Résumé
Description. Les ergothérapeutes accompagnent les travailleurs ayant subi une atteinte à la santé mentale dans leur processus de retour au travail, mais peuvent aussi favoriser le maintien d’une participation saine à long terme. Peu d’écrits scientifiques permettent de comprendre ce rôle émergent. But. Décrire les interventions des ergothérapeutes en regard de l’habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale. Méthodologie. Selon un devis de recherche qualitatif descriptif, des entrevues ont été menées auprès de 19 ergothérapeutes œuvrant en réadaptation socioprofessionnelle. Résultats. Les ergothérapeutes mettent en place 31 interventions réparties en huit catégories. Ces interventions sont principalement axées sur le travailleur lui-même; celles impliquant l’environnement étant moins développées. Conséquences. Les interventions décrites avec spécificité offrent des leviers concrets que les ergothérapeutes peuvent utiliser dans leur pratique. Des travaux de recherche sont toutefois requis pour évaluer l’efficacité de ces interventions.
Mots clés: Comportement préventif, interventions, maintien au travail, réadaptation au travail, recherche qualitative
Abstract
Background. Occupational therapists support workers who have experienced a mental health issue in their return-to-work process, but can also support the maintenance of long-term healthy participation. Little scientific literature exists to understand this emerging role. Purpose. To describe occupational therapists’ interventions with respect to enabling workers to maintain their mental health. Method. Using a descriptive qualitative design, interviews were conducted with 19 occupational therapists working in socioprofessional rehabilitation. Findings. Occupational therapists reported to implemente 31 interventions, devided in eight categories. These interventions were mainly focused on the workers themselves; those involving the environment were less developed. Implications. The interventions described with specificity offer concrete levers that occupational therapists can use in their practice. However, research is needed to evaluate the effectiveness of these interventions.
Keywords: Interventions, Job retention, Preventive behavior, Qualitative research, Work rehabilitation
Introduction
Le travail représente une occupation pratiquée par des milliards de personnes dans le monde et est valorisé à travers les diverses cultures et sociétés (Freeman et al., 2018). Qui plus est, le nombre de personnes en emploi est en hausse dans les pays industrialisés. Au Canada, le nombre de travailleurs a bondi de 15.8 à 20.2 millions entre 2000 et 2019, ce qui représente une augmentation de près de 28% (Statistics Canada, 2019). En plus de contribuer au développement et à la sécurité économiques des sociétés, le travail est reconnu comme un déterminant de la santé pour les personnes. (Wilcock & Hocking, 2015). En effet, le travail peut engendrer des effets positifs chez les individus, comme la reconnaissance sociale ou encore la prévention du déclin des capacités (Bosma et al., 2003). Toutefois, le travail peut aussi provoquer des effets négatifs pour la santé. Par exemple, les accidents de travail ou les maladies professionnelles peuvent miner le bien-être, la qualité de vie et le fonctionnement des personnes (Association canadienne pour la santé mentale, 2020). Lorsque les effets négatifs du travail entrainent une situation d’invalidité, les ergothérapeutes sont des professionnels de choix pour guider la réadaptation des travailleurs et les habiliter à retrouver un niveau de fonctionnement satisfaisant (ACE, 2015; Deen et al., 2002). Les ergothérapeutes accompagnent certes les travailleurs dans leur processus de retour au travail, mais ont aussi pour rôle d’y favoriser le maintien d’une participation saine à long terme (ACE, 2015). En effet, la prévention de l’apparition des atteintes à la santé, ainsi que la prévention des récidives ou de leur récurrence, font partie du rôle des ergothérapeutes. Les ergothérapeutes possèdent les compétences et l’expertise pour évaluer et intervenir à la fois avec le travailleur (p. ex., développement des capacités) et l’environnement (p. ex., évaluation et adaptation du poste de travail) afin de favoriser la réalisation optimale de l’occupation du travail à long terme (ACE, 2015; Lecours & Therriault, 2018). D’autres auteurs rapportent que les ergothérapeutes possèdent les habiletés et les connaissances pour mettre en œuvre des interventions visant à amener les personnes à changer leurs comportements pour préserver leur santé (Filiatrault & Richard, 2005) notamment en regard du travail (ACE, 2015), ce qui peut contribuer au maintien d’une participation saine au travail qui soit durable.
En accord avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2006), les ergothérapeutes adoptent une vision holistique de la santé des personnes en y incluant les aspects physique, mental et social. Ce faisant, les ergothérapeutes sont en mesure d’intervenir auprès de tout travailleur en situation d’invalidité, peu importe la nature de l’atteinte l’y ayant menée. Cette polyvalence des ergothérapeutes est particulièrement importante puisque le portrait de la santé des travailleurs change. La prévalence des atteintes à la santé mentale au travail a augmenté de manière importante au cours des dernières années, constituant désormais la principale cause d’invalidité mondiale (OMS, 2020). Au Canada, ce sont un demi-million de personnes qui s’absentent du travail chaque semaine pour des raisons de santé mentale (Commission de la santé mentale du Canada, 2016). Sur le plan économique, la perte de productivité, le présentéisme et le roulement de personnel en découlant engendrent des pertes de 6 milliards de dollars par année au pays (Commission de la santé mentale du Canada, 2013). En comparaison avec l’invalidité causée par une atteinte à la santé physique, celle qui résulte d’une atteinte à la santé mentale dure deux fois plus longtemps et a un coût supérieur (Dewa et al., 2010). Ce faisant, 70% des coûts d’indemnisation liés aux prestations pour l’invalidité des travailleurs canadiens sont liés à des atteintes à la santé mentale (Commission de la santé mentale du Canada, 2016). La situation est d’autant plus préoccupante que les taux de rechute sont élevés. Entre autres, Dewa et al. (2009) rapportent qu’un travailleur ayant subi une période d’invalidité en raison d’une atteinte à la santé mentale présente un risque sept fois plus élevé d’en subir un second comparativement à un travailleur n’ayant jamais vécu ce type d’invalidité. D’autres auteurs ont évalué à 19% le risque de rechute pour les travailleurs en étant à leur premier épisode d’invalidité en raison d’une atteinte à la santé mentale (Koopmans et al., 2011). Puisque les atteintes à la santé mentale ont des effets négatifs importants autant pour les travailleurs, les organisations et la société, il importe de mettre en place des interventions visant la prévention de la rechute lors de la réadaptation visant le retour au travail.
À ce jour, la pratique des ergothérapeutes au regard de l’habilitation des travailleurs à préserver une participation saine au travail à la suite d’une période d’invalidité a surtout été abordée sous l’angle de la santé physique. Les écrits scientifiques suggèrent que les ergothérapeutes prodiguent de l’éducation sur l’hygiène posturale et la conservation d’énergie, ou encore mettent en place des programmes d’entraînement et des adaptations de l’environnement dans l’optique de prévenir les récidives d’atteintes à la santé physique chez les travailleurs (Deen et al., 2002; Lysaght, 2004). D’autres auteurs ont récemment identifié huit catégories d’interventions réalisées par les ergothérapeutes pour habiliter les travailleurs à préserver leur santé physique au travail (Lecours & Therriault, 2018). Outiller le travailleur à évaluer les risques pour sa santé dans une situation de travail, à collaborer avec les autres ou à communiquer ses besoins ferait entre autres partie des interventions que réalisent les ergothérapeutes.
Mis à part quelques travaux exploratoires qui décrivent des interventions concernant la gestion du stress et la prévention de la récurrence de l’épuisement professionnel (Deen et al., 2002) ou encore l’entrainement cognitif après la dépression (Wisenthal et al., 2018), peu d’information est disponible concernant les pratiques des ergothérapeutes qui visent à habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale dans une optique de retour au travail sain et durable après une période de réadaptation. Des travaux récents ont toutefois été menés pour adapter et évaluer la faisabilité d’un programme de retour thérapeutique au travail pour les travailleurs ayant un trouble mental commun (Marois, Coutu, et al., 2020; Marois, Durand, et al., 2020). D’une part, les travaux de Marois, Coutu, et al. (2020) ont mis en lumière l’importance de l’interaction entre le travailleur et son environnement pour favoriser une participation au travail qui soit bonne pour la santé mentale, ce qui est en accord avec de nombreux auteurs, autant en réadaptation au travail (p.ex., Durand et al., 2020; Loisel et al., 2001) qu’en sciences de la gestion (p.ex., Ipsen et al., 2020; Skakon et al., 2010; Westerlund et al., 2010). D’autre part, le programme de retour thérapeutique au travail de Marois, Durand, et al. (2020) s’appuie sur un modèle logique achevé scientifiquement et présente les objectifs à suivre pour promouvoir un retour sain et durable au travail, comme améliorer les habiletés de communication du travailleur ou identifier les situations conflictuelles au travail et les adapter. Or, les interventions à adopter pour atteindre ces objectifs ne sont pas spécifiées, ce qui peut être un enjeu pour les professionnels impliqués, dont les ergothérapeutes. D’ailleurs, des auteurs en sciences sociales ont suggéré que des actions tangibles et concrètes sont souhaitables pour favoriser la santé mentale des travailleurs (Gilbert et al., 2017; St-Hilaire et al., 2018).
L’examen de la littérature actuelle amène à comprendre que malgré que des lignes directrices (Durand et al., 2014) et des associations professionnelles (ACE, 2015) suggèrent que les ergothérapeutes ont un rôle à jouer pour favoriser le maintien sain et durable en emploi des travailleurs ayant vécu une atteinte à la santé mentale, les recommandations formulées demeurent souvent théoriques, offrant peu de leviers concrets pour guider la pratique des ergothérapeutes. En plus des effets positifs sur la santé des travailleurs et des organisations, développer les connaissances dans ce champ de pratique représente une initiative profitable sur le plan sociétal puisque chaque dollar investi dans la bonification des interventions visant à réduire les atteintes à la santé mentale au travail entraîne des gains quatre fois supérieurs en matière de santé et de productivité (OMS, 2019). Le but de l’étude présentée dans cet article était de décrire les interventions réalisées par les ergothérapeutes en regard de l’habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale.
Cadre théorique
Les écrits scientifiques suggèrent que des facteurs liés au travailleur, à l’organisation de travail, au système de santé et au système d’indemnisation ont une influence sur la prévention de l’incapacité prolongée au travail (p.ex., Costa-Black et al., 2013). Parmi les facteurs liés aux travailleurs, les comportements préventifs que ces derniers peuvent adopter au travail seraient d’un intérêt particulier (p. ex., Cossette, 2013; Roy et al., 2008). L’influence des comportements adoptés par les travailleurs sur le risque d’atteinte à la santé a été étudiée avec diverses populations de travailleurs (p. ex., Johnson, 2007; Roy et al., 2008; Roy et al., 2005). Ce faisant, des études ont été menées dans les dernières années pour définir ces comportements via le développement du Modèle des comportements préventifs au travail.
Le Modèle des comportements préventifs au travail définit les comportements que les travailleurs peuvent adopter pour favoriser la santé, la sécurité et le bien-être (Lecours, 2020a, p. 2020; Lecours, 2021). Bien que le modèle considère que des échanges entre tous les individus œuvrant dans un milieu de travail sont requis pour favoriser la santé, la sécurité et le bien-être, il propose ce que peut être la contribution des travailleurs via leurs comportements, qui peuvent être orientés vers eux-mêmes, les collègues ou l’organisation. Le modèle suggère notamment que les travailleurs doivent rapporter les risques pour la santé, la sécurité et le bien-être qu’ils identifient dans leurs situations de travail, ou encore proposer des solutions pour y remédier. Cependant, ces comportements ne peuvent être réalisés de façon isolée; ils doivent être appuyés par un contexte favorable. Des facteurs contextuels liés à l’individu, à l’organisation du travail et à la société doivent être présents en amont pour que le travailleur puisse adopter des comportements préventifs. Par exemple, il importe que le travailleur valorise la santé, la sécurité et le bien-être, ou encore que des ressources organisationnelles soient disponibles pour que le travailleur puisse adopter des comportements préventifs. Enfin, le modèle prend en compte les conséquents qui suivent en aval de la manifestation des comportements. Ces conséquents sont généralement positifs pour le travailleur lui-même (p. ex., satisfaction au travail) et pour l’organisation (p. ex., culture de prévention). Inscrit dans une approche transdiagnostique, ce modèle présente l’intérêt d’être générique et de pouvoir s’appliquer à la réalité des travailleurs, peu importe la nature de leur travail ou leur situation de santé (Lecours, 2021).
Bien que le Modèle des comportements préventifs au travail puisse être utilisé pour favoriser les comportements à adopter pour préserver la santé, la sécurité et le bien-être de façon globale, des spécificités liées à la santé mentale ont été mises en exergue (Lecours et al., 2021a). Des travaux ont permis d’identifier dix comportements qu’un travailleur peut adopter pour favoriser spécifiquement la santé mentale au travail, lesquels se rassemblent en trois catégories, comme le présente la Figure 1.
Figure 1.
Comportements préventifs pour la santé mentale.
Trois comportements visent l’adoption d’une pratique réflexive au regard de son rôle de travailleur. Le travailleur peut (1) analyser sa situation de travail (p. ex., : identifier les risques d’atteinte à la santé mentale dans une situation de travail), (2) s’auto-évaluer (p. ex., : reconnaître la présence de signes précurseurs d’atteinte à la santé mentale), et (3) prendre des décisions favorables pour sa santé mentale (p. ex., : respecter ses propres limites).
Le travailleur peut aussi agir pour sa propre santé mentale en adoptant quatre comportements : (1) communiquer (p. ex., : exprimer ses limites), (2) utiliser les ressources disponibles (p. ex., : consulter un professionnel), (3) adopter une bonne hygiène de vie (p. ex., : maintenir un équilibre dans ses occupations), et (4) s’investir dans son travail (p. ex., : organiser son travail).
Enfin, le travailleur peut agir pour la santé mentale du collectif. Pour ce faire, il peut (1) s’impliquer dans l’organisation (p. ex., : participer à des comités liés à la santé au travail), (2) travailler en équipe (p. ex., : partager des tâches avec ses collègues), et (3) se soucier des autres (p. ex., : encourager ses collègues).
Ces comportements présentent des cibles à atteindre en réadaptation pour habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale. Ils permettent aux travailleurs d’avoir du pouvoir sur leur quotidien et de s’engager pour entreprendre, reprendre ou maintenir une participation saine au travail. Or, les comportements identifiés ne permettent pas de soutenir concrètement les ergothérapeutes dans leurs interventions. Étant donné le manque d’écrits scientifiques permettant de décrire ou suggérer des interventions appropriées, il est pertinent de documenter les connaissances expérientielles pour définir une base sur laquelle développer de futurs travaux. Il est ainsi requis de décrire les interventions réalisées par les ergoth érapeutes quant à l’habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale.
Méthodologie
Devis
Un devis de recherche qualitatif descriptif a été utilisé (Gallagher & Marceau, 2020; Sandelowski, 2000). Il s’agit d’un devis approprié pour décrire des phénomènes selon les perspectives des personnes impliquées, ce qui est cohérent avec le but de l’étude actuelle. Des auteurs précisent notamment l’utilité de ce devis pour décrire des phénomènes rencontrés dans les pratiques professionnelles, comme en ergothérapie (Gallagher & Marceau, 2020).
Participants
Les participants à l’étude répondaient aux critères suivants : (1) avoir au moins une année de pratique comme ergothérapeute au Canada, (2) parler et comprendre le français et (3) œuvrer dans le domaine de la réadaptation socioprofessionnelle. Les participants ont été recrutés selon une méthode d’échantillonnage par choix raisonné et ont été sélectionnés en fonction d’une stratégie d’échantillonnage à variation maximale (Patton, 2002). Une attention a été portée à l’obtention de profils diversifiés en termes de milieux de pratique, niveaux de formation et années d’expérience. Le nombre de participants a été déterminé en fonction de l’atteinte de la saturation et de la redondance dans les données recueillies. Étant donné la spécificité du sujet d’étude, entre 12 et 24 participants ont été initialement estimés (Guest et al., 2006; Hennink et al., 2016). En définitive, 19 participants ont pris part à l’étude.
Procédure
Des entrevues téléphoniques individuelles ont été menées pour documenter les pratiques professionnelles des ergothérapeutes en lien avec l’habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale. Un guide d’entrevue préalablement soumis à un prétest auprès de deux personnes ayant les mêmes caractéristiques que les participants a été utilisé. Basé sur l’expérience pratique des ergothérapeutes, ce guide comportait quatre sections principales : (1) renseignements sociodémographiques (p. ex., milieu de pratique), (2) introduction (p. ex., Parlez-moi de vos pratiques auprès des travailleurs qui ont subi une atteinte à la santé mentale.), (3) interventions visant l’habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale (p. ex., Parlez-moi de comment vous pouvez habiliter un travailleur à préserver sa santé mentale), et (4) clôture (p. ex., D’après vous, y a-t-il d’autres éléments en lien avec les interventions visant à habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale qui devraient être discutés ?). Les entrevues ont duré en moyenne 56 min. Elles ont été réalisées en français et ont été enregistrées numériquement.
Analyse
Après que les enregistrements eurent été intégralement transcrits en verbatims, une stratégie d’analyse thématique (Paillé & Mucchielli, 2016) a été appliquée au corpus de données selon le processus systématique en cinq étapes : (1) des lectures répétées du corpus de données ont permis aux chercheurs de développer un sentiment d’immersion; (2) le codage initial a été amorcé, c’est-à-dire que des codes descriptifs ont été assignés aux unités de signification trouvées dans le corpus; (3) les unités de signification ont ensuite été transformées en expressions révélatrices des perspectives des participants; (4) la synthèse des expressions a permis d’organiser les données dans une structure générale (les codes [niveau micro] ont été rassemblés en catégories [niveau méso] et/ou thèmes [niveau macro]); (5) des allers-retours entre les données brutes et la structure générale ont permis de clarifier et d’interpréter les données en respectant les perspectives des participants. En accord avec le devis de recherche qualitatif descriptif (Gallagher & Marceau, 2020), une posture inductive a été utilisée pendant le processus d’analyse. Le logiciel QDA Miner 5 a été utilisé en soutien aux analyses.
Les quatre premières entrevues ont été analysées de manière indépendante par deux personnes, lesquelles se sont rencontrées après l’analyse de chaque entrevue pour comparer leur codification. Cette étape a permis de diminuer le risque de biais en assurant que le codage ne reflète pas la perception d’une seule personne. Le codage des entrevues subséquentes a été réalisé par une seule personne et des rencontres de discussion périodiques ont eu lieu entre les membres de l’équipe de recherche. Ce processus itératif permettant de créer des versions successives des perspectives des participants a été mené jusqu’à ce que les membres de l’équipe de recherche conviennent que l’analyse produite représentait les données le plus fidèlement possible.
L’étude a obtenu la certification éthique du Comité d’éthique de la recherche du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS-CN), No. 2019-1573.
Résultats
Description des participants
Dix-huit femmes (94.7%) et un homme (5.3%) ont participé à l’étude. L’âge moyen des participants était de 39.2 ± 10.6 ans. Au moment de l’entrevue, ces derniers possédaient une expérience clinique moyenne de 10.2 ± 7.6 années auprès de travailleurs. La majorité des participants (15/19) œuvraient en clinique privée, ce qui est représentatif du portrait des services de réadaptation socioprofessionnelle au Québec. Les caractéristiques descriptives des participants sont présentées dans le Tableau 1. Une erreur technique a conduit à la perte des données du participant 11. Ce faisant, aucune information partagée par ce participant n’a pu être analysée; les résultats proviennent de l’analyse des entrevues menées auprès des 18 autres participants.
Table 1.
Caractéristiques descriptives des participants.
| Participant | Genrea | Âge | Années d’expérience auprès de travailleurs | Contexte de pratique | 
|---|---|---|---|---|
| 1 | F | 42 | 8 | Clinique privée | 
| 2 | F | 58 | 11 | Service ambulatoire spécialisé en santé mentale | 
| 3 | F | 41 | 6 | Clinique privée | 
| 4 | F | 47 | 16 | Centre de réadaptation | 
| 5 | F | 25 | 3 | Clinique privée | 
| 6 | F | 34 | 9 | Centre de réadaptation | 
| 7 | F | 38 | 6 | Centre de réadaptation | 
| 8 | F | 63 | 17 | Clinique privée | 
| 9 | F | 30 | 7 | Clinique privée | 
| 10 | F | 29 | 6,5 | Clinique privée | 
| 11 | F | 49 | 23 | Clinique privée | 
| 12 | F | 51 | 29 | Clinique privée | 
| 13 | F | 40 | 17 | Clinique privée | 
| 14 | F | 29 | 2 | Clinique privée | 
| 15 | F | 29 | 1,5 | Clinique privée | 
| 16 | M | 28 | 2 | Clinique privée | 
| 17 | F | 38 | 10 | Clinique privée | 
| 18 | F | 32 | 4 | Clinique privée | 
| 19 | F | 41 | 15 | Clinique privée | 
Notes: aF = féminin; M = masculin.
Interventions visant l’habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale
L’analyse des données suggère que les ergothérapeutes mettent en place 31 interventions, réparties en huit catégories, pour habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale. La Figure 2 présente ces interventions et catégories.
Figure 2.
Intervention visant l'habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale
L’harmonisation implique que les ergothérapeutes posent des actions pour ajuster le contexte du travailleur afin que ce dernier puisse y avoir une participation qui soit saine. Les participants ont mentionné modifier les tâches et l’environnement physique en fonction de la réalité du travailleur “ pour que tout se passe bien [lors du maintien au travail] “ [P07]. De plus, la mise en place d’un environnement organisationnel favorable au retour au travail est réalisée. À cette fin, les ergothérapeutes expriment transmettre des informations au milieu de travail (p. ex., en regard du processus de retour au travail) “ parce que les gens ont besoin d’être informés sur le processus “ [P03]. Les ergothérapeutes mentionnent également favoriser le maintien du lien entre le travailleur et son milieu de travail, que ce soit avec “ l’employeur [..] ou les collègues “ [P14] afin d’assurer une continuité harmonieuse en regard du contexte de travail pendant la période d’arrêt. Faciliter les relations de travail semble aussi être un objectif à atteindre pour habiliter le travailleur à préserver sa santé mentale lors du retour au travail : “ Il m’est déjà arrivé de faire une rencontre avec l’employeur et mon client. Il y avait eu des conflits antérieurs qui devenaient un frein pour le retour. “ [P7]
Bien que les ergothérapeutes croient en l’harmonisation entre le contexte de travail et le travailleur pour contribuer à son habilitation à préserver sa santé mentale, ils rencontrent des défis, notamment liés au “ au peu de contrôle “ [P08] qu’ils ont sur les choix du milieu de travail ou encore “ sur la culture de performance “ [P03] qui règne dans certaines entreprises, nuisant aux interventions d’harmonisation.
Les interventions d’éducation visent à transmettre des connaissances aux travailleurs. Les participants ont indiqué aborder divers sujets comme le stress, l’hygiène de vie, les principes de conservation d’énergie, la condition de santé et les ressources disponibles. L’extrait suivant présente un exemple d’intervention visant l’éducation aux ressources disponibles : “ Je vais demander s’il y a un programme d’aide aux employés, je vais parler des centres de crise […]. Donc, c’est quelque chose que je vais aborder. “ [P12] Diverses modalités sont utilisées pour soutenir l’éducation faite par les ergothérapeutes, que ce soit la remise “ d’un pamphlet sur l’hygiène du sommeil “ [P03], le dessin “ d’un schéma sur l’équilibre de vie “ [P02], ou encore l’utilisation “ d’une présentation [avec support informatique] sur le stress [P09].
Le soutien correspond à une autre catégorie d’interventions ayant émergé des données. Les participants ont exprimé soutenir pour désamorcer les craintes du travailleur et pour anticiper la rechute. Pour désamorcer les craintes, les participants ont rapporté faire de l’écoute active pour “ entendre les besoins [des travailleurs] “ [P02] et “ être une oreille disponible pour le travailleur “ [P01], soutenir le travailleur dans l’expression de son vécu et lui offrir de la réassurance : “ Je vais offrir […] du support. Beaucoup de réassurance aussi avec les gens qui ont des craintes. Dans le fond, les gens qui ont de l’anxiété et des craintes, je vais être plus souvent avec eux [pour les accompagner]. “ [P7]
Pour anticiper la rechute, les participants ont indiqué préparer un plan de prévention de la rechute, “ normaliser la rechute parce que c’est possible que ça arrive “ [P15], discuter des stratégies pouvant être utilisées pour “ faire face aux difficultés qui vont se présenter “ [P02] et effectuer des suivis ponctuels après la fin des interventions en ergothérapie pour soutenir le travailleur dans la mise en place de stratégies. Les suivis peuvent être téléphoniques : “ c’est juste un petit suivi de cinq minutes pour savoir comment ils [les travailleurs] vont. C’est bien parce que je leur rappelle qu’ils ont des outils et qu’ils sont capables de mettre [en place] des choses qu’ils ont déjà vues. “ [P15]. Les suivis peuvent se faire en clinique aussi afin de “ permettre au travailleur de revenir solidifier ses bases pour ensuite retourner dans son milieu de travail “ [P16].
L’encouragement constitue une intervention au cours de laquelle les ergothérapeutes incitent le travailleur à réaliser des actions particulières sans pour autant les mettre en pratique dans le cadre de la thérapie. Un participant a exprimé cette idée comme suit:
Parfois, ça vient tout simplement du client qui dit “ Je vais pouvoir en jaser à mes collègues proches. Il y en a d’autres qui sont dans ma situation et j’aimerais ça les aider “. Alors moi, je l’encourage tout simplement, beaucoup plus de façon informelle, à partager ses acquis. [P14]
Cet extrait évoque que l’ergothérapeute encourage le travailleur à s’impliquer dans l’organisation pour partager les acquis faits en thérapie. De manière similaire, des participants mentionnent encourager le travailleur à utiliser des services d’aide, à travailler en équipe, mais aussi à se soucier des autres parce que c’est important d’encourager le travailleur à “ demander de l’aide à ses collègues “ [P15], mais aussi “ de les remercier quand ils sont gentils “ [P10] et de les “ écouter et aider “ [P16] à leur tour.
La collaboration est fondée sur une relation de partenariat entre l’ergothérapeute et le travailleur. Les participants ont mentionné développer une alliance avec le travailleur (p. ex., en adaptant la thérapie à son vécu, en explorant ses besoins, ses valeurs et ses préférences) et stimuler l’implication du travailleur dans sa réadaptation (p. ex., miser sur son expertise envers son travail, valoriser ses choix, planifier le retour au travail avec lui). L’extrait suivant illustre cette implication du travailleur que veut stimuler l’ergothérapeute : “ On fait le plan avec la personne. […] Je ne fais jamais le plan toute seule. “ [P15]. La collaboration suggère aussi que les ergothérapeutes mettent en œuvre des actions concertées avec les différentes parties prenantes liées au retour au travail, comme les autres intervenants de la réadaptation :
Donc c’est sûr que, s’il y a des éléments, des stratégies qui ont été développées [par les autres intervenants] pour diminuer l’anxiété, diminuer le stress, et bien c’est sûr que moi je vais revoir avec le client comment on peut les appliquer dans le travail ou dans les mises en situation qu’on fait [en ergothérapie]. [P7]
La collaboration avec l’employeur est aussi primordiale. Un participant explique qu’il importe de “ contacter l’employeur, que ce soit par un appel téléphonique, pour préparer le retour au travail. [Il faut documenter] les obstacles qu’il voit “. [P18] Enfin, la collaboration avec l’assureur est une intervention à privilégier pour habiliter le travailleur à préserver sa santé mentale. Les participants ont rapporté que ces interventions de collaboration étaient facilitées lorsque la “ transparence “ [P03], l’” ouverture “ [P01] et la “ communication franche “ [P05] sont présentes.
Le coaching est une catégorie d’interventions dans laquelle l’ergothérapeute agit à titre de facilitateur; le travailleur se retrouve ainsi dans un apprentissage actif. Dans cette optique, les participants questionnent pour susciter la réflexivité. Un participant exprime ainsi qu’il “ documente les valeurs […] pour que les gens soient conscients que parfois, ils n’investissent pas les bonnes activités ou que s’il y a de l’anxiété, c’est parce que ce qu’ils investissent n’est pas tout à fait cohérent avec leurs valeurs. “ [P13]. Par le coaching, les participants offrent du mentorat pour amener le travailleur à s’auto-évaluer (p. ex., évaluer ses facteurs de risque de rechute, évaluer ses modes opératoires au travail) et à analyser ses situations de travail (p. ex., en servant de modèle et en pratiquant l’analyse en thérapie). Les ergothérapeutes ont aussi mentionné guider le travailleur dans la résolution de problèmes:
On va faire une petite histoire de cas. Je vais dire “ Ok. S’il se passe telle chose [une situation particulière], comment gère-t-on cela? “ Je vais y aller étape par étape avec le client. Décortiquer la situation et, en posant des questions, l’amener à résoudre les problèmes. [P3]
Finalement, les données indiquent que les ergothérapeutes interviennent pour guider le travailleur dans le respect de ses limites personnelles. Les interventions de coaching sont réalisées à l’aide de diverses modalités que ce soit l’utilisation de “ journaux de bord “ [P04], “ l’entretien motivationnel “ [P02], “ le reflet “ [P02], “ les verbalisations “ [P17] ou encore “ l’exposition “ [P04].
La redéfinition du quotidien constitue une catégorie d’interventions qui n’est pas axée spécifiquement sur le travail, mais qui vise plutôt une vaste gamme d’occupations tout en ayant une influence sur le fonctionnement au travail. Ceci transparait dans le discours d’un participant, lequel a énoncé qu’il aborde “ beaucoup le travail, mais on essaie d’intégrer le travail comme étant une habitude de vie [au même titre que les autres]. “ [P4] Les participants ont ainsi exprimé favoriser la reprise d’un équilibre occupationnel, optimiser la gestion du stress, promouvoir la réactivation du travailleur et intégrer des activités signifiantes à son quotidien.
En ergo[thérapie], on peut évaluer le rendement occupationnel et travailler sur la redéfinition des rôles, mais aussi l’investissement des différentes activités pour maintenir un meilleur équilibre. Ça, c’est vraiment ergo[thérapique] de faire ça. [P13]
Plusieurs modalités sont utilisées par les ergothérapeutes pour amener le travailleur à redéfinir son quotidien, que ce soit “ la pleine conscience “ [P02], “ les techniques de relaxation “ [P03], “ les applications de gestion de l’horaire “ [P06], “ les techniques de respiration “ [P19], “ la mise en place d’un programme de marche “ [P13], “ l’exploration des activités signifiantes “ [P14] ou encore “ l’intégration d’activités de loisirs à la routine “ [P18].
L’entraînement est la dernière catégorie d’interventions évoquée par les participants, laquelle suggère généralement la mise en action du travailleur pour développer des habiletés ou des capacités. Les participants ont ainsi révélé développer les habiletés de communication du travailleur en partageant des techniques de communication “ sous forme d’un atelier “ [P10], en mettant des stratégies en pratique “ à l’aide de mises en situation “ [P03], “ de jeux de rôles “ [P01] ou “ de simulations “ [P09] et en incitant le travailleur à communiquer avec les différentes parties prenantes. Le développement d’un mode de pensée adéquat (p. ex., diminuer la kinésiophobie, le catastrophisme et le perfectionnisme), des capacités de travail (p. ex., les capacités physiques et les habiletés cognitives) et de techniques de travail alternatives constitue d’autres interventions de l’entraînement. Les participants ont aussi mentionné développer une gestion efficace de l’énergie et des techniques de travail sécuritaires: “ On va leur enseigner comment bien travailler, comment bien se protéger, comment utiliser les outils qui vont être adéquats, qui vont répondre à leurs besoins. “ [P12]. Finalement, les ergothérapeutes vont s’assurer de faire vivre des expériences de succès aux travailleurs et de souligner leur évolution, et ce, pour développer leur sentiment d’efficacité personnelle “ parce qu’avoir un sentiment d’efficacité personnelle élevé est un [élément] aidant dans le coffre à outils du travailleur pour éviter les récidives “ [P07].
Discussion
Cette étude visait à décrire les interventions réalisées par les ergothérapeutes pour habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale. L’analyse des résultats a permis d’identifier 31 interventions réparties en huit catégories. En développant les connaissances en regard des pratiques d’habilitation, l’étude actuelle répond à l’appel de Polatajko et al. (2015), lesquelles priaient la communauté ergothérapique d’œuvrer à enrichir les données empiriques par rapport à cette compétence primordiale de la profession. Les résultats qui ont émergé de l’étude décrite dans cet article seront discutés en regard de trois idées maîtresses : (1) la spécificité des interventions, (2) la double cible des interventions et (3) l’importance de tenir compte de l’environnement dans les interventions visant à habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale.
Spécificité des interventions réalisées par les ergothérapeutes
Les résultats de la présente étude permettent d’offrir des interventions concrètes et spécifiques pour soutenir l’habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale. Bien que ce sujet ait été davantage exploré en santé physique qu’en santé mentale, certains auteurs ont préalablement suggéré l’importance d’améliorer la capacité des travailleurs à communiquer (Feuerstein et al., 1993), à gérer le stress (Deen et al., 2002), ou encore à adopter une bonne hygiène de vie (Netterstrøm et al., 2013) afin de préserver leur santé mentale. Or, en plus de ne pas nécessairement être spécifiques à la pratique des ergothérapeutes, ces interventions sont difficilement opérationnelles étant donné leur caractère général et peu appliqué. Dans la présente étude, non seulement les interventions sont rédigées en des libellés concrets et précis (p. ex., éduquer sur l’hygiène de vie ou guider dans le respect des limites personnelles), des exemples de modalités sont proposés pour mettre en œuvre ces interventions (p. ex., dessin d’un schéma sur l’équilibre de vie ou utilisation d’un journal de bord), renforçant le caractère opérationnel et applicable des résultats proposés. À notre connaissance, il s’agit de la première étude ayant identifié avec spécificité les interventions que font les ergothérapeutes, générant ainsi des leviers concrets à utiliser dans leur pratique quotidienne pour habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale. Puisque la spécificité des interventions est recherchée pour favoriser la santé mentale des travailleurs (Gilbert et al., 2017; St-Hilaire et al., 2018), cette étude apporte une réelle contribution à l’avancement des connaissances. Des recherches additionnelles restent cependant nécessaires pour déterminer l’efficacité de ces interventions.
Intervenir pour habiliter le travailleur à préserver sa santé : faire d’une pierre, deux coups
Les résultats de cette étude suggèrent que des interventions réalisées par les ergothérapeutes habilitent les travailleurs à préserver leur santé mentale. La mise en relation de ces résultats avec ceux d’autres écrits amène à proposer que ces interventions sont également favorables à leur santé physique. En effet, des recoupements intéressants avec les résultats d’une étude antérieure (Lecours, 2018) suggèrent que les interventions liées à l’encouragement, à l’éducation et à la collaboration sont aussi réalisées par les ergothérapeutes dans l’optique d’amener le travailleur à reprendre son travail en préservant sa santé physique. Par exemple, développer les habiletés de communication a été identifié comme une intervention permettant d’habiliter le travailleur à préserver sa santé mentale dans la présente étude. L’étude (Lecours, 2018) suggère que cette même intervention amène aussi le travailleur à préserver sa santé physique au travail. Des similitudes ont également été trouvées pour les interventions liées à l’enseignement sur les principes de conservation d’énergie ou encore sur le mentorat pour analyser les situations de travail. Ainsi, les mêmes interventions ergothérapiques permettraient à la fois de favoriser la santé physique et mentale des travailleurs, ce qui est cohérent avec la vision holistique de l’individu prônée par la profession (Drolet & Désormeaux-Moreau, 2014) ainsi que la vision de la santé définie par l’OMS (OMS, 2006). Considérant la prévalence élevée de comorbidités entre les problématiques de santé physique et mentale chez les travailleurs (Lapointe, 2009), ces interventions qui agissent sur une double cible sont d’autant plus importantes à mettre de l’avant. D’autres études sont toutefois requises pour mieux comprendre comment ces interventions permettent d’habiliter les travailleurs à préserver à la fois leur santé physique et leur santé mentale.
Habiliter le travailleur à préserver sa santé mentale : importance de considérer l’environnement
Les résultats de cette étude permettent de constater que les interventions visant à habiliter le travailleur à préserver sa santé mentale sont principalement orientées vers le développement de comportements préventifs à visée individuelle. Considérant les comportements que les travailleurs peuvent adopter pour préserver leur santé mentale (Lecours et al., 2021a), plusieurs des interventions ayant émergé de la présente étude visent à favoriser l’adoption d’une pratique réflexive chez le travailleur (p. ex., questionner pour susciter la réflexivité, guider dans le respect des limites personnelles) ou encore l’action pour sa propre santé mentale (p. ex., favoriser l’équilibre occupationnel, encourager à utiliser les services d’aide, développer les habiletés de communication). A contrario, l’interprétation des résultats de la présente étude suggère que les ergothérapeutes mettent en place moins d’interventions visant à promouvoir les comportements qui permettent d’agir pour la santé mentale du collectif. En effet, quelques interventions ont été nommées en ce sens, mais elles se limitent à des encouragements à travailler en équipes, à s’impliquer dans l’organisation ou à se soucier des autres. Puisque le Modèle des comportements préventifs au travail propose que les comportements adoptés par un travailleur soient inclus dans un système où différents individus interagissent (Lecours, 2021), il importe certes de stimuler le développement des comportements qui sont orientés vers le travailleur lui-même, mais aussi ceux qui sont dirigés vers les collègues et l’organisation. Une réflexion proposant des pistes d’explications concernant cette moins grande représentation des interventions visant à soutenir les comportements préventifs orientés vers l’environnement (c.-à-d., les collègues ou l’organisation) a été menée. Des études antérieures ont suggéré que, bien que l’environnement occupe une place importante dans les modèles professionnels en ergothérapie (Townsend & Polatajko, 2013), les interventions des ergothérapeutes tendent à être centrées sur l’individu lui-même (Lecours & Therriault, 2018). En se basant sur les données d’un sondage rempli par plus de mille ergothérapeutes québécois, Gobeil et al. (2019) ont d’ailleurs mis en lumière que leur évaluation cible principalement les aptitudes de la personne, laissant moins de place à l’environnement, et ce, bien qu’un consensus existe dans la littérature en regard de l’influence cruciale des facteurs environnementaux sur le retour et le maintien en emploi chez des travailleurs ayant subi une lésion professionnelle (p.ex., Costa-Black et al., 2013). Dans le même sens, des écrits suggèrent que les valeurs liées à la personne, comme l’approche centrée sur la personne, figurent parmi celles considérées comme étant les plus importantes par les ergothérapeutes québécois (Drolet & Désormeaux-Moreau, 2014). Ces auteurs rapportent également qu’aucune valeur liée à l’environnement, comme l’approche écologique ou l’inclusion sociale, ne figure parmi les plus importantes pour les ergothérapeutes. Comme les valeurs influencent les pratiques professionnelles (Clair & Newcombe, 2014), cela pourrait expliquer que les ergothérapeutes semblent intervenir de façon moindre sur l’environnement. Enfin, les politiques des programmes d’indemnisation peuvent limiter l’accès des ergothérapeutes aux milieux de travail. Il peut donc être complexe pour ceux-ci d’avoir une compréhension globale des milieux dans lesquels évoluent leurs clients et de mettre en œuvre des interventions visant les comportements préventifs orientés vers l’environnement. Or, en plus des fondements théoriques du Modèle des comportements préventifs au travail qui soutiennent l’importance de l’environnement en lien avec l’adoption de comportements préventifs, d’autres auteurs ont aussi mis de l’avant la place des interactions entre les individus dans l’environnement de travail pour favoriser le maintien durable en emploi après un lésion professionnelle (Lecours et al., 2021b; Marois, Durand, et al., 2020) et pour favoriser la santé mentale des travailleurs (Lecours et al., 2021c). En effet, en se basant sur la théorie de l’échange social (Blau, 1964) et la norme de réciprocité (Gouldner, 1960), il est possible de mettre en lumière l’importance de l’environnement pour la préservation de la santé mentale au travail. La théorie de l’échange social prédit comment un comportement initié envers un individu (p. ex., aider un collègue dans une tâche), qui peut être positif ou négatif, peut engendrer un autre comportement, à nouveau positif ou négatif, de la part de cet individu (p. ex., offrir de l’écoute). Sur la base de cette prémisse, un travailleur adopterait davantage de comportements préventifs bénéfiques pour les collègues (p. ex., signaler un risque pour la santé à un collègue) ou l’organisation (p. ex., s’impliquer dans le comité santé et sécurité au travail) si l’environnement de travail fournit également des comportements bénéfiques à son égard, et vice-versa. Ainsi, l’adoption de comportements préventifs d’un travailleur envers l’environnement engendrait en retour des comportements préventifs à son égard, contribuant à perpétuer les efforts de prévention durable dans le milieu de travail. Ce faisant, les ergothérapeutes gagneraient à mettre en place davantage d’interventions visant à habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale via l’adoption de comportements préventifs dirigés vers l’environnement. Pour ce faire, il est notamment requis d’améliorer les connaissances des ergothérapeutes en regard des échanges sociaux qui se déroulent dans le milieu de travail. Il importe de faciliter le contact entre les milieux de travail et les ergothérapeutes afin que ceux-ci puissent se forger une compréhension complète du contexte dans lequel évolue le travailleur. Un assouplissement des règles des programmes d’indemnisation pour augmenter la possibilité de se rendre en milieu de travail est souhaitable. L’efficacité reconnue des interventions de prévention en milieu de travail (Proper et Oostrom, 2019) ajoute à la pertinence d’envisager ce changement. Une piste de solution pour actualiser le changement suggéré pourrait s’inspirer des approches d’ergothérapie communautaire (Doll, 2010). En accord avec le Modèle des comportements préventifs au travail, les organisations de travail peuvent être considérées comme des micro-communautés où le contexte et les échanges sociaux influencent l’adoption des comportements préventifs par les travailleurs. Ce faisant, les interventions prônées en ergothérapie communautaire comme l’approche participative (Fazio, 2008) ou l’approche centrée sur la communauté (Wittman and Velde, 2001) pourraient permettre aux ergothérapeutes d’utiliser leurs compétences pour faciliter les échanges sociaux favorisant l’adoption des comportements préventifs orientés vers l’environnement, au bénéfice de la santé mentale des travailleurs. Bien que ces approches aient fait l’objet d’études dans le champ de la réadaptation (p. ex., Lee et al., 2018) et de la santé au travail (p. ex., Ketelaar et al., 2017), il importe de poursuivre les travaux pour en démontrer les effets en regard de l’habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale.
Limites de l’étude
Considérant que les données proviennent d’entrevues, un biais de désirabilité sociale est possible et doit être considéré lors de l’interprétation des résultats. De plus, la vaste majorité des ergothérapeutes rencontrés œuvrent au Québec, ce qui limite la transférabilité des résultats à d’autres contextes sociopolitiques. Enfin, les résultats de cette étude découlent de la perception des ergothérapeutes; il serait intéressant de documenter celle des travailleurs en ce qui concerne les effets des interventions sur leur adoption de comportements permettant de préserver la santé mentale.
Conclusion
Cette étude offre une description inédite de 31 interventions des ergothérapeutes pour habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale. Non seulement les interventions sont rédigées en des libellés concrets et précis, des exemples de modalités sont proposés pour mettre en œuvre ces interventions, renforçant le caractère opérationnel et applicable des résultats proposés. Cependant, force est de constater que les interventions sont principalement axées sur le travailleur lui-même; celles favorisant les comportements préventifs envers l’environnement étant moins développées. Considérant l’influence marquée de l’environnement sur la santé du travailleur, des recherches futures se doivent d’être entreprises pour outiller les ergothérapeutes dans l’habilitation des travailleurs à adopter des comportements préventifs axés sur l’environnement pour soutenir une participation au travail qui soit saine, à la fois pour la santé physique que pour la santé mentale. L’utilisation de la théorie de l’échange social et de sa norme de réciprocité pourrait permettre de structurer de nouvelles études sur ce sujet contemporain.
Messages clés
- • Les ergothérapeutes adoptent 31 interventions pour habiliter les travailleurs à préserver leur santé mentale. La spécificité des interventions présentées dans cet article offre des leviers concrets pour soutenir la pratique des ergothérapeutes. 
- • Les interventions mises en place par les ergothérapeutes concernent surtout le développement de comportements à visée individuelle. Or, l’environnement a une place importante dans la préservation de la santé mentale des travailleurs. 
- • Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour optimiser les interventions ergothérapiques en regard de l’habilitation des travailleurs à préserver leur santé mentale; les approches d’ergothérapie communautaires constituent une avenue intéressante à investiguer. 
Contribution
AL a conçu et dirigé le projet ainsi que rédigé le manuscrit. CG a réalisé la collecte et l’analyse des données ainsi que rédigé le manuscrit. Les auteurs ont approuvé la version finale du manuscrit.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier Marie-Josée Drolet et Catherine Vallée pour leur contribution à la rédaction du protocole de recherche; ainsi que Guylain Breton pour sa contribution à l’analyse des résultats.
Biographies
Alexandra Lecours, erg, PhD est professeure au Département d'ergothérapie de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Ses projets visent à prévenir l'apparition de lésions professionnelles, à améliorer les processus de réadaptation au travail et à favoriser un maintien sain et durable en emploi après une période d'invalidité. Elle s'intéresse aux volets physique, mental et social de la santé des travailleurs. Elle a un intérêt particulier pour la population émergente que sont les travailleurs vieillissants.
Charles Groleau, erg, est ergothérapeute clinicien en centre de réadaptation. Au moment de réaliser cette étude, il était auxiliaire de recherche et étudiant à la maitrise en ergothérapie.
Footnotes
Financement: Cette étude a été financée par la Subvention de recherche pour la santé mentale de la Fondation Canadienne d’ergothérapie.
ORCID iDs: Alexandra Lecours https://orcid.org/0000-0002-4485-7829
Charles Groleau https://orcid.org/0000-0002-7987-2551
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