Chers collègues,
Loin d’avoir été une grande égalisatrice, la pandémie a été une grande multiplicatrice, accentuant les lacunes existantes dans les services, surtout pour les aînés fragiles, les peuples autochtones et d’autres communautés racisées. Le taux d’épuisement professionnel des médecins de famille a triplé en 2021 par rapport à 20201, et 51 % des répondants au sondage du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) de 2022 ont indiqué être débordés. On s’inquiète de plus en plus des nombreux départs à la retraite et de l’abandon de la profession.
Il s’agit d’un enjeu mondial. L’Organisation mondiale de la Santé prédit une pénurie globale de plus de 18 millions de travailleurs de la santé d’ici 20302, ce qui devrait accroître la concurrence pour attirer des professionnels de la santé formés à l’étranger. Le Canada est privilégié de disposer d’un système de santé universel, mais les disparités d’accès et les modèles de financement ne permettent pas toujours aux prestataires de travailler de façon optimale. Ces modèles ne conviennent pas non plus à la prévalence des maladies chroniques.
Il n’existe aucune solution rapide. Les récents sondages du CMFC indiquent que le fardeau administratif réduit le temps que les médecins de famille peuvent consacrer aux soins cliniques. Il serait utile de leur fournir du soutien administratif, d’alléger les tâches administratives, de confier les patients aux besoins complexes à des intervenants pivots assurant la liaison avec les médecins de famille et d’autres services, de renforcer le suivi à distance et de recourir s’il y a lieu aux soins virtuels. Des médecins de famille et du personnel infirmier à la retraite ont participé aux efforts de dépistage de la COVID-19 et de vaccination. Peut-on demeurer si souple avec une formule de financement et de maintien en poste qui incite de récents retraités à poursuivre leur travail clinique, même à temps partiel? À long terme, le CMFC lance cinq appels à l’action :
Il nous faut plus de médecins de famille. Le Canada traîne derrière les autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour ce qui est du nombre total de médecins par 1000 habitants. Comme il est essentiel d’appuyer résolument la formation de médecins de famille et autres omnipraticiens compétents et prêts à répondre aux besoins communautaires changeants, nous accueillons favorablement les stratégies pour accroître le nombre d’étudiants en médecine.
Nous devons repenser les données. Les chiffres ne suffisant pas; le pays doit se mobiliser pour mieux saisir l’étendue du travail des médecins de famille et des autres prestataires de soins de première ligne, de même que leur cheminement professionnel.
Nous devons moderniser les modèles de pratique de la médecine de famille pour des soins prodigués en équipe. Il nous faut des modèles adaptés à la complexité des soins communautaires et dont les services sont planifiés avec l’apport des patients, conformément à la vision des soins du Centre de médecine de famille3 et du voisinage médical du patient4 conçue par le CMFC.
Nous devons créer des environnements de pratique attrayants. En plus de leurs engagements cliniques, les médecins de famille passent beaucoup de temps en cabinet. Cet environnement est aussi un contexte d’apprentissage. Les cabinets de médecine de famille doivent pouvoir, entre autres, répondre aux besoins de gestion et assurer un bon cheminement des patients afin que les médecins et toute l’équipe travaillent de façon optimale dans un bon climat d’apprentissage.
Nous devons mieux préparer la relève à s’occuper de patients aux besoins complexes et à fournir des soins culturellement sécuritaires en tenant compte des traumatismes collectifs. Le rapport du Projet sur les finalités d’apprentissage en trace les grandes lignes5. Comme la durée de la formation de base devra s’étirer, la mise en œuvre sera graduelle. Nous rattraperons la durée de formation en médecine de famille dans des pays comparables, ce qui améliorera la globalité et la continuité des soins.
Malgré les difficultés rencontrées durant la pandémie, nous avons également été témoins d’une grande agilité et d’un grand sens de l’innovation. Tirons-en parti pour façonner l’avenir de la médecine de famille.
Footnotes
This article is also in English on page 392.
Références à la page 392.