Plusieurs sociétés scientifiques, notamment l’European Alliance of Associations for Rheumatology (EULAR), ont publié des recommandations concernant la prescription des biothérapies pendant l’épidémie de COVID-19 [1]. Ici, nous rapportons les prescriptions des biothérapies délivrées en ville lors du premier confinement en France en 2020. Il s’agit d’une étude observationnelle rétrospective qui a utilisé une source non médicalisée de données anonymisées de délivrance de médicaments délivrés en ville (LRx). LRx comprend les données d’un panel de près de 10 000 pharmacies (données historiques depuis 2012, près de 40 millions de patients/an), incluant près de 45 % des pharmacies en France métropolitaine et représentative en termes de distribution géographique et d’âge de la population [2]. Cette couverture permet d’extrapoler les données à l’ensemble de la population française.
Les classes thérapeutiques suivantes ont été étudiées : anti-TNF (adalimumab, certolizumab pégol, étanercept, golimumab), anti-interleukine 6 (IL-6 ; tocilizumab, sarilumab), anti-IL-17 (ixekizumab, secukinumab, brodalumab), anti-IL-12/23 (ustekinumab), anti-IL-23 (guselkumab, rizankizumab, tildrakizumab), Janus kinase (JAK) inhibiteurs (baricitinib, tofacitinib), abatacept, et d’autres médicaments tels que l’aprémilast, les aminosalicylates (ASs), l’hydroxychloroquine (HCQ), et le méthotrexate (MTX).
Nous avons étudié l’impact de la COVID-19 sur les initiations et les renouvellements des biothérapies en 2020 en utilisant :
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l’année 2019 comme année de référence ;
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les données de dispensations des pharmacies ayant eu un flux régulier de transmission des données pendant les périodes d’intérêt pour la comparaison (c’est-à-dire, 36 % de l’ensemble des pharmacies françaises).
Nous avons étudié la période allant de la semaine 2 (S2) à S25 en nous concentrant sur les semaines du confinement (S12-S19) en 2020 et en utilisant la période correspondante en 2019 comme référence. Les données de 49 807 et 55 858 patients ayant eu au moins une administration d’une biothérapie de S12 à S19, respectivement en 2019 et 2020, ont été analysées. L’initiation d’un traitement a été définie comme un traitement non délivré dans les 12 mois précédents et l’inverse pour le renouvellement de traitement. L’impact des prescriptions a été décrit aux niveaux national et régional. Trois régions ont été prises en compte : le Grand-Est et l’Île-de-France, ayant eu un plus grand nombre de patients infectés, par rapport au Pays-de-la-Loire, ayant eu une prévalence nettement plus faible de la COVID-19.
La Fig. 1 montre les initiations des prescriptions des biothérapies en 2020 par rapport à 2019. Pendant le confinement, l’initiation des prescriptions a été considérablement réduite pour l’abatacept (nombre brut de 405 patients en 2019 vs 227 patients en 2020 ; −44 %, p < 0,0001), les agents anti-TNF (1 156 vs 1 058 ; −31 %, p < 0,0001), les anti-IL-17 (415 vs 206 ; −50 %, p < 0,0001) et les inhibiteurs de JAK (289 vs 174 ; −39 %, p = 0,006) mais a considérablement augmenté pour les anti-IL6 et plus spécifiquement pour le tocilizumab (117 vs 445 ; +152 %, p = 0, 01), avec une diminution non significative pour les inhibiteurs de p19 (IL-23) et de p40 (IL-12/23). Dans l’ensemble, la réduction de l’initiation des biothérapies a été principalement observée dans la région où l’épidémie a été la plus prononcée (c’est-à-dire, l’Est de la France ; p = 0,001). Nous avons également examiné les autres traitements de fond et avons constaté une augmentation marquée de l’initiation de la prescription de l’HCQ (1 708 vs 4 671 ; +173 %, p = 0,05, survenant principalement pendant les 4 premières semaines du confinement : +492 %, +646 %, +127 %, et +49 % respectivement aux semaines 12, 13, 14 et 15), mais une diminution significative de l’initiation de la prescription de l’apremilast (405 vs 227 ; −44 % ; p < 0,001) et du MTX (3 430 vs 2 390 ; −30 % ; p < 0,001). En revanche, nous n’avons constaté aucun impact de l’épidémie sur les renouvellements des traitements, quelle que soit la classe thérapeutique (données non présentées).
En conclusion, lors du pic épidémique de la COVID-19 en France, nous avons constaté une forte augmentation des nouvelles prescriptions d’HCQ et de tocilizumab, deux médicaments soupçonnés d’améliorer le pronostic de la COVID-19. En revanche, les médecins ont moins fréquemment prescrit les autres biothérapies, le MTX et l’apremilast. L’impact sur la qualité des soins et sur le pronostic à long terme des maladies inflammatoires chroniques liés à ce retard dans l’initiation de la prescription des biothérapies reste à aborder par d’autres études.
Déclaration de liens d’intérêts
PR a perçu des honoraires de Abbvie, Pfizer, UCB, Roche, Fresenius, Amgen, Janssen, Lilly, Novartis, IQVIA.
MA : a perçu des honoraires de Amgen, Biogen, Bms/Celgene, Celltrion, Ferring, Janssen, Novartis, Pfizer, Roche/Genentech, Takeda and IQVIA.
LP, SP et MM sont salariés de IQVIA.
VD et AL déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Footnotes
Ne pas utiliser, pour citation, la référence française de cet article, mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus.
Références
- 1.Landewé R.B.M., Machado P.M., Kroon F., et al. EULAR provisional recommendations for the management of rheumatic and musculoskeletal diseases in the context of SARS-CoV-2. Ann Rheum Dis. 2020;79:851–858. doi: 10.1136/annrheumdis-2020-217877. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
- 2.Vilcu A.M., Blanchon T., Sabatte L., et al. Cross-validation of an algorithm detecting acute gastroenteritis episodes from prescribed treatment dispensing data in France: comparison with clinical data reported in a primary care surveillance system, winter seasons 2014/15 to 2016/17. BMC Med Res Methodol. 2019;19:110. doi: 10.1186/s12874-019-0745-5. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]