Abstract
Au cours de la COVID-19, la dialyse et la transplantation rénale ont été identifiées comme d’importants facteurs de risque de développer une forme sévère de la maladie. La réponse immunitaire humorale post-infection est durable. Cependant, après vaccination, celle-ci apparaît plus limitée, tant en termes de taux de réponse (séropositivité post-vaccination) qu’en termes de taux quantitatif d’anticorps. Alors que les patients dialysés ont un taux de réponse de 80–95 % en fonction des études, la réponse est particulièrement faible chez les patients transplantés rénaux, avec des taux de séropositivité de 30–50 %, et notamment s’ils sont traités par bélatacept (environ 5 % de réponse). Ces éléments ont poussé à proposer des schémas vaccinaux alternatifs en France, avec notamment l’utilisation d’une 3e injection de vaccin ARNm. Malgré ces résultats, de nombreuses questions sur la vaccination des insuffisants rénaux restent en suspens, concernant notamment la qualité des réponses cellulaires (encore peu étudiées), la durabilité des réponses post-vaccinales, et surtout l’efficacité clinique des vaccins.
Mots clés: Anticorps, COVID-19, Dialyse péritonéale, Hémodialyse, SARS-CoV-2, Sérologie, Transplantation rénale, Vaccin
Abstract
Patients with end stage renal disease, including dialysis and kidney transplantation, have a high risk of severe COVID-19. In these populations, post-COVID-19 humoral response is prolonged until 6 months post-infection. However, post-vaccination humoral responses are frequently weak even when positive, notably in kidney transplant patients treated with belatacept. Actually, after 2 injectionos of mRNA vaccines, humoral response rates are 80–95% in dialysis patients, 30–50% in transplant patients, and about 5% in transplant patients treated with belatacept. These results have led to propose a 3rd injection of mRNA vaccine in dialysis and transplant patients in France. Numerous questions, regarding cellular responses, durability of response and clinical efficacy of vaccines remain in these high risk populations.
Keywords: Antibodies, COVID-19, Peritoneal dialysis, Hemodialysis, SARS-CoV-2, Serology, Kidney transplantation, Vaccine
1. Introduction
Au cours de la COVID-19, l’insuffisance rénale terminale, la dialyse et la transplantation rénale ont été identifiées comme d’importants facteurs de risque de développer la maladie, dans sa forme la plus sévère [1]. Ces données sont, bien entendu, issues essentiellement de l’étude de la première vague de la pandémie de mars à mai 2020 en Europe et aux États-Unis.
1.1. Sévérité de l’infection COVID-19 chez les patients dialysés et transplantés rénaux
Chez les patients dialysés, la dialyse en centre pourrait favoriser la transmission de la maladie, compte tenu des nombreux transferts en milieu médical, malgré l’implémentation des gestes barrières qui ont montré leur efficacité [2]. Des études de séroprévalence ont démontré une prévalence importante de l’infection dans la population hémodialysée, comparativement à la population générale. Une étude londonienne a retrouvé une séroprévalence de 36 % parmi 376 patients hémodialysés (dont 40 % étaient asymptomatiques) versus 14 % environ dans la population générale [3]. De même, en Belgique (Flandres), l’incidence cumulée de la COVID-19 chez les dialysés (26 centres) fin mai 2020 était de 5,3 %, à comparer à 0,64 % dans la population générale [4]. Enfin, les données françaises de l’étude REIN retrouvent une prévalence d’environ 15 % dans la population hémodialysée depuis le début de la pandémie. La mortalité est évaluée à 19 % dans ce même travail [5].
De même, l’infection COVID-19 est plus sévère au cours de la transplantation d’organe solide, notamment la transplantation rénale, par rapport à la population générale. La mortalité était de 22,8 % parmi les patients hospitalisés pour COVID-19 dans le registre de la Société francophone de transplantation au cours de la première vague épidémique [6]. Ce surrisque de mortalité a été retrouvé au cours des différentes études rapportant les caractéristiques de l’infection à COVID-19 chez les transplantés rénaux (TR). Dans une revue analysant les résultats de 20 études réalisées dans plusieurs pays, la mortalité liée à la COVID-19 chez les TR était entre 18 et 43 % [7].
La sévérité de l’infection chez les dialysés et TR a été mise en évidence dans 3 grandes études de registre :
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l’étude des données de registre britannique évaluant plus de 17 millions de personnes (dont plus de 10 000 décès liés à la COVID-19), qui a mis en évidence que la dialyse et la transplantation d’organe solide représentaient des facteurs de risque majeur de mortalité, avec un hazard ratio de plus de 3,5 comparativement à la population générale [1] ;
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de même, le taux de mortalité à 28 jours lié à la COVID-19 était respectivement de 21 et 20 % chez les patients hémodialysés et les TR dans une large étude européenne [8] ;
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enfin, dans l’étude EPIPHARE (qui a analysé les données du Système national des données de santé [SNDS] français de 66 050 090 adultes entre le 15 février et le 15 juin 2020), 42 525 TR et 45 924 dialysés ont été identifiés [9]. Parmi eux, 547 TR et 1099 dialysés ont présenté une infection COVID-19 nécessitant une hospitalisation. La mortalité était respectivement de 25 et 31 % chez les patients TR et dialysés.
En analyse multivariée, après ajustement sur l’âge et le sexe, ainsi que sur l’ensemble des comorbidités qui constituent des facteurs de risque d’infection COVID-19 sévère, la transplantation rénale et la dialyse conféraient respectivement un hasard ratio 7 et 4,6 fois plus important de mortalité intra-hospitalière par rapport à la population générale.
En France, parmi les 7756 patients dialysés et 2723 TR qui ont contracté la COVID-19 au 31 mai 2021, 1424 patients dialysés (19 %) et 424 TR (16 %) sont décédés [10].
1.2. Réponse immunitaire post-COVID-19 importante et durable chez les dialysés et transplantés rénaux
Il est important de souligner le caractère immunisant de l’infection chez les patients hémodialysés et TR ayant survécu.
Chez les patients dialysés, dans une étude française évaluant 83 patients, 89 % des patients présentaient une séroconversion [11]. De plus, la présence d’IgG anti-SARS-CoV-2 dirigés contre la protéine Spike (S) du virus était détectée chez une grande majorité à 6 mois de suivi [11]. Enfin, cette immunité semble protectrice, en limitant drastiquement le risque de réinfection à 6 mois (identifiée chez seulement 2/129 séropositifs vs 23/227 séronégatifs dans une étude britannique ; p < 0,001) [3].
Chez les patients transplantés rénaux, une étude française a analysé les réponses IgM et IgG anti-S et anti-nucléocapside (N) chez 35 TR infectés [12]. Cent pour cent des patients étaient séropositifs. La cinétique d’apparition de la réponse humorale était similaire à celle de la population générale, avec une séropositivité dès j8 post-infection. Le délai d’apparition et l’intensité de cette réponse n’étaient pas corrélés à la sévérité de la maladie. Une étude bi-centrique récente a comparé les réponses humorales anti-S et anti-N chez 28 transplantés d’organe solide (dont 18 TR) par rapport à 16 patients immunocompétents appariés pour le sexe et l’âge, 16 jours après les symptômes, puis 32 et 49 jours après le diagnostic de COVID-19 [13]. Tous les patients avaient présenté une séroconversion à j32 et j49. Les concentrations sanguines d’IgM et d’IgG étaient similaires chez les transplantés par rapport aux sujets immunocompétents.
Ainsi, la forte prévalence de la maladie, sa sévérité et son caractère immunisant justifient pleinement la priorité donnée à la vaccination de la population dialysée et transplantée rénale en France. En effet, la vaccination contre la COVID-19 est un élément essentiel de lutte contre l’épidémie. Plusieurs vaccins ont été rapidement développés et évalués dans la population sans insuffisance rénale au cours de l’année 2020. Ils ont démontré une efficacité remarquable dans la protection contre les formes graves de la maladie. Ils limiteraient également la transmission du virus [14].
1.3. Indication et contre-indication des vaccins anti-COVID-19 chez les dialysés et transplantés rénaux
En France, à ce jour, la stratégie vaccinale anti-COVID-19 inclut des vaccins à plateforme ARN messager (Pfizer-BioNTech, Moderna) et des vaccins à plateforme adénovirale (AstraZeneca, Johnson and Johnson). Les vaccins à ARN messager peuvent être proposés en France chez tous les patients dialysés et TR. Les vaccins AstraZeneca et Johnson and Johnson peuvent être utilisés chez les personnes âgées de plus de 55 ans.
Chez les patients dialysés, compte tenu des caractéristiques de la maladie (prévalence, sévérité, caractère immunisant), tous les patients majeurs (hémodialysés ou en dialyse péritonéale) sont éligibles à la vaccination.
Chez les TR, la vaccination est recommandée chez tous les patients adultes. Compte tenu de l’impact négatif de l’immunosuppression sur la réponse vaccinale, il est recommandé de vacciner tous les patients en attente de transplantation rénale avant la transplantation. De même, près la transplantation rénale, il est conseillé d’attendre un délai d’un mois ou de 3 à 6 mois chez les patients ayant reçu un traitement déplétant les lymphocytes B ou T. De plus, par rapport aux patients immunocompétents, un schéma vaccinal à 3 doses est actuellement recommandé en France chez les patients immunodéprimés, compte tenu de la faible réponse vaccinale après 2 doses (voir infra).
Les principales contre-indications chez ces 2 populations de patients sont les mêmes que celles de la population générale : une allergie à l’un des composants du vaccin, ou le fait d’avoir présenté des réactions allergiques graves (pour les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna). Ces éléments sont systématiquement recueillis avant la vaccination.
Ces stratégies sont, bien entendu, à même d’évoluer dans le futur, en fonction des caractéristiques de l’épidémie, de la disponibilité des vaccins et des résultats des campagnes vaccinales en cours.
Ces vaccins sont bien tolérés chez ces deux populations de patients (dialysés et TR). Les effets indésirables comprennent une douleur au point d’injection, une fièvre et des courbatures transitoires, qui cèdent généralement sous traitement symptomatique. Chez les hémodialysés, il n’y a pas eu, à ce jour, de description de cas de thromboses avec thrombopénie et anticorps anti-PF4, observés après vaccin à plateforme adénovirale (ces vaccins ont très peu été évalués chez les TR). De rares cas de péricardite ou syncope (2/145 hémodialysés) ont été rapportés dans une population dialysée exposée au vaccin Pfizer-BioNTech [15]. Chez les patients TR, il n’y a pas eu de description d’épisode allergique sévère à ce jour. De plus, il n’a pas été constaté d’augmentation du risque de rejet aigu du greffon après vaccin ARNm [16], [17], [18], [19], [20], [21], [22].
2. Efficacité de la vaccination chez les patients dialysés et transplantés rénaux
La question essentielle est celle de l’efficacité de ces vaccins chez les patients avec insuffisance rénale terminale, efficacité qui n’est pas encore formellement évaluée. Cependant, les travaux évaluant cette efficacité, complexes et nécessitant d’étudier un grand nombre de patients, sont actuellement en cours dans plusieurs pays. De façon importante, il faut différencier les études évaluant l’efficacité du vaccin sur le développement des formes sévères de la maladie (« efficacité clinique », le gold standard des critères d’efficacité), de celles ayant évalué la réponse biologique au vaccin (« efficacité immunologique », critère intermédiaire d’efficacité). Ces dernières sont bien sûr plus rapides à mettre en place, et fournissent des résultats indirects mais précieux.
Néanmoins, leur interprétation est sujette à caution : elles n’évaluent souvent qu’une partie de l’immunité, notamment la réponse humorale anti-protéine S (antigène vaccinal), qui est la plus simple à suivre et qui pourrait être corrélée à la protection clinique [23]. Même si cette réponse peut apparaître déficiente chez certains patients, il reste possible que d’autres réponses (notamment cellulaires), moins évaluées, soient présentes et protectrices. À titre d’exemple, dans la population générale, il a été suggéré que le vaccin Pfizer-BioNTech ait une efficacité sur le développement de la maladie avant même l’apparition d’anticorps post-vaccination, suggérant l’importance de la réponse immunitaire dans son ensemble (pas seulement humorale).
2.1. Efficacité de la vaccination chez les patients dialysés
La grande majorité des travaux d’efficacité post-vaccinale chez les dialysés a étudié les vaccins à ARNm, notamment Pfizer-BioNTech. Ainsi, différentes études ont évalué la réponse humorale après la 2e injection de vaccin Pfizer-BioNTech [15], [24], [25], [26]. De nombreuses autres études sont également en cours de publication. Dans les travaux récemment publiés, la réponse humorale était présente chez 80–96 % des patients hémodialysés [15], [24], [25], [26]. Une réponse similaire était présente chez les patients en dialyse péritonéale (étudiée chez 23 et 33 patients dans deux études israéliennes) [15], [25]. Cependant, la réponse humorale des patients dialysés semblait généralement de moindre amplitude (anticorps présents, mais de taux moins élevés) que dans la population non dialysée. La signification clinique de ces taux moins élevés est encore à évaluer. De plus, soulignons que dans la plupart des études, les caractéristiques (notamment en termes d’âge et de comorbidités) de la population contrôle, généralement constituée de soignants, étaient nécessairement différentes de la population hémodialysée, rendant la comparaison des réponses difficile. Ainsi, chez 56 patients hémodialysés comparés à 96 contrôles, les taux médians (sérologie Quant II IgG anti-Spike Abott) étaient de 2900 AU/mL (hémodialysés) vs 7400 AU/mL (contrôles) [26]. L’âge et la lymphopénie impactaient négativement le taux d’IgG anti-S dans cette étude. De même, chez 160 dialysés (incluant 33 patients en dialyse péritonéale) [25], comparés à 132 patients contrôles, la réponse était de 90 et 100 %, respectivement, avec des taux d’IgG anti-S à 116 AU/mL versus 176 AU/mL (kit LIAISON SARS-CoV-2 S1/S2, DiaSorin), respectivement, chez les dialysés et les patients contrôles. Six infections étaient survenues plus de 7 jours après la deuxième injection de vaccin, dont une sévère (mais sans décès). Parmi ces 6 patients, 4 avaient un taux d’IgG anti-S dans le quartile le plus bas de la cohorte. Dans cette étude, 16 patients n’ont pas présenté de séroconversion, sans qu’il apparaisse de facteurs évidents associés à ce défaut de séroconversion [25]. Là encore, l’âge impactait la réponse à anticorps, les patients plus âgés développant un taux d’anticorps moins élevé. De même, l’âge et la dénutrition pourraient être associés à une réponse à anticorps moins importante, dans une étude évaluant 122 patients dialysés après vaccin Pfizer-BioNTech [15]. Une situation particulière concerne les patients dialysés ayant déjà eu la COVID-19. La réponse humorale persiste plusieurs mois dans ce cas, même si elle diminue progressivement [3], [11]. Si l’infection date de plus de 3–6 mois, la vaccination est indiquée (auparavant, la protection reste probablement acquise) selon les recommandations françaises actuelles. En cas de vaccination, la réponse humorale est très rapide (une seule injection serait même suffisante dans la population générale) [27], un phénomène qui semble confirmé dans la population dialysée [24]. Ainsi, chez 63 patients hémodialysés, incluant 13 sujets avec un antécédent de COVID-19, la réponse humorale était présente chez 100 % des patients COVID-19 (vs 18 % des hémodialysés non COVID-19) un mois après une seule injection de vaccin Pfizer-BioNTech, avec des taux d’IgG anti-S significativement plus élevés chez les patients guéris de COVID-19 que chez ceux non exposés. Les patients guéris de COVID-19 semblaient atteindre rapidement un plateau après une seule injection [24].
Cependant, dans l’état actuel des connaissances, pour les patients dialysés, il reste admis de réaliser les 2 doses de vaccin, même en cas d’infection naturelle auparavant, compte tenu de la réponse immunitaire relativement altérée et du faible nombre d’études ayant évalué cette question. En France, une 3e injection de vaccin ARNm a été proposée par les autorités de santé chez les patients dialysés, en raison des réponses humorales relativement altérées. Actuellement, il est proposé que cette troisième injection soit discutée par le néphrologue référent, après évaluation du bénéfice et des risques attendus. Cette évaluation est difficile, notamment en l’absence de données sérologiques (pas toujours disponibles), et compte tenu du peu de recul disponible concernant les stratégies vaccinales des patients dialysés. Malgré ces limites, il pourrait être proposé de privilégier cette troisième injection chez les patients dialysés âgés, dénutris ou immunodéprimés, notamment en cas de faible réponse sérologique. Les patients guéris de la COVID-19 sont probablement moins à même de bénéficier de cette troisième injection.
Ainsi, s’il apparaît que la réponse humorale après vaccin ARNm soit présente chez une majorité de patients dialysés, elle pourrait être de moindre amplitude que dans la population générale.
2.2. Faible réponse vaccinale chez les patients transplantés rénaux
Contrairement à l’immunité naturelle après infection COVID-19 chez les patients TR, qui s’avère être robuste et durable, l’immunité post-vaccinale est faible. En effet, deux études ont rapporté une faible réponse vaccinale après la première injection du vaccin ARNm chez des patients TR sans antécédent d’infection à SARS-CoV-2 [16], [28]. Après un délai médian de 20 jours post-vaccin, la réponse anti-S1 était de 17 % dans une étude américaine rapportée par Boyarski et al. chez 436 TR d’âge médian 55,9 ans (52 % vaccinés par le vaccin Pfizer-BioNTech et 48 % par le vaccin Moderna) [16]. Les TR demeurés séronégatifs après la première dose de vaccin étaient significativement plus âgés (ratio d’incidence 0,83 [IC 95 % 0,73–0,93] par 10 ans d’âge ; p = 0,002) et recevaient une immunosuppression incluant des anti-métabolites (37 % vs 63 % ; ratio d’incidence 0,22, [IC 95 % 0,15-0,34] ; p < 0,001). Dans une deuxième étude et de façon similaire, 10,8 % des 242 TR ont développé une réponse humorale anti-SARS-CoV-2 après une première dose de vaccin Moderna [28]. Les patients qui n’avaient pas présenté de séroconversion avaient reçu le vaccin après un délai post-transplantation plus court, avaient un traitement immunosuppresseur plus lourd (présence d’un traitement d’induction, traitement d’entretien par inhibiteur de la calcineurine ou acide mycophénolique) et présentaient une fonction rénale altérée par rapport aux patients séropositifs. Un patient de cette cohorte a développé une infection COVID-19 après le vaccin.
La réponse post-vaccinale reste faible après 2 injections de vaccin ARNm. Les premières données ont été rapportées par une étude israélienne analysant la réponse humorale post-vaccinale (Pfizer-BioNTech) chez 136 TR essentiellement traités par inhibiteurs de la calcineurine (90,4 %) et 25 contrôles [17]. Le taux de séroconversion était de 37,5 % chez les TR, contre 100 % chez les contrôles. Aucun des patients n’avait d’antécédent d’infection à SARS-CoV-2. Les concentrations d’anticorps anti-S étaient, par ailleurs, significativement moins élevées chez les TR que chez les contrôles. En analyse multivariée, les facteurs de risque associés à l’absence de séroconversion étaient l’âge (OR 1,66 ; p = 0,026), et un degré d’immunosuppression plus important : de fortes doses de stéroïdes dans les 12 derniers mois (OR 1,3 ; p = 0,048), une trithérapie immunosuppressive (OR 1,43 ; p = 0,038) et incluant de l’acide mycophénolique (OR 1,47 ; p = 0,049). Par ailleurs, 2 patients séronégatifs ont développé une infection COVID-19 sévère au cours d’un suivi post-vaccinal de 3 mois.
Une autre étude française a également révélé 47,3 % de séroconversion après 2 injections du vaccin Moderna chez 205 TR [18]. Il existait une corrélation entre le titre d’IgG après la 1re dose et celui après la 2e dose. Les facteurs associés à la séroconversion comportaient le statut de première transplantation (par rapport à une retransplantation), un délai prolongé après la transplantation, une bonne fonction rénale et un degré plus faible d’immunosuppression. En effet, les patients ayant un traitement sans acide mycophénolique ou sans stéroïde, ou encore sans inhibiteur de la calcineurine, avaient de meilleures réponses vaccinales. De même, les réponses vaccinales étaient plus faibles chez les patients traités par une trithérapie immunosuppressive incluant des inhibiteurs de la calcineurine, de l’acide mycophénolique et des stéroïdes par rapport aux autres régimes immunosuppresseurs.
Boyarsky et al. ont rapporté les réponses humorales dans la cohorte américaine après 2 doses de vaccin ARNm [29]. Ainsi, 54,3 % des patients ont développé des anticorps anti-S après les 2 doses de vaccin. De façon intéressante, 39 % des patients n’avaient pas de réponse humorale après la 1re dose, mais ont développé des IgG après la seconde.
Depuis ces premières études, cette faible réponse humorale après 2 doses de vaccin a été confirmée par plusieurs équipes. La réponse IgG anti-S était de 29,9 % dans une étude espagnole incluant 117 patients vaccinés par le vaccin ARNm Moderna [19] et de 36,4 % dans une étude israélienne analysant 308 patients vaccinés par le vaccin ARNm Pfizer-BioNTech [20].
De façon intéressante, les TR traités par bélatacept ont une réponse post-vaccinale plus faible. Une étude bicentrique française incluant 101 TR vaccinés par le vaccin Pfizer-BioNTech a mis en évidence une réponse anti-S de seulement 5,7 % après 2 doses [21]. Une étude américaine analysant les réponses humorales après un vaccin ARNm a montré une réponse anti-S de 5 % après 2 doses chez les 19 TR traités par bélatacept contre 50 % chez les 381 patients traités par un autre régime immunosuppresseur [22]. Enfin, dans une étude française récente de Bertrand et al., 17,8 % des 45 TR ont développé une réponse humorale anti-S après 2 doses de vaccin Pfizer. De façon similaire aux précédentes études, le type d’immunosuppression influençait l’intensité de la réponse vaccinale : 8,3 % des patients ayant un régime à base d’inhibiteurs de la calcineurine ont développé des IgG anti-S après 2 doses de vaccin contre 54,4 % chez les patients ayant un régime immunosuppresseur sans tacrolimus ni bélatacept, et aucun des 10 patients traités par bélatacept n’a développé d’Ig anti-S [30]. Cette faible réponse vaccinale pourrait être liée à une altération de la réaction du centre germinatif par le bélatacept [31]. Cette faible réponse vaccinale est consistante avec la plus faible immunisation HLA contre le donneur en transplantation rénale chez les patients traités par bélatacept comparés aux patients exposés à la ciclosporine [32].
Si la plupart des études concernant la réponse post-vaccinale chez les patients TR analysent les réponses humorales, les premières études évaluant les réponses cellulaires post-vaccinales commencent à émerger. Une étude espagnole a analysé les réponses cellulaires et humorales de 109 patients TR et 8 patients transplantés rein–pancréas, sans antécédents d’infection COVID-19, vaccinés par le vaccin Moderna [19]. La réponse cellulaire a été évaluée par ELISPOT anti-S et anti-N. Après 2 doses, 54,7 % des patients ont développé une réponse cellulaire. Les facteurs associés à une absence de réponse cellulaire en analyse multivariée étaient le diabète, la lymphopénie et un débit de filtration glomérulaire < 60 mL/min/m2. De façon intéressante, 35 % des patients avaient une réponse cellulaire sans réponse humorale. Globalement, 65 % des patients avaient une réponse IgG anti-S et/ou cellulaire anti-S (parmi eux, 29,9 % des patients ont développé à la fois une réponse humorale et cellulaire), et 35 % des patients n’ont développé aucune réponse. Les facteurs associés à l’absence de réponse (humorale et cellulaire) étaient le diabète et un traitement par globulines anti-lymphocytaires dans les 12 derniers mois. Sous bélatacept, après vaccin ARNm Pfizer, 30 % des 24 patients ont développé une réponse cellulaire après 2 doses de vaccin [21].
Les réponses vaccinales humorale et cellulaire sont donc faibles chez les patients TR. Des faibles réponses post-vaccinales ont également été constatées dans d’autres cas d’immunodépression comme la transplantation de cellules hématopoïétiques ou chez les patients traités par chimiothérapie.
Si l’efficacité clinique du vaccin n’est pas encore clairement établie (en d’autres termes, la vaccination procure-t-elle une protection contre l’infection COVID-19 notamment dans sa forme sévère ?), quelques études ont rapporté des cas d’infection COVID-19 après 2 doses de vaccin. Une étude française a rapporté 55 patients transplantés ayant eu une infection COVID-19 dans un délai médian de 22 jours après les 2 doses de vaccin ARNm [33]. Quinze patients (27 %) ont nécessité une hospitalisation, dont 6 en réanimation (11 %) et 3 sont décédés (5,5 %). Vingt-quatre des 25 patients ayant eu un dosage d’IgG anti-S avaient une sérologie négative. Une étude américaine a rapporté 14 patients transplantés d’organe solide (dont 10 TR), qui ont présenté une infection COVID-19 après 2 doses de vaccin ARNm (délai médian de 23,5 jours post-vaccination) [34]. Cinquante pour cent des patients ont été hospitalisés et 36 % ont présenté des formes sévères, dont un patient qui est décédé.
Ces faibles réponses post-vaccinales associées à l’apparition de cas d’infection COVID-19 symptomatiques, parfois sévères chez les patients immunodéprimés, ont poussé les autorités de santé françaises à recommander la réalisation d’une 3e dose de vaccin chez ces patients. L’évaluation de la réponse vaccinale après une 3e dose est en cours mais semblerait améliorée. Il est donc crucial chez les patients TR (et immunodéprimés en général) de maintenir les gestes barrières. En ce sens, les autorités de santé ont recommandé la vaccination des proches habitant au sein du même foyer des patients immunodéprimés afin de limiter leur contamination.
2.3. Questions actuelles
De nombreuses questions sur la réponse vaccinale chez les dialysés et TR restent en suspens. L’efficacité des vaccins utilisant d’autres plateformes (adénovirales notamment) n’est pas formellement évaluée à ce jour dans ces 2 populations [35]. De plus, la longévité de ces réponses pose question, des données préliminaires suggérant une diminution rapide des taux d’IgG anti-S chez les dialysés, plus rapide qu’après une infection naturelle. La qualité de ces réponses contre les variants actuels et à venir de SARS-CoV-2 nécessitera d’être précisément évaluée en fonction des différents vaccins. De façon importante, soulignons également l’absence à ce jour de corrélat de protection, entre le taux d’IgG anti-S et le risque de développer la maladie, chez ces patients comme dans la population générale. Enfin, l’efficacité clinique des vaccins contre les formes graves de la maladie est en cours d’évaluation.
Plus spécifiquement, chez les patients dialysés, la qualité des réponses cellulaires post-vaccinales n’a pas été rapportée pour le moment, quelle que soit la plateforme vaccinale utilisée. Chez les TR, compte tenu des faibles réponses vaccinales, d’autres stratégies vaccinales visant à augmenter l’immunogénicité du vaccin comme l’augmentation de la dose d’antigène, la voie sous-cutanée ou l’allègement temporaire de l’immunosuppression pourraient être envisagées. La qualité de la réponse vaccinale après 3 doses de vaccin semble améliorée (études en cours). De plus, la longévité de la réponse vaccinale chez les patients TR ayant développé une réponse humorale et/ou cellulaire n’est pas encore établie. Enfin, la longévité et la qualité de la réponse vaccinale chez les dialysés vaccinés avant la transplantation restent à préciser.
3. Conclusion
La vaccination représente une avancée majeure dans la lutte contre la COVID-19, tant sur le plan individuel (diminution du risque de forme grave), que celui de la population entière (diminution de la circulation du virus). Tous les patients dialysés et TR sont susceptibles d’être vaccinés (il est conseillé d’attendre 3 à 6 mois après la transplantation chez les patients ayant eu une transplantation récente). Les effets secondaires sont rares chez ces patients. Les premières études disponibles chez les dialysés suggèrent une réponse immunitaire fréquente mais altérée, comparativement à la population générale. En revanche, la réponse vaccinale est nettement plus faible chez les TR motivant la recommandation d’un schéma vaccinal à 3 doses, actuellement en cours d’évaluation.
L’efficacité des vaccins contre les formes graves de COVID-19 reste à démontrer formellement. Il est primordial, en attendant de trouver des stratégies renforçant l’immunogénicité du vaccin chez ces patients, de respecter les gestes barrières et de limiter les risques de contamination, notamment en vaccinant les proches. C’est bien entendu l’association des stratégies préventives et curatives qui permettra de contrôler la pandémie ainsi que ses sévères conséquences chez ces 2 populations de patients à risque de développer des formes sévères de COVID-19.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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