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. 2021 Dec 1;99(12):1180–1187. [Article in French]

ESOTROPIE PRECOCE : RESULTATS DE PRISE EN CHARGE ET FACTEURS PRONOSTIQUES

PRECOCEINFANTILE ESOROPIA: MANAGEMENT RESULTS AND PROGNOSTIC FACTORS

Houda Lajmi 1, Lamia El Fekih 1, Khaled Khlifi 1, Wassim Hmaied 1
PMCID: PMC8974416  PMID: 35288925

RESUME

INTRODUCTION :

L’ésotropie précoce se caractérise par une déviation souvent importante et une perversion sensorielle marquée. Bien que les résultats moteurs post opératoires soient satisfaisants, les résultats sensoriels restent décevants.

BUT :

Le but de notre travail était de décrire les modalités de la prise en charge chirurgicale, ses résultats moteurs et sensoriels, ainsi que ses facteurs pronostiques.

METHODES :

Étude rétrospective portant sur 68 cas d’esotropie précoce. Tous nos patients ont bénéficié d’un bilan sensori-moteur complet. Les patients ont été opérés par le même chirurgien sous anesthésie générale. Nous avons noté les résultats moteurs et sensoriels post opératoires. Les facteurs pronostiques étudiés étaient : l’âge de début du strabisme, le délai de prise en charge, la profondeur de l’amblyopie, l’angle de déviation strabique et la présence d’un élément vertical.

RESULTATS :

L’angle minimum moyen de déviation était de 38,6 ±13,2D. Nous avons noté une hyper action des muscles obliques inférieurs dans 73,5 % et une déviation dissociée dans 5,8%. Le double recul des droits médiaux était réalisé dans 60,2 % des cas. Le taux de succès moteur global était de 94,11 %. Aucun patient n’a récupéré une vision stéréoscopique. L’analyse multivariée en régression logistique a montré que l’ongle pré opératoire (p=0,007) le résultat en postopératoire immédiat (p <0.001) et le dosage chirurgical (p=0.009) étaient associés au résultat moteur à long terme.

CONCLUSION :

Les résultats moteurs de la chirurgie des esotropies précoces sont généralement satisfaisants, les résultats sensoriels sont souvent décevants. La détection des facteurs de mauvais pronostic permet d’améliorer les résultats opératoires.

Mots clé: ésotropie, chirurgie, pronostic

INTRODUCTION

Le « syndrome de strabisme précoce » correspond à l'ensemble des signes oculomoteurs et visuels survenant progressivement quand les axes visuels dévient avant l'apparition des liens binoculaires, de 6 mois à un an de vie 1 . Il est la conséquence sensitivomotrice d’une rupture dans le développement visuel harmonieux de la binocularité durant les premiers mois de vie. L’esotropie précoce (EP) représente 90 % de l’ensemble des cas du syndrome de strabismes précoce. Sa prévalence dans la population générale est de 2 % et elle représente également 28 à 93 % de l’ensemble des esotropies 2, 3 .

Les anomalies profondes de la vision binoculaire, les signes cliniques majeurs quasi pathognomoniques et d’autres plus inconstants permettent de faire le diagnostic 4 . Le tableau évolue avec le temps et tous les signes ne sont pas présents au même moment. Le strabisme, ou au moins sa part horizontale, n’est qu’une facette du syndrome.

La prise en charge comprend un volet médical associant la correction optique au traitement de l’amblyopie ; et un volet chirurgical dont le moment, les techniques et les résultats représentent un sujet de controverse. Ces derniers dépendent de plusieurs facteurs pronostics devant être pris en compte pour améliorer la qualité de la prise en charge.

Notre objectif était d’étudier les résultats moteurs et sensoriels de la prise en charge chirurgicale des esotropies précoces et d’analyser les facteurs pronostiques influençant ces résultats.

METHODES :

Il s’agissait d’une étude rétrospective ayant inclus 68 cas d’EP suivis entre 2000 et 2015. Les patients ayant eu un bilan clinique ou orthoptique pré et postopératoire insuffisant, un suivi postopératoire de moins de 3 mois, un strabisme paralytique ou un strabisme d’origine organique ont été exclus.

L’examen préopératoire

Chaque patient a eu un bilan ophtalmologique complet. La réfraction a été effectuée sous

cycloplégie. La meilleure acuité visuelle a été déterminé si possible avant et après correction

L'amblyopie a été recherchée et classée selon sa gravité. L'angle de déviation était mesuré avant et après la chirurgie avec un test de Krimsky modifié, un cover test unilatéral et prismes, un cover test alternée prismatique ou avec le synoptophore. Des syndromes verticaux tels qu’une hyperaction des muscles obliques inferieur (HAOI) ou supérieur (HAOS), une déviation verticale dissociée (DVD), un syndrome alphabétique, une hyper ou une hypotropie ont été notés. La vision binoculaire a été évaluée avec le test de Worth-4-dot pour la neutralisation, la correspondance rétinienne a été déterminée en utilisant les verres striés de Bagolini, le verre rouge, et le synoptophore. L'évaluation de la vision stéréoscopique a été réalisée avec le test TNO ou un test de Lang 1.

Le traitement chirurgical

L'âge minimum de la chirurgie était de 3 à 4 ans (l'âge orthoptique). Toutes les chirurgies ont été réalisées sous anesthésie générale par le même chirurgien, après avoir obtenu le consentement éclairé et écrit des parents. Pour la déviation horizontale nous nous sommes basés sur l’angle statique ou angle minimum. Il s’agit de l’angle de déviation de loin après port d’une correction optique totale pour 6 mois au moins, mesuré au test alterné prismatique. Les dosages requis ont été ensuite modulés selon les résultats de l’examen sous anesthésie générale.

Nous avons considéré qu’un millimètre de recul du droit médial (DM) corrigeait 4 Dp et qu’un millimètre de de plicature du droit latéral (DL) corrigeait et 2Dp. Une chirurgie unilatérale a été indiquée en présence d’amblyopie, une chirurgie bilatérale symétrique de double recul des DM était indiquée en cas de strabisme alternant avec isoacuité, d’incomitance loin/près et d’ésotropie avec NML typique, et une chirurgie bilatérale asymétrique sur trois muscles était réservée aux strabismes à grand angle dépassant 45 Dp. La fadenopération a été pratiquée en association avec la chirurgie de recul en cas de variabilité angulaire de plus de 10 Dp. Elle était bilatérale si la variabilité angulaire était supérieure à 20Dp. La DVD a été traitée par un recul du droit supérieur ± fadenopération en absence d’une hyper action des obliques inferieurs. L’élévation en adduction a été traitée en fonction du mécanisme qui en est responsable. Si elle est liée à une HAOI, on réalise un recul avec antéroposition de l’oblique inférieur (Selon Parks ou Gobin) le plus souvent bilatéral.

Les syndromes alphabétiques ne sont traités que s’ils dépassent 15 Dp d’incomitance et qu’ils persistent dans le temps. On traitera avant tout les muscles obliques si une dysfonction de ces muscles est notée, avant d’utiliser des techniques de translation verticale ou de reculs obliques des droits horizontaux.

Le suivi post opératoire

Un bon résultat moteur a été défini par un angle résiduel de déviation inférieur ou égal à 10 dioptries prismatiques d’ésodéviation, de 10 Dp d’éxodéviation et à 4 dioptries de hauteur. Un bon résultat sensoriel a été défini par l’obtention d’une fusion binoculaire stable et une acuité stéréoscopique inférieure à 200 secondes d’arc.

Un deuxième temps opératoire a été indiqué en présence d’un angle résiduel supérieur à 15 Dp, une hauteur de plus de 5 Dp ou en cas de passage à une exotropie consécutive de plus de 15 Dp.

Les éléments du pronostic dont nous avons étudié étaient : l’âge de début du strabisme, le délai de prise en charge, la profondeur de l’amblyopie, l’angle de déviation strabique et la présence d’un élément vertical.

Les données ont été saisies et analysées au moyen du logiciel IBM SPSS statistiques version 25. Les données quantitatives ont été exprimées en moyenne ± écart type, les variables qualitatives ont été exprimées en effectifs et les. L’étude des liens entre les variables qualitatives a été faite par le test de X² et celles entre les variables quantitatives par le coefficient de corrélation de Pearson. Le lien entre une variable quantitative et une variable qualitative a été étudiée par le test F de Snedecor d’analyse de la variance paramétrique (ANOVA) à un facteur. Nous avons procédé à une analyse statistique multivariée en régression logistique qui permit de calculer l’Odds ratio ajusté « r » pour chaque facteur. Nous avons fixé le risque d’erreur « ɑ » à 0,05 pour tous les tests statistiques.

RESULTATS

L’examen préopératoire

Les caractéristiques de la population étudiée ont été résumées dans le Tableau 1 . Un nystagmus manifeste latent était présent dans 12 cas (9,23 %) et un torticolis dans 3 cas. L’angle minimum moyen de déviation était de 38,6 ±13,2 Dp, et il était supérieur à 45 dioptries dans 32,3 % des cas.

Tableau 1 : caractéristiques et antécédents des patients étudiés.

Résultats

L’âge moyen à la consultation

6,68 ans ± 3,25 (médiane de 5,5 ans)

L’âge moyen d’apparition du strabisme

5 mois± 4,5 avec une médiane de 6 mois

Sex ratio (H/F)

1,45

Antécédents familiaux de strabisme

Vingt-sept patients (soit 39,7%)

Antécédents généraux (prématurité, souffrance fœtale, convulsion)

Six patients (soit 8,8%)

L’angle maximum était en moyenne de 44,7±14,2 (Figure 1 ). Un syndrome vertical a été noté dans tous les cas (Tableau 2 ). Concernant la réfraction, 59 (86,7 %) patients étaient hypermétropes. Une amblyopie profonde a été notée dans 15 cas (23,5 %). Tous nos patients avaient une correspondance rétinienne anormale avec une fusion et une vision stéréoscopique absente. Les résultats de l’état sensoriel ont été résumés dans le Tableau 3 .

la répartition des patients selon l’angle de déviation minimal et maximal.

 la répartition des patients selon l’angle de déviation minimal et maximal

Tableau 2 : les syndromes verticaux associés à l’ésotropie.

Le syndrome vertical

Effectif (pourcentage)

DVDa

4 (5,8 %)

Syndrome V

13 (19,1 %)

Syndrome A

2 (2,9 %)

HOIb

50 (73,5 %)

a : deviation verticale dissociée

b : hyperaction de l’oblique inferieur

Tableau 3 : état sensoriel des patients avant la chirurgie.

Effectif (%)

Réfraction Hypermétropie Myopie Astigmatisme Anisometropie

59 (86,7 %) 7 (10,2 %) 23 (33,8 %) 16 (

Amblyopie Profonde Modérée Légère

55 (82,1%) 15 (23,5 %) 22 (32,3 %) 18 (26,4 %)

Correspondance rétinienne Normale Anormale

- 68 (100%)

Fusion Présente Absente

- 68 (100%)

Vison stéréoscopique Présente Absente

68 (100%)

Neutralisation

34 (50%)

Le traitement chirurgical

L’âge au moment de la chirurgie était en moyenne de 6,7±3,3 ans (médiane de 5,5 ans) avec un délai moyen de de 6,3 ± 3,2 ans (médiane de 5 ans). Un double recul des DM était la chirurgie la plus réalisée (41 patients soit 60,2 %), une Faden opération a été réalisée chez 30 patients (44,1 %). Le recul du l’oblique inférieur (OI) a été réalisé dans 36 cas (52,9%) : selon la technique de Gobin dans 28 cas (41,1%) et selon la technique de Parks dans 18 cas (26,4%). Un recul du droit supérieur (DS) unilatéral a été pratiqué chez trois patients présentant une DVD.

Une transposition verticale avec décalage des droits médiaux vers le bas, a été pratiquée dans un cas de syndrome « V ». Le traitement chirurgical a été résumé dans le Tableau 4 .

Tableau 4 : le traitement chirurgical de l’ésotropie et du syndrome vertical reçu par nos patients.

Chirurgie

Effectif (%)

Chirurgie de l’élément horizontal • Chirurgie unilatérale sur un muscle (recul du DMa) • Chirurgie unilatérale sur deux muscle (recul DM/plicature DLb) • Chirurgie bilatérale sur deux muscles (recul des deux DM) • Chirurgie bilatérale sur trois muscles (recul des deux DM/ plicature du DL) • Chirurgie bilatérale sur quatre muscles

6 (8,8 %) 14 (20,5 %) 41 (60,2 %) 6 (8,8 %) 1 (1,4 %)

Faden opération • Unilatérale • Bilatérale

19 (27,9 %) 11 (16,1 %)

Chirurgie de l’élément vertical • Recul OIc selon Gobin • Recul OI selon Parks • Recul du DSd • Transposition du droit medial

28 (41,1 %) 18 (26,4 %) 3 (4,4 %) 1 (1,4 %)

a : droit médial

b : droit latéral

c : petit oblique

d : droit supérieur

Les résultats post opératoires

Le recul post opératoire moyen était de 2,62 ±2,26 ans (de 6 mois à 15 ans). À J1 postopératoire 63 patients étaient orthophoriques (92,6 %) et au troisième mois postopératoire 60 patients étaient orthophoriques (88,2 %). Au bout du premier temps opératoire 58 patients était orthophoriques, huit patients présentaient une récidive de l’esotorpie alors que 2 patients avaient une exotropie consécutive. Une reprise chirurgicale a été préconisée pour six patients, quatre ayant une esotropie résiduelle et deux patients ayant une exotropie consécutive (Tableau 5 ). En cas d’esotropie récidivante, nous avons réalisé une chirurgie controlatérale en cas de chirurgie unilatérale première. Une plicature d’un ou des deux droits latéraux selon l’angle résiduel si une chirurgie bilatérale de recul du droit médial a été pratiquée. Pour l’exotropie consécutive, nous avons opté pour un double recul des droits externes chez un patient et une remise du droit médial à son origine dans l’autre cas. Le taux de succès global était de 94,11%.

Tableau 5 : les résultats moteurs post opératoires.

J 1 (nba)

3 mois (nba)

6 mois (nba)

Résultat global (nba)

Orthotropie

63

60

58

66

Esotropie résiduelle

4

6

8

2

Exotropie consecutive

1

2

2

0

a : nombre de patients

Sur le plan sensoriel, aucun patient n’a récupéré une vision stéréoscopique, une fusion instable a été obtenue dans un cas. Concernant les facteurs influençant les résultats moteurs. L’analyse uni variée, a montré un lien statistiquement significatif entre le résultat moteur à long terme et: l’âge d’apparition (p=0.05), l’âge à la consultation (p=0.025), le délai de la chirurgie (p=0.01), l’angle préopératoire (p=0.027), le résultat à j1 (p < 0.001), dosage chirurgical (p=0.04). L’analyse multivariée n’a retenu que l’angle pré opératoire, l’angle à j1 post opératoire et le dosage chirurgical (p= 0.007, p< 0,001) et (p=0.009) respectivement).

DISCUSSION ET CONCLUSION

Dans notre série, nos patients ont bénéficié d’une chirurgie globale. Le double recul des DM était la chirurgie la plus réalisée (41 patients soit 60,2 %), elle était associée à une Faden opération chez 30 patients (44,1 %). Nous avons obtenu taux de succès global à 94,11% en contraste avec le mauvais résultat sensoriel caractéristique de la prise en charge de l’EP . L’angle pré opératoire, l’angle à j1 post opératoire et le dosage chirurgical étaient les facteurs pouvant influencer le résultat moteur .L’EP est la forme la plus fréquente des strabismes 1, 2, 3, 4, 5, 6 . Elle apparait, avant l’acquisition des liens binoculaires, (6 mois à 1 an)7 . Pour les EP passées inaperçues, c’est l’apparition d’anomalies profondes de la vision binoculaire ou de signes cliniques pathognomoniques qui permet de faire le diagnostic 4 . Ceci explique l’âge relativement tardif rapporté par les parents de certains enfants dans notre série.

L’âge du traitement chirurgical est controversé, la chirurgie précoce est préconisée pour certains dans le but d’obtenir une meilleure vision stéréoscopique bien que celle-ci est souvent grossière 4, 8, 9 . Ses inconvénients sont cependant multiples, liés à l’anesthésie générale, à la difficulté de l’examen, à l’évaluation imprécise de l’angle de déviation préopératoire et par conséquent un taux élevé de ré interventions. C’est à cet âge précoce que la toxine botulique est utile surtout pour un angle inférieur à 40 DP, afin de profiter d'une meilleure plasticité cérébrale, d'agir sur une déviation non anatomisée 10 et de retarder le recours à la chirurgie chez le petit enfant 11, 12 . Nous optons pour une chirurgie à l’âge orthoptique.

Dans notre série l’âge moyen de la chirurgie était de 6,68 ±3,25 ans (un an et demi à 14 ans). Le retard de la chirurgie dans certains cas est dû au retard de la consultation expliquant le résultat sensoriel dans cette population.

La chirurgie se fait sous anesthésie générale, ce qui permet de compléter l'évaluation par le signe de l’anesthésie générale et le test d'élongation musculaire. La chirurgie horizontale de se base sur l’angle statique ou angle minimum de déviation.

Le recul unilatéral du droit médial est une méthode permettant de corriger une ésotropie à petite angle. Nous avons indiqué cette technique pour six patients avec un angle entre 16 et 20 Dp et une orthotropie a été obtenue dans tous les cas.

La chirurgie bilatérale et symétrique des deux DM est associée à un succès anatomique variant entre 73 et 84 % 13 . Cette technique constitue avec la chirurgie de recul/résection unilatérale, les techniques de choix pour les angles de déviation modérés entre 20 et 50 dioptries avec des reculs standards de 3 à 5mm 14 . Le double recul large des DM de 6 à 8 mm offre de meilleurs résultats (70,58 % et 91 % de succès) après une seule chirurgie en cas de grand angle > 50 Dp. Certains auteurs comme Roth pensent que ce type de chirurgie ne respecte pas l’équilibre agoniste/antagoniste. Cet inconvénient est moindre si une Fadenopération est associée au recul 14 .

Nous optons pour la chirurgie bilatérale et symétrique des deux DM avec un recul allant jusqu’à 6 mm associée souvent à une Fadenopération en cas d’incomitance ou de spasmes musculaires. La chirurgie de recul/résection unilatérale est indiquée surtout en cas d’amblyopie associée 6 .

La chirurgie bilatérale asymétrique respecte l’équilibre agoniste/antagoniste. Elle est indiquée en cas d’incomitance préopératoire avec une déviation significativement plus importante dans un regard latéral. Un taux élevé de succès a été rapporté (61 à 79 % pour un angle de déviation >45 dioptries) 15 . Certains auteurs comme Scott soulignent la supériorité de cette technique au double recul symétrique 15 .

La Fadenopération associée à la chirurgie horizontale (chirurgie dissociée) constitue le traitement des choix des esotropies avec hypercinésie musculaire 16 . Dans 80 % des cas, l’angle minimum est réduit à une microtropie et la variabilité reste latente ou occasionnelle dans les limites des 8 dioptries prismatiques. Cependant, la Fadenopération perd beaucoup de son effet avec le temps 16 . Nous avons pratiqué une Fadenopération en association avec la chirurgie de recul en cas de variabilité angulaire de plus de 10 dp. Elle était bilatérale si la variabilité angulaire était supérieure à 20dp.

Nous associons la chirurgie de l’élément vertical à celle de l’esotropie pour optimiser les résultats post opératoire et réduire les récidives, c’est la chirurgie globale. Pour la DVD Le recul du DS, associé ou non à un ancrage postérieur, est la méthode la plus efficace 17, 18 . Nous réalisons un recul de quatre à six millimètres du DS pour les formes modérées avec un ancrage postérieur dans les formes majeures.

L’HAOI est fréquente et elle est souvent bilatérale. Nous avons indiqué une antéroposition selon la technique de Gobin en cas d’hyper action moyenne et selon la technique de Parks en cas d’hyper action importante. L’HAOI peut s’associer à un syndrome V, ce dernier est traité par un affaiblissement des muscles OI s’il dépasse 15 DP d’incomitance ou s’il persiste dans le temps 10 .

Une transposition verticale des droits horizontaux est indiquée lorsque le syndrome V n’est pas associé à une HAOI. La chirurgie peut être uni ou bilatérale. L’insertion est déplacée d’environ 5 mm à 10 mm permettant de réduire le syndrome de 15 à 20 dioptries 19 .

Le traitement chirurgical des EP, atteint un succès moteur variant entre 48 et 90% selon les séries 20, 21 . Si l’alignement est précoce, la prévalence de stéréoscopie augmente, mais cette dernière reste souvent grossière (23,24) 23, 24

Concernant les facteurs pronostiques. Le rapport final de la ELISSS a trouvé que les patients opérés à un âge jeune (6-24 mois) développeraient une vision stéréoscopique grossière par rapport à ceux opérés plus tardivement (32-60 mois), mais au prix d’une ré- intervention plus fréquente 25, 26 . Nous avons trouvé un lien statistiquement significatif entre l’âge au moment de la chirurgie, le délai de la chirurgie et le résultat moteur en analyse univariée mais pas en analyse multivariée (p=0,051 ; p=0,051).

Certains auteurs suggèrent qu’un angle inférieur à 30 Dp était significativement associé à une reprise chirurgicale moins fréquente (p=0.047) 26 . Nous avons trouvé un lien statistiquement significatif entre l’angle préopératoire et le succès moteur à 6 mois (p=0.007).

Nous n’avons pas trouvé de corrélation significative entre le type d’amétropie ou l’amblyopie et le résultat moteur (p=0.91 et p=0.25 respectivement), ces résultats sont concordants avec celle de Zipori 27 .

Les anomalies de la verticalité peuvent être responsables de la récidive de l’EP 28 . La DVD était le premier facteur incriminé dans la récidive des EP et l’apparition d’une exotropie consécutive par perte de la fusion maculaire ou périphérique ou une mauvaise binocularité 18 . Nous n’avons pas trouvé de corrélation significative entre la présence d’un élément vertical et le résultat moteur (p=0,816).

Birch a noté que la reprise chirurgicale après 5 ans, en absence de vision stéréoscopique, était 4,2 fois plus élevée 23 . Nous n’avons pas trouvé de lien significatif entre l’état de la vision stéréoscopique et le résultat moteur (p=0,265).

Plusieurs auteurs ont suggéré qu’une orthotropie ou une esotropie minime à 1 mois post opératoire est prédictive d’un bon résultat à long terme 29, 30 ce qui rejoint nos résultats.

Ainsi, l’EP est un problème de santé publique nécessitant un dépistage précoce, l’examen ophtalmologique doit être complet et bilatéral à la recherche d’une cause organique.

La prise en charge démarre par un traitement médical basé sur une correction optique totale avec éventuellement un traitement de l’amblyopie. Nous indiquons le traitement chirurgical à l’âge orthoptique. Il est réalisé sous anesthésie générale permettant de bénéficier des données de tests peropératoires. Nous réalisons souvent une chirurgie bilatérale symétrique sauf en cas d’amblyopie, ou la chirurgie devient unilatérale. La fadenopération a été pratiquée en association avec la chirurgie de recul en cas de variabilité angulaire de plus de 10 dp. L’élément vertical doit être traité au même temps opératoire ‘’chirurgie glaubale’’.

La chirurgie de l’EP a des résultats moteurs favorables ayant un impact psychosocial considérable avec amélioration de la qualité de vie de l’enfant et des patients, même si le résultat sensoriel est décevant. Un programme national de dépistage systématique doit, donc, être mis en place pour obtenir les meilleurs résultats.

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