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editorial
. 2021 Jul 14;5(3):209–210. [Article in French] doi: 10.1016/j.pxur.2021.07.001

COVID-19 : une pandémie annoncée, des leçons à retenir

COVID-19: An announced pandemic, lessons to be learned

Frédéric Adnet 1
PMCID: PMC8277548

Nous étions prêts ! Les infectiologues l’avaient annoncé, les pandémies mondiales surviennent tous les trente ans… Mais ce calendrier, initialement rassurant, semble pourtant s’accélérer : grippe espagnole (1918), grippe asiatique (1957), grippe de Hong Kong (1968), SIDA (1980), SRAS (2002), grippe H1N1 (2009), Ébola (2014) et maintenant la COVID-19 (2019). Cinq ans seulement séparent la diffusion du virus Ébola de notre SARS-CoV-2. On a bien cerné les déterminants des phénomènes d’émergence et de dispersion des maladies infectieuses et, en particulier, des zoonoses : augmentation de l’interface entre les hommes et la faune sauvage à la faveur d’une déforestation massive, démocratisation du transport aérien qui rend notre planète comparable à un gigantesque cluster, etc. Ces éléments, la médecine de catastrophe les avait bien intégrés et le « risque biologique » ou « REB » (risque épidémique et biologique) est devenu une composante fondamentale dans la diffusion des connaissances et dans la préparation des systèmes de santé. Ce risque se décline aussi dans sa composante dédiée au bioterrorisme. Ainsi, le « B » du NRBC devient un élément à intégrer dans l’ensemble des plans de gestion des situations sanitaires exceptionnelles (SSE) : le plan blanc hospitalier et sa déclinaison « risque biologique », le dispositif ORSAN-REB relatif à la prise en charge du risque épidémique et biologique, sans oublier le dispositif ORSAN EPI-VAC relatif à l’organisation de la vaccination à grande échelle et, enfin, le dispositif ORSAN-EPI-CLIM consacré au risque des épidémies saisonnières. Les établissements de santé de référence au risque biologique ont ainsi été soigneusement déterminés et prépositionnés pour organiser le parcours des patients. Les niveaux de risque avaient bien été hiérarchisés avec les fameuses dénominations « cas suspect », « cas possible » et « cas confirmés », répondant à des définitions précises et évolutives, diffusées par les non moins célèbres MARS (message d’alerte rapide sanitaire).

Nous nous étions entraînés, tous les soignants se souviennent des séances d’habillage « Ébola » avec les équipements de protection individuelle de type 5 ou 6. Nous avions délimité les zones « REB » et « non-REB » des services d’accueil et d’urgences. Nous avions organisé quelques exercices.

Dans le monde réel, nous avions eu des alertes sérieuses : grippe H1N1, enveloppes poudrées à l’anthrax, SRAS, MERS-CoV, Ébola… Mais nous n’avions vu pratiquement aucun malade.

Avril 2020, malgré les alertes considérées comme un peu surréalistes provenant de Wuhan avec son hôpital de 1000 lits construit en une semaine, malgré les témoignages de limitation de soins dramatiques de nos collègues italiens, pas assez pris au sérieux, toutes nos certitudes vont être ébranlées par la survenue des déferlantes de patients victimes de la COVID-19. Ces patients ont submergé les établissements de références qui ont été rapidement dépassés pour ensuite déborder nos services d’urgences, d’hospitalisation et de réanimation. Un temps de doublement de 48 heures qui ébranla notre système de santé avec tous ses plans de gestion de crises. Il a fallu démultiplier les lits de soins critiques en créant de toutes pièces des services de réanimation, certains se situant dans des blocs opératoires, les urgences débordaient de patients en détresse respiratoires qu’il fallait intuber et ventiler dès leur arrivée. Le Samu devait gérer un flux d’appels d’environ sept fois plus important qu’une activité normale en organisant de nouveaux plateaux de régulation. Les hôpitaux se vidaient de ses patients non-COVID pour devenir des hôpitaux COVID ; cette transformation étant favorisée par le confinement « dur », décrété par le gouvernement qui avait fait disparaître pratiquement toutes les autres pathologies et en particulier la traumatologie. Cette première vague marquera l’Histoire comme étant la plus grande crise sanitaire ayant mis en danger nos structures hospitalières tout en révélant les limites. Bilan mondial provisoire (arrêté au 6 juillet 2021) : 184 millions de cas déclarés COVID-19 (585 000 pour la France) et 4 millions de décès (111 000 pour la France) [1]. La décroissance rapide de la première vague et la gestion des rebonds épidémiques dus aux variants inscrivent cette pandémie dans la durée et probablement dans une gestion de type « grippale saisonnière » avec sa nécessité pour l’organisation d’une vaccination de masse récurrente.

La COVID-19 ne sera pas la dernière situation d’urgence sanitaire que connaîtra le monde ; il est urgent de se préparer durablement pour faire face à la prochaine. En effet, le risque d’apparition de futures pandémies récurrentes, fragilisant l’économie mondiale, doit alerter la communauté internationale. Ainsi est-il primordial de briser le cycle « panique et oubli », notamment décrit dans un rapport de l’OMS en octobre 2020 [2]. Dès la catastrophe passée, les sociétés témoignent d’une tendance naturelle à s’intéresser à d’autres problématiques, occultant alors une volonté de préparation à une meilleure gestion des crises sanitaires. Nous pouvons, dès à présent, esquisser les premières leçons qui nous permettront d’enrichir notre spécialité de médecine de catastrophe : adapter une gestion d’une pandémie caractérisée par cinétique extrêmement rapide avec la difficile extension des services de réanimation. Le sous-dimensionnement des matériels et du capacitaire ont été un élément non contestable en début de gestion de crise. Le redimensionnement impliquera un effort financier considérable qui, la crise passée, pourrait s’enliser dans des arbitrages budgétaires progressivement défavorables. Au niveau mondial, l’OMS a pu chiffrer les investissements en faveur de la préparation à une nouvelle pandémie, et elle ne coûterait que cinq dollars par personne et par an, alors que cette pandémie a déjà coûté plus de 11 000 milliards de dollars dans les pays développés [2]. Au niveau national, une actualisation des réserves stratégiques « REB » est probablement à l’ordre du jour avec une nouvelle définition pour une doctrine plus réactive et plus claire de la mise en œuvre de ces réserves. Ce sera probablement un élément important dans la gestion de futures crises sanitaires. Un autre axe se situe dans des recherches visant à la mise en place de systèmes de surveillance, de détection et d’alerte, couplés à des plans de prévention des pandémies. C’est l’objectif de PREZODE (PREventing ZOonotic Disease Emergence), une coalition inédite de recherche internationale lancée à l’initiative de la France lors du « One Planet Summit ». Ce système se veut multidisciplinaire et vise à créer des réseaux de détection précoce d’une pandémie et des modèles d’interprétation des facteurs de propagation, qu’ils soient climatiques, humains, ou liés à d’autres vecteurs (comme, par exemple, les animaux migrateurs).

Cette crise nous a appris à être humble, notre niveau de préparation nous a probablement épargné le pire : l’effondrement complet de nos structures sanitaires. Mais nous avons tous eu le sentiment, à un moment donné, d’être dépassés. Cette crise sanitaire nous renforce dans la conviction des actions que nous devons mener : activer des actions de recherche, élargir notre enseignement de médecine de catastrophe et l’enrichir chaque jour des leçons de situations de crises qui, de toute évidence, conservent une part d’imprévisibilité.

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteur déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

  • 1.COVID-19 Dashboard by the Center for Systems Science and Engineering (CSSE) at Johns Hopkins University.[https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/dashboards/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6].
  • 2.OMS. C’est le moment ou jamais de prévenir la prochaine pandémie: les pays s’associent pour mieux se préparer aux situations d’urgence. Communiqué de presse du 1er octobre 2020. [https://www.who.int/fr/news/item/01-10-2020-the-best-time-to-prevent-the-next-pandemic-is-now-countries-join-voices-for-better-emergency-preparedness].

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