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. 2022 Jan 24;28(2):59–79. [Article in French] doi: 10.1016/j.prps.2022.01.001

Adaptation des pratiques psychologiques en clinique de la douleur durant la pandémie de la COVID-19

Adapting clinical psychological practices for pain during the COVID-19 pandemic

A Masselin-Dubois a,d,, N Enert-Barbero b, A Gazagne c
PMCID: PMC8784648

Abstract

Introduction

La pratique clinique auprès de patients douloureux chroniques, ébranlée par la réorganisation du champ sanitaire, a nécessité de repenser la prise en charge psychologique de la douleur. Afin de poursuivre l’accompagnement psychologique des patients, des consultations individuelles ou des ateliers de groupes à distance se sont développés. Un groupe d’échange de pratiques rassemblant des psychologues et psychothérapeutes a partagé ses expériences cliniques et son vécu de la crise.

Objectifs

Les objectifs de cette étude sont d’explorer l’adaptation des pratiques cliniques pour les sujets douloureux chroniques, le vécu des professionnels, et de proposer des recommandations issues des réflexions collectives.

Méthode

La méthodologie de recherche clinique a suivi celle d’un focus group. Trois réunions en visioconférence de deux heures ont eu lieu de septembre 2020 à mai 2021. Une analyse thématique des retranscriptions a été réalisée avec le logiciel d’analyse qualitative NVivo.

Résultats

Au total, 9 psychologues et psychothérapeutes ont participé au focus group. L’analyse thématique a révélé trois grands thèmes, à savoir : (1) impact de la crise sanitaire liée à la COVID-19 ; (2) adaptation des pratiques ; (3) processus de changement des pratiques cliniques.

Conclusion

Les professionnels rapportent que l’usage des outils numériques a permis de limiter l’impact psychologique de la crise sanitaire sur les patients et de maintenir le lien. Des recommandations issues des réflexions collectives suggèrent de maintenir les soins en distanciel et de s’appuyer sur le soutien des équipes, de la hiérarchie, et des groupes d’échanges entre pairs.

Mots clés: Douleur chronique, Éducation thérapeutique, Focus group, COVID-19

1. Introduction

Le 14 mars 2020, la situation épidémique en lien avec le coronavirus SARS-CoV-2 a basculé dans le stade 3. Ce stade de circulation active du virus a impacté la stratégie sanitaire passant d’une logique de détection et de prise en charge individuelle à une logique d’action collective (Ministère des Solidarités et de la Santé, 2020). Au cours de la première vague de la pandémie de la COVID-19, les gouvernements de nombreux pays du monde ont mis en œuvre des plans d’urgence, y compris la suspension de tous les traitements médicaux non urgents. Les sociétés européenne et américaine d’anesthésie régionale ont émis des recommandations pour la pratique de la douleur chronique, en discriminant des procédures urgentes et semi-urgentes (Shanthanna et al., 2020 ; Harnik et al., 2021). Une autre recommandation était de passer des consultations en face-à-face à la télémédecine, en raison de la vulnérabilité de nombreux patients souffrant de douleur chronique à risque d’une évolution sévère de COVID-19 en cas d’infection. L’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) a également recommandé l’introduction rapide de dispositifs d’e-santé pour offrir aux patients souffrant de douleur chronique des services spécialisés pendant l’épidémie (Eccleston et al., 2020).

Dans le cadre de la crise sanitaire, la Haute Autorité de Santé (HAS) a émis des recommandations d’accompagnement de patients porteurs de maladies chroniques (Haute Autorité de Santé, 2020a). La visioconférence et la téléconsultation ont été mises en avant comme moyens de maintenir le lien avec les patients à risques. Lors des confinements successifs, des rapports ont entériné l’utilisation des outils de e-santé :

  • 1er confinement : rapport de la Haute Autorité de santé (Haute Autorité de Santé, 2020b) ;

  • 2nd confinement : recommandations de la Direction Générale des Soins (DGS, 2020-55, le 13 novembre 2020).

Les services hospitaliers ont été contraints de se réorganiser pour participer à la prise en charge des patients atteints du COVID-19. En effet, les forces médicales et paramédicales ont été mobilisées pour prendre en charge des patients en soins critiques ou au sein de services tout COVID (Pinar et al., 2020 ; Ross et al., 2020). Pour autant, les structures douleurs ont su s’adapter. Le congrès de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) de 2020 a exposé la diversité des situations rencontrées par les équipes des CETD durant la crise de la COVID-19 : la limitation des consultations dans un premier temps puis le choix d’activités maintenues en présentielle, ou adaptées en visioconférence pour les équipes pluridisciplinaires, médicales, paramédicales ou psychologiques. Ces actions semblent avoir permis le maintien du lien relationnel entre les équipes de soin et les patients (SFETD, 2020).

Des psychologues et psychothérapeutes ayant échangé sur leurs pratiques dans le cadre d’un focus group ont constaté dans leurs services, au début de la crise sanitaire, une séparation du « psychique » et du « somatique », durant laquelle les suivis psychologiques ont été mis en « arrêt ». Ce clivage témoigne probablement d’une réaction défensive agissant dans l’organisation des soins, suite à l’état de sidération collective, des professionnels hospitaliers. Cela est d’autant plus surprenant pour une structure douleur que le travail pluridisciplinaire fonde l’organisation de la prise en charge de la douleur : « La douleur chronique est un phénomène pluridimensionnel somatique et psychosocial. La pluridisciplinarité et l’approche pluridimensionnelle sont les principes fondateurs des structures d’évaluation et de traitement de la douleur chronique (structures spécialisées) » (Haute Autorité de Santé, 2009).

Cette évolution subite a contraint la population française à entrer brutalement dans un confinement. Cette période de crise sanitaire à caractère anxiogène (isolement, incertitude, sentiment de vulnérabilité) a entraîné l’émergence de symptômes psychologiques liés au stress allant de troubles nutritionnels, irritabilité, fatigue, à des symptômes de stress post-traumatique (Allé, Berna, Vidailhet, Giersch, & Mengin, 2020). Ces symptômes pouvant précipiter l’apparition de complications se sont ajoutés aux facteurs de risques déjà présents chez les patients souffrant de douleurs chroniques.

En dehors des périodes de crise sanitaire, les prises en charge sont marquées par une difficulté d’accès aux structures hospitalières de référence dont les files actives sont particulièrement conséquentes. Ces difficultés d’accès aux soins s’inscrivent dans un contexte où la fragilité psychologique de ces patients augmente le risque d’apparition de comorbidités psychologiques (Rose et al., 2009 ; Henry, 2012). La fermeture de certains centres de prise en charge de la douleur chronique et le contexte anxiogène de la pandémie ont augmenté la fragilité psychologique de certains de ces patients plus vulnérables aux comorbidités psychopathologiques (Hirsch, Bourdette, & Barfety-Servignat, 2021). Les études soulignent que la pandémie de la COVID-19 a eu des effets néfastes pour de nombreux patients douloureux, en entraînant pour 70 % d’entre eux une aggravation de leurs douleurs, et pour 43 % une détresse psychologique d’intensité modérée à grave (Pagé et al., 2021). Pour maintenir le lien avec les patients, les professionnels de santé des structures douleurs ébranlées par l’obligation de maintien à domicile ont dû adapter leurs pratiques dans un climat insécurisant et incertain.

Cette adaptation motivée par la nécessité de limiter les ruptures de parcours de soins s’est faite grâce aux outils d'e-santé : télésanté, santé numérique, santé connectée - où les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont mises au service de la santé (IRDES, 2019).

L’émergence de ces nouvelles pratiques de l’e-santé et la réorganisation du parcours du patient douloureux actuellement discutées au sein des sociétés scientifiques nous amènent à partager des suggestions cliniques et proposer des recommandations thérapeutiques adaptées au suivi des patients douloureux et aux outils psychoéducatifs utilisés pour les accompagner qui peuvent être utilisés dans d’autres pathologies dans un contexte de distanciation sociale, de pandémie ou pour faciliter l’accès aux soins (ex. : contraintes géographiques, etc.).

Ainsi, pour comprendre le vécu des psychologues travaillant auprès de patients douloureux chroniques et leur perception de l’impact de l'e-santé sur leurs pratiques, nous avons mené une étude qualitative dans laquelle ont été mis en place des focus group de septembre 2020 à juin 2021. Le focus group est une forme d’entretien semi-structuré. Il consiste en une série de discussions au sein de différents groupes de participants et facilitées par un chercheur. L’objectif de la collecte par focus group est de fournir des données (via l’interaction intragroupe) relatives aux croyances et aux normes du groupe à l’égard d’un sujet particulier ou d’un ensemble de questions (Kohn & Christiaens, 2014 ; Boor & Wood, 2006). Cette étude permet d’apporter des éléments de compréhension sur l’impact de la crise sanitaire sur le vécu des professionnels de santé et l’évolution des pratiques cliniques numériques auprès de populations douloureuses chroniques. Elle apporte à la fois un état des lieux, mais permet aussi aux professionnels impliqués dans les groupes de partage de pratiques cliniques un retour d’expérience de cet évènement à impact sanitaire (RETEX) (Denux, Stevenard, & Rouanet, 2007 ; Direction générale de la santé, 2007) qui peut être mis en lien avec la littérature et les autres adaptations vécues.

2. Méthodologie

2.1. Contexte

Un groupe rassemblant des psychologues et des professionnels de santé spécialistes de l’éducation thérapeutique, exerçant tous auprès de patients douloureux chroniques, ont souhaité initier des réunions de partage d’expériences cliniques et d’échange sur les pratiques permettant de discuter régulièrement des suivis des patients durant la crise sanitaire sur une année (2020–2021).

L’objectif de ces rencontres était d’engager une réflexion clinique collective sur la prise en charge des patients douloureux chroniques durant la période de pandémie.

2.2. Objectif de recherche

Les objectifs de l’étude sont : d’explorer l’adaptation des pratiques cliniques pour les sujets douloureux chroniques durant les différentes périodes de confinement qui ont marqué la pandémie ; le vécu des professionnels du soin psychique ; et de proposer des recommandations issues des réflexions collectives.

2.3. Justification méthodologique

Le choix d’une méthodologie qualitative telle que celle du focus group (Evans, 2011) s’est imposé de par les possibilités qu’il offre pour favoriser le récit, la dynamique collective, et l’expérimentation. Il permet « d’être au plus près de la complexité et des mutations rapides, en mobilisant la réflexivité des acteurs :intervision, recherches-actions collaboratives » (Marty, 2021).

2.4. Mise en place du focus group

2.4.1. Echantillonnage

Le focus group a rassemblé 9 professionnels interrégionaux, psychologues et/ou thérapeute spécialisés en éducation thérapeutique, travaillant en structure douleur de Centres hospitaliers, dans les réseaux ville-hôpitaux ou en libéral : 7 psychologues travaillant en structure douleur chronique (SDC) en milieu hospitalier (dont un chercheur et une impliquée dans les réseaux villes-hôpitaux), une psychologue en cabinet libéral bénéficiant de nombreuses années d’exercice en structure douleur hospitalière, et une thérapeute spécialisée en éducation thérapeutique accompagnant les patients douloureux chroniques en éducation thérapeutique dans un réseau ville-hôpital et coordinatrice de l’Unité Transversale d’Education du Patient (UTEP). Un chercheur maîtrisant l’animation de focus groups, mais non connaisseur de la clinique en SDC a également veillé à la bonne mise en place du dispositif en observant la première réunion. L’âge des participants s’étendait de 30 à 50 ans. L’expérience clinique comprenait un débutant pour une majorité ayant au moins 5–15 ans de pratique clinique confirmée. Tous les participants avaient une expérience clinique auprès de patients douloureux chroniques, tels que les patients fibromyalgiques, les lombalgies chroniques, les céphalées chroniques quotidiennes, ou les douleurs chroniques post-opératoires. Les pratiques cliniques des professionnels portaient tant sur l’évaluation psychologique que sur la psychothérapie individuelle et groupale (ex. : hypnose, relaxation, méditation de pleine conscience, groupes pluridisciplinaires d’éducation thérapeutique).

2.4.2. Organisation logistique et guide d’entretien libre

Trois réunions en visioconférence (sur TEAMS) de deux heures ont eu lieu de septembre 2020 à juin 2021, à une fréquence trimestrielle. Le groupe fermé rassemblait un minimum de 5 participants par réunion.

Souhaitant répondre à des questions de recherche clinique fondées sur le partage d’expériences et le vécu de la crise, des entretiens non directifs ont été guidés par un modérateur sans guide pré-établi. Les participants ont ainsi pu s’exprimer librement dans un espace de parole leur permettant de partager leur vécu et leur expérience de l’accompagnement clinique en temps de crise sanitaire.

2.5. Analyse des données recueillies

Les réunions filmées ont été retranscrites puis, à l’aide du logiciel d’analyse qualitative NVivo (Richards, 1999), les chercheurs ont pu pour mettre en évidence des thèmes en suivant une méthode d’analyse de contenu (Bardin, 2013).

3. Résultats

L’analyse qualitative des focus groups a permis d’identifier 13 sous-thèmes répartis dans trois grands thèmes :

  • impact de la crise sanitaire liée à la COVID-19 ;

  • adaptation des pratiques ;

  • processus de changement des pratiques cliniques.

Nous allons développer ci-dessous chacun des grands thèmes.

3.1. Impact de la crise sanitaire liée à la COVID-19

Les partages d’expériences ont mis en évidence trois thèmes liés au patient et au fonctionnement institutionnel durant la crise sanitaire (cf. : Tableaux des thèmes en annexes) :

  • les patients douloureux chroniques : perception de leurs besoins, vécu et adaptation par les psychologues et psychothérapeutes ;

  • la réorganisation du travail des équipes pluridisciplinaires ;

  • la créativité et l'autonomie du psychologue.

3.1.1. Les patients douloureux chroniques : perception de leurs besoins, vécu et adaptation par les psychologues et psychothérapeutes

3.1.1.1. Perception par les professionnels du vécu psychologique des patients douloureux et du corps douloureux

L’analyse des verbatims montre une fréquence des discours liés aux éprouvés et à la détresse émotionnelle (31 % soit 6/19 références) des patients dans un contexte d’incertitude et d’insécurité lié à la crise sanitaire. Les sentiments d’angoisse et d’insécurité énoncés par les patients décrivent une fracture dans la temporalité des patients (arrêt des activités de loisirs, télétravail, isolement social, etc.) et l’incapacité à se projeter dans l’avenir (« combien de temps cela va durer ? » ; « cette peur de la durée »). L’absence de projection quant à la reprise d’une vie normale relevée par les professionnels est particulièrement difficile à vivre pour les sujets anxieux ayant besoin de maîtrise et pour les patients souffrant de douleurs chroniques. L’angoisse et le sentiment d’insécurité sont exprimés sur un mode psychopathologique, par des émotions négatives (« colère ») et des mécanismes de déplacement sur les objets extérieurs (« le gouvernement », « le conjoint », « les enfants »), ceux-ci plus marqués lors du deuxième confinement et couplés avec des conduites d’évitement (« on ne veut pas y retourner, on a déjà donné »).

En clinique de la douleur, l’observation du corps dans la manière dont il est animé, « mis en scène », ou vécu par le patient, participe à la compréhension des problématiques psychologiques. Le suivi par visioconférence donne accès au corps ainsi visible ou tout du moins en partie. En outre, l’un des avantages soulignés par les participants est de ne plus porter de masque (« maintenant qu’on a repris en présentiel , il y a en a beaucoup qui sont gênés par ce port du masque et le fait de leur proposer une visio de chez eux ça offre une vision entière du visage au niveau des expressions »). Ainsi, alors que la distanciation physique et l’application des gestes barrières en consultation rendent la rencontre « aseptisée » et marquée par la peur de la contamination, la visioconférence permet au contraire l’observation d’un corps en mouvement, et rend visible les expressions du visage (« on peut être plus à l’aise à travers un écran, on est moins exposé, on donne accès à des choses différentes »). Les psychologues et psychothérapeutes soulignent le rôle de l’écran qui peut laisser voir une désinhibition de l’attitude du patient (« ils arrivaient à l’atelier en pyjama, sur leur lit » ; « un patient qui a insulté sa femme »), et la verbalisation franche et directe (« ils arrivent plus facilement à s’exprimer »). Celui-ci peut désinvestir l’entretien par des attitudes inappropriées échappant au regard virtuel du psychologue (ex. : envoyer un message sur son téléphone portable).

3.1.1.2. Le maintien de la continuité des soins

Les psychologues rapportent assister à la souffrance de leurs patients et identifient chez eux un fort besoin de maintenir une continuité des soins. Dans le contexte de la crise sanitaire, l’e-santé apporte un support technique nécessaire au maintien des soins, et réduisant l’impact psychopathologique lié à la crise sanitaire de la COVID-19. En effet, la plupart des verbatims liés à la retranscription par les professionnels des discours des patients (42 % soit 8/19 références) soulignent le besoin de continuité des soins. D’une manière générale, les participants expliquent que lorsque leurs patients disposaient d’ordinateurs, smartphones ou tablettes numériques, les consultations se maintenaient à fréquence régulière. Certains patients ont éprouvé un besoin de venir en consultation et n’étaient pas à l’aise avec ces nouveaux dispositifs. Leurs rendez-vous ont donc été reportés après les confinements ou maintenus par téléphone. Pour les patients qui ont exprimé aux équipes leur souhait de rompre l’isolement du confinement grâce à la téléconsultation, ils expriment un besoin de maintenir les soins (« il y a une impatience à ne pouvoir être pris en charge (…) à ne pas avoir le protocole habituel »), mais également d’être soutenus psychologiquement et manifestent un sentiment d’abandon (« ils n’avaient pas envie qu’on les lâche » ; « on sentait chez les patients qu’il ne fallait pas que ça s’arrête vraiment en fait. Ils disaient « non, non, c’est bon on comprend qu’il y a le Covid, mais nous aussi on est là, il ne faut pas nous oublier »).

Pour les professionnels, l’e-santé a favorisé l’autonomisation du patient de par sa capacité à utiliser seul les techniques non médicamenteuses mises à sa disposition (séances d’autohypnose sur Youtube, enregistrement MP3 réalisé par les psychologues). Les psychologues ont en effet rapporté avoir pu voir progresser leurs patients grâce à la régularité des rencontres en visioconférence. Un autre bénéfice souligné est l’adaptation des horaires de travail et qui a permis d’assurer davantage de consultations qu’ils n’auraient pu le faire dans l’organisation habituelle des structures douleur. Enfin, un dernier point évoqué en lien avec le partage de compétences et à la solidarité entre patients et soignants. Un témoignage rapporte que les patients experts ont contribué à former les soignants et psychologues aux outils numériques, dans un renversement des rôles soignants-soignés et de collaboration solidaire durant la crise (« ils ont eu un rôle salvateur » ; « inverser les choses et de bouleverser cette place parfois un peu figée et ça a vraiment donné une autre place finalement aux patients ressources, aux patients experts »).

3.1.2. La réorganisation du travail des équipes pluridisciplinaires

L’analyse thématique dégage le thème de la réorganisation du travail des équipes pluridisciplinaires. Les participants du groupe rapportent que certains psychologues et soignants ont été mobilisés pour intervenir dans les secteurs COVID, d’autres ont pu maintenir leur activité sans pouvoir accueillir les patients. Les échanges dans le focus group soulignent une envie de s’investir et de mobiliser ses compétences au service du patient malgré la peur du risque de contamination (« dans toute l’équipe, alors qu’on était toutes en service COVID, on n’est aucune à être immunisée »). La réorganisation logistique et fonctionnelle a entraîné une dynamique nouvelle au sein des équipes pluridisciplinaires. Les rendez-vous ont été écourtés, privilégiant la visioconférence ou les consultations par téléphone. Le choix des outils numériques n’a pas été adopté d’emblée, mais a suscité une certaine ambivalence chez certains professionnels de santé (« on s’est retrouvé face à certains professionnels qui ne voulaient pas, qui avaient peur de la visio » ; « tous les médecins de la consultation douleur étaient sur les secteurs COVID ou ont complètement arrêté leurs consultations »). Néanmoins, les prises en charge somatiques et psychologiques ont pu se maintenir malgré la distanciation sociale (par exemple, sous forme de groupes d’éducation thérapeutique en visioconférence). Les échanges soulignent l’impact de cette expérience inédite (« on est en train de travailler sur un nouveau programme et du coup, là il y a en fait des patients qui sont déjà inclus, ils participent à la construction. Les choses sont différentes, dans le cadre, dans la posture aussi et dans les analyses qu’on a pu faire de notre pratique ») et une nouvelle dynamique de travail en équipe (« ça a vraiment permis de créer une dynamique de travail sur les pratiques professionnelles et je trouve que ça a changé des choses »).

3.1.3. La créativité et l’autonomie du psychologue

Le focus group a permis de favoriser les échanges sur les pratiques cliniques du psychologue et d’accompagner ces changements tout au long de la crise sanitaire liée à la Covid-19. En premier lieu, sur le plan fonctionnel et logistique, les psychologues se sont adaptés aux contraintes de distanciation sociale (consultations à distance) et ont facilité l’accès au soin psychologique (mise à disposition d’une ligne directe téléphonique par le CHU, rendez-vous par Doctolib). Un travail de coordination entre psychologues a pu se faire (« on n’a jamais aussi bien fonctionné en tant que psychologues à l’hôpital » ; « Le collège (des psychologues) ressemble enfin à quelque chose aujourd’hui, et on arrive à bien se coordonner contrairement à avant »). La représentation du psychologue au sein de l’institution a ainsi évolué (« plus accessible » ; « la place du psychologue est beaucoup plus reconnue à l’hôpital qu’elle ne l’était avant (mouvement de tête d’approbation) ») remettant en question la posture du psychologue, perçu auparavant comme en retrait dans son bureau et donnant une nouvelle visibilité à la profession. La notion de liberté est exprimée à plusieurs reprises et souligne l’autonomie des psychologues, leur prise d’initiative et leur sens de la créativité pour faire évoluer leurs pratiques (« au niveau des psychologues on a une certaine liberté, car on n’a pas de hiérarchie »). Néanmoins, d’autres psychologues de l’hôpital se sont montrés réticents aux consultations en visioconférence, entrainant des discussions sur la notion de cadre thérapeutique entre elles.

3.2. Adaptation des pratiques cliniques

Les partages d’expériences ont mis en évidence cinq thèmes liés à l’adaptation des pratiques cliniques durant la crise sanitaire :

  • le choix du passage aux outils numériques ;

  • des pratiques psychothérapeutiques à adapter ;

  • posture et représentations identitaires du psychologue ;

  • le partage émotionnel des patients dans les dispositifs numériques ;

  • le parcours de soin pendant la crise sanitaire et réduire les inégalités sociales avec l’e-santé.

3.2.1. Le choix du passage aux outils numériques

Nous trouvons une deuxième catégorie appelée « adaptation des pratiques ». Celle-ci regroupe les différents thèmes qui concernent la manière dont les psychologues ont dû se réorganiser au sein de nos institutions et adapter les outils, la manière dont leurs pratiques cliniques ont été adaptées, et des choix qu’ils ont dû faire, en lien avec leurs institutions (« Moi justement par rapport à ça, au niveau des visio à l’hôpital qui ont été surtout prises vers la fin, à partir du mois de mai. On avait refusé que ce soit de mon domicile. Même les appels en fait ; c’est-à-dire que la chef de service a dit qu’il n’était pas question de ramener entre guillemets les patients douleurs à la maison. Et ça répond tout à fait à ce que tu exprimais c’est-à-dire que ça devait être fait de l’hôpital »). Les verbatims soulignent la mise en place de pratiques thérapeutiques différentes, telles que les thérapies comportementales et cognitives (TCC), l’hypnose, l’EMDR (Eye movement desensitization and reprocessing) ou les groupes d’Éducation Thérapeutique (ETP) sur la gestion de la douleur par téléphone ou par visioconférence. Les psychologues disent avoir osé le recours aux outils numériques pour créer des dispositifs à des outils thérapeutiques pourtant habituellement dispensés dans le cadre d’une relation thérapeutique soit en présence d’autrui (« on va poursuivre les ateliers qu’on fait donc c’est des programmes de 6 séances, on va poursuivre ce qu’on fait et puis on verra ce qu’il se passe »). Cette évolution des pratiques a permis d’engager des recherches sur les pratiques étrangères dans le domaine de la pratique clinique de l'e-santé et remis en question les habitudes acquises (« ça interroge sur nos pratiques et finalement on commence à s’intéresser un peu à ce qu’il se passe à l’étranger »). Les professionnels qui ont utilisé la visioconférence déclarent vouloir continuer à l’utiliser (« on voit quand même des choses qui vont devenir pérennes puisque du coup on se pose les questions de l'e-santé et de pouvoir conserver ces outils-là, en tout cas de les développer »). De même, les patients qui avaient commencé l’accompagnement en visioconférence n’ont pas souhaité revenir en présentiel (« Moi je trouve, je pensais que ça allait faire ça et à un moment donné j’ai demandé aux patients si c’était ok pour eux qu’on se voit en présentiel pour la dernière fois. Et bah en fait non, en fait le lien la confiance, l’atmosphère du groupe, le processus thérapeutique était fait de telle manière en groupe en visio que chacun avait ses petites habitudes et du coup ils n’ont pas voulu »).

3.2.2. Des pratiques psychothérapeutiques à adapter

Cela a entraîné des questionnements sur l’effet thérapeutique de ces dispositifs et l’alliance thérapeutique établie (« le face à face qui n’est plus là, et qui interroge également »). La question des limites entre la vie personnelle et professionnelle, et le cadre thérapeutique ont été soulevés. Les psychologues ont estimé pour certains privilégier les téléconsultations dans le cadre hospitalier, ne souhaitant pas faire de leur habitation un lieu de travail ou donner accès au patient à cette part d’intimité. La question du cadre interne a pu être discutée entre pairs. Les psychologues ont insisté sur la nécessité de savoir poser des limites (horaires de travail, champs de la caméra, etc.) dans leur cadre de travail pour permettre de penser la clinique. Les moments informels où se partagent les discussions sur les patients (déjeuner, café, etc.) ont laissé place aux réunions cliniques en visioconférence, moins fréquentes ou aux échanges de mails entre les équipes pluridisciplinaires. Les échanges ont souligné l’intérêt d’apporter l’outil thérapeutique « au lit du malade » tel que la pratique de la relaxation ou de la méditation de pleine conscience (« un patient a assisté au groupe allongé sur son lit, ça leur offrait un certain confort »). Pour les professionnels, la technique thérapeutique est utilisée « in vivo », c’est-à-dire dans l’environnement quotidien du patient. Cette expérience a été particulièrement profitable aux patients qui ont pu adopter de nouvelles stratégies de gestion de la douleur dans leur environnement et reproduire les tâches assignées avec une meilleure maîtrise et sentiment d’efficacité personnelle. Par ailleurs, les dispositifs groupaux en visioconférence ont permis à certains patients d’être plus en confiance et d’aborder des sujets intimes habituellement évités en groupe présentiel. La sexualité en est un exemple : « Je trouve qu’il y a aussi une question d’espace de parole qui est beaucoup plus possible avec la visio c’est-à-dire qu’y a des barrières qui tombent. On a un thème qui est ressorti et qui est déjà ressorti dans des groupes précédents, mais assez rarement, c’est le thème de la sexualité ». Grâce à la barrière de l’écran, les patients ont établi spontanément des moments de convivialité entre eux et créé une dynamique groupale (« ils se connectaient plus tôt et j’arrivais ils étaient déjà en train de parler les uns avec les autres, (…) c’était impressionnant alors que à l’hôpital tu n’arrives jamais en avance, ou alors s’ils arrivent en avance, la salle n’est pas ouverte » ; « se sont créés d’autres groupes d’échanges en dehors des groupes »). Les patients ont fait un retour positif quant à leur expérience des outils numériques (« il y a des retours positifs » ; « on s’est rendu compte qu’il y avait un effet thérapeutique ».

3.2.3. Posture et représentations identitaires du psychologue

Nous retrouvons par ailleurs un champ lexical lié à la question de la posture du psychologue. Comme nous l’avons vu précédemment, l’instauration d’un dispositif en distanciel redessine un espace thérapeutique et un mode de relation au patient. Les psychologues se sont interrogés en évoquant leurs craintes à adapter leurs pratiques cliniques et des limites habituellement imposées par une posture de mise à distance (« ça pose une notion de cadre dans la visio », « il y a quand même une limite à poser »). La visioconférence a bouleversé la relation thérapeutique car le cadre n’est plus seulement imposé par le psychologue, mais se co-construit avec le patient. Cette nouvelle pratique a amené le professionnel à se questionner sur les objectifs à mettre en œuvre avec le patient (« la question d’aller loin en psychothérapie, d’aller trop loin » ; « est ce que c’est le média qui fait la relation où est-ce la posture ? » ; « pourquoi limiter le travail de psychothérapie qu’on peut proposer parce que c’est de la visio ? »). Il a permis de questionner la notion de téléprésence et l’implication du psychologue (« je suis encore plus fatiguée quand je sors de visio que quand je sors d’une séance en présentiel » ; « j’étais à 300 % concentrée »).

En outre, ce processus d’adaptation (cadre thérapeutique et outils cliniques) est venu questionner le psychologue dans les représentations de son identité professionnelle (« ça questionnait aussi mes propres représentations de ce que c’est un psychologue » ; « des fois les psychologues nous sommes perçus comme quelqu’un de peu accessible qui reste dans son bureau »). Les réflexions se sont orientées sur les représentations du métier de psychologue, notamment dans la liberté d’action perçue : le psychologue dans son authenticité agit dans son « cadre intérieur », dans ses limites et possibilités, dans ce qu’il pense être bon dans le cadre qu’il propose et dans la confiance qu’il a en ses patients (« Au plus on se sent libre dans ce qu’on fait, au plus potentiellement le patient pourra le ressentir et s’autoriser à l’être »). L’un des constats dans les dernières séances du focus group a porté sur l’évolution de la posture du psychologue et son identité (« ce qui a changé depuis huit mois c’est mon cadre intérieur » ; « il y a un peu de moi, il y a du moi professionnel il y a aussi du moi personnel »).

3.2.4. Le partage émotionnel des patients dans les dispositifs numériques

Un thème porte sur le vécu émotionnel des patients rapporté par les professionnels (« on a déjà animé un atelier avec une patiente qui s’est mise à pleurer et d’autres patients se sont mis à pleurer aussi également. Donc on se rend compte que quand même, on a accès à certaines émotions »). Le partage d’émotion, la contagion émotionnelle ont été vécus via les écrans. Comme en présentiel, lorsqu’on est « connectés » avec le patient, que la relation est investie de manière authentique, la congruence et l’accueil d’autrui, les émotions se partagent et se véhiculent. Les psychologues ont observé un accordage affectif possible dans un dispositif en visioconférence lorsque le dispositif était investi par chacun des protagonistes. Les verbatims relatifs au consentement des patients soulignent la volonté des patients de choisir la visioconférence (« il fallait quand même que les patients soient d’accord pour participer aux ateliers donc si à un moment donné on était en contact avec eux c’est qu’ils étaient d’accord sur la manière dont allait se dérouler cette rencontre »). De même, il est intéressant d’observer que le partage émotionnel a également été vécu dans le focus group comme le manifestent les rires des participants.

3.2.5. Le parcours de soin pendant la crise sanitaire, réduire les inégalités sociales avec l’e-santé

L’adaptation des pratiques a été mise en place dans un contexte d’urgence pour répondre aux besoins du parcours de soin. La visioconférence a permis de maintenir le lien thérapeutique et de réduire les inégalités sociales. Les participants relatent des exemples où le lien ville-hôpital s’est renforcé (« la réactivation des réseaux liés à l’hôpital qui a été privilégié. Cela a assez bien fonctionné parce qu’il y avait beaucoup de centres médico-psychologiques qui étaient beaucoup plus disponibles qu’auparavant (…) les patients avaient un vrai relai en ville à côté de leurs lieux d’habitation et ça a été super pour travailler ce lien »). Pour les professionnels, la visioconférence a permis l’accès aux soins aux patients isolés géographiquement ou obligés de rester à leur domicile lors d’une crise de douleur (« On a parlé d’inégalité, est-ce que aussi proposer de la visio ce n’est pas réduire les inégalités pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer ? » ; « on avait cette difficulté qu’avaient certains patients avant où il y avait pas la visio, qui ne venaient pas ou alors qui ne pouvaient pas participer à l’atelier parce qu’ils avaient, parce qu’ils étaient en crise de douleur et du coup c’était compliqué de se déplacer. Et en fait je me suis dit, mais la visio répond à ce besoin de rendre accessible le travail qu’on peut leur proposer »). Les dispositifs numériques semblent enfin faciliter la participation des patients experts dont l’intervention est plus ponctuelle dans les groupes d’ETP (« sur l’implication des patients ressources dans les actions et c’est vrai que dans les groupes on peut les inclure plus facilement »).

3.3. Processus de changement des pratiques cliniques

Les partages d’expériences ont mis en évidence 4 thèmes liés aux processus de changement des pratiques cliniques durant la crise sanitaire :

  • le levier du changement ;

  • les freins aux changements ;

  • le focus group, un rôle de soutien social et d’accompagnement à l’adaptation des pratiques cliniques durant la crise.

La Fig. 1 présente une synthèse des facteurs de changements durant la crise sanitaire.

Fig. 1.

Fig. 1

Stratégies d’adaptation et transition durant les confinements liés à la crise sanitaire.

3.3.1. Les leviers du changement

Ces adaptations ont demandé une réorganisation du travail d’équipe pluridisciplinaire qui s’appuie sur des facteurs de changement tels que la répartition des tâches et une bienveillance envers les membres de l’équipe (« on a respecté les limites de chacune, on a tous été bienveillants les uns envers les autres »). En revanche, dans le milieu hospitalier, l’adaptation des pratiques a été dépendante du contexte psychosocial dans lequel s’inscrivaient les professionnels. Dans certains cas, des tensions au sein des services et le manque de communication ont impacté les stratégies d’adaptation mises en place (« j’ai prêté main forte aux collègues qui avaient été redirigés vers les services réa, il y avait énormément de tension à l’hôpital »). Dans d’autres cas, les psychologues se sont organisés entre eux et communiquaient avec la direction. Les participants soulignent que l’autonomie dont ils disposent semble avoir facilité l’adaptation des pratiques (« on a une certaine liberté à l’hôpital » « on est assez autonomes dans nos pratiques »). Le passage à la visioconférence a été favorisé par la dynamique de groupe (« lorsque les consultations ont ouvert à nouveau, le médecin a adapté sa pratique ainsi que le reste de l’équipe »). Le psychologue semble être un élément important dans l’accompagnement de ce changement au sein des équipes (« le psychologue peut rassurer l’équipe, faire émerger certaines peurs », « c’est le psychologue qui permet aux professionnels d’être avec le patient et de travailler leur posture »). Enfin, les patients ont fait preuve de bienveillance envers les professionnels, ce qui semble avoir facilité l’engagement des professionnels dans ces nouvelles pratiques (« il y a eu une hyper bienveillance envers nous en fait »).

3.3.2. Les freins au changement

Cette dynamique de changement a été impactée négativement par la crise sur le vécu personnel (« Une de nos infirmières douleurs, on en a deux, a perdu son papa notamment en réa. Et du coup ça a mis toute une autre dynamique »). Certaines équipes ont eu un accès aux outils de visioconférence (« on a été gâtés parce qu’on a eu des tablettes ». D’autres n’ont pas eu accès à du matériel spécifique ce qui a été un frein pour certains, « certains de mes collègues disent que si l’hôpital ne leur met pas à disposition, ils ne le feront pas, moi du coup j’ai fait avec mon PC et ma connexion internet »). Les verbatims montrent que le cadre du déroulement de l’entretien en visioconférence est décrit comme inadapté pour certains ou présentant des limites pour d’autres (« on mélange les espaces privés et professionnels »). Cette adaptation a initié des questionnements sur la distance dans la relation thérapeutique (« Certains patients disent attendez, je vais vous montrer mon chat », « il y a une proximité qui s’installe il faut en tenir compte »). Les freins semblent aussi venir des professionnels (« Mais en fait ça s’est très bien passé puisque c’était moi qui avais peur de cet outil de travail des visioconférences »). Enfin, ces pratiques n’ont pas été approuvées par toutes les institutions (« des fois l’institution va empêcher ça » « parce qu’il y a vraiment ce frein institutionnel »), le manque de place et de bureau accessible (« on se retrouve à deux dans le bureau »), le refus de télétravail « on avait refusé que ce soit de mon domicile ». Les liens avec l’administration ont pu être des freins à la mise en place de nouveaux dispositifs de soin, mais les équipes soignantes (« être assez libre dans ce que je peux proposer », « être soutenue par les médecins »), et les psychologues entre eux se sont avérés soutenants, bienveillants et solidaires (« on a respecté en plus les limites de chacune », « on a été toutes bienveillantes les unes envers les autres et… et il y a eu de beaux échanges »).

3.3.3. Le focus group, un rôle de soutien social et d’accompagnement à l’adaptation des pratiques cliniques durant la crise

Les verbatims soulignent l’impact de ce focus group sur l’adaptation de leurs pratiques (« mais ça m’intéresse beaucoup de, d’échanger avec vous, sur ces pratiques, ces prises en charge qui interrogent quand même », « ça m’intéresse beaucoup et je suis très contente d’être avec vous aujourd’hui »). Par la suite, lors de la deuxième séance, le partage d’échanges a encouragé les psychologues à poursuivre leurs initiatives ou à en prendre de nouvelles (« grâce à vos retours d’expérience, j’me suis dit je peux me lancer dans la visio. »). Cette deuxième séance a notamment été l’occasion d’en faire part au groupe comme dans le cadre d’une analyse de pratiques. Pouvoir dire quelque chose de sa pratique, attendre la confirmation que l’on s’y prend bien, recevoir des conseils face aux difficultés rencontrées. Enfin, le groupe ayant noué des liens avait plaisir à se retrouver et à se soutenir mutuellement. Ils ont « fait groupe » dans une période où il n’était pas possible de se rassembler physiquement. Ce besoin de se retrouver s’inscrit donc dans ce contexte de distance sociale au-delà de l’analyse de pratiques. Nous relevons que peu de cas cliniques ont été évoqués. Les échanges des psychologues ont porté sur le « comment faire » dans cette situation de pandémie, comment continuer les soins, comment être utile auprès des patients ? Il s’agissait de définir un nouveau cadre de travail et le focus group a pu être un support social essentiel à la mise en œuvre de ces nouvelles pratiques. La dernière séance a enfin été la confirmation que les outils numériques ont été acquis et que de nouvelles habitudes ont été prises tant de la part des psychologues, que des équipes ou patients. Ils soulignent la satisfaction des patients pris en charge durant le dernier confinement de mai 2021. Les psychologues se sont adaptés sans difficulté et ont poursuivi les soins en distanciel avec des outils numériques maîtrisés (« au fur et à mesure du temps tu t’es lancé dans une comparaison entre les deux : visio et présentiel, tu maîtrises bien la visio »).

4. Discussion

Les objectifs de cette étude sont d’explorer l’adaptation des pratiques cliniques pour les sujets douloureux chroniques durant la crise sanitaire, le vécu des professionnels, et de proposer des recommandations issues des réflexions collectives. Au regard de la littérature existante, nous discuterons les résultats de l’étude liés au recours à l’e-santé en clinique de la douleur durant la crise sanitaire comme principale modalité d’adaptation durant les confinements (1) ; de l’adaptation des pratiques cliniques (2) ; des freins et leviers qui ont sous-tendu cette adaptation, et de la relation thérapeutique dans les dispositifs numériques (3) ; et présenterons des recommandations élaborées collectivement pour la pratique clinique auprès de patients douloureux chroniques dans un contexte de pandémie (4).

4.1. L'e-santé en clinique de la douleur : une réponse à la distanciation sociale durant la pandémie ?

4.1.1. Impact de la pandémie sur les douleurs et le fonctionnement psychologique

Nos résultats décrivent la perception d’un vécu délétère des soins durant la pandémie (renforcé par la peur de la suspension des prises en charge) chez les patients douloureux ; et le risque de survenue de symptômes psychopathologiques pour cette population plus fragile psychologiquement et en demande d’étayage. À notre connaissance, aucune étude n’a exploré la perception de la prise en charge psychologique en distanciel et du vécu des patients douloureux par les psychologues et psychothérapeutes durant la pandémie. En revanche, bien que peu d’études aient exploré l’impact de la pandémie sur le fonctionnement psychologique de sujets douloureux chroniques (Pagé et al., 2021 ; Hirsch et al., 2021 ; Carayon, 2020 ; Doridam, Monrosty, Cimber, Fauconnier, & Collin, 2020), la littérature complète et nuance nos résultats à partir d’études de méthodologies quantitatives ou mixtes en interrogeant des cohortes conséquentes de patients. Les études décrivent une disparité des ressentis en fonction du contexte psychosocial de l’individu et le rôle du stress, de l’isolement et de l’activité physique dans les vécus des patients douloureux chroniques (Carayon, 2020 ; Hirsch et al., 2021). Une étude française sur le vécu du confinement chez les patients douloureux chroniques suggère également le rôle du contexte social dans la diminution des douleurs (en raison des « renforcements des liens familiaux et sociaux pour 75 %, ainsi qu’à la possibilité de prendre du temps pour soi (activités [45 %] ou simplement du repos [50 %]), tous deux rendus possibles par le confinement. ») (Doridam et al., 2020). De plus, la littérature met en évidence l’impact délétère des confinements sur l’intensité douloureuse, le fonctionnement émotionnel et la qualité de vie (Amodeo, Cussac, Albertini, & Berthier, 2020 ; Bailly et al., 2020) « De forts liens entre les variations de la douleur et de l’humeur, l’anxiété et la qualité du sommeil » ainsi que de l’activité physique (Amodeo et al., 2020). Les mêmes résultats s’observent plus spécifiquement dans la lombalgie chronique : « l’état de santé de ces patients s’est détérioré concernant les douleurs, l’anxiété, la dépression et les grands indicateurs de qualité de vie » (Bailly et al., 2020) ainsi que pour des patients atteints de polyneuropathie douloureuse ont été évalués 2 semaines après l’entrée en vigueur des règlementations liées à la COVID (Kersebaum et al., 2020). Enfin, une étude de bonne qualité méthodologique a exploré le fonctionnement psychologique de 555 patients souffrant de douleur chronique évalués 3 à 4 mois après le début de la pandémie (Yu, Kioskli, & McCracken, 2021). Les résultats mettent en évidence l’impact de la COVID-19 sur le fonctionnement psychologique des sujets douloureux chroniques. En particulier, les scores moyens d’anxiété et les conduites d’évitement liées à la COVID-19 chez les personnes souffrant de douleur chronique sont comparables à ceux de la population générale évalués avec les mêmes outils de mesure, (Ahorsu et al., 2020 ; Tzur Bitan et al., 2020 ; Satici, Gocet-Tekin, Deniz, & Satici, 2020 ; Winter et al., 2020). En revanche, la prévalence de la dépression est significativement plus élevée dans la population douloureuse durant la pandémie (80 %) qu’hors pandémie (20 % de comorbidités dépressives (Breivik, Collett, Ventafridda, Cohen, & Gallacher, 2006 ; Currie & Wang, 2004 ; McWilliams, Cox, & Enns, 2003 ; Von Korff et al., 2005) ou dans la population générale. Par ailleurs, les études soulignent que les confinements ont eu un impact physique et psychologique délétère en raison de la restriction des mouvements, des activités physiques et de l’isolement social (Brooks et al., 2020 ; Pakenham et al., 2020). Enfin, Yu et al. (2021) suggèrent le rôle protecteur de la flexibilité psychologique sur le fonctionnement psychologique et quotidien dans un contexte de pandémie.

Dans la mesure où les niveaux élevés de stress et de détresse psychologique sont considérés comme des facteurs importants dans le développement et le maintien de la douleur chronique (Harnik et al., 2021), les études ont cherché à identifier les facteurs (stresseurs) responsables de l’augmentation de l’intensité douloureuse durant la pandémie. Selon Harnik et al. (2021), les stresseurs responsables de l’augmentation de la douleur seraient la pathologie elle-même, mais aussi un stress psychologique accru (Clauw, Häuser, Cohen, & Fitzcharles, 2020) lié à la perte ou la réduction de l’emploi, un accès réduit aux services de santé, un isolement social, etc. Une autre étude a identifié la crainte d’infection, l’interruption du suivi médical et des activités personnelles comme les principaux motifs de l’augmentation de la douleur, et la reprise secondaire de l’activité professionnelle et celle du suivi médical comme les principaux motifs de réduction de la douleur durant la pandémie (Rimlinger, Brunet, Piette, & Jehl, 2020). L’impact de la pandémie sur les patients semble donc majorer le risque de développer et d’aggraver une douleur chronique (Harnik et al., 2021).

4.1.2. Corps et virtualité

Les effractions du cadre décrites dans notre étude ne semblent pas nécessairement être à entendre comme des « erreurs » inévitables liées à l’usage des outils numériques, mais plutôt comme des attaques inconscientes du cadre thérapeutique. Il s’agit probablement pour le patient d’éviter « d’être en présence », c’est-à-dire dans la relation à autrui et par conséquent d’investir le travail psychothérapeutique. Cela est d’autant plus éloquent chez nos patients douloureux que le corps est en jeu dans leur problématique psychologique. La mise à distance du corps est rendue possible grâce aux écrans numériques et les comportements d’évitement facilités par la virtualité de la présence d’autrui. Les processus de somatisation peuvent parfois être abordés intellectuellement et les éprouvés observables à travers la distance de l’écran, ce qui peut rendre plus difficile le réinvestissement de la sensation et le travail de liaison avec les éprouvés dont le patient fait l’expérience au sein d’une relation thérapeutique intersubjective.

En clinique de la douleur, le psychologue observe la manière dont le sujet habite son corps en souffrance (Barfety-Servignat et al., 2020 ; Bioy & Lignier, 2020). En revanche, les problématiques liées au corps douloureux ont été peu abordées dans le focus group ou essentiellement sous l’angle de la téléprésence et de la réduction de la douleur. Cela peut s’interpréter comme dit précédemment comme un processus défensif du fait de la réalité de l’urgence du maintien des soins, du surmoi des psychologues souhaitant être de bons psychologues ou d’un « acting » centré sur le « faire » en réponse aux angoisses liées à la pandémie.

Par ailleurs, les résultats soulignent les difficultés d’observation chez ces patients liés à l’écran et aux mesures barrières (masque, etc.). En effet, l’une des limites de l’absence physique du corps dans un dispositif psychothérapeutique virtuel porte sur la perception du thérapeute comme objet non unifié, mais partiel. Selon les personnalités du patient, cela viendrait probablement solliciter des angoisses de morcèlement ou faire éprouver un sentiment de vide. Selon Sylvia Denis (Denis, 2020), « la voix n’est pas suffisante, elle devient objet partiel, privée de l’entièreté du thérapeute et du cadre thérapeutique. Si elle est associée à l’image de la visioconsultation, il y aura toujours une confrontation au manque d’unité ». Par ailleurs, les mesures barrières interpellent le patient dans son rapport aux limites, plus précisément elles nous renvoient à la notion de « Moi-peau » d’Anzieu (Anzieu, 1981). Se pose ainsi la question des assises fondatrices de nos enveloppes protectrices physiques et psychiques dans un contexte d’interdit de toucher. Cela d’autant plus lorsque l’expérience douloureuse met à mal les enveloppes du Moi-peau et induit une porosité entre l’intériorité et l’extériorité. Enfin, la problématique spécifique chez les douloureux chroniques de « l’enfermement dans leurs corps et leurs douleurs » a pu resurgir dans ce contexte de confinement selon les auteurs. Une « préoccupation anxieuse pour la douleur, le corps et la maladie Covid-19 » a également été mise en évidence dans cette étude.

4.2. Adaptation des pratiques

Avant la crise sanitaire de la COVID-19, le développement d’outils numériques en France était très limité (Carayon, 2020). Notre étude souligne que la pandémie a précipité la mise en place de dispositifs de soin de l’e-santé au sein de certaines SDC. La littérature souligne en effet que la majorité des patients douloureux chroniques ont vu leurs prises en charge en SDC retardées, annulées ou indisponibles en raison de la pandémie et que l’interruption du traitement a un impact néfaste sur la santé et le bien-être (Yu et al., 2021 ; Barfety-Servignat et al., 2020).

La question du maintien des soins a été largement discutée et fait l’objet de préoccupations quant aux modalités d’adaptation des pratiques cliniques au sein du focus group dans la mesure où l’interruption et l’attente de soins peuvent entraîner une aggravation des douleurs. Les résultats suggèrent que l’e-santé en clinique de la douleur apporte une réponse possible à la distanciation sociale durant la crise sanitaire pour des patients déjà engagés dans un parcours de soin en SDC. Ces résultats se confirment dans la littérature. Dans une revue systématique sur l’effet de l’attente d’un traitement, les patients douloureux chroniques montrent en effet une détérioration significative de la qualité de vie liée à la santé et du bien-être psychologique au cours des 6 mois d’attente (Lynch et al., 2008). Aussi, l’évaluation et le suivi à distance ont été recommandés pour remédier à l’accès restreint aux SDC pendant et au-delà de la pandémie (Eccleston et al., 2020). L’e-santé répond donc à un besoin de maintien du soin dans un contexte de pandémie et apparaît comme une solution adaptée à la vulnérabilité psychologique de la population douloureuse.

Les psychologues et psychothérapeutes travaillant en SDC n’ont que peu de connaissances et de maîtrise des pratiques numériques. Pourtant nous avons constaté dans les résultats qu’un accordage sur les bénéfices de ces méthodes prodiguées en distanciel s’est rapidement opéré dans le focus groupe. Le groupe a ainsi permis à certains d’oser adapter les outils psychothérapeutiques en visioconférence, soutenus et encouragés par leurs pairs. Les séances de focus group suivantes ont été l’occasion de raconter aux autres cette expérience soutenue par le groupe (« l’hypnose par exemple, je fais de l’hypnose par téléphone aujourd’hui »). Néanmoins, la question de l’engouement pour ces outils imposés par le contexte de la crise sanitaire suppose de rester prudent quant à l’objectivisation de leurs effets : « dans toute situation nouvelle qui implique le traitement de la souffrance psychologique, il convient de rester prudent face à l’enthousiasme que peuvent soulever la nouveauté et ses succès » (Donard, 2016).

La prise en charge pluridisciplinaire fonde l’activité des SDC (Haute Autorité de Santé, 2009), et nos résultats ont montré que les équipes ont pu rester en contact et se montrer solidaires durant les confinements. Selon les auteurs, des stratégies d’adaptation collectives ont été mises en lumière durant la crise sanitaire quel que soit le service hospitalier : « Les hospitaliers l’affirment : « La pandémie a bouleversé nos pratiques ! » La crise a fait émerger de nouvelles pratiques : collaborations, coopérations entre acteurs et formes dialogiques singulières dans les échanges » (Georges-Tarragano et al., 2020).

L’usage de l’e-santé apparaît plus envisageable pour le personnel médical bien que les privant d’un examen clinique approfondi. Le numérique fait d’ailleurs l’objet d’un groupe de travail à la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD). Les expériences antérieures de la télémédecine ont également montré son potentiel dans la prise en charge de l’arthrose (O’Brien et al., 2018 ; Harnik et al., 2021) de la bronchopneumopathie chronique obstructive (Murphy et al., 2017 ; Harnik et al., 2021), de la réadaptation cardiaque (Huang et al., 2015) (Harnik et al., 2021), des troubles musculo-squelettiques (Cottrell, Galea, O’Leary, Hill, & Russell, 2017 ; Harnik et al., 2021) et, plus précisément, de la douleur chronique (Adamse, Dekker-Van Weering, van Etten-Jamaludin, & Stuiver, 2018 ; Harnik et al., 2021). Plus spécifiquement chez les patients lombalgiques chroniques, des programmes de télé-réadaptation ont été mis en place (Harnik et al., 2021). Une étude qualitative a exploré le point de vue de dix-neuf kinésithérapeutes sur l’efficacité et les inconvénients de la mise en œuvre d’un programme de télé-réadaptation en ligne pour le traitement de la lombalgie chronique (Martínez de la Cal et al., 2021). Les résultats suggèrent que la télé-réadaptation n’est efficace que si les patients s’impliquent activement dans leur prise en charge. L’adhésion à long terme au traitement découle en effet d’une bonne maîtrise des exercices.

Irvine et al. (2015) ont montré qu’une intervention de télé-réadaptation en ligne qui adaptait le contenu aux préférences et aux intérêts des utilisateurs pourrait être un outil efficace dans l’autogestion de la lombalgie (Irvine et al., 2015). De plus, une étude a exploré les attentes selon l’âge des patients (Irvine et al., 2015 ; Martínez de la Cal et al., 2021). La génération plus jeune préfère une interface attrayante et stimulante avec la possibilité d’enregistrer leurs performances et de modifier leur programme d’exercices, tandis que les patients plus âgés souhaitent recevoir des conseils et des commentaires tout en faisant les exercices (Palazzo et al., 2016). Enfin, l’étude de Martinez de la Cal et ses collègues (Martínez de la Cal et al., 2021) suggère de diviser les soins cliniques en deux phases : une première phase de traitement en face à face dans laquelle la pratique clinique est centrée sur le patient ; puis, lorsque le patient a assimilé les concepts d’auto-gestion, une deuxième phase à distance grâce à l’utilisation des nouvelles technologies. Un retour d’information est également recommandé à ce stade permettant ainsi une plus grande flexibilité dans l’adoption des stratégies d’e-santé.

À ce jour, plusieurs formes de dispositifs d’e-santé ont été rapidement promues au cours de cette crise, avec des niveaux d’efficacité différents.

L’efficacité thérapeutique des interventions psychologiques en e-santé a fait l’objet de nombreux échanges au sein du focus group. Les résultats soulignent la faisabilité des modalités d’adaptation et les bénéfices psychologiques pour les patients douloureux chroniques. Les pays anglo-saxons confirment que les effets des thérapies promues au cours de la pandémie en SDC apportent des résultats encourageants avec des niveaux d’efficacité différents en clinique de la douleur (Slattery et al., 2019). En outre, les études soulignent de meilleurs résultats de la psychothérapie en visioconférence pour réduire l’intensité douloureuse, le handicap fonctionnel lié à la douleur (Mariano, Wan, Wilfert, Edwards, & Jamison, 2019 ; Williams et al., 2010), l’anxiété-dépression pour des programmes de gestion de la douleur ou des thérapies d’Acceptation et d’Engagement (ACT) (Mariano et al., 2019). Ces études encourageantes indiquent que les psychothérapies centrées sur la gestion de la douleur, la flexibilité psychologique et le reconditionnement à l’effort peuvent être dispensés en visioconférence avec autant voire plus d’efficacité sur les critères de jugement principaux et secondaires.

Notre étude a montré que les patients étaient favorables à la mise en place de nouveaux dispositifs d’e-santé et qu’un élan de partage de compétences et de solidarité a permis de co-construire ces nouvelles prises en charge psychologiques. Une étude suisse (Harnik et al., 2021) conforte cette observation collective en examinant l’acceptation de 61 patients douloureux chroniques confrontés à ces supports numériques pendant la pandémie. Selon cette étude, la télémédecine pour le traitement de la douleur chronique pendant la crise de la COVID-19 a été jugée faisable, appropriée et bien acceptée par la majorité des patients. Cependant, il est intéressant de noter que plus l’intensité de la douleur et les scores d’anxiété sont élevés, plus le niveau d’acceptation est faible, ce qui, selon les auteurs, indique que pour ce sous-groupe, la télémédecine pourrait ne pas suffire.

Par conséquent, dans un contexte de pandémie où la distanciation sociale impose de repenser nos pratiques en nous appuyant sur des dispositifs numériques, ces études sont rassurantes quant aux effets de la télé-thérapie pour tout type de populations douloureuses confondues. L’une d’entre elles montre une utilisation adaptée aux groupes de patients dont le développement permettrait de réduire les listes d’attentes dans les centres douleurs (Walumbe, Belton, & Denneny, 2021).

4.3. Freins et leviers de l’adaptation et relation thérapeutique dans les dispositifs numériques

Si les dispositifs numériques ont rencontré un engouement chez les psychologues et psychothérapeutes participant au focus group, ceux-ci rapportent néanmoins des réticences de certains collègues, voire un rejet de l’adoption de ces outils. Cette désaffection peut s’expliquer par le climat anxiogène et incertain lié à la pandémie, le manque de projection, la peur pour soi, pour autrui et le bousculement des repères. S’intégrer dans une nouvelle dynamique que représente la pratique de la téléconsultation, pour répondre aux besoins des patients, lorsque ses propres besoins ne sont pas remplis peut-être déstabilisant et renforcer le sentiment d’insécurité. De même, à un moment où l’institution toute entière doit être repensée pour faire face au plus urgent sur le plan somatique, mettre en place la téléconsultation a pu apparaître comme un élément « imposé », tel une contrainte venant d’une injonction (les recommandations, la direction) de professionnels non formés à la psychologie ne saisissant pas toujours les spécificités du travail psychique, plus particulièrement en période de crise sanitaire. En effet, une étude proposée par McKee, Pierce, Donovan, et Perrin (2021), montre que l’utilisation par les psychologues de ces outils est positivement corrélée à l’intention d’utiliser la visioconférence et à l’utilisation effective dans ses pratiques cliniques (McKee et al., 2021).

Les questionnements concernant la posture, l’alliance et le cadre thérapeutique proposé par le psychologue semblent centraux dans l’analyse des résultats. Or, « on sait l’importance, dans toutes les thérapies, de « l’alliance thérapeutique », désignée comme un processus transactionnel au cours duquel patient et thérapeute s’entendent sur les objectifs d’une thérapie et même sur son déroulement » (Delage, 2013).

D’après les résultats obtenus, les émotions étaient exprimées spontanément pendant les séances en visioconférence avec les patients soulignant un partage émotionnel (« une patiente s’est mise à pleurer et d’autres ont pleuré aussi »). Ces marqueurs sont aussi présents dans les retranscriptions des focus groups qui ont eu lieu en visioconférence (« rires de N et sourires des autres » ; « rires »). Ces éléments semblent apporter une réponse à la posture du psychologue en lien avec un patient en demande d’étayage dans un contexte angoissant de crise sanitaire (« les angoisses existentielles primaires, effectivement le patient a besoin d’étayage »). Dans une volonté de co-construction, les participants ont eu la possibilité d’ajuster le cadre de travail et faire évoluer leur pensée individuelle et groupale. Le focus group permet d’observer l’évolution de la réflexivité, des vécus, mais aussi de l’adaptation des pratiques intra et inter-réunions.

Le rôle du psychologue durant la crise sanitaire a probablement pu, grâce au maintien des soins en visioconférence, jouer un rôle dans la prévention du risque de survenue de syndromes de stress post traumatique. La créativité, le dynamisme et la disponibilité rapportés dans sa pratique professionnelle montrent une capacité d’adaptation, un sens du service altruiste, mais également une nécessité de mise en mouvement dans un processus psychologique d’acting (« il n’y a plus le temps de se plaindre il faut avancer, il faut changer, c’est mouvement, mouvement, mouvement »). En outre, les psychologues sont « allés vers » leurs patients dans une démarche active pour connaître leurs besoins et organiser avec eux les suites de leurs prises en charge. Cette démarche peu habituelle tant dans le parcours du patient en SDC, habituellement adressé par le médecin de la douleur, que dans les attitudes de distance apprises dans leurs études lorsqu’ils mènent un entretien clinique a pu déstabiliser dans un premier temps les psychologues. Le focus group a mis à jour des comportements d’adaptation à la crise sanitaire de ces professionnels empathiques, consciencieux et désireux d’accompagner leurs patients. Il semble que l’action ait été un moyen de répondre à leurs propres besoins personnels de se sentir utile et de surmonter probablement le traumatisme collectif de la crise sanitaire (Castro & Guinot, 2018). Dans les premiers temps, les dispositifs numériques semblent en effet avoir permis de contenir les angoisses et de soutenir les patients fragiles psychologiquement. Ces résultats se confirment par la pratique clinique des psychologues cliniciens : « par visioconférence ou en présence physique, si l’analyste sait s’adapter aux situations conflictuelles, survivant aux attaques du patient et ne perdant pas de vue l’importance de ce qui s’y joue, l’abréaction des expériences traumatiques ne débouchera pas sur la fin brutale des séances. S’installe ainsi progressivement entre le patient et son analyste une relation basée sur des sentiments où prédomine la confiance. Confiance de la part du patient, par-delà la distance et l’apparente dématérialisation des rapports, confiance de la part de l’analyste dans le processus même de son patient, qui montre que les pulsions de vie sont au travail et que tout indique que la vie et la créativité auront le dernier mot » (Donard, 2016). Toutefois, selon Delage (2013), cela ne signifie pas qu’il s’agit d’être accueillant, bienveillant, apaisant. Il s’agit surtout d’être contenant. Cela signifie un cadre d’intervention clairement établi et capable d’aider le thérapeute à développer des capacités de transformation comme cela a été décrit par les participants à notre étude : « Cela est possible par le développement d’une empathie secondarisée (c’est-à-dire orientée par les capacités cognitives, réflexives du thérapeute), se manifestant dans des attitudes phatiques qui indiquent l’engagement dans l’échange, la part active qu’il entend jouer : les expressions du visage, le ton de la voix, l’attitude du corps (par exemple se pencher en avant vers l’interlocuteur) reflètent ces attitudes. » (Delage, 2013).

La relation thérapeutique a été discutée dans son rapport à l’autre en télé-présence et les questionnements centrés sur l’établissement et l’élaboration même d’une relation thérapeutique avec un sujet présentant une plainte corporelle. Le sentiment de télé-présence désigne le sentiment « d’être en présence » avec l’autre, de « se sentir » en lien avec lui, de l’accompagner dans sa démarche thérapeutique, sans être dans le même lieu physiquement que lui, mais en partageant un même espace virtuel. Pour le psychologue, développer le sentiment de télé-présence, suppose de se sentir « connecté » à l’état émotionnel de celui qui est derrière un écran. Pour certains ce sentiment s’avère instinctif, mais ce n’est pas le cas pour tous. Pour développer le sentiment de télé-présence, il est pertinent de travailler la notion d’immersion. Cette dernière renvoie à la capacité d’être « plongé » dans un environnement. Elle permet « l’introduction chez la personne de la croyance qu’elle a quitté le monde réel et qu’elle est maintenant « présente » dans l’environnement virtuel » (Laboratoire de Cyberpsychologie de l’UQO, 2021). Il est admis qu’au plus la personne vit émotionnellement l’expérience (partage d’émotions), au plus le sentiment de télé-présence est présent « Plus l’investissement émotionnel des sujets serait fort, plus le sentiment de présence serait important » (Haddouk, 2017). Aussi, il est probable que la réussite des entretiens et groupes cliniques menés en visioconférence et relatés dans le focus group ait pu s’appuyer sur le sentiment de télé-présence des participants psychologues ou patients. La téléprésence semble être un levier essentiel de l’efficacité de la prise en charge psychologique comme le souligne Bouchard (2016) avec conviction : « les psychologues conduisent leur entretien thérapeutique à distance sans jamais rencontrer physiquement leur client, et cela fonctionne très bien » (Bouchard, 2016).

Le groupe d’échange de pratiques a permis, dans une période de crise et d’incertitude, de déployer la créativité des psychologues en réponse à la pandémie. Daure (Daure, 2020) définit la crise, comme étant à la fois un danger et une opportunité dans le sens où le danger donne « l’occasion de transformer », de créer un espace pour faire preuve de créativité. Le groupe d’échange entre pairs est apparu dans cette étude comme un moteur de créativité, d’autonomie et un soutien social durant ce contexte anxiogène (Daure, 2020). Nos résultats confirment les données de la littérature selon lesquels les psychologues ont ainsi pu durant la pandémie faire preuve de créativité (Mondière & Schneider, 2020). En effet, les psychologues comme d’autres professionnels de santé ont mis en place différentes actions (suivis à distance, cellule d’écoute) (Mondière & Schneider, 2020) pour répondre aux besoins de l’instant de la crise. Ils se sont adaptés dans leurs modalités et leur cadre d’intervention pour repenser « l’ici et le maintenant » afin de s’ajuster à la situation vécue au moment même où elle est en train de se vivre, en tant que psychologue, mais également qu’acteur et témoin de la crise.

4.4. Recommandations pour la pratique clinique auprès de patients douloureux chroniques dans un contexte de pandémie

L’utilisation des technologies de télécommunication facilite l’offre de soins. Cette dynamique de changement liée à la crise sanitaire a permis d’inclure cet outil dans les pratiques cliniques et psychothérapies. D’autant que, les résultats indiquent qu’il facilite l’accessibilité au soin et limite l’impact psychopathologique de la crise sanitaire sur la santé psychique des patients. Si selon les résultats, certains professionnels s’en servent déjà au quotidien (« c’est resté un outil de travail aujourd’hui »), d’autres ont eu plus de mal à s’en saisir (« je regrette que certains de mes collègues ne s’en soient pas saisi »).

Pour poursuivre l’engagement dans ce virage numérique, voici quelques recommandations issues des réflexions collectives du focus group et de l’analyse des résultats (cf. : Tableaux des thèmes en annexes) :

  • pour faciliter le développement de la visioconférence, il peut être recommandé de s’engager collectivement dans cette pratique surtout lorsque nous travaillons dans une structure en équipe pluridisciplinaire comme cela est le cas en SDC ;

  • le rôle du psychologue peut être double : il peut être un membre de l’équipe, mais il peut aussi accompagner les équipes dans le processus d’adaptation grâce à l’analyse de pratiques ;

  • inclure les patients dans ces changements de pratiques et co-construire le cadre du dispositif groupal (« les associations de patients peuvent être ressources ») ;

  • le passage à la visioconférence est facilité par la bienveillance d’autrui, mais aussi de soi-même (« je ne me sentais pas légitime »). Il s’agit d’être attentif au sentiment d’efficacité personnelle ;

  • travailler les représentations liées à l’utilisation des outils numériques et développer un sentiment de télé-présence. Car si certains invoquent l’absence de relation thérapeutique, les études semblent démontrer le contraire ;

  • il convient de poser le cadre thérapeutique au préalable avec le patient (définir le déroulement de la séance, la fréquence, adapter l’espace de travail : privilégier un espace au calme et confidentiel) ;

  • un premier échange informel peut-être envisagé pour rassurer le patient et l’aider à prendre l’outil ;

  • identifier des plateformes adaptées à la protection des données de patients, et le développement de protocoles validés pour une utilisation à distance s’appuyant sur des méthodologies et matériels de prise en charge cognitive adaptés à ce format (Allain, Azouvi, & Vallat-Azouvi, 2020). Il sera alors plus aisé pour les institutions d’investir dans du matériel adapté et de mettre à disposition aux professionnels les ressources matérielles, etc. ;

  • certaines limitations devront être surmontées comme les problèmes de réseau ou le manque de matériel informatique et les réticences des patients (Allain et al., 2020) et des professionnels ;

  • le patient doit être consentant à ces ateliers en visioconférence et motivé par le dispositif ;

  • pour un sous-groupe de patients présentant des douleurs de forte intensité ou des comorbidités psychopathologiques altérant le fonctionnement émotionnel, cognitif ou comportemental, l’e-santé peut être proposée conjointement à des rendez-vous en présentiel (Harnik et al., 2021) ;

  • un programme de formation et une supervision sont souhaitables dans les écoles et universités (Saltman, 2020) afin que l’e-santé puisse fournir une offre plus complète associant des compétences techniques, de mise en place du cadre et d’une posture psychothérapeutique.

5. Conclusion

Ce contexte de crise sanitaire a amené les professionnels de santé et psychologues à faire preuve d’initiative et de créativité pour maintenir le suivi des patients douloureux chroniques. Malgré les contraintes liées à la COVID-19, au confinement et à l’isolement social, les psychologues ont su adapter leurs pratiques cliniques pour accompagner leurs patients grâce à des outils numériques relevant de l'e-santé. Cette adaptation a pu se faire grâce à des dynamiques d’équipes et au travail interdisciplinaire. Ces outils semblent montrer leur utilité notamment pour l’accompagnement des patients éloignés géographiquement des SDC de référence, mais aussi pour les patients les plus vulnérables et fragiles psychologiquement. Si tous n’ont pas adopté ces outils, les professionnels qui ont osé en faire l’expérience continuent à l’utiliser dans leur pratique courante. Cette situation d’urgence nous aura permis, à minima, de prendre conscience qu’il existe des solutions alternatives en situation de pandémie et qu’il est souhaitable, voire nécessaire, de poursuivre (Allain et al., 2020). Il semble cependant que les professionnels bénéficieraient d’être accompagnés à l’utilisation de ces nouvelles technologies comme cela a été le cas par le rôle soutenant et étayant qu’a constitué le focus group pour ses participants.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

Alicia Fournier pour sa relecture.

Footnotes

Supplément en ligne

Matériel complémentaire

Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et https://doi.org/10.1016/j.prps.2022.01.001.

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