’évaluation de l’intérêt de la régulation psychiatrique et de sa pérennisation (Annexe 1).

8.1. Résultats

Le questionnaire a été envoyé à l’ensemble du personnel du CRAA (ARM, ARM référents et médecins régulateurs) par le biais d’un lien Google formulaire.

Vingt-six réponses ont été obtenues, seize ARM, six ARM référents et quatre médecins régulateurs. Les difficultés rencontrées lors de la gestion d’appel pour motif psychiatrique étaient présentes pour l’ensemble des répondants et fréquentes la moitié des cas. Les difficultés identifiées étaient majoritairement la longueur de l’appel (citée par la moitié des répondants) et le manque de connaissance concernant la prise en charge et l’organisation des soins en psychiatrie (citée également par la moitié des répondants). Venaient ensuite l’inquiétude quant au risque suicidaire et la difficulté de gestion de la valence émotionnelle de l’appel (respectivement pour 12,5 % et 8,7 % des répondants). Enfin, les difficultés entravant la décision découlant de l’appel (problématique des appelants refusant de donner leur identité ou adresse, sentiment d’incompétence quant à la dimension relationnelle de l’appel).

Concernant la sollicitation de la régulation psychiatrique, celle-ci s’est faite en grande partie par les ARM et les médecins régulateurs l’ont peu sollicitée à leur niveau. Pour plus d’un quart des ARM répondants, la sollicitation de la ligne psychiatrique s’est faite à tous les postes (28,6 %) et pour plus d’un tiers de manière régulière (35,7 %).

Les répondants validaient à 96,2 % la pertinence d’une pérennisation du dispositif de régulation psychiatrique en situation courante. Les intérêts mis en évidence (plusieurs réponses étaient possibles) étaient les suivants :

  • l’expertise d’un régulateur psychiatrique (pour 38,5 % des répondants), concernant la séméiologie psychiatrique et l’évaluation clinique ;

  • l’amélioration de la prise en charge de l’appelant (pour 23,1 % des répondants) ;

  • la libération des lignes pour les appels concernant les urgences vitales (pour 19,2 % des répondants) ;

  • limiter l’orientation au SAU (pour 15,4 %) ;

  • limiter l’envoi de vecteurs (pour 15,4 %) ;

  • et enfin l’acculturation avec le milieu de la psychiatrie pour 7,7 % des répondants, englobant la transmission d’outils de communication et de désescalade émotionnelle, utile dans la gestion des appels difficiles, ainsi que le defusing suite à certains appels susceptibles de générer du traumatisme vicariant chez ces professionnels.

9. Conclusion

Le dispositif de renfort CUMP en régulation dans le contexte Covid a permis d’identifier plusieurs bénéfices d’une ligne psychiatrique au SAMU :

  • tout d’abord, la régulation des appels psychiatriques permet de décharger les ARM d’une activité rapidement chronophage ;

  • ensuite, l’expertise d’un professionnel de santé mentale pour l’évaluation psychiatrique (instauration de l’alliance thérapeutique, évaluation du risque suicidaire, évaluation d’une symptomatologie délirante) qui permet d’affiner la décision d’orientation, avec dans l’idée de mobiliser moins de vecteurs et moins de passage aux urgences ;

  • la connaissance du fonctionnement des différents secteurs du département et le travail de réseau pouvant en découler (appel des CMP prenant en charge les patients, lien avec les équipes de psychiatrie dans les SAU), dans le but de pouvoir orienter les patients en amont d’un passage aux urgences (on peut imaginer par exemple l’hospitalisation directe d’un patient sans passer par une évaluation aux urgences) ;

  • enfin, l’idée générale de pouvoir anticiper les passages de patients pour motifs aux urgences (organiser des consultations de post-crise programmées, rappels téléphoniques, visites à domicile du CMP, organiser des hospitalisations en entrée directe dans le service de psychiatrie, lorsque l’indication est rapidement claire). La gestion de l’attente du patient venu pour motif psychiatrique aux urgences pouvant être compliquée (risque de fugue, d’agitation, d’attente importante), il est intéressant, lorsque l’indication est claire et/ou le patient suivi sur le secteur et connu du service, de pouvoir shunter ce temps aux urgences ;

  • notons d’autre part l’intérêt d’une présence psychiatrique au CRAA qui pourrait permettre de soutenir certains ARM confrontés à des situations compliqués, avec une sensibilisation au traumatisme vicariant de cette activité.

10. Perspectives

En septembre 2019, le ministère de la Santé présentait son pacte de refondation des urgences, l’un de ses objectifs étant de limiter les recours inadaptés aux urgences, en vue d’en diminuer la tension actuelle. Ainsi, sa mesure 1, le SAS (service d’accès aux soins) sera une plateforme polyvalente de régulation médicale, l’extension du SAMU centre 15 permettant la gestion de tous les besoins de santé, avec pour but d’apporter si possible une solution alternative au passage aux urgences. D’autre part, fluidifier l’aval reste une priorité absolue, avec pour objectif de privilégier la qualité du parcours de soins dans les services d’urgences.

Dans ce contexte, la pertinence d’un régulateur psychiatrique pouvant être en lien avec les équipes de psychiatrie des SAU de son département semble naturelle, avec la mise en place d’un véritable réseau des urgences psychiatriques dans le but d’éviter l’attente du patient venant pour motifs aux urgences, souvent source de tension et de difficultés (risque d’agitation, de fugue, d’opposition…) à la fois pour le patient et pour l’équipe du SAU le prenant en charge.

Au vu de la pertinence de la mise en place d’une ligne de régulation psychiatrique dans le contexte épidémique du Covid-19, il semble intéressant d’envisager la pérennisation de ce dispositif, qui s’inscrit dans un contexte global d’évolution de l’offre de soins d’urgence.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteures déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Annexe 1. Questionnaire en ligne

1 - Quelle est votre fonction ?

  • □ ARM

  • □ ARM référent

  • □ Médecin régulateur

2 - Avez-vous sollicité la ligne psychiatrique lors d’appels reçus ?

  • □ oui à tous mes postes

  • □ régulièrement

  • □ ponctuellement

  • □ jamais

3 - Êtes-vous confrontés à des difficultés lors d’appels pour motif psychiatrique ?

  • □ toujours

  • □ souvent

  • □ parfois

  • □ rarement

  • □ jamais

4 - Si oui, quelles sont les difficultés les plus fréquentes ?

  • □ longueur de l’appel

  • □ difficultés à gérer la charge émotionnelle de l’appelant

  • □ sentiment de ne pas savoir faire

  • □ inquiétude quant au risque suicidaire

  • □ inquiétude quant au risque hétéro-agressif

  • □ manque de connaissance dans les prises en charge psychiatrique ou dans l’organisation des soins psychiatriques

  • □ Autre

5 - Avez-trouvé un intérêt à la présence d’une régulation psychiatrique ? Si oui lequel ?

6 - Que penseriez-vous de pérenniser ce dispositif ?

Référence

  • 1.Lai J., Ma S., Wang Y., et al. Factors associated with mental health outcomes among health care workers exposed to Coronavirus Disease 2019. JAMA Netw Open. 2020;3(3) doi: 10.1001/jamanetworkopen.2020.3976. e203976. Published 2020 Mar 2. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]

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