Introduction
La thérapie de référence actuellement dans le trouble obsessionnel compulsif (TOC) est la Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC) 1 et en particulier la technique comportementale de l’exposition avec prévention de la réponse (EPR). L’application de cette thérapie est standardisée mais il faut cependant personnaliser les exercices cognitifs et comportementaux au cas particulier de chaque patient. La présentation clinique du TOC est différente selon le thème des compulsions. Cependant, la même compulsion peut cacher des obsessions différentes et ces obsessions peuvent être sous-tendues par des postulats cognitifs différents. Ainsi, pour une même compulsion en apparence similaire (tel que le lavage des mains), la clinique, la thérapeutique et le pronostic peuvent être différents d’un patient à l’autre.
Peu d’études ont pris en considération la spécificité de chaque présentation symptomatique d’où il n’y a pas de guidelines clairs pour orienter les thérapeutes 2 .
L’objectif de cette étude était de décrire trois cas de patientes atteintes de TOC consultant pour le même motif (compulsion de lavage), de montrer l’importance d’une recherche approfondie des cognitions sous-jacentes et de souligner la répercussion sur la conduite thérapeutique et le pronostic.
Observations
La patiente A est une jeune fille âgée de 17 ans, élève et n’ayant pas d’antécédents pathologiques notables. Elle consulte pour des compulsions de lavage des mains associés à une activité de ménage exagérée évoluant depuis 4 ans avec répercussions scolaires, familiales et complications épidermiques. Au moment de la consultation, Nous avons passé l’échelle d’évaluation de la sévérité des symptômes du TOC « Yale Brown Obsessive Compulsive Scale (Y-BOCS). Le score a montré un TOC sévère (32/40). L’analyse cognitive a retrouvé des obsessions de dégoût de la saleté et n’a pas retrouvé d’obsessions de contamination. Une analyse poussée à travers la technique de la flèche descendante a retrouvé des postulats de « perfectionnisme » et une « fusion pensée-actions » puisque la patiente était convaincue que ses pensées pouvaient avoir un effet sur ses actions. Sur le plan thérapeutique, nous avons effectué une thérapie cognitive qui a permis d’assouplir ses croyances. Cette thérapie a inclus une individualisation avec discussion des obsessions, un examen de l’évidence avec exploration des éléments pour et contre chaque postulat cognitif. Nous avons également pratiqué une thérapie comportementale basée sur l’EPR avec exposition progressive à des situations anxiogènes (se retenir de nettoyer en excès par exemple). La patiente avait un mauvais insight, ce qui constituait un élément de mauvais pronostic. La réponse à l’EPR n’était pas optimale. Nous avons obtenu une rémission partielle et nous avons visé la réduction du risque en la convainquant de ne plus utiliser de produits de ménage corrosifs.
La patiente B était âgée de 25 ans et travaillait comme institutrice . Elle a consulté pour des compulsions de lavage des mains associés à des compulsions de rangement, évoluant depuis 10 ans et compliquées de dépression. Le score à la Y-BOCS était celui d’un TOC modéré (20/40). Sur le plan cognitif, la principale croyance retrouvée était le besoin de symétrie et d’harmonie entre les deux mains. En effet, la patiente essayait de se laver les 2 mains exactement de la même manière d’où la répétition des lavages. Il n’y avait pas d’obsession de contamination. Des postulats de perfectionnisme, d’intolérance au doute ont également été notés. Par ailleurs, cette patiente présentait des cognitions dépressives et une mauvaise estime de soi qu’il fallait prendre en considération pour garantir le succès de la thérapie. L’évaluation des symptômes dépressifs a trouvé une dépression légère à modérée à l’échelle Hospital Anxiety and Depression (HAD).La thérapie a associé une restructuration cognitive guidée par l’analyse cognitive des obsessions d’harmonie et de symétrie avec réattribution de l’obsession à la maladie et mise en évidence du caractère pathologique. La restructuration visait aussi les distorsions dépressives et visait la mauvaise estime de soi avec un travail sur les croyances centrales. Une EPR a été pratiquée sur le plan comportemental. Vu que la sous estime de soi s’associe souvent à un manque d’affirmation de soi, nous avons évalué l’affirmation grâce l’échelle d’affirmation de Rathus qui a mis en évidence une affirmation défaillante. Une thérapie pour affirmation de soi a également été associée avec des jeux de rôle. Nous avons obtenu une baisse significative au score de la Y-BOCS et une amélioration sur le plan dépressif à l’échelle HAD.
La patiente C était âgée de 20 ans, étudiante en pharmacie. Elle consultait pour des compulsions de lavage des mains associées à des obsessions de contamination. Le score Y-BOCS était à 10, soit une sévérité légère.
Une analyse cognitive a retrouvé des postulats cognitifs d’exagération du risque et d’intolérance au doute et de perfectionnisme. La thérapie a inclus une restructuration cognitive des obsessions de contamination avec discussion du caractère exagéré des idées obsédantes. Une restructuration guidée par l’analyse des postulats cognitifs de perfectionnisme et d’exagération du risque a également été réalisée en utilisant l’examen de l’évidence et le questionnement socratique. Une thérapie d’EPR impliquant une diminution progressive du nombre et de la complexité des lavages a été associée. Le tableau a bien évolué.
Discussion
Dans cette étude, nous avons présenté les cas de 3 patientes atteintes de TOC et qui ont consulté la première fois pour le motif principal de lavage des mains compulsif chez qui l’analyse cognitive a retrouvé des cognitions très diversifiées à savoir le dégoût (patiente A), la recherche de symétrie et d’harmonie (patiente B) et la contamination (patiente C). Les postulats cognitifs sous-jacents à ces obsessions étaient également différents d’une patiente à l’autre.
Les compulsions de lavage des mains sont parmi les plus fréquentes et sont le plus souvent associées à des obsessions de contamination. Cependant, elles peuvent être associées à d’autres obsessions tel que le dégoût ou la recherche de l’harmonie et de symétrie (cas des patients A et B). Dans la littérature, il a été rapporté que ces cas répondaient moins bien aux techniques d’EPR comparés aux obsessions de contamination, avec un pronostic différent et souvent plus réservé (2). D’autres facteurs peuvent conditionner le pronostic tels que les symptômes associés, les traits de personnalité, le mauvais insight ou la présence d’une complication dépressive 3 .
Conclusion
Cette étude de cas cliniques montre bien l’importance d’une analyse approfondie sur le plan cognitif chez les patients atteints de TOC pour une prise en charge adaptée en thérapie.
References
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