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. 2021 Jun 30;38(9):865–872. [Article in French] doi: 10.1016/j.rmr.2021.06.005

COVID-19 et cancer bronchique : adaptation des schémas d’immunothérapie et qualité de vie

Immunotherapy adaptation in lung cancer during the COVID-19 pandemic

C Travert a,b, P Cannone a, L Greillier a, P Tomasini a,*
PMCID: PMC8241593  PMID: 34246519

Abstract

Introduction

La première vague de COVID-19 a nécessité des modifications des pratiques médicales selon les recommandations des sociétés savantes. En oncologie thoracique, le pembrolizumab a été doublé à 400 mg toutes les 6 semaines, le nivolumab à 480 mg toutes les 4 semaines. L’objectif de notre étude était d’évaluer l’impact sur la qualité de vie, l’état psychologique et la tolérance de ce nouveau schéma d’administration.

Méthodes

Durant la première vague, nous avons inclus des patients suivis en oncologie thoracique chez qui le schéma d’administration de l’immunothérapie avait été modifié et utilisé le Quality of Life Questionnaire-30 pour mesurer leur qualité de vie et l’échelle Hospital Anxiety Depression (HAD) pour évaluer l’état psychologique. Nous avons également précisé les préférences des patients concernant le schéma d’administration et les effets indésirables présentés.

Résultats

Chez les 30 patients inclus la qualité de vie globale était conservée (score médian 75 [33–100]), les scores HAD étaient < 8 chez 23/30 patients pour la dépression, 22/30 pour celui d’anxiété. La tolérance était acceptable. Vingt et un sur 30 patients préféraient le nouveau schéma d’administration .

Conclusions

Ce nouveau schéma d’administration d’immunothérapie a montré une bonne tolérance avec une qualité de vie préservée. Cela est une option thérapeutique possible en contexte de pandémie.

Mots clés: Carcinome bronchique non à petites cellules, Immunothérapie, COVID-19, SARS-CoV2, Qualité de vie

Introduction

La première vague d’épidémie de COVID-19 de mars à mai 2020 a été inédite pour tous et a représenté de nombreux challenges en termes d’adaptation des pratiques à une situation unique.

Ces adaptations avaient deux buts principaux : minorer le risque de contamination de nos patients, et faciliter la gestion des patients atteints de COVID-19 hospitalisés, afin de limiter l’épuisement des ressources humaines et matérielles des structures de santé.

En oncologie, ces adaptations ont été plus délicates que dans d’autres spécialités, puisque le mot d’ordre des autorités restait celui de ne déprogrammer que les activités sans préjudices majeurs pour les patients.

En oncologie thoracique, et dans le cas particulier des carcinomes bronchiques non à petites cellules (CBNPC) de stade IIIC et IV, l’arrêt des traitements se solde directement par un impact sur la survie [1]. La diminution de l’activité en oncologie thoracique et la limitation de venue des patients étaient donc un challenge.

En mars 2020, les experts du Groupe d’oncologie de la Société de pneumologie de langue française (GOLF) de la SPLF ont proposé des recommandations sur la modification des schémas d’administration de l’immunothérapie en monothérapie chez les patients contrôlés atteints d’un CBNPC de stade IIIC ou IV [2].

Celles-ci préconisaient, chez les patients avec une maladie contrôlée depuis plus d’un an, de suspendre le traitement, initialement pour une durée indéterminée. D’autre part, elles recommandaient chez les patients contrôlés et traités depuis moins d’un an, de doubler les doses de pembrolizumab à 400 mg (au lieu de la dose fixe de 200 mg) et de nivolumab à 480 mg (au lieu de la dose de 3 mg/kg), afin d’en diviser par deux leur fréquence d’administration (respectivement toutes les 6 et 4 semaines en lieu et place de 3 et 2 semaines).

La Haute Autorité de santé (HAS) a en effet approuvé en octobre 2019 le pembrolizumab à la dose de 400 mg une fois toutes les 6 semaines dans toutes les indications pour lesquelles cette molécule était déjà autorisée en France, dont le CBNPC [3]. Ceci reposait notamment sur les résultats de l’étude de Lala et al., qui retrouvait des seuils d’expositions prédits similaires entre les deux modes d’administration [4].

La HAS a aussi approuvé le nivolumab à la dose de 480 mg une fois toutes les 4 semaines en décembre 2018, mais uniquement dans le mélanome et le carcinome à cellules rénales [5]. Depuis, l’étude récente de Zhao et al. supportait ce nouveau mode d’administration aussi dans les CBNPC [6].

Nous avons donc suivi ces recommandations dans notre service dès le début de l’épidémie.

L’objectif de cette étude était de décrire la qualité de vie et l’anxiété-dépression chez les patients atteints de CBNPC de stade IIIC ou IV ayant encouru, selon les recommandations des groupes d’experts, la modification de posologie et de rythme d’administration du pembrolizumab et du nivolumab en monothérapie, pendant la première vague épidémique de COVID-19. Nous avons aussi rapporté, en objectifs secondaires, une description de la préférence des patients et la tolérance de ce nouveau mode d’administration.

Méthodes

Population

Les patients éligibles étaient les patients traités dans notre centre (service d’oncologie multidisciplinaire et innovations thérapeutiques, hôpital Nord, Assistance publique–Hôpitaux de Marseille [AP–HM]), majeurs, en cours de traitement par pembrolizumab ou nivolumab en monothérapie, dans le cadre de la prise en charge d’un CBNPC ou d’un mésothéliome pleural malin, présentant une maladie contrôlée après 3 ou 4 cycles de traitement, n’étant pas inclus dans un essai thérapeutique, et étant capables de remplir un questionnaire en français. Les patients présentant un contrôle de la maladie de plus de deux mois mais de moins d’un an ont bénéficié d’une modification de posologie de leur traitement en faveur de pembrolizumab 400 mg une fois toutes les 6 semaines ou nivolumab 480 mg une fois toutes les 4 semaines. Les patients présentant un contrôle de la maladie depuis plus d’un an ont d’abord encouru une suspension du traitement pendant le premier pic épidémique de COVID-19, puis ont bénéficié au mois de mai 2020 de la reprise d’un traitement avec modification des posologies comme suscité. Au vu du caractère purement descriptif de l’étude, aucun calcul du nombre de sujets nécessaires n’a été réalisé.

Intervention

Tous les patients suivis dans notre centre répondant aux critères d’inclusion ont rempli après 3 à 4 cures de traitement aux posologies modifiées (précédée ou non d’une suspension du traitement) un exemplaire du questionnaire de qualité de vie Quality of Life Questionnaire [QLQ]-30 validé par l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) ainsi qu’un exemplaire du questionnaire de dépistage d’anxiété et dépression de l’échelle Hospital Anxiety Depression (HAD). Ceci implique que tous les patients n’ont pas rempli le questionnaire à la même période de l’année. Un questionnaire de baseline , avant modification de schéma, n’a pas pu être rempli en raison du contexte d’urgence sanitaire en mars 2020. Nous leur avons également posé deux questions supplémentaires au même moment : quelle fréquence d’administration préféraient-ils, et d’une manière générale, quelle modalité d’administration était préférée. Nous leur avons ensuite demandé les raisons de leur préférence et exploré les potentielles dimensions explicatives supposées par 6 questions (Tableau 1 ), rédigées au préalable de manière collégiale par le corps médical et le psychologue clinicien du service, lors d’un entretien téléphonique semi-dirigé.

Tableau 1.

Explorations des dimensions explicatives.

Cohorte « Non modifiée » (12) « Modifiée » (23)
Comment trouveriez-vous/avez-vous trouvé ce nouveau mode d’administration ? Mieux 5 (41,67 %) 18 (78,26 %)
Moins bien 4 (33,33 %) 5 (21,74 %)
Sans avis 3 (25 %) 0 (0 %)
Quel lien faites-vous avec la COVID ? Moins de risque de contamination 0 (0 %) 6 (26,09 %)
Aucun 12 (100 %) 17 (73,91 %)
Que pensez-vous d’une visite médicale moins fréquente ? Mieux 4 (33,33 %) 10 (43,48 %)
Moins bien 3 (25 %) 2 (8,70 %)
Sans avis 4 (33,33 %) 11 (47,83 %)
Que pensez-vous d’un nombre de venues à l’hôpital moins fréquent ? Mieux 10 (83,33 %) 20 (86,96 %)
Moins bien 0 (0 %) 2 (8,70 %)
Sans avis 1 (3,33 %) 1 (4,35 %)
Que pensez-vous d’un doublement des doses du produit ? Mieux 1 (3,33 %) 5 (21,74 %)
Pas de différence 0 (0 %) 5 (21,74 %)
(Peur) d’aggravation de la toxicité 6 (50 %) 6 (26,09 %)
Sans avis 4 (33,33 %) 7 (30,43 %)
Que penseriez-vous de l’évolution et du contrôle de votre maladie ? Sans avis 11 (91,67 %) 20 (86,96 %)
Mieux 0 (0 %) 1 (4,35 %)
Toujours aussi bien 0 (0 %) 1 (4,35 %)
Angoisse sur efficacité 0 (0 %) 1 (4,35 %)

Nous avons aussi interrogé un groupe de patients traités par pembrolizumab ou nivolumab selon le schéma standard d’administration, soit parce qu’ils avaient débuté ce traitement après la première vague épidémique de COVID-19, soit parce qu’ils n’avaient pas bénéficié initialement de la mise en place du nouveau mode d’administration. Nous leur avons demandé ce qu’ils penseraient du nouveau schéma thérapeutique, et leur avons posé les mêmes 6 questions exploratoires de dimensions explicatives. Ce groupe a été nommé cohorte « non modifiée ». Le premier groupe a été nommé cohorte « modifiée ». Ces groupes n’ont pas été appareillés.

Outils

Le QLQ-30 comporte deux questions portant sur la qualité de vie globale, sept échelles de symptômes (fatigue, douleur, nausées-vomissements, dyspnée, anorexie, insomnie, constipation-diarrhée) et cinq échelles d’exploration fonctionnelle (fonctions physiques, activités de la vie quotidienne, fonctions cognitives, fonctions émotionnelles et fonctions sociales). Les différents scores situés entre 0 et 100 ont été obtenus pour chacune des échelles en suivant les procédures décrites dans le manuel de l’EORTC [7]. Leur interprétation a aussi été faite selon ce manuel. Un score élevé de qualité de vie globale rapporte une bonne qualité de vie, un score d’échelle fonctionnelle élevé signifie une préservation de cette fonctionnalité, un score élevé de symptômes est synonyme de symptômes invalidants. L’interprétation du QLQ-30 a aussi été réalisée selon le manuel.

Le score HAD comporte deux sous-échelles comportant 7 items chacune et permettant d’évaluer deux scores : un d’anxiété et un de dépression. Un score strictement inférieur à 8 indique une absence de cas d’anxiété ou de dépression, un score entre 8 et 10 indique un cas douteux et un score de 11 et plus indique un cas certain [8].

Analyse

Cette étude est une étude descriptive. Aucun calcul du nombre de sujets nécessaires n’a été effectué. Différents sous-groupes ont été définis selon : la molécule administrée (pembrolizumab ou nivolumab), la séquence thérapeutique (1re ligne ou 2e ligne et plus), le fait d’avoir ou non suspendu le traitement au début de la première vague, et la préférence du patient (ayant trouvé le nouveau mode d’administration mieux ou moins bien). La différence de qualité de vie et de score d’anxiété-dépression a été évaluée par un test de Mann–Whitney.

Éthique

Cette étude prospective non interventionnelle a été autorisée par le portail d’accès aux données de santé (PADS) de l’AP–HM, classée comme ne relevant pas de la loi Jardé, et enregistrée sous le numéro PADS20-220. Un consentement a été obtenu chez tous les patients inclus.

Résultats

Caractéristiques des patients

Au total, 30 patients ont été inclus dans cette étude, du 1er juillet au 30 septembre 2020, 17 traités par pembrolizumab et 13 traités par nivolumab. Les patients inclus étaient essentiellement des hommes (19/30), âgés en moyenne de 68 ans, avec un performance status conservé et fumeurs actifs ou anciens fumeurs (73 %). Plus des trois quarts avaient des CBNPC non épidermoïdes. Le nombre moyen de cures d’immunothérapie à posologie doublée était de 3,4. Ces caractéristiques étaient globalement bien pondérées entre les patients ayant reçu un traitement par pembrolizumab et un traitement par nivolumab. Dans le groupe nivolumab on retrouvait un nombre de patients dont le traitement a été suspendu plus important (9/13 soit 69,23 % versus 5/17 soit 29,41 %) mais la durée moyenne de suspension entre les deux groupes était similaire (59 jours) (Tableau 2 ).

Tableau 2.

Caractéristiques des patients.

Caractéristiques Population globale (30)
Âge (ans) 68,07
Sexe masculin (%) 19 (63,33 %)
Performance status 0–1 27 (90 %)
Statut tabagiquea
 Actif ou sevré 22 (73,33 %)
 Non-fumeur 1 (3,33 %)
Histologie
 CBNPC non épidermoïde 23 (76,67 %)
 CBNPC épidermoïde 4 (13,33 %)
 Mésothéliome 3 (10 %)
Statut PD-L1b
 ≥ 50 % 12 (40 %)
 1–49 % 6 (20 %)
 < 1 % 0
Nombre moyen de cures avant doublement 34,5 (2–111)
Suspension du traitement 14 (46,67 %)
Durée moyenne de suspension (jours) 59,21 (35–70)
Nombre de lignes
 1re ligne 7 (23,33 %)
 ≥ 2e ligne 23 (76,67 %)
Nombre total moyen de cures doublées 3,4 (1–6)

CBNPC : carcinome bronchique non à petites cellules ; PD-L1 : programmed-death-ligand 1.

a

Le statut tabagique était inconnu pour 1 patient traité par pembrolizumab et 6 patients traités par nivolumab.

b

Le statut PD-L1 était inconnu pour 12 patients sur 13 traités par nivolumab.

Qualité de vie

La qualité de vie globale était élevée chez les patients traités par ce nouveau schéma d’administration (score médian de 75 [33–100]) (Fig. 1 A). Les échelles fonctionnelles retrouvaient des scores élevés (score médian de 86,67 [20–100] pour l’échelle physique, 100 [33,33–100] pour l’échelle de limitations dans la vie quotidienne, 87,5 [33,33–100] pour l’échelle émotionnelle, 83,33 [33,33–100] pour l’échelle cognitive et 100 [66,67–100] pour l’échelle sociale) (Fig. 1B). Les résultats dans chaque sous-groupe semblaient être similaires. Les symptômes les plus fréquemment rapportés étaient l’asthénie et la dyspnée, leur score médian rapportait un symptôme contrôlé (respectivement 22 [0–88,89] et 33 [0–100]).

Figure 1.

Figure 1

A. Qualité de vie globale selon le questionnaire QLQ-30. B. Score de qualité de vie selon chaque échelle fonctionnelle du questionnaire QLQ-30 : physique, limitations dans la vie quotidienne, émotionnelle, cognitive, sociale. C. Score d’anxiété et de dépression selon le questionnaire HAD. Intervalle de confiance, médiane. QLQ : Quality of Life Questionnaire ; HAD : Hospital Anxiety Depression. Le QLQ-30 comporte deux questions portant sur la qualité de vie globale, sept échelles de symptômes et cinq échelles d’exploration fonctionnelle. Les différents scores situés entre 0 et 100 ont été obtenus pour chacune des échelles en suivant les procédures décrites dans le manuel de l’EORTC [7]. Leur interprétation a aussi été faite selon ce manuel. Un score élevé de qualité de vie globale rapporte une bonne qualité de vie, un score d’échelle fonctionnelle élevé signifie une préservation de cette fonctionnalité, un score élevé de symptômes est synonyme de symptômes invalidants. Le score HAD comporte deux sous-échelles comportant 7 items chacune et permettant d’évaluer deux scores, un d’anxiété et un de dépression, dont l’interprétation est : ≤ 7 : absence de cas d’anxiété ou de dépression ; 8–10 : cas douteux ; ≥ 11 : cas certain.

Anxiété-dépression

L’incidence d’un score ≥ 11 sur l’échelle HAD était faible (respectivement 2/30 et 3/30) (Fig. 1C). La majorité des patients présentait un score HAD strictement inférieur à 8, éliminant ces pathologies (23/30 pour la dépression et 22/30 pour l’anxiété).

Préférences

La majorité des patients ont préféré la nouvelle fréquence d’administration du traitement (21/30 soit 70 %) (Fig. 2 A). D’une manière plus générale, la majorité des patients était favorable à ce nouveau schéma d’administration (23/30 soit 76,67 %). La qualité de vie globale des patients ayant préféré ce nouveau schéma d’administration était significativement meilleure que ceux préférant l’ancien mode d’administration (score médian 75 versus 58,34, p  = 0,0097) (Fig. 2B).

Figure 2.

Figure 2

A. Préférences des patients de la posologie et du rythme d’administration (doublement deux fois moins fréquent ou standard) et opinion générale de ceux-ci sur les nouvelles modalités d’administration du traitement (« mieux » ou « moins bien »). B. Qualité de vie globale selon le questionnaire QLQ-30 chez les patients ayant perçu le doublement de dose comme « mieux » (bleu) versus « moins bien » (orange).

Dimensions explicatives

Les raisons principales en faveur du nouveau mode d’administration étaient : la diminution de fréquence de venues à l’hôpital, la diminution de fréquence des bilans sanguins nécessaires, plus de liberté, moins de journées d’attente en hôpital de jour et plus commode pour le patient. La raison principale en défaveur de ce nouveau mode d’administration était l’aggravation de toxicités.

Les patients de la cohorte « modifiée » ont trouvé dans 78 % des cas (18/23) que le nouveau schéma d’administration était mieux. Les patients de la cohorte « non modifié » ont trouvé dans 41 % des cas (5/12) que le nouveau schéma d’administration serait mieux. La raison principale dans les deux cohortes était la limitation des venues à l’hôpital (Tableau 2). Peu de patients ont retenu le lien entre l’épidémie de COVID-19 et la modification du schéma d’administration du traitement (26 % [6/23] dans la cohorte « modifiée » et 0 % [0/12] dans la cohorte « non modifiée »). La limitation à ce nouveau schéma d’administration dans les deux cohortes concernait la toxicité (26 % [6/23] dans la cohorte « modifiée ») et la peur de la toxicité (50 % [6/12] dans la cohorte « non modifiée »), même si le traitement s’avérait mieux toléré que redouté a priori. La majorité des patients ne faisaient pas de lien entre ce nouveau schéma d’administration et l’évolution de leur maladie (87 % [20/23] pour la cohorte « modifiée » et 91 % [11/12] pour la cohorte « non modifiée »).

Tolérance

Le nouveau schéma d’administration a été bien toléré, puisqu’aucun patient n’a présenté d’effet indésirable de grade supérieur ou égal à 3 (selon la classification Common Terminology Criteria for Adverse Events [CTCAE] version 5). Ont été rapporté : une aggravation de toxicité existante (insuffisance rénale), deux aggravations de pathologies sous-jacentes préexistantes (un rhumatisme articulaire et un diabète), et l’apparition de 7 nouvelles toxicités (1 insuffisance rénale, 2 hypothyroïdies, 2 arthralgies, 1 diarrhée et 1 douleur abdominale).

Discussion

La première vague épidémique de COVID-19 était une période inédite et a eu des répercussions psychologiques non négligeables [8], [9], [10], [11], [12]. Des modifications de schéma d’administration de l’immunothérapie ont été nécessaires en oncologie thoracique, selon les recommandations des sociétés savantes [2]. Il était important d’en évaluer l’impact psychologique chez les patients.

Dans notre étude, la qualité de vie globale était élevée chez les patients ayant encouru une modification du schéma d’administration de pembrolizumab et de nivolumab. Leurs capacités fonctionnelles étaient préservées. Les symptômes étaient contrôlés. Les patients ont majoritairement préféré le nouveau schéma d’administration, permettant de limiter les venues à l’hôpital et les bilans sanguins et leur offrant une plus grande liberté. La plupart des patients n’ont pas retenu de lien entre l’épidémie de COVID-19 et ce nouveau schéma d’administration. Ces modifications thérapeutiques étaient bien tolérées.

Cette étude est la seule étude qui se soit intéressée à l’impact psychologique qu’aient pu avoir les modifications de schéma d’administration de l’immunothérapie en oncologie thoracique pendant la première vague épidémique de COVID-19. Même si celle-ci présente de nombreuses réserves, une de ses forces est d’être une étude de vraie vie, incluant des patients non sélectionnés. Les questionnaires utilisés sont des questionnaires validés pour l’évaluation de la qualité de vie et de l’anxiété-dépression. L’exploration des dimensions explicatives a été réalisée avec des questions ouvertes, et non fermées, par questionnaire semi-dirigé, permettant une plus grande liberté d’expression aux patients.

La tolérance des modifications thérapeutiques réalisées semblait similaire aux données de la littérature [4], [6], [13].

Les patients souffrant de cancer semblaient plus fragiles vis-à-vis de la COVID-19 puisque leur taux de mortalité était plus élevé dans les premières séries. Ceci était aussi le cas pour le cancer bronchique, même si ces données sont actuellement un peu plus controversées [14], [15]. Il était donc justifié d’émettre l’hypothèse que l’anxiété, déjà accrue en population générale lors de cette période [8], [9], [10], [11], [12], ait été accrue dans cette sous-population. En effet, des études ont été en faveur d’une anxiété aggravée chez les patients atteints de cancer [16], [17]. Mais les patients atteints de cancer bronchique présentaient au contraire les scores d’anxiété les plus bas [18]. Notre étude semble donc concordante avec la littérature : la tolérance de ces nouveaux schémas d’administration de l’immunothérapie est acceptable, et la qualité de vie des patients traités pour un CBNPC par immunothérapie à posologie doublée en contexte épidémique de COVID-19 semble relativement conservée.

Cette étude monocentrique descriptive présente comme principales faiblesses un faible effectif, et l’absence de groupe contrôle ou d’évaluation de base avec la remise d’un questionnaire avant la modification de schéma thérapeutique, en lien avec l’urgence sanitaire de la première vague de COVID-19. Elle reste en partie subjective, malgré l’utilisation de questionnaires validés, notamment avec l’utilisation de questions semi-dirigées non validées. Ces résultats ne peuvent pas être extrapolables en population générale, puisqu’elle nécessitait une capacité de répondre à un questionnaire en français.

Lors de l’analyse des dimensions explicatives, les patients n’ont majoritairement pas retenu de lien avec la COVID, alors que l’épidémie était un argument fort avancé par le corps médical a priori comme justifiant ce nouveau mode d’administration. D’autre part, les patients semblaient peu impactés par le fait de bénéficier d’une visite médicale moins fréquente. À l’inverse, la peur de la toxicité n'est pas négligeable dans la représentation qu’ont les patients de ce nouveau mode d’administration (dans les deux cohortes). Cependant, dans la cohorte « modifiée », les toxicités rapportées ne semblent pas avoir été plus fréquentes ou plus graves. Cette étude permet donc de mieux comprendre l’avis des patients et les raisons qui les sous-tendent. Ceci permet donc de disposer d’outils pour mieux leur expliquer les raisons d’une telle modification de dose, et de les rassurer sur la toxicité éventuelle, afin de proposer ce nouveau mode d’administration lors d’une prochaine vague épidémique avec plus de conviction.

Ce travail permet de mieux comprendre les angoisses et les attentes des patients. Dans ce contexte épidémique difficile et source d’anxiété, ces résultats peuvent apporter des clés pour mieux communiquer avec les patients, les rassurer sur leurs craintes, et mieux leur expliquer les raisons d’adaptation de schéma thérapeutique en faveur du pembrolizumab 400 mg et nivolumab 480 mg. Cette alternative semble permettre une qualité de vie préservée et une tolérance acceptable.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

Aux patients ayant accepté de participer.

À tous les intervenants médicaux de notre équipe ayant participé à la délivrance et au recueil des questionnaires aux patients : Dr Chaleat, Dr Barboni, Dr Garcia, Dr Baciuchka, Dr Jeanson.

À Mme Ghaleb, étudiante en pharmacie, pour son aide à l’inclusion des patients, supervisée par le Dr Ausias.

Au Dr Resseguier pour son aide précieuse pour la méthodologie de cette étude.

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Articles from Revue Des Maladies Respiratoires are provided here courtesy of Elsevier

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