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editorial
. 2022 Mar 14;44(3):234–237. doi: 10.1016/j.jogc.2022.01.006

Répercussions de la COVID-19 sur le développement professionnel continu : la formation en ligne pour sauver la planète

Rory C Windrim 1, Elizabeth Gan 1, John C Kingdom 1
PMCID: PMC8919719  PMID: 35300827

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R.C. Windrim

Au moment de la rédaction du présent article, plus de 270 millions de personnes avaient contracté la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), et 5,3 millions d’entre elles en étaient mortes. Malgré l’arrivée de vaccins efficaces, l’incidence de la COVID-19 est en augmentation; en effet, on recense plus de 500 000 nouveaux cas par jour dans le monde.1

La pandémie a aussi grandement perturbé les interactions humaines, tant personnelles qu’à l’international. Parmi les interactions les plus fortement touchées par la pandémie, on compte en particulier les rassemblements sociaux ainsi que l’industrie du tourisme et du voyage, industrie de plus de 4 700 G$. À elles seules, les restrictions sanitaires ont essentiellement réduit à néant le calendrier mondial des congrès à cause des déclarations de cas résultant de tels événements. Notons par exemple un simple congrès en biotechnologie ayant réuni 100 personnes pendant 2 jours dans un hôtel de Boston en février 2020, lequel a finalement donné lieu à environ 300 000 cas de COVID-19, dont des éclosions dans 29 États (ce qui représentait 1,8 % des cas américains à ce moment) et dans au moins trois autres pays.2 Les conséquences économiques de l’arrêt presque complet des voyages et des déplacements pour les congrès sont catastrophiques : en mars 2021, on estimait que la région du Grand Toronto avait déjà essuyé des pertes de plus de 14 G$.3

Les perturbations des activités de formation partout dans le monde en raison de la pandémie ont eu d’importantes conséquences, comme le précise les rapports de 2020 de l’Organisation de coopération et de développement économiques et de l’Association internationale des universités.4 , 5 En ce qui concerne la formation dans le domaine de la santé, les établissements faisant face à ces difficultés ont dû se tourner rapidement vers la formation en ligne. L’évaluation de la formation en ligne et des pratiques exemplaires en la matière est en cours pour les étudiants en médecine6, les résidents7 et les apprenants des professions paramédicales.8

Cependant, c’est dans le domaine du développement professionnel continu (DPC), où les restrictions à la formation et les interdictions de voyager se sont croisées, que l’impact de la COVID-19 s’est le plus fait ressentir. Depuis le printemps 2020, les événements de DPC locaux, nationaux et internationaux ont été annulés ou ont rapidement été convertis en formation à distance par l’utilisation de plateformes numériques comme Zoom.9 À ce jour, nous n’avons pas le recul nécessaire pour évaluer rigoureusement ce changement monumental dans les pratiques en matière de DPC. C’est une question d’intérêt considérable parce que le DPC est indéniablement le plus important domaine de la formation dans le monde de la santé, car les praticiens sont toujours plus nombreux que les apprenants. Les premiers rapports dans ce domaine se sont surtout penchés sur l’intérêt pour le DPC en ligne seulement, lesquels indiquent de façon anecdotique, mais généralisée que le format en ligne ferait augmenter, et non diminuer, de plus de 50 % les inscriptions des fournisseurs de soins de santé aux activités de DPC.10

À l’Université de Toronto, nous avons aussi observé cette augmentation dans le programme de DPC en obstétrique et gynécologie. Pendant la première vague de la pandémie, de février à avril 2020, nous avons suspendu notre programme afin de former le personnel et de mettre au point l’infrastructure nécessaire pour donner les formations de DPC en mode virtuel et enregistrer ces séances sur un canal Vimeo protégé par mot de passe. Notre premier cours en ligne a été donné en mai 2020 et, à ce jour, nous avons présenté 21 cours auxquels 8 394 participants en tout ont assisté. Dans les évaluations de cours, 32 % des participants ont indiqué qu’ils auraient participé à l’activité si l’événement s’était tenu en personne; 68 % ont quant à eux indiqué qu’ils n’y auraient pas participé si le cours n’avait pas été offert en ligne. De ces 21 cours, 16 sont donnés tous les ans, et les inscriptions à ces derniers ont augmenté de 79 %, lesquelles sont passées de 3 562 en 2019-2020 (avant la pandémie) à 6 364 inscriptions en ligne en 2020-2021 sans investissement supplémentaire en publicité. Bien qu’il existe plusieurs facteurs de confusion quant à la cause de cette augmentation, notre expérience est comparable à celle d’autres programmes qui sont passés à une plateforme de DPC en ligne.10 Lorsque nous avons sondé les intentions concernant les prochaines activités « post-pandémiques » de DPC, 57 % des répondants ont dit qu’ils aimeraient continuer avec le format en ligne seulement, 27 % se sont dit indécis et seulement 16 % dit qu’ils aimeraient mieux le format en personne ou hybride. Les commentaires d’évaluation font allusion aux avantages et inconvénients du format en ligne.

L’apprentissage en ligne n’est pas un nouvel outil de formation. En 1960, l’Université de l’Illinois a lancé la formation par ordinateur. En 1983, Ron Gordon, ancien président d’Atari, a fondé l’Electronic University Network, et l’Université de Toronto a présenté le premier cours entièrement en ligne en 1984. Depuis, l’apprentissage en ligne a explosé partout dans le monde. Cette augmentation va de pair avec les nombreuses avancées technologiques. On dit d’ailleurs que dans les 100 dernières années, les progrès technologiques sont multipliés par 30 tous les 10 ans. Lorsque l’on compare la « machine à enseigner » de B.F. Skinner de 195411 à, par exemple, l’apprentissage en groupe par réalité virtuelle pour la simulation de soins de courte durée dans une activité de DPC d’aujourd’hui, la différence est frappante tant dans les progrès réalisés à ce jour et que dans les possibilités pour l’avenir.

Les partisans de l’apprentissage en ligne soutiennent que l’adoption rapide de l’apprentissage principalement virtuel en réponse à la situation entourant la COVID-19 est un développement bienvenu et attendu depuis longtemps. Des parallèles ont été faits avec des « changements sociaux positifs » post-pandémiques du passé. Par exemple, la peste noire est généralement reconnue par avoir mis fin à des siècles de féodalisme répressif lorsque la réduction du nombre de travailleurs aptes a nettement amélioré le pouvoir de négociation collective des serfs. Les défenseurs de la formation en ligne affirment aussi que le DPC virtuel est un système plus axé sur les apprenants notamment grâce à la réduction des frais d’inscription, des problèmes de logistique familiale, du temps de déplacement et des coûts associés à la participation à un congrès.12 Dans les autres avantages potentiels, on compte la grande polyvalence, l’uniformisation du contenu formatif et la facilité pour les participants de bien voir et entendre les conférenciers et leurs présentations. Il peut aussi être moins intimidant de poser une question au présentateur en ligne que de marcher jusqu’au micro dans un auditorium bondé pour le faire en personne. Les enregistrements des activités de DPC peuvent être écoutés plusieurs fois ou même par bouts à la convenance de l’apprenant plutôt qu’à celle des organisateurs de l’activité.12 L’apprentissage en ligne est aussi un changement bien accueilli chez les personnes pour qui les déplacements sont difficiles. De plus, il a également été démontré que, même si certaines difficultés subsistent, l’apprentissage en ligne améliore l’accès à la formation pour les travailleurs de la santé et les établissements dans des régions du monde ayant moins de ressources.13

Cela dit, malgré les avantages énumérés, on observe tout de même certains aspects négatifs du DPC virtuel. Il peut être logistiquement difficile de trouver un moment convenable pour conférenciers et participants lorsqu’ils se trouvent dans des fuseaux horaires différents. L’attention et l’énergie des participants peuvent également être plus courtes dans les activités en ligne que lorsqu’elles sont présentées en personne; en effet, la fatigue du temps d’écran est signalée comme l’un des aspects négatifs de l’apprentissage en mode virtuel.12 La perte des interactions interpersonnelles est aussi mentionnée comme un inconvénient important de l’apprentissage en ligne en raison de la diminution des avantages humains « naturels » du réseautage traditionnellement associés aux activités de DPC, notamment le mentorat de collègues moins expérimentés, le soutien par les pairs concernant le stress professionnel commun et la collaboration, tant dans les activités de recherche que dans les projets cliniques. En réponse à ces préoccupations interpersonnelles, différents projets visant à faciliter les interactions, le réseautage et les activités sociales dans les congrès sont en cours d’élaboration et d’évaluation.12

Toutefois, le problème qui a reçu le plus d’attention est le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce à la diminution des vols aériens pour assister aux activités de DPC. Le présent éditorial a été rédigé après la tenue de la COP26 (conférence des Nations Unies sur les changements climatiques), qui a encore une fois réaffirmé la responsabilité claire et émergente pour les organisations et les individus de réduire la consommation inutile de combustibles fossiles. Il est estimé que la participation à un congrès de trois jours augmenterait l’empreinte carbone d’une personne par presque sept fois sa moyenne habituelle.14 Cet impact environnemental est encore plus évident dans l’analyse d’impact d’un seul congrès; notons par exemple l’analyse en 2019 d’un congrès en Californie dans laquelle on estime que les déplacements aériens auraient émis 80 0000 tonnes en équivalent de dioxyde de carbone.15 Le Royal College of Obstetricians and Gynecologists estime que l’adoption du format en ligne pour son congrès mondial en juin 2021 aurait permis de réduire les émissions de carbone d’environ 3 535 tonnes, soit l’équivalent de 32 millions de milles en voiture.16 De plus en plus, les ténors de la climatologie affirment que la participation en ligne à des congrès constitue une stratégie importante pour réduire son empreinte carbone.17

Les organisateurs d’activités de DPC qui traceront la voie des activités dans un monde post-pandémique doivent tenir compte de ces questions, mais ils s’aventurent sur un terrain parsemé d’embûches. Bien souvent, il faut plusieurs années de planification pour organiser de grands événements de CPD, sans oublier l’important engagement financier pour réserver les locaux. Pour les assemblées annuelles, les réservations plusieurs années à l’avance peuvent entraîner des obligations financières de centaines de milliers de dollars. Bien que l’incertitude générale plane sur l’avenir du DPC post-pandémique, il y a fort à parier qu’on ne reviendra jamais au calendrier d’avant, avec ses nombreux événements en personne aux quatre coins de la planète tout au long de l’année. Les deux principaux défis pour les fournisseurs de DPC en ce moment de transition continuent d’être la création et le maintien de programmes en ligne fiables, à jour et accessibles ainsi que les besoins de recherche sur tous les éléments de DPC en ligne dans un monde en évolution.

En résumé, la COVID-19 a, comme dans tous les secteurs, considérablement perturbé chaque élément de la formation en matière de soins de santé, en particulier pour le DPC. La réponse de bien des fournisseurs de DPC a été de se tourner vers la formation en ligne. À l’Université de Toronto, la décision est claire concernant le programme de DPC en obstétrique et gynécologie : il est possible que certaines activités se déroulent en mode hybride, mais nous ne retournerons pas aux activités de DPC exclusivement en personne une fois la pandémie terminée. Nous croyons qu’il s’agit d’une étape petite mais nécessaire et que, dans le cadre de notre discipline axée sur la prestation de soins pendant la grossesse et l’accouchement, il faut agir de manière à pouvoir répondre aux besoins des générations futures. C’est avec grand intérêt que nous attendons de travailler avec des collègues en technologie de l’information, en éducation et en sciences sociales afin de mettre au point et d’évaluer des projets favorisant la transmission numérique des connaissances de manière la plus durable possible, tant individuellement pour les participants que pour la planète.

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier les personnes suivantes pour leur engagement enthousiaste, car sans elles, il serait impossible de maintenir notre programme de DPC : les participants et participantes à nos activités de DPC; Nicholas Gan pour son soutien en TI; ainsi que les organisateurs, les comités de planification et les conférenciers de nos activités de DPC.

Références


Articles from Journal of Obstetrics and Gynaecology Canada are provided here courtesy of Elsevier

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