Abstract
Introduction
L’organisation internationale du travail définit le stress comme la réponse physique et émotionnelle nocive causée par un déséquilibre entre les exigences perçues et les capacités et ressources perçues des individus pour y faire face.
Objectif
Évaluer le stress chez le personnel soignant des trois CHU d’Abidjan dans le contexte de la pandémie à COVID-19.
Méthodes
Une étude multicentrique transversale descriptive et analytique du stress a été conduite d’avril 2020 à juillet 2021 (10 mois) dans trois CHU fonctionnels d’Abidjan (Angré, Cocody, Treichville) pendant la pandémie à COVID-19. L’étude a porté sur l’ensemble du personnel soignant de ces CHU exerçant dans les services de soins et de diagnostic. Le job content questionnaire de KARASEK (26 items) a été utilisé pour l’évaluation du stress. Les données qualitatives ont été décrites par proportions, tandis que les données quantitatives par moyenne et écart-type. Le test de X2 de Pearson a été utilisé dans l’étude analytique. Le seuil de significativité des tests était de 5 %.
Résultats
Notre étude a porté sur 783 soignants avec une prédominance féminine de 51,5 %. L’âge moyen était de 36,7 ± 7,36 ans. Le personnel paramédical représentait 60,9 % de l’effectif. La prévalence du stress était de 24 % et les gestes à risque d’exposition à la COVID-19 (57,4 %), les soins d’urgences (38,8 %) et l’affluence de patients (15,4 %) constituaient les situations de travail qui généraient le stress chez le personnel soignant. Il existait un lien statistique significatif entre la survenue stress et le nombre de personnes à charge (p = 0,036), la catégorie ASH (p = 0,036), l’ancienneté professionnelle (p = 0,0002) et l’insuffisance de mesures contre la COVID-19 (p = 0,032).
Conclusion
Ce travail a permis de mettre en évidence le stress d’origine professionnelle dans les CHU d’Abidjan et d’en connaître les facteurs de risque dans le contexte de la pandémie à COVID-19.
Mots clés: Stress, COVID-19, Personnel soignant, CHU, Abidjan
Abstract
Purpose of the study
To evaluate stress among the caregivers of the three Abidjan university hospitals in the context of the COVID-19 pandemic.
Methods
A descriptive and analytical cross-sectional multicenter study of stress was conducted from April 2020 to July 2021 (10 months) in three functional university hospitals in Abidjan (Angre, Cocody, Treichville) during the COVID-19 pandemic. The KARASEK job content questionnaire (26 items) was used for stress evaluation. The study focused on all the care staff of these university hospitals working in the care and diagnostic departments. Qualitative data were described by proportions, while quantitative data by mean and standard deviation. Pearson's X2 test was used in the analytical study. The significance level of the tests was 5%.
Results
Our study involved 783 caregivers with a female predominance of 51.5%. The mean age was 36.7 ± 7.36 years. Paramedical personnel accounted for 60.9% of the workforce. The prevalence of stress was 24% and gestures at risk of exposure to COVID-19 (57.4%), emergency care (38.8%) and influx of patients (15.4%) were the work situations that generated stress for the care staff. There was a significant statistical link between the onset of stress and the number of dependents (P = 0.036), the ASH category (P = 0.036), professional seniority (P = 0.0002) and the lack of measures against COVID-19 (P = 0.032).
Conclusion
This work has made it possible to highlight work-related stress in Abidjan University Hospitals and to know its risk factors in the context of the COVID-19 pandemic.
Keywords: Stress, COVID-19, Caregivers, University Hospital, Abidjan
Introduction
La pandémie de la maladie à coronavirus (COVID-19) qui a débuté à la fin de l’année 2019 dans la ville de Wuhan en Chine s’est rapidement répandue dans de nombreux pays dans le monde. L’OMS annonçait à la date du 04 août 2020 plus de 18 millions cas confirmés de COVID-19 avec 691 000 décès, affectant 212 pays et territoires en seulement 8 mois après sa découverte [1]. En milieu hospitalier, les données de l’épidémie de la COVID-19 dans le monde confirment cette tendance. En Chine, ce sont plus de 3300 travailleurs de la santé qui ont été infectés au début du mois de mars 2020 [2]. En Afrique, l’on recense à la date du 20 mars 2020, plus de 700 cas dans une trentaine de pays. Ainsi, La Côte d’Ivoire, à l’instar de la quasi-totalité des autres pays du monde, est confrontée à la pandémie de la COVID-19, avec l’apparition d’un premier cas d’infection en date du 11 mars 2020 [3]. À la date du 30 mars 2020, en Côte d’Ivoire, l’on enregistrait 168 cas confirmés et le premier cas de décès. Cette situation a provoqué la mise en place de l’état d’urgence sanitaire qui consistait entre autre en la mise en place d’un couvre-feu, la fermeture des bars, des restaurants, établissements d’enseignement préscolaire, primaire, secondaire et supérieur, le confinement progressif de la population, et l’interdiction des rassemblements de population de plus de 50 personnes… [4]. Cette pandémie, de par son ampleur et le caractère mortel de la maladie est susceptible d’entraîner de nombreux problèmes psychosociaux notamment le stress chez les personnels de soins qui sont en première ligne de la prise en charge [5], [6]. En effet, ces derniers font face à de nombreuses difficultés telles que la surcharge de travail occasionnée par la prise en charge des patients infectés, l’exposition au risque de contamination, l’angoisse d’être contaminé, de transmettre la maladie à sa famille, l’épuisement physique, la réorganisation des espaces de travail, la gestion de la pénurie de matériels et d’équipements individuels de protection. Autant de facteurs qui sont susceptibles d’entraîner la survenue de stress professionnel chez les personnels soignants.
Dans notre contexte, peu d’études se sont intéressées à la question relative au stress chez le personnel soignant pendant cette crise sanitaire. Eu égard à cette insuffisance et dans le but d’étudier le phénomène du stress en milieu hospitalier, nous avons conduit ce travail dont l’objectif était d’évaluer le stress chez le personnel soignant dans les trois centres hospitaliers universitaires (CHU) d’Abidjan dans le contexte de la pandémie à COVID-19.
En pratique, il s’agissait de déterminer la prévalence du stress chez le personnel soignant et identifier les facteurs favorisants du stress du personnel soignant des trois CHU d’Abidjan pendant la période de crise sanitaire.
Matériel et méthodes
Type, durée et lieu de l’étude
Une étude multicentrique transversale à visée descriptive et analytique du stress a été conduite d’avril 2020 à juillet 2021 (10 mois) dans trois CHU fonctionnels d’Abidjan (Angré, Cocody, Treichville) en Côte d’Ivoire.
Population d’étude et critères d’inclusion
L’étude a porté sur l’ensemble du personnel soignant des CHU d’Angré, Cocody et Treichville exerçant dans les services de soins et de diagnostic.
Ont été inclus dans notre étude, le personnel soignant (médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, internes des hôpitaux, techniciens de laboratoire, techniciens d’imagerie, infirmiers, sages-femmes, aides-soignants, agents des services hospitaliers et brancardiers), quel que soit le sexe, régulièrement embauché, présent au moment de l’enquête et ayant donné son consentement à participer à l’étude.
Questionnaire et mode de recueil des données
Les données ont été recueillies à l’aide d’un auto-questionnaire renseignant, d’une part, sur les caractéristiques socioprofessionnelles des travailleurs, les données médicales et, d’autre part, sur le stress. Le job content questionnaire de KARASEK (26 items) a été utilisé pour l’évaluation des niveaux du stress.
Le job content questionnaire de KARASEK (26 items) permettait d’évaluer le stress dans trois dimensions différentes : la demande psychologique (9 items), la latitude décisionnelle (9 items) et le soutien social (8 items). Chacun des items étant évalué à l’aide d’une échelle de Likert en 4 points coté de 1 à 4. Pour le calcul des scores, le score de la dimension de chacun des agents est comparé à la valeur médiane de la dimension de notre étude. Si ce score est supérieur à la valeur médiane, cela signifie que la dimension est élevée. Dans le cas contraire, elle est faible. Dans notre étude, la médiane était de 23 pour le score de la demande psychologique, 70 pour la latitude décisionnelle et 25 pour le soutien social.
Une situation de travail est génératrice de stress chez le travailleur lorsque :
-
•
le score de demande psychologique est supérieur à 23 et ;
-
•
le score de la latitude décisionnelle est inférieur à 70.
Pour ce qui est du recueil des données, après avoir obtenu l’autorisation de la direction des CHU, nous nous sommes rendus dans les différents services de soins des établissements pour sensibiliser le personnel sur le phénomène du stress au travail et expliquer les objectifs visés par l’étude et le contenu de la fiche d’enquête. Puis nous avons par la suite distribué le questionnaire aux agents voulant participer à l’étude.
Les fiches d’enquête ont été renseignées par chaque travailleur sans une quelconque influence de l’enquêteur. Les items qui ont posé des difficultés de compréhension ont été expliqués par l’investigateur.
Le traitement et l’analyse des données ont été effectués au moyen du logiciel SPSS 20. Les données quantitatives ont été décrites par la moyenne et l’écart-type tandis que les données qualitatives par les proportions. La comparaison des variables qualitatives s’est faite avec le test Chi2 de Pearson avec correction de Yates ou le test exact de Fisher quand les conditions d’application de X 2 n’étaient pas réunies. La comparaison des variables a été considérée comme statistiquement significative au seuil de 5 %.
Résultats
Effectif
Sur un effectif total de 2613 soignants, 783 travailleurs des CHU de Treichville, Cocody et Angré ont participé à l’enquête soit un taux de participation de 30 %. Les taux de participation des CHU de Treichville, Cocody et Angré étaient respectivement de 37,7 %, 26,1 % et 25,7 %.
Caractéristiques sociodémographiques
La population d’étude était majoritairement de sexe féminin (51,5 %), en couple dans 65,5 % des cas et avait une moyenne d’âge de 36,7 ± 7,36 ans. Près de la moitié des agents (46,5 %) avait plus de quatre personnes à sa charge.
Caractéristiques professionnelles
Les caractéristiques professionnelles des travailleurs sont présentées dans le Tableau 1 .
Tableau 1.
Répartition des travailleurs selon les caractéristiques professionnelles.
Caractéristiques socioprofessionnelles | CHU |
Total |
|||
---|---|---|---|---|---|
Angré n = 206 n (%) |
Cocody n = 240 n (%) |
Treichville n = 337 n (%) |
Effectif, n = 783 | % | |
Catégorie professionnelle | |||||
Médecins/pharmaciens | 54 (26,2) | 108 (45) | 144 (42,7) | 306 | 39,1 |
Infirmier (e) | 68 (33) | 70 (29,2) | 86 (25,5) | 224 | 224 |
Sage-femme | 16 (7,8) | 17 (7,1) | 43 (12,8) | 76 | 28,6 |
Technicien supérieur de la santé | 9 (4,4) | 17 (7,1) | 14 (4,2) | 40 | 5,1 |
ASH/sides-soignants | 59 (28,6) | 28 (11,7) | 50 (14,8) | 137 | 17,5 |
Service | |||||
Pédiatrie | 36 (17,5) | 11 (4,6) | 50 (14,8) | 97 | 12,4 |
Gynécologie-obstétrique | 24 (11,7) | 24 (10) | 28 (8,3) | 76 | 9,7 |
Médecine | 32 (15,5) | 33 (13,7) | 97 (28,8) | 162 | 20,7 |
Chirurgie | 18 (8,7) | 80 (33,3) | 82 (24,3) | 180 | 23 |
Urgences médico-chirurgicales/anesthésie-réanimation | 53 (25,7) | 58 (24,2) | 39 (11,6) | 150 | 19,2 |
Pharmacie/laboratoire/stérilisation/radiologie | 43 (20,9) | 34 (14,2) | 41 (12,2) | 118 | 15,1 |
Ancienneté professionnellea | |||||
< 5 ans | 149 (72,3) | 100 (41,7) | 165 (49) | 439 | 56 |
5–9 ans | 40 (19,4) | 50 (20,8) | 79 (23,4) | 147 | 18,8 |
10–14 ans | 7 (3,4) | 45 (18,8) | 31 (9,2) | 81 | 10,3 |
15–19 ans | 6 (2,9) | 13 (5,4) | 31 (9,2) | 49 | 6,3 |
20–24 ans | 0 (0) | 18 (7,5) | 25 (7,4) | 43 | 5,5 |
≥ 25 ans | 4 (1,9) | 14 (5,8) | 6 (1,8) | 24 | 3,1 |
Organisation du travail | |||||
Horaire fixe | 44 (21,4) | 104 (43,3) | 88 (26) | 236 | 30 |
Horaire alterné | 162 (78,6) | 136 (56,7) | 249 (74) | 547 | 70 |
Moyenne : 6,87 ± 7,05 ans, Minimum : 1 an, Maximum : 36 ans.
Conditions de travail dans le contexte de la pandémie COVID-19
La quasi-totalité des enquêtés affirmait disposer de dispositifs de lavage, désinfection des mains (99 %) et d’EPI (93,7 %) dans leur service. Aussi n’existait-il pas de procédures de prise en charge des patients suspects ou atteints de la COVID-19 dans environ 40 % des services enquêtés. Cependant, 17,6 % d’entre eux jugeaient suffisants les mesures de prévention contre la COVID-19 (Tableau 2 ).
Tableau 2.
Répartition des travailleurs selon les conditions de travail pendant la pandémie COVID-19.
Items | CHU-A |
CHU-C |
CHU-T |
Total |
||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
n | % | n | % | n | % | n | % | |
Disponibilité de matériels de soins | 133 | 64,6 | 23 | 9,6 | 24 | 7,2 | 180 | 23 |
Disponibilité des EPI | 205 | 99,5 | 194 | 80,8 | 335 | 99 | 734 | 93,7 |
Formation concernant le port des EPI | 131 | 63,4 | 62 | 25,8 | 16 | 4,8 | 209 | 26,7 |
Procédures de PEC des patients suspects ou atteints de la COVID-19 | 195 | 94,7 | 131 | 54,6 | 145 | 43 | 471 | 60,2 |
Application des procédures COVID-19 | 176 | 90,2 | 81 | 61,8 | 51 | 35 | 308 | 65,4 |
Existence de dispositifs de lavage, désinfection des mains | 205 | 99,5 | 235 | 97,9 | 337 | 100 | 777 | 99 |
Mesures de prévention contre la COVID-19 dans le service jugé suffisantes | 84 | 40,8 | 42 | 17,5 | 12 | 3,6 | 138 | 17,6 |
Craintes par rapport à la COVID-19
La crainte d’être contaminé (81,2 %), la peur de diffuser le virus à ses proches (61,7 %), le manque d’EPI (52,7 %) étaient les principales craintes du personnel soignant par rapport à la COVID-19 (Tableau 3 ).
Tableau 3.
Répartition des enquêtés selon les craintes par rapport à la COVID-19.
Items | CHU-A, n = 206, n (%) | CHU-C, n = 240, n (%) | CHU-T, n = 337, n (%) | Total, n = 783, n (%) |
---|---|---|---|---|
Crainte d’etre contaminé | 124 (60,2) | 184 (76,7) | 330 (98) | 638 (81,2) |
Peur de mourir | 24 (11,6) | 74 (30,8) | 263 (78) | 361 (46,1) |
Peur de diffuser le virus à ses proches | 38 (18,4) | 148 (61,7) | 297 (88) | 483 (61,7) |
Manque d’EPI | 0 (0) | 103 (42,9) | 310 (92) | 413 (52,7) |
Défaillance du système de santé | 9 (4,4) | 98 (40,8) | 246 (73) | 353 (45,1) |
Absence de traitement | 11 (5,3) | 12 (5) | 276 (82) | 299 (38,2) |
Installation de la maladie dans la durée | 0 (0) | 0 (0) | 256 (76) | 256 (32,7) |
Épuisement de la réserve sanitaire des hopitaux | 0 (0) | 0 (0) | 199 (59) | 199 (25,1) |
Données médicales
Quatre-vingt-treize (93) des enquêtés soit 11,9 % présentaient au moins une pathologie chronique dominés par les lombalgies (24,7 %), l’asthme (22,5 %), le diabète (16,1 %) et l’HTA (15,1 %).
Données relatives au stress
La prévalence du stress
Dans notre étude, la prévalence du stress était donc de 24 % avec une latitude décisionnelle basse et une demande psychologique élevée (Tableau 4 ).
Tableau 4.
Prévalence du stress.
Demande psychologique | Latitude décisionnelle |
||
---|---|---|---|
Élevée, n (%) | Basse, n (%) | Total, n (%) | |
Élevée | 194 (24,8) | 188 (24) | 382 (48,8) |
Basse | 265 (33,8) | 136 (17,4) | 401 (51,2) |
Total | 459 (58,6) | 324 (41,4) | 783 (100) |
La prévalence du stress était de 31,1 % au CHU d’Angré, de 24,3 % au CHU de Treichville et 17,5 % au CHU de Cocody
Les sources de stress
Les principales sources de stress étaient les patients, les supérieurs hiérarchiques et la charge de travail dans les proportions respectives de 37,8 %, 32,4 % et 22,3 %.
Les situations de travail stressantes
Les gestes à risque d’exposition à la COVID-19 (57,4 %), les soins d’urgences (38,8 %) et l’affluence de patients (15,4 %) constituaient les situations de travail qui généraient le stress chez le personnel soignant (Tableau 5 ).
Tableau 5.
Répartition des agents selon les situations de travail stressantes.
Situations de travail stressantes | CHU |
|||
---|---|---|---|---|
CHU-A n = 64 n (%) |
CHU-C n = 42 n (%) |
CHU-T n = 82 n (%) |
Total n = 188 n (%) |
|
Soins d’urgences | 11 (17,2) | 15 (35,7) | 47 (57,3) | 73 (38,8) |
Affluence des patients | 7 (11) | 8 (19) | 14 (17,1) | 29 (15,4) |
Contraintes liées au travail de nuit | 8 (12,5) | 9 (21,4) | 3 (3,6) | 20 (10,6) |
Gestes à risque d’exposition à la COVID-19 | 38 (59,4) | 24 (57,1) | 46 (56,1) | 108 (57,4) |
Autres (port permanent du masque, manque de personnel et de matériels…) | 11 (17,2) | 5 (12) | 4 (4,9) | 20 (10,6) |
Résultats analytiques
Il existait un lien statistique significatif entre la survenue stress et le nombre de personnes à charge (p = 0,036), la catégorie ASH (p = 0,036), l’ancienneté professionnelle (p = 0,0002) et l’insuffisance de mesures contre la COVID-19 (p = 0,032) (Tableau 6 ).
Tableau 6.
Lien entre le stress et les caractéristiques socio-professionnelles et médicales.
Variables | État du travailleur |
Valeur de p | |
---|---|---|---|
Stressé, n (%) | Non stressé, n (%) | ||
Nombre de personnes à charge | |||
Aucun | 15 (8) | 51 (8,6) | 0,447 |
1–3 | 89 (47,3) | 264 (44,4) | 0,036 |
≥ 4 | 84 (44,7) | 280 (47) | 0,387 |
Catégorie professionnelle | |||
Médecin/pharmacien | 63 (33,5) | 243 (40,8) | 0,253 |
Infirmier (e) | 58 (30,8) | 165 (27,7) | 0,546 |
Sage-femme | 21 (11,2) | 56 (9,4) | 0,672 |
Aides-soignants | 31 (16,5) | 79 (13,3) | 0,590 |
Technicien supérieur de santé | 6 (3,2) | 3 (5,5) | 0,482 |
ASH | 9 (4,8) | 17 (2,8) | 0,036 |
Service | |||
Chirurgie | 60 (32) | 120 (20,2) | 0,317 |
Médecine | 17 (9) | 145 (24,4) | 0,527 |
Urgences médico-chirurgicales et réanimation | 42 (22,3) | 114 (19,2) | 0,625 |
Pédiatrie | 19 (10,9) | 87 (14,6) | 0,231 |
Gynécologie-obstétrique | 24 (12,8) | 52 (8,7) | 0,434 |
Radiologie/pharmacie/laboratoire | 30 (16) | 88 (14,8) | 0,543 |
Ancienneté professionnelle | |||
< 5 ans | 94 (50) | 238 (40) | 0,0002 |
5–9 ans | 45 (24) | 121 (20,3) | 0,377 |
10–14 ans | 23 (12,2) | 121 (20,3) | 0,157 |
15–19 ans | 14 (7,4) | 30 (5) | 0,665 |
20–24 ans | 9 (4,8) | 45 (7,6) | 0,175 |
> 25 ans | 5 (2,6) | 42 (7) | 0,310 |
Disponibilité d’EPI | |||
Présence | 182 (97) | 552 (93) | 0,625 |
Absence | 6 (3) | 43 (7) | |
Suffisance de mesures | |||
Oui | 23 (12,2) | 116 (19,5) | 0,032 |
Non | 165 (87,2) | 479 (80,5) | |
Absence | 163 (86,7) | 527 (88,6) |
Discussion
Nous avons conduit une étude multicentrique transversale à visée descriptive et analytique du phénomène de stress chez le personnel soignant des trois CHU d’Abidjan dans le contexte de la pandémie à COVID-19. La réorganisation des services, les gestes barrières ont entraîné une réduction significative des contacts de personne à personne. Tous ces facteurs ont rendu difficile l’accessibilité et la disponibilité des travailleurs.
Données socioprofessionnelles
La prédominance féminine observée dans notre étude (51,5 %) confirme les tendances nationales et internationales des effectifs des ressources humaines en santé [7]. La moyenne d’âge des agents de soins était de 36,7 ± 7,36 ans, avec une prédominance de la tranche d’âge 30–39 ans (54,9 %). Rümeysa notait un âge moyen de 36,05 ± 8,69 dans son étude portant sur la dépression, anxiété, niveaux de stress des médecins et facteurs associés dans les pandémies de COVID-19 à Istanbul en Turquie [8]. Il s’agit d’une population relativement jeune chez laquelle la survenue du stress pourrait poser un problème de mal être au travail. La population d’étude était composée en majorité du personnel paramédical dans 60,9 % des cas. Laraqui et al. ont retrouvé dans leur étude une prédominance des personnels paramédicaux à 68,5 % [9]. Ces soignants exerçaient leur profession depuis moins de 5 ans (56 %). Chekole et al. notaient dans leur étude que l’expérience professionnelle des prestataires de soins était d’un à cinq ans (53,3 %) [10]. Les agents de soins effectuaient un travail posté (70 %). La nécessité de la continuité des soins explique que plus des deux-tiers des soignants aient des horaires de travail alternés. Ce type d’organisation du travail est incriminé dans la littérature comme favorisant la survenue d’affections psychosociales comme le stress [11].
Les principales craintes exprimées par le personnel soignant en rapport avec la COVID-19 la peur d’être contaminé (81,2 %), la peur de transmettre le virus à ses proches (61,7 %), le manque d’EPI (52,7 %). Nos résultats corroboraient ceux de la littérature où les craintes de contracter le virus et d’infecter leur propre famille ont été spécifiquement prises en compte comme étant facteurs de stress lié à la COVID-19 [12].
Données médicales
Les antécédents médicaux dans notre étude étaient dominés par les lombalgies (24,7 %) et l’asthme (22,6 %). Nos résultats concordaient avec ceux de Laraqui au Maroc qui retrouvait que plus du tiers (34,6 %) des agents interrogés avaient rapporté une ou plusieurs maladies chroniques avec une prévalence de 23,5 % pour les troubles musculosquelettiques et 16 % pour les pathologies respiratoires [13]. La préexistence de tares telles que l’asthme sont des facteurs susceptibles d’être des terrains favorisant la contamination et la survenue de cas graves de la COVID-19. Ceci pouvant être un facteur de risque de survenue de stress.
Étude du stress
La prévalence du stress dans notre étude était de 24 %. Cette prévalence relativement élevée du stress chez les soignants confirme l’importance du risque dans le secteur de la santé. Cela pourrait s’expliquer par la rapidité de diffusion, les connaissances limitées et la sévérité de la maladie et la mort parmi les soignants. Cependant, elle diffère d’une étude à l’autre en fonction du type de questionnaire proposé, des scores utilisés, de la population cible de la période et du lieu de l’enquête [14], [15].
Dans notre étude, le stress des agents provenait essentiellement des patients (37,8 %). Les gestes à risques d’exposition à la COVID-19, les soins d’urgences et l’affluence des patients étaient les principales situations de travail incriminées dans la survenue du stress dans les proportions respectives de 57,4 %, 38,8 % et 15,4 %. En effet, le tri des patients à l’entrée des CHU d’Abidjan n’était correctement pas suivi et le circuit patient n’était pas clairement défini. Aussi les malades et leurs accompagnants arrivaient bien souvent aux urgences sans protection respiratoire. La distanciation sociale était très limitée dans les services comme les urgences dans notre contexte.
Par ailleurs, les craintes de contracter la maladie et/ou de mourir, la rapidité de diffusion, les connaissances limitées, la sévérité, l’évolution incertaine de la pandémie sont autant de facteurs qui pourraient expliquer ces sources et situations de stress.
Étude analytique
La recherche de facteurs favorisant la survenue du stress en analyse bi-variée a permis de noter que les soignants ayant un nombre de personnes à charge compris entre 1 et 3 personnes (p = 0,036) sont susceptibles de développer un stress au travail. Cela s’explique par le fait que dans la culture africaine, un travailleur qui a un emploi stable fait face à des dépenses supplémentaires provenant de sa famille élargie. Cette situation en plus de la crainte de propager la maladie à leurs proches est susceptible d’augmenter les charges des salariés, donc des préoccupations d’ordre financières et psychologiques.
Nous avons retrouvé dans notre étude un lien statistiquement significatif entre la profession d’ASH (p = 0,036) et la survenue de stress. En effet, ces agents sont en contact direct avec les patients hospitalisés pour le nursing et participent à la collecte de la literie, du matériel de soins. Ainsi, la surcharge du travail vu la réduction des effectifs durant la pandémie, les fortes exigences et la faible marge de manœuvre des agents pourrait expliquer cette corrélation. Laraqui et al. ont confirmé l’association entre stress et personnels paramédicaux [9]. Nous avons également retrouvé dans notre étude que le stress survenait chez les travailleurs ayant une ancienneté professionnelle inférieure à 5 ans. Le manque d’expérience et la peur de faire des erreurs peuvent expliquer cette association.
Enfin, nous avons retrouvé dans notre étude un lien entre l’insuffisance de mesures contre la COVID-19 et la survenue de stress (p = 0,032). La disponibilité des EPI selon majorité des agents enquêtés (93,7 %), l’existence de points de lavage et désinfection des mains ou l’application des procédures (65 %) ne justifiaient pas le caractère suffisant des mesures contre la COVID-19. En effet, moins du tiers (26,7 %) n’avait reçu aucune formation sur le port de ces équipements (Masques FFP, combinaisons...). Aussi les points de lavage et désinfection des mains existaient au niveau des CHU mais n’étaient pas souvent fonctionnels ou étaient dépourvus de matériels d’hygiène (savons ou de gels hydro-alcooliques). Ce lien pourrait également s’expliquer par la crainte qu’inspirait la pandémie.
Ce résultat est similaire … ceux de la littérature où le manque de protocoles pour le traitement de la COVID-19, la rareté du matériel etc. ont été identifiés comme facteurs de survenue de stress [12], [16].
Conclusion
Dans ce contexte de pandémie à COVID-19, l’émergence des risques psychosociaux dont le stress est une problématique d’actualité y compris pour le personnel hospitalier. Notre enquête a permis de préciser la prévalence, les facteurs de risque du stress chez le personnel soignant des trois CHU d’Abidjan. Ces constats imposent la mise en place d’une politique de prévention intégrant la gestion du stress en milieu hospitalier en période de pandémie. Les mesures telles que la mise en place d’une cellule d’écoute et la formation sur le stress pourraient être envisagées.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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