Abstract
Introduction
Le développement de vaccins contre le SARS-Cov-2 a permis le déploiement de la vaccination notamment par l’intermédiaire des pharmaciens officinaux, déjà autorisés à la vaccination anti-grippale en France.
Méthodologie
Nous avons interrogé les pharmaciens d’officine de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour un état des lieux de la pratique vaccinale anti-COVID-19 dans la région. Un questionnaire leur a été transmis ; l’analyse a été réalisée conjointement avec l’URPS-Pharmaciens.
Résultats
Au total, 739 officines ont participé à notre enquête, et nous ont fait part de leurs impressions pour l’organisation de la vaccination anti-COVID 19 et des informations à transmettre aux patients.
Conclusions
L’engagement des pharmaciens d’officine à la vaccination anti-COVID-19 témoigne de l’attachement des pharmaciens à leur patientèle, et de leur place privilégiée dans la prévention en France. L’élargissement de leurs compétences à la vaccination générale de la population attend une légitimité des pouvoirs décisionnels.
Mots clés: COVID-19, Vaccination, Pharmacien, Prévention, Officine
Abstract
Introduction
The development of vaccines against SARS-Cov-2 has enabled the deployment of vaccination, particularly through dispensing pharmacists, who are already authorised to administer influenza vaccines in France.
Methods
We surveyed pharmacists in the Auvergne-Rhône-Alpes region to assess the current status of SARS-Cov-19 vaccination in the region. A questionnaire was sent to them; the analysis was carried out jointly with the URPS-Pharmacists.
Results
739 pharmacies took part in our survey, and gave us their impressions of the organisation of the anti-COVID-19 vaccination and the information to be transmitted to patients.
Conclusions
The commitment of pharmacists to the anti-COVID-19 vaccination testifies to the attachment of pharmacists to their patients, and their privileged place in prevention in France. The extension of their competences to the general vaccination of the population expects legitimacy from the decision-making authorities.
Keywords: COVID-19, Vaccination, Pharmacist, Prevention, Pharmacy
Introduction
Depuis le début de l’année 2020, la pandémie de COVID-19 sévit et est à l’origine d’une crise sanitaire mondiale. À ce jour, elle est responsable de plus de 100 000 morts sur le territoire national. Le développement de vaccins contre le SARS-Cov-2, virus responsable de la COVID-19, a permis une stabilisation et une régression du nombre de cas. Les professionnels de santé ont donc été sollicités par les autorités de tutelle pour déployer la vaccination. Soulignons ici le rôle essentiel des pharmaciens dans la logistique associée pour permettre une mise à disposition des doses vaccinales aux professionnels de santé, notamment libéraux. Les pharmaciens ont été par ailleurs aussi très sollicités pour la réalisation des tests antigéniques auprès de la population dès novembre 2020.
Le décret no 2021-248 du 04 mars 2021 autorise les pharmaciens d’officine, des pharmacies mutualistes et de secours miniers à prescrire et administrer tous les vaccins disponibles contre la COVID-19 [1]. Puis le décret no 2021-325 du 27 mars 2021 a élargi le périmètre des professionnels autorisés à prescrire et vacciner contre la COVID-19 aux pharmaciens de pharmacie à usage intérieur (PUI), pharmaciens biologistes et pharmaciens pompiers.
Faisant suite à cette autorisation du 4 mars dernier, nous avons interrogé les pharmaciens officinaux de la région Auvergne-Rhône-Alpes (AuRA) sur la vaccination contre la COVID-19, l’attachement des pharmaciens à la vaccination étant avéré. En effet, testée dans deux régions pilotes, les régions AuRA et Nouvelle-Aquitaine, la vaccination à l’officine contre la grippe, sous certaines conditions, avait été étendue à l’ensemble des pharmacies dès le mois d’octobre 2019 [2].
Ce travail a pu compter sur la collaboration de l’Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS) – Pharmaciens, collaboration facilitée par une étude précédente, réalisée avec son concours, sur les pratiques pharmaceutiques des autotests et des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) [3].
L’objectif de l’article est de faire un état des lieux de la situation actuelle, d’en faire l’analyse et d’envisager des perspectives.
Matériels et méthodes
Cette étude repose sur la construction puis la diffusion, auprès des pharmacies d’officine, d’un questionnaire sur la vaccination contre la COVID-19 composé de douze items (Annexe 1) ; les questions posées attendent le plus souvent des réponses simples (oui/non). Cette enquête a été envoyée par l’URPS - Pharmaciens AuRA à l’ensemble des 2 473 officines répertoriées le 9 avril 2021, avec une relance après six jours. La participation d’un seul pharmacien par officine était demandée.
Le questionnaire a été transmis aux officines de la région par la plateforme de diffusion Sarbacane, avec une lettre d’accompagnement indiquant notamment l’objectif de cette étude. Nous nous sommes engagés à informer nos confrères des résultats et des conclusions de cette étude. Le sondage a été clos le 26 avril 2021.
Les réponses ont été colligées puis analysées par l’URPS - Pharmaciens.
Résultats
Démographie des officines
739 officines de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont rempli le questionnaire, soit un taux de réponse de 30 %. Le Tableau 1 présente le taux de réponse par département. La Fig. 1 présente, quant à elle, la répartition des officines ayant répondu au questionnaire selon les départements de la région ; la Loire et la Drôme sont les départements les plus représentés.
Tableau 1.
Taux de réponse des officines par département.
Response rate of pharmacies by department.
Département | Nombre d’officines participantes | Nombre d’officines dans la région AuRAa | % de participants par rapport au nombre d’officines implantées |
---|---|---|---|
Rhône | 156 | 558 | 27,90 |
Isère | 118 | 376 | 31,38 |
Loire | 96 | 236 | 40,67 |
Puy de Dôme | 72 | 233 | 30,90 |
Drôme | 60 | 153 | 39,21 |
Ain | 47 | 158 | 29,74 |
Haute Savoie | 47 | 222 | 21,17 |
Allier | 34 | 139 | 24,46 |
Savoie | 32 | 147 | 21,76 |
Haute-Loire | 30 | 84 | 35,71 |
Ardèche | 29 | 98 | 29,59 |
Cantal | 18 | 64 | 28,12 |
Région Auvergne – Rhône-Alpes.
Figure 1.
Répartition en nombre, par département, des 739 officines qui ont répondu au questionnaire.
Distribution in number, by department, of the 739 pharmacies that responded to the questionnaire.
La répartition des officines entre milieu urbain et milieu rural est également relativement homogène, avec 54 % des répondants en milieu urbain et 46 % en milieu rural. La patientèle est constituée d’habitués dans 98,2 % des cas.
L’âge des pharmaciens ayant participé à cette étude est présenté dans la Fig. 2 . Rappelons ici qu’une seule réponse étant attendue par officine, les résultats ne sont pas représentatifs de la démographie des pharmaciens officinaux dans la région. La courbe gaussienne montre que les pharmaciens ayant répondu appartenaient davantage aux tranches d’âge des 40–50 ans (27,6 % des réponses) et des 50–60 ans (33,8 %) alors que la tranche des 20 à 29 ans était quasi inexistante (1,2 % des réponses).
Figure 2.
Répartition des pharmaciens ayant répondu, par tranche d’âge.
Distribution of responding pharmacists by age group.
Participation à la vaccination contre la COVID-19
97 % des officines (715 officines) ont accepté de participer à la vaccination. Si 24 officines (3 %) ne souhaitent pas prendre part à cette action de santé publique, dans 75 % des cas, c’est l’organisation à mettre en place qui fait défaut. Ce sont donc surtout les plus petites structures qui sont ici concernées, avec dix officines de moins de 1 M de chiffres d’affaires, soit 6,8 % des officines de cette taille ayant participé à l’enquête, neuf officines avec un chiffre d’affaires compris entre 1 et 2 M, soit 2,2 % des officines de ce type ayant participé à l’enquête et enfin cinq officines avec un chiffres d’affaires supérieur à 2 M, soit 3,4 % des officines de ce type ayant participé à l’enquête.
Deux pharmaciens, en commentaire libre, évoquent leur participation à un centre de vaccination, justifiant ainsi de ne pas vacciner à l’officine. Des difficultés logistiques en relation avec le vaccin ainsi que sa disponibilité trop faible sont également évoquées (2 réponses).
Notons que 97 % des officines (717 officines) participent également à la campagne de vaccination contre la grippe mais que 522 répondants affirment prendre alors plus de précautions pour la vaccination contre la COVID-19 que pour la grippe (70,6 % des répondants). À ce titre, 71,4 % du personnel des officines étaient vaccinés contre la COVID-19 au moment de l’étude.
Relations avec les médecins
Concernant la vaccination contre la COVID-19, les relations interprofessionnelles avec les médecins sont sereines (89 %). Néanmoins, 88 % des officinaux ne comprennent pas leur défiance potentielle vis-à-vis de la vaccination par les pharmaciens, mais, étonnamment, 70,4 % d’entre eux comprennent en revanche la défiance des médecins vis-à-vis des vaccins.
Informations destinées au patient
La Fig. 3 présente les informations que les pharmaciens d’officine jugent pertinentes de transmettre à leur patientèle. Elle recense sous forme d’histogrammes les nombres de réponses obtenues ; nous retiendrons que 85 % des pharmaciens tenteront de convaincre les patients de se faire vacciner contre la COVID-19, même si par ailleurs seule la moitié (50,74 %) des officines participe annuellement à la campagne de vaccination antigrippale. 95 % d’entre eux sont suffisamment informés pour apporter un contenu scientifique à une discussion partagée avec leurs patients, comme en témoignent les réponses apportées aux questions Q3, Q4 et Q5.
Figure 3.
Informations pertinentes à transmettre au patient dans le cadre de la vaccination contre la COVID-19 en nombre de réponses positives (en bleu) et négatives (en rouge). Q1 : vaccination contre la COVID-19, vecteur indispensable de santé publique ? Q2 : vaccination contre la COVID-19, protection personnelle mais portage et transmissions possibles. Q3 : mesures barrière indispensables même après vaccination contre la COVID-19. Q4 : vaccination contre la COVID-19 efficace contre les formes graves. Q5 : vaccination contre la COVID-19 et effets indésirables. Q6 : vaccination contre la grippe également réalisée. Q7 : nécessité de la vaccination contre la COVID-19. Q8 : vaccination contre la COVID-19 et explications scientifiques.
Relevant information to be given to the patient in the context of vaccination against COVID-19 in number of positive (blue) and negative (red) responses. Q1: Vaccination against COVID-19, an indispensable public health vector? Q2: Vaccination against COVID-19, personal protection but possible carriage and transmission. Q3: Barrier measures essential even after vaccination against COVID-19. Q4: Vaccination against COVID-19 effective against severe forms. Q5: vaccination against COVID-19 and adverse effects. Q6: Influenza vaccination also performed. Q7: need for vaccination against COVID-19. Q8: vaccination against COVID-19 and scientific explanations.
Informations relatives au vaccin contre la COVID-19
91,5 % des pharmaciens savent utiliser l’auto-injecteur d’adrénaline en cas de réaction allergique lors de l’administration. En revanche, seuls 66,4 % savent que les laboratoires peuvent fournir des stylos factices destinés à l’instruction.
56 % des pharmacies ont affiché la conduite à tenir en cas d’accident d’exposition au sang (AES) et 87,8 % déclarent les effets indésirables inattendus à l’ANSM.
Les pharmaciens ont été interrogés sur les modalités de traçabilité des vaccins ; leurs réponses sont colligées dans la Fig. 4 . Nous noterons que 56 % des répondants tracent leurs vaccins sur le bon de commande transmis à la livraison des médicaments.
Figure 4.
Modalités de traçabilité des vaccins en officine (en nombre d’officine). *LGO = Logiciel de Gestion en Officine.
Vaccine traceability procedures in pharmacies (in number of pharmacies)
Questions diverses
61,7 % des répondants sont sollicités par leur patientèle pour accéder à la vaccination contre la COVID-19. À ce titre, 91,7 % des pharmaciens ont toute confiance en l’utilisation du vaccin commercialisé par AstraZeneca et 67 % savent qu’ils peuvent trouver les réponses à leurs questions sur les sites du Cespharm et de l’ordre des pharmaciens.
La vaccination contre la COVID-19 présente une relation avec le dépistage antigénique : 54 % des répondants le réalisent ; 67,4 % les réalisent ou le réaliseraient dans un local différent ; 69,2 % choisissent ou choisiraient également des horaires ou des jours différents pour dissocier ces deux activités.
Discussion
À propos de l’étude réalisée
Le taux de réponse à notre enquête (près de 30 %) montre la forte participation des pharmaciens de la région et leur volonté de partager leur ressenti et leurs expériences de terrain. Nous avions signalé qu’en fin d’enquête nous ferions remonter les résultats pour un vrai partage des réponses obtenues ; l’URPS-Pharmaciens assurera ce retour.
Une écrasante majorité (plus de 90 %) des pharmaciens en officine se sont impliqués dans la vaccination depuis qu’ils sont autorisés à la pratiquer, que ce soit conte la grippe mais aussi contre la COVID-19, qu’ils soient installés en milieu urbain ou rural. Ceux qui ne vaccinent pas sont soit gênés par la taille de leur officine jugée trop exiguë, soit intégrés dans un centre de vaccination proche. Il faut noter que c’est bien la première fois que des officinaux peuvent exercer hors de leur officine.
Pour la gestion en urgence d’un effet indésirable grave, plus de la moitié des confrères savent qu’ils peuvent disposer de stylos factices d’adrénaline pour s’exercer à l’injection en cas de nécessité : savoir injecter, c’est assurer une prise en charge optimale de l’urgence qui pourrait se présenter. À ce titre, nous ne pouvons qu’encourager nos confrères à commander ces stylos factices aux laboratoires fabricants qui les envoient rapidement. En maîtriser le fonctionnement est un vrai gain de sécurité pour les patients et pour les équipes qui vaccinent.
Si les pharmaciens se sentent vaccinateurs, ils sont aussi informateurs dans la vaccination. Les pharmaciens participent en effet à la chaîne d’informations pour donner à leurs patients des réponses sûres, claires et actualisées sur la vaccination [4]. La plupart des pharmaciens se sentent investis d’un rôle de porteur d’informations pour le public et cherchent à faire comprendre l’importance de la vaccination : plus de 85 % essayeront même de convaincre leurs patients de se faire vacciner, sur des arguments personnels et altruistes.
Concernant le suivi des rares effets secondaires rencontrés après la vaccination contre la COVID-19, plus de 90 % des pharmaciens disent les déclarer, ce qui est important pour le suivi de la vaccination. Cette déclaration s’est simplifiée par l’utilisation de la fiche vaccin du patient. Ce rôle joué par les pharmaciens leur assure un lien avec les Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV). Chaque centre a une vocation distincte dans le suivi post-vaccinal : les CRPV de Grenoble et de Lyon sont chargés du suivi du vaccin Janssen, les CRPV de Bordeaux et de Marseille suivent le vaccin Pfizer, ceux de Lille et Besançon le vaccin Moderna et ceux d’Amiens et de Rouen centralisent les remontées sur le vaccin d’AstraZeneca.
Pour rappels, les patients peuvent aussi déclarer eux-mêmes un effet indésirable en allant sur le site signalement.social-santé.gouv.fr.
Concernant le dépistage des infections par le SARS-Cov-2, plus de la moitié des pharmaciens réalisent aussi les tests de dépistage (antigéniques), le plus souvent hors de leur officine : sous tente (avec l’accord de la mairie) ou dans un local attenant lorsque cela est possible.
Près de 90 % des pharmaciens entretiennent des relations sereines avec les autres professionnels de santé. Nous sommes loin des tensions observées lors de la mise en place de la vaccination antigrippale en officine ou encore avec la pénurie de vaccins contre la COVID-19 au début de la crise [4], [5]. Il semblerait au contraire que des liens se soient tissés entre les équipes soignantes d’un même quartier du fait du partage des commandes des vaccins contre la COVID-19 par le pharmacien voisin.
Quant à la traçabilité des commandes pour les professionnels voisins, elle est réalisée à l’initiative propre des pharmaciens, le plus souvent à partir des bordereaux de livraison en inscrivant le numéro de lot du flacon délivré à chaque professionnel de santé.
Propositions aux autorités de tutelle
Extension du champ vaccinal des pharmaciens
Les couvertures vaccinales en France sont insuffisantes pour des maladies contre lesquelles les vaccins sont recommandés ou obligatoires (grippe, hépatite B, rougeole) [6]. Si la vaccination contre la grippe a été autorisée par le pharmacien en officine, la vaccination contre la COVID-19 lui a permis d’étendre ses missions vaccinales dans un objectif de santé publique. La Fig. 5 présente les pays dans lesquels la vaccination est réalisée en pharmacie ; c’est un état des lieux en 2016 et 2020 qui est proposé, associé à ce qui peut être attendu comme évolution pour 2025.
Figure 5.
Évolution des pays et territoires avec vaccination en pharmacie, en 2016, 2020 et potentiellement attendue en 2025 [7].
Evolution of countries and territories with vaccination in pharmacies, in 2016, 2020 and potentially expected in 2025 [7].
Néanmoins, en Europe, l’acceptation et le soutien limités du rôle des pharmaciens en tant que vaccinateurs par les gouvernements et les autres professions de santé, quel que soit le niveau de revenus, sont perçus comme les obstacles les plus importants au développement de la vaccination par les pharmaciens. De nouveaux efforts de sensibilisation sont nécessaires [7].
L’évolution dans la vaccination par les officinaux quelle que soit la maladie pourrait se faire par étapes. Elle pourrait débuter par une extension de la vaccination contre la grippe à tous les adultes qui le souhaitent (sur avis médical pour les personnes considérées à risque), pour des raisons pratiques et afin d’augmenter plus nettement la couverture vaccinale nationale. Puisque le vaccin a statut de médicament, sa fourniture ne peut se faire que par le réseau officinal, même pour le prescripteur ; pour des questions pratiques, la vaccination peut être ainsi réalisée par le pharmacien.
Par la suite, les rappels des vaccinations à 24, 45 et 65 ans pourraient être réalisés à l’officine sans prescription médicale obligatoire. Il serait d’ailleurs judicieux, à l’avenir, que les logiciels puissent émettre des alertes aux pharmaciens, ce qui permettrait de sensibiliser la patientèle sur le(s) rappel(s) à faire dans l’année.
- Enfin, la possibilité de proposer à l’officine la vaccination contre les papillomavirus (HPV : human papillomavirus), sur prescription médicale, serait une autre avancée.
L’extension de la vaccination à l’officine permettrait de rendre cet acte plus fluide, plus facile d’accès pour les patients, sans alourdir les consultations médicales, ce qui concourt sûrement à une amélioration de la couverture vaccinale de la population.
Aujourd’hui, 18 500 pharmacies vaccinent contre la COVID-19. Cela montre l’engagement de la profession et la confiance des français en leur pharmacien. Ce lien de proximité entre le pharmacien et sa patientèle doit être renforcé en confiant au pharmacien des missions de santé publique telles que la vaccination.
Mise en place d’« entretiens vaccinaux »
À l’image des entretiens pharmaceutiques classiques, la mise en place de « temps-vaccination » ou d’« entretiens vaccinaux » permettrait au pharmacien d’échanger avec sa patientèle sur la vaccination. Les populations ciblées seraient les âges-clés en accord avec le calendrier vaccinal (25, 45, 65, 75 ans..), particulièrement pour des patients sans pathologie spécifique et, par conséquent, qui ne consultent pas ou rarement leur médecin.
Les populations plus fragiles comme les personnes diabétiques, obèses, malades psychiques ou dépendantes chez lesquelles la prévention est encore plus nécessaire, doivent retenir encore plus notre attention en tant que pharmaciens, y compris pour les raisons vaccinales. D’ailleurs, ces patients sont suivis pour leurs pathologies diagnostiquées et pourraient l’être aussi pour les vaccinations. Comme il l’a été rappelé par la HAS dans le cadre de la vaccination contre la COVID-19, le médecin doit être consulté avant et/ou après toute vaccination au moindre doute sur la situation de la personne à vacciner, sur son état de santé ou sur d’éventuelles contre-indications ou événements indésirables [8]. Néanmoins, les pharmaciens pourraient concourir à une meilleure couverture vaccinale au niveau national en incitant la population en bonne santé à se faire vacciner.
Si l’acte de vaccination reste à l’initiative du pharmacien, titulaire ou non, il nécessite toutefois une formation adaptée et exigeante. [9], [10]. Les pharmaciens sont instruits à la vaccination dans le cadre de leur formation initiale à la faculté de pharmacie ; néanmoins, l’obligation de suivre une formation continue selon une périodicité à définir serait garante du maintien et de l’actualisation des compétences pharmaceutiques aux nouveaux vaccins et aux nouvelles maladies dans ce domaine. À l’instar des documents proposés par le CESPHAR pour la vaccination antigrippale [11], le développement de documents et de grilles décisionnelles validés permettrait d’encadrer cette activité. Le Carnet de Vaccination Electronique (CVE) devrait être davantage connu et utilisé par la population ; le pharmacien d’officine en est, dans ce cadre, le promoteur évident.
De même, la réticence de la population à la vaccination aborde la question de la compétence pharmaceutique en matière de communication. La formation à la conduite d’« entretiens motivationnels » utiles dans bien des domaines renforcerait l’implication du pharmacien dans cette activité, toujours dans un objectif de santé publique [12].
Conclusion
En moins de cinq ans, les pharmaciens d’officine sont devenus « incontournables » dans la vaccination « de masse ». En témoignent les 400 000 vaccinations réalisées chaque jour en tout début de la dernière campagne de vaccination contre la grippe en 2020-2021, puis le million de doses de vaccin anti-COVID-19 AstraZeneca administrées début mai dernier par les 18 500 pharmacies engagées dans cette vaccination. Le taux de participation à notre enquête menée auprès des pharmaciens d’officine de la région AuRA (30 %) témoigne de leur investissement pour la santé publique : 97 % des officines ayant répondu participent à la vaccination anti-COVID.
Un engagement de nos autorités de tutelle incluant le pharmacien dans une prise en charge globale de la vaccination serait certainement un facteur majeur dans l’adhésion de la population à la vaccination. Les pharmaciens officinaux ont montré qu’ils étaient déjà intégrés dans cette démarche de santé publique. Un questionnaire de santé a été élaboré pour guider les pharmaciens dans la conduite de l’entretien pré-vaccinal, ce qui permet de vérifier l’éligibilité à la vaccination des patients.
Le carnet de vaccination électronique (CVE) permet au professionnel de santé d’avoir accès en permanence au statut vaccinal du patient. Le pharmacien ayant pour mission de délivrer des vaccins, est le garant d’un bon suivi vaccinal. Il favorise la diffusion et la gestion du CVE, simple, pratique, confidentiel et sécurisé.
La campagne de vaccination contre la COVID-19 a aussi renforcé les liens des pharmaciens officinaux avec les autres professionnels de santé également engagés, que ce soient les médecins généralistes ou les infirmières. Elle a mis en exergue la position centrale du pharmacien et son implication nécessaire dans la prévention en France. Les officines deviennent ainsi des plateformes de prévention : détection par les tests antigéniques, contrôles sérologiques par les tests IgG/M COVID et vaccinations. Dans ce cadre, le pharmacien simplifie les démarches des patients en leur proposant en un même lieu un suivi de leur statut immunitaire.
Durant cette crise sanitaire, le pharmacien officinal a montré sa capacité à gérer ces activités de prévention, obtenant une légitimité à vacciner la population qui lui a accordé sa confiance. Si la vaccination antigrippale est réalisée à l’officine, l’expérience actuelle doit convaincre les autorités de tutelle de l’intérêt du positionnement du pharmacien officinal dans la prévention, et précisément dans la vaccination pour la population.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Remerciements
Les auteurs sont reconnaissants aux pharmaciens qui ont accepté de répondre au questionnaire. Nous remercions Michèle German, membre titulaire de l’Académie nationale de Pharmacie, pour son soutien précieux. Et Jennifer Kouakou, assistante de direction de l’URPS pharmaciens AuRA pour son investissement.
Footnotes
Matériel complémentaire
Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et https://doi.org/10.1016/j.pharma.2021.08.004.
Annexe A. Matériel complémentaire
Références
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- 2.Décre t no 2021-248 du 4 mars 2021 modifiant les décrets no 2020-1262 du 16 octobre 2020 et no 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043216584, consulté le 08 juin 2021.
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Associated Data
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