Résumé:
Introduction :Les dermatomycoses sont des infections fongiques de la peau et/ou des phanères souvent bénignes, mais, pouvant avoir un retentissement sur le pronostic vital et fonctionnel chez le patient diabétique.
Objectif :Etudier le profil épidémiologique, clinique et mycologique des dermatomycoses chez les patients diabétiques.
Méthodes :Il s’agissait d’une étude rétrospective descriptive menée au Laboratoire de Parasitologie- Mycologie de l’Hôpital Charles-Nicolle de Tunis, sur une période de trois ans [2016-2018]. Elle a colligé les sujets diabétiques qui ont été adressés pour suspicion de dermatomycoses.
Résultats :Une dermatomycose a été confirmée chez 799 parmi les 1007 patients diabétiques adressés
à notre laboratoire (79,34%) et au niveau de 1055 lésions parmi les 1344 sites prélevés
(78,50%). Une prédominance féminine a été observée (sex-ratio H/F=0,83). L’âge moyen des
patients était de 57,11 ans [2-82 ans]. Les patients les plus fréquemment atteints avaient un
diabète de type 2 (86,35%) (p=0,038). La durée moyenne d’évolution des lésions était de 5,0
±5,5 ans. Les dermatomycoses les plus fréquentes étaient les onychomycoses des pieds (59,62%) suivies par les onychomycoses des mains (15,26%), les kératodermies plantaires (10,24%) et les intertrigos des petits plis (5,59%).
Conclusion : Les dermatophytes étaient les champignons les plus fréquemment isolés (80,1%; p<0,001), avec une prédominance de Trichophyton rubrum (78,8%). Candida albicans était la levure la plus fréquemment isolée (11,8%).
Les dermatomycoses sont fréquentes chez le patient diabétique et peuvent engager le pronostic vital et fonctionnel. Le diagnostic mycologique s’avère nécessaire devant toute suspicion clinique afin de confirmer le diagnostic, guider le traitement et éviter les complications.
Mots clés : Mycoses, Peau, Téguments, Diabète
Summary:
Background: Dermatomycosis are fungal infections of the skin and/or phanera, which are often benign but can have an impact on the vital and functional prognosis in diabetic patients.
Aim: The aim of our work was to study the epidemiological, clinical and mycological profile of dermatomycosis in diabetic patients.
Methods : This was a retrospective descriptive study carried out in the Parasitology-Mycology Laboratory of Charles-Nicolle Hospital over a three-year period (2016-2018). We collected diabetic patients who were referred for suspected dermatomycosis.
Results: Dermatomycosis was confirmed in 799 of the 1007 diabetic patients referred to our laboratory
(79.34%) and in 1055 lesions among the 1344 sites sampled (78.50%).
Among patients with dermatomycosis, a female predominance was observed with a sex- ratio=0.83. The mean age of the patients was 57.11 [2-82]. The patients with type 2 diabetes were the most affected (86.35%) (p=0.038). The mean duration of lesion progression was 5.0±5.5 years. The most common dermatomycoses were toenail onychomycoses (59.62%), followed by fingernail onychomycoses (15.26%), plantar keratoderma (10.24%), and intertrigo in small skin folds (5.59%).
Dermatophytes were the most frequently isolated fungi (80.1%; p<0.001), with predominance of Trichophyton rubrum (78.8%). Candida albicans was the most frequently isolated yeast (11.8%).
Conclusions: Dermatomycosis are common in diabetic patients. Although they are often benign, these fungal infections can engage the functional prognosis or even become life-threatening in case of diabetes. Mycological diagnosis is necessary in case of clinical suspicion in order to confirm the diagnosis, guide the treatment and avoid complications.
Keywords: Fungal diseases, Skin, Integumentary system, Diabetes
Introduction
Les dermatomycoses sont des infections fongiques fréquentes qui touchent la peau et/ou les phanères; dues à des champignons représentés essentiellement par les dermatophytes, les levures du genre Candida et exceptionnellement par les moisissures (1 ,2 ). Bien qu’elles soient bénignes, ces infections peuvent avoir un retentissement majeur sur le pronostic vital et fonctionnel, ainsi que sur la qualité de vie pour certains terrains, notamment dans le cas du
diabète sucré. En général, les diabétiques sont plus sensibles aux infections cutanées à cause des changements macro et micro-vasculaires et des modifications du système immunitaire (3 ,4 ). Les dermatomycoses se trouvent de plus en plus fréquentes (5) .
En Tunisie, peu de travaux se sont intéressés à l’étude des particularités des différentes
formes cliniques de dermatomycoses chez les patients diabétiques, hormis le pied diabétique. Une meilleure connaissance de leur incidence ainsi que des facteurs favorisants, des aspects cliniques et des agents pathogènes responsables permettrait une prise en charge thérapeutique et prophylactique adéquate. L’objectif de notre travail était d’étudier le profil épidémiologique, clinique et mycologique des dermatomycoses chez les patients diabétiques.
Méthodes
Une étude rétrospective descriptive a été menée au Laboratoire de Parasitologie-Mycologie de l’Hôpital Charles Nicolle portant sur une période de 3 ans allant de Janvier 2016 à Décembre 2018, incluant les sujets diabétiques adressés à notre laboratoire pour suspicion de dermatomycose : onychomycose, intertrigo, mycose cutanée et teigne du cuir chevelu. Nous avons exclu tous les patients sous traitement antifongique le jour du prélèvement ou
n’ayant pas respecté une fenêtre thérapeutique : soit 15 jours pour un traitement local (crème antifongique ou traitement kératolytique) et un mois pour un traitement per os ou après l’application d’une solution filmogène et les prélèvements de contrôle post-thérapeutique des patients ayant déjà eu un examen mycologique.
Chaque patient a bénéficié d’un ou de plusieurs prélèvements mycologiques au niveau des lésions suspectes, précédé(s) d’un interrogatoire et d’un examen clinique. Un examen mycologique a été pratiqué pour toutes les lésions suspectes de dermatomycoses. Il s’est déroulé en quatre étapes : le prélèvement, l’examen direct (ED), la culture et l’identification de l’agent pathogène. Le prélèvement a été fait en respectant les règles d’asepsie et la quantité du matériel nécessaire. L’ED du matériel recueilli, après éclaircissement par le KOH, a permis de rechercher des filaments mycéliens, des levures bourgeonnantes et/ou filamenteuses en cas d’atteinte unguéale ou cutanée, de rechercher des levures du genre Malassezia en cas suspicion de folliculite ; ou de rechercher le type de parasitisme pilaire en cas d’atteinte du cuir chevelu. La culture a été réalisée systématiquement sur milieux Sabouraud additionné de chloramphénicol et Sabouraud additionné de chloramphénicol et cycloheximide, puis incubée à l’étuve à 27°C avec une lecture bihebdomadaire Quand il s’agissait d’une suspicion de pityriasis versicolor, un scotch test cutané a été réalisé et la culture n’a pas été faite. En cas d’isolement de champignons filamenteux, l’identification s’est basée sur des critères culturaux macro et microscopiques.
En cas d’isolement de levures, le test de filamentation a été pratiqué pour identifier C. albicans et en cas de négativité, nous avons complété par un test biochimique d’assimilation des sucres de type API® ID 32C quand cela était possible.
L’origine fongique d’une lésion suspecte a été infirmée en cas de négativité de l’ED et de la culture. L’origine fongique d’une lésion suspecte des cheveux a été confirmée devant un examen direct (ED) positif et / ou une culture positive. L’origine fongique d’une lésion de la peau glabre ou des ongles a été confirmée en tenant compte du résultat de l’ED et de la culture.pure et abondante et absence d’isolement d’un dermatophyte.
La saisie de toutes les données épidémiologiques, cliniques et mycologiques ainsi que l’analyse statistique ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS 25. La comparaison des pourcentages de deux échantillons indépendants a été réalisée à l’aide du test Chi-2 de Pearson et en cas de non-validité par le test de Fisher. La comparaison des moyennes a été réalisée en utilisant le test T de Student. Le seuil de signification (p) retenu était de 0,05.
Résultats
Caractéristiquesgénéralesdelapopulationd’étude
Notre étude a concerné 1007 patients diabétiques adressés pour suspicion de dermatomycose. Nos patients étaient majoritairement des adultes du genre féminin (sex ratio H/F= 0,66). L’âge moyen était de 56,66 ± 11,92 ans [2-88 ans]. Ainsi, 1344 prélèvements suspicion de mycose de la peau glabre en dehors des plis dans 71 cas (5,28%). Dans deux cas (0,15%), un prélèvement du cuir chevelu a été effectué pour suspicion de teigne.
Profil épidémiologique, clinique et mycologique des dermatomycoses
Une dermatomycose a été confirmée chez 799 parmi les 1007 patients diabétiques adressés à notre laboratoire (79,34%) et au niveau de 1055 lésions parmi les 1344 sites prélevés (78,50%).
Profil épidémiologique
Dans la population atteinte de dermatomycose, une prédominance féminine a été observée
(sex-ratio H/F=0,83). Le genre était associé à l’origine fongique de façon statistiquement significative. En effet, les dermatophytes touchaient plus fréquemment les hommes alors que les candidoses touchaient le plus souvent les femmes (p<0,001).
Par ailleurs, l’âge moyen des patients était de 57,11± 11,25 ans [2-82 ans]. Une prédominance de la tranche d’âge supérieure à 40 ans a été notée avec une différence statistiquement significative (p=0,009).
Concernant le type du diabète, les patients diabétiques de type 2 (86,35%) étaient les plus touchés de façon statistiquement significative (p=0,038).
La durée moyenne d’évolution du diabète chez les patients atteints de dermatomycoses était de 12,39± 8,62 ans avec des extrêmes allant d’un mois à 40 ans. Elle n’a pas montré d’association statistiquement significative avec la présence de dermatomycose (p=0,28).
Nous avons étudié la répartition des antécédents médicaux et la présence de facteurs de risque locaux (Tableau 1 ).
Tableau1 : Facteurs de risque associés au diabète et dermatomycose.
Fréquence parmi patients atteints de DM (%) |
Fréquence parmi les patients indemnes (%) |
p |
OR |
IC à 95% pour OR |
|
HTA |
41,30 |
43,62 |
0,80 |
1,04 |
[0,74 - 1,46] |
Dyslipidémie |
11,58 |
11,70 |
0,70 |
0,89 |
[0,49 - 1,63] |
Dysthyroïdie |
6,38 |
4,79 |
0,43 |
1,43 |
[0,59 - 3,47] |
Cardiopathie |
7,88 |
6,38 |
0,32 |
1,57 |
[0,65 - 3,81] |
Néphropathie |
1,62 |
1,70 |
0,61 |
1,73 |
[0,21 - 13,98] |
Neuropathie |
1,75 |
2,27 |
0,56 |
0,68 |
[0,18 - 2,50] |
Dermatose (psoriasis et dermatomycose compris) |
9,40 |
12,37 |
0,38 |
0,83 |
[0,55 - 1,25] |
Immunodépression |
2,67 |
1,61 |
0,19 |
3,95 |
[0,51 - 30,59] |
Bain maure |
43,60 |
34,60 |
0,55 |
1,12 |
[0,77 - 1,63] |
Sport |
9,90 |
10,60 |
0,85 |
0,93 |
[0,47 - 1,87] |
Animaux |
22,00 |
19,20 |
0,28 |
1,32 |
[0,80 - 2,20] |
Profession à risque |
6,40 |
3,30 |
0,19 |
2,02 |
[0,70 - 5,77] |
DM= dermatomycose ; OR= odds ratio ; IC= Intervalle de confiance
Le modèle de régression logistique binaire entre les antécédents médicaux et les facteurs locaux n’a pas montré d’association statistiquement significative entre ces facteurs associés et la survenue de dermatomycose (Tableau 1 ).
Six malades avaient un antécédent d’amputation de doigt ou de membre inférieur. Ils avaient tous une onychomycose des pieds confirmée.
Profil clinique des dermatomycoses
Parmi les 799 patients ayant une dermatomycose confirmée, 202 patients présentaient plus d’un siège atteint.
La durée moyenne d’évolution des lésions était de 5,0 ±5,5 ans avec des extrêmes allant d’une semaine à 40 ans. La durée d’évolution était plus longue dans les cas de dermatomycose confirmée avec une différence statistiquement significative (p<0,001).
Parmi les dermatomycoses confirmées, les onychomycoses des pieds étaient les atteintes les plus fréquentes de façon statistiquement significative, suivies des onychomycoses des mains (p<0,001) (Figure 1 ).
Figure 1: Réparationdes prélèvements positifs selon la nature des lésions diagnostiquées .
Les mycoses des pieds confondues (onychomycoses, kératodermies plantaires et intertrigos inter-orteils) ont représenté 74,31% des dermatomycoses dans notre étude.
La fréquence des onychomycoses des orteils était de 79,6% parmi 790 prélèvements d’ongles pieds. La fréquence des onychomycoses des mains était de 87% parmi 185 prélèvements d’ongles des mains.
L’onychodystrophie totale était l’atteinte prédominante au niveau des ongles des pieds (68,9%) et des ongles des mains (47,8%). Elle était associée à l’origine dermatophytique (p=0,03). Un périonyxis a été diagnostiqué dans 74 cas (45,8%) des onychomycoses des mains. Il n’y avait pas de périonyxis dans les cas d’onychomycoses des orteils. L’association d’une onychodystrophie proximale avec la survenue d’un périonyxis était statistiquement significative (p=0,035).
Les kératodermies plantaires ont représenté 10,24% des dermatomycoses. Un patient présentait en plus un mal perforant plantaire.
Pour les intertrigos des petits plis, les atteintes des espaces inter-orteils (EIO) ont représenté 4,45% des dermatomycoses. Onze patients présentaient un intertrigo des espaces interdigitaux. Un patient avait une atteinte du pli ombilical.
Les épidermophyties circinées ont été diagnostiquées chez 30 personnes. Elles étaient le plus souvent localisées au niveau des membres (16 cas).
Les malassezioses cutanées ont été diagnostiquées dans 13 cas le plus souvent au niveau du tronc (sept cas). Il s’agissait de 12 cas de pityriasis versicolor et un cas de folliculite.
Pour les mycoses du cuir chevelu, une teigne a été observée chez un patient ayant des petites plaques alopéciques. Un cas de pityriasis capitis a été diagnostiqué chez un patient.
Profil mycologique des dermatomycoses
A l’examen mycologique, l’ED a permis la confirmation du diagnostic des dermatomycoses plus fréquemment que la culture (92,03% versus 66,70%) (Figure 2 ).
Figure 2: Résultats de l'examen direct et de la culture des cas de dermatomycoses .
L’ED a montré le plus souvent des filaments mycéliens (87,8%) notamment au niveau des pieds, de la peau glabre et des grands plis. Les levures étaient plus fréquemment observées au niveau des ongles des mains et des espaces interdigitaux.
Les dermatophytes étaient les champignons les plus fréquemment isolés (80,1%), suivis par les levures (19,8%). Les moisissures ont été isolées dans un cas (0,1%). L’origine dermatophytique était associée à l’ancienneté de la lésion (p=0,04).
Trichophyton (T.) rubrum était le champignon le plus fréquemment isolé (78,8%) dans les dermatomycoses, toutes localisations confondues, suivi par Candida albicans (11,8%) (Figure 3 ).
Figure 3: Typologie des espèces fongiques identifiées au niveau des dermatomycoses chez les patients diabétiques .
Les lésions d’origine dermatophytique étaient plus anciennes que les lésions d’origine candidosique (Durées d’évolution moyennes= 5,3 ans versus 3,6 ans) (p=0,001).
T. rubrum était le champignon le plus fréquemment isolé au niveau des pieds, des paumes des mains, des grands plis et de la peau glabre. Candida albicans était le principal agent isolé au niveau des atteintes des ongles des mains et des espaces interdigitaux. Penicillium sp. a été isolé dans un cas au niveau des ongles pieds (Tableau 2 ).
Tableau 2 : Typologie des champignons isolés selon le site atteint.
Champignon isolé n (%) | ||||||
Site prélevé |
T. rubrum |
T. interdigitale |
C. albicans |
C. non albican* |
Autres |
n |
Ongles des pieds |
352 (95) |
4 (1,1) |
4 (1,1) |
4 (1,1) |
T. mentagrophytes |
1 |
T. soudananse |
1 |
|||||
C. lipolytica |
1 |
|||||
Penicillium sp. |
1 |
|||||
Ongles des mains |
42 (31,1) |
- |
60 (44,5) |
23 (17) |
C. parapsilosis |
7 |
C. tropicalis |
2 |
|||||
C. famata |
1 |
|||||
EIO |
34 (89) |
- |
3 (8) |
1 (3) |
- |
- |
EID |
3 |
7 |
- |
- |
E. floccosum |
1 |
Grands plis |
25 (71) |
- |
9 (26) |
1 (3) |
- |
- |
Peau glabre en dehors des plis |
26 (96) |
- |
- |
0 |
T. violaceum |
1 |
Plante des pieds |
66 (99,1) |
1 (0,9) |
- |
- |
- |
- |
Paume des mains |
10 |
- |
- |
1 |
- |
- |
Cuir chevelu |
- |
- |
- |
- |
T. violaceum |
1 |
C= Candida ; E= Epidermophyton ; EIO =espaces inter-orteils ; EID
*Cultures pour lesquelles seulement un test de filamentation a été fait.
Concernant les 202 patients ayant plus d’un siège atteint, la même espèce de champignon a été isolée au niveau de tous les prélèvements chez 46,5% des patients. Des espèces différentes chez un même patient ont été isolées dans 13,9% des cas. Un seul site était positif chez 26,7% des patients. Les cultures des différents sites étaient négatives chez 12,9% des patients.
Discussion
Notre étude a porté sur le profil épidémiologique, clinique et mycologique des dermatomycoses du sujet diabétique. Elle a colligé 1007 patients diabétiques ayant bénéficié de 1344 prélèvements pour suspicion de dermatomycose pendant une période de trois ans (Janvier 2016-Décembre 2018). Le diagnostic a été retenu chez 79,34% d’entre eux.
Selon les données de la littérature, la fréquence des dermatomycoses chez les diabétiques varie de 24 à 75% des cas (6 -7 -8 -9 ). Dans notre étude, la fréquence des onychomycoses par (81,5%) (11 -12 -13 ).
Il a été rapporté que les sujets diabétiques étaient deux fois plus atteints par les mycoses que les non diabétiques (14) .
La prédominance féminine notée dans notre série (54,70%) pourrait être expliquée par les habitudes vestimentaires, esthétiques et domestiques adoptées par les femmes (15) .
Une prédominance de la tranche d’âge supérieure à 40 ans a été notée (p=0,009). En effet, l’état d’immunodépression physiologique existant chez les sujets âgés ainsi que la vitesse de pousse des ongles ralentie chez les personnes âgées expliquent cette tendance observée également dans la littérature (6 ,11 ).
Nous avons noté une association statistiquement significative entre la survenue de dermatomycoses et le diabète de type 2 (p=0,038). Nos résultats rejoignent ceux de la littérature qui rapportent que les problèmes dermatologiques se produisent plus souvent chez
les patients atteints de diabète de type 2, alors que les lésions cutanées auto-immunes sont plus fréquentes dans le diabète de type 1 (16) .
Nous avons noté que les patients ayant eu un orteil ou un membre inférieur amputé avaient tous des onychomycoses confirmées. Dans l’étude de Papini et al., l'amputation antérieure des orteils était associée à la mycose de la peau et des ongles des pieds d’une façon statistiquement significative (17 ,18 ).
La pathogenèse du pied diabétique est très complexe et les complications associées au développement d'une infection avec le syndrome du pied diabétique représentent la principale cause de morbidité, de l’amputation non traumatique des extrémités et de la mortalité des patients diabétiques (19) .
Dans notre étude, les onychomycoses des pieds étaient les atteintes les plus fréquentes (59,62%), suivies des onychomycoses des mains (15,26%) (p<0,001). En effet, le diabète altère la qualité de la plaque de l’ongle humain en modifiant ses propriétés structurelles, matérielles et biochimiques par accumulation des produits finaux de glycation avancée dans la matrice unguéale (20) . Par ailleurs, dans l'ongle du patient diabétique, la liaison disulfure est clivée et forme la structure alkyle thiolée (21) . La localisation préférentielle au niveau des ongles des pieds est retrouvée dans la littérature (22) . Elle est expliquée par la maladie artérielle due au diabète sucré 11 . En effet, les diabétiques ont près de trois fois plus de risque de développer une onychomycose des pieds que les non diabétiques (11 ,22 ).
Le facteurs qui pourraient favoriser l’atteinte du pied chez le patient diabétique sont l’artériopathie, la neuropathie périphérique des sujets diabétiques et le port de chaussures occlusives (18 ,22 ). Dans notre étude, la fréquence des atteintes cutanées des pieds parmi les dermatomycoses était relativement faible (10,24% pour les kératodermies plantaires et 4,45% pour l’intertrigo des EIO), contrairement aux études de Fékih et al. en Tunisie et Chegour et al. au Maroc, qui ont conclu que l’atteinte des EIO était le principal siège des mycoses (10 ,23 ).
Cependant, il a été suggéré que le diagnostic des intertrigos était essentiellement clinique (24) , ce qui pourrait expliquer le faible nombre de prélèvements des EIO faits dans ce travail. Les kératodermies plantaires fongiques semblent être sous-estimées, en raison du faible degré d'inflammation (13) .
Les onychomycoses des mains étaient la deuxième localisation des dermatomycoses dans notre étude (15,26%). Selon les données de la littérature, leur fréquence est relativement élevée chez les diabétiques (25) .
Dans notre étude, les malassezioses étaient diagnostiquées chez 13 patients et les
épidermophities chez 30 patients. Une revue de la littérature faite par Leung et al. ayant étudié les épidermophyties circinées avait retenu le diabète comme un facteur prédisposant de ces dermatomycoses (26) .
Dans notre étude, T. rubrum était le champignon le plus fréquemment isolé (78,8%). En effet, T.Rubrum est le dermatophyte le plus fréquent chez l’être humain (27) . Ce champignon est capable de moduler à la baisse les récepteurs (Toll like receptor et Human beta defensin) nécessaires pour l’activation de la réponse immunitaire (28) .
L’origine dermatophytique était associée à l’ancienneté de la lésion dans notre étude (p=0,04). En effet, les infections du pied à T. rubrum évoluent de manière chronique, souvent sur plusieurs années (13) .
Dans notre étude, Candida albicans était le deuxième champignon isolé au niveau des cultures (11,8%). Les infections à Candida peuvent être les premiers signes de diabète sucré non diagnostiqué (16) . Il a été rapporté que les hyphes de Candida albicans provoquaient des lésions épithéliales par la sécrétion de candidialysine (29) . En raison d'une concentration plus élevée de glucose dans le sang, le Candida sp. , chez les patients diabétiques, présente une activité enzymatique hémolytique plus élevée (30) .
Les moisissures ont été isolées dans un cas dans notre série. En effet, étant donné que leur pouvoir kératinophile est faible, les moisissures provoquent rarement des infections cutanées (27) .
Conclusion
Les dermatomycoses sont fréquentes chez le patient diabétique et peuvent avoir divers aspects cliniques. Ces pathologies doivent être recherchées non seulement à l’interrogatoire mais aussi à l’examen clinique. Devant une suspicion de dermatomycose chez le patient diabétique, un examen mycologique est nécessaire afin de confirmer le diagnostic avant d’entamer un traitement coûteux et qui pourrait nuire au patient (effets indésirables et durée longue du traitement).
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