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. 2022 Sep 8;6(3):172–180. [Article in French] doi: 10.1016/j.pxur.2022.07.001

Transport aérien de l’oxygène en cabine et en soute : risques, réglementation et pratiques en situation de crise

Air transport of oxygen in the cabin and in the hold: Risks, regulations and practices in crisis situations

Arnaud Derossi 1
PMCID: PMC9453289

Abstract

Jamais autant que dans la crise COVID-19 actuelle l’oxygène (O2) n’a joué un si grand rôle, sous toutes ses formes de production. Il était donc tout naturel que ce gaz, commun mais précieux en situation de crise, soit à la fois un élément clef et une contrainte forte au transport en avion de patients contaminés par la COVID-19. L’O2 est en effet considéré par l’industrie du transport aérien comme un « dangerous good » du fait de ses propriétés comburantes pouvant favoriser un incendie en vol, ainsi que par son conditionnement sous pression, avec les risques associés. Il est donc tout naturel que, depuis l’essor massif du transport aérien au milieu du 20e siècle, des normes, réglementations et recommandations, plus ou moins contraignantes, aient été mises en place. Ceci n’est pas sans amener des contraintes et limitations importantes à la capacité de transporter en avion simultanément un grand nombre de patients oxygéno-requérants, mais est également un élément important de garantie de sécurité afin d’éviter que, poussées par le besoin médical ou logistique, des équipes médicales ne soient tentées de sortir du cadre, au risque d’aller vers un incident en vol pouvant s’avérer dramatique. Pour le futur, certaines pistes prometteuses seraient à explorer, en particulier les concentrateurs d’oxygène de forte capacité.

Mots clés: Oxygène, Rapatriement sanitaire, Évacuation sanitaire, Covid-19, Concentrateur d’oxygène

Introduction

Compte-tenu de la baisse de pression atmosphérique régnant en altitude dans la cabine d’un avion, et donc de la diminution de la pression partielle en oxygène (O2), il était normal que, très tôt dans l’essor de l’aviation commerciale, de l’O2 soit embarqué à bord des avions, pour assurer le confort ou la sécurité des passagers et des équipages [1], [2], [3], [4].

Au quotidien, la pressurisation de la cabine (initialement à une altitude-cabine maximale de 8 000 pieds, aujourd’hui plutôt de l’ordre de 6 000 pieds avec les avions les plus modernes) permet de s’assurer que la baisse de pression partielle en O2 reste compatible avec le confort et la bonne santé des passagers (Figure 1, Figure 2 ).

Figure 1.

Figure 1

Principe de la pressurisation de la cabine. Circuits d’arrivée d’air frais (extérieur) et d’air recyclé (https://faq-fra.aviatechno.net/avion/faql11.php).

Figure 2.

Figure 2

Schéma de l’altitude-cabine. Durant le vol, la pression régnant en cabine va diminuer beaucoup plus lentement que celle régnant à l’extérieur (https://www.cockpitseeker.com/wp-content/uploads/atpl/040/course/chap2.pdf).

Il est cependant nécessaire d’emmener à bord de l’O2 supplémentaire, afin de pallier un éventuel incident médical ou une dépressurisation inattendue.

Oxygène embarqué

Cet O2 pourrait être fourni sous diverses formes et chacune de ces formes de production de l’O2 a ses avantages et ses inconvénients dans un environnement aéronautique.

O2 gazeux sous pression

C’est la forme la plus commune, bouteilles d’O2 fixes ou mobiles, certifiées pour un usage aéronautique, et contenant de l’O2 sous pression en général à 127 bar pour les bouteilles aviation (Figure 3, Figure 4 ).

Figure 3.

Figure 3

Différentes tailles de cylindres d’O2 aviation (source Caspaerospace : https://caspaerospace.com/bouteille-doxygene-et-regulateur-doxygene/).

Figure 4.

Figure 4

Conditionnement cylindre O2 aviation pour fixation au sol (source Issoire Aviation : https://www.issoire-aviation.fr/kit-oxygene-en.php).

L’O2 gazeux sous pression est sous pression, dans un environnement lui-même en pression réduite : ce différentiel de pression intérieur/extérieur n’est pas sans risque. L’O2 gazeux sous pression présente par ailleurs l’inconvénient de faciliter les incendies. Il est en revanche facile à mobiliser et à dispenser. Il est donc utilisé essentiellement comme O2 dit de subsistance pour les passagers et l’équipage (en cas de dépressurisation) et comme O2 dit de sécurité (dans le cas où un passager présenterait un problème médical inattendu nécessitant l’apport d’O2 supplémentaire).

O2 liquide (LOX)

C’est de l’O2 liquéfié conservé à -182 °C, dans un contenant spécial adapté à l’usage aéronautique (Fig. 5 ).

Figure 5.

Figure 5

Contenant d’O2 liquide (source Essex Industries : https://essexindustries.com/products-home/liquid-oxygen-equipment/).

L’O2 liquide offre l’avantage d’apporter, sous un très faible volume liquide, un très grand volume d’O2 gazeux [5], [6], [7]. Le contenant utilisé n’est cependant structurellement pas étanche, et il existe donc un risque non négligeable de fuite de liquide, qui pourrait ainsi s’infiltrer dans des compartiments ou conduites techniques sous le plancher de la cabine, et mener à des incidents ou accidents graves. C’est la raison pour laquelle l’O2 liquide est interdit sur les vols commerciaux et reste très peu utilisé dans l’aviation civile (essentiellement aux USA, à bord de certains hélicoptères sanitaires). Il est par contre utilisé dans le domaine militaire à bord de certains avions de chasse, comme O2 de subsistance pour les pilotes.

O2 dit chimique

Il s’agit en fait d’un générateur chimique d’O2 ; une réaction exothermique va permettre la libération d’O2 à partir d’un superoxyde inorganique (Figure 6, Figure 7 ).

Figure 6.

Figure 6

Principe du générateur chimique d’O2 (source : Wikipedia).

Figure 7.

Figure 7

Schéma d’un générateur d’O2 pour masque d’avion (source : Wikipedia).

L’O2 chimique permet un stockage de très longue durée (plus de 20 ans) sans aucune maintenance dès lors qu’il est correctement stocké. Son stockage et sa manutention sont relativement faciles. Il a donc été utilisé de longue date en aérospatial (par exemple certains vaisseaux spatiaux habités soviétiques, la station spatiale internationale (ISS) ainsi que les masques à O2 de subsistance de très nombreux modèles d’avions civils qui tombent au-dessus des passagers en cas de dépressurisation, si l’altitude-cabine dépasse environ 4 000 mètres), mais aussi à bord de sous-marins. Inconvénient, une fois que la cartouche (située au sommet de la bougie) est percutée, il n’est plus possible d’arrêter la réaction chimique et l’O2 est délivré jusque consommation de toute la bougie, soit selon les modèles de quelques minutes à quelques heures. Autre inconvénient majeur, la réaction chimique utilisée est exothermique, avec des températures de 400 à 600 °C et donc un risque important d’incendie, voire même d’explosion, en cas de défaut technique.

Concentrateur d’O2 (appelé parfois extracteur d’O2)

Il s’agit d’un tamis moléculaire qui va enrichir en O2 l’air atmosphérique, par adsorption préférentielle de l’azote (Figure 8, Figure 9 ).

Figure 8.

Figure 8

Concentrateur d’O2 pour transport en cabine d’avion de ligne (source Oxigo : https://www.oxigo.co/fr/chart-sequal-eclipse-5.html).

Figure 9.

Figure 9

Concentrateur d’O2 pour avion militaire (source : Air Liquide : https://advancedtech.airliquide.com/obogs-military-cargo-aircraft).

Le concentrateur d’O2 portable présente l’énorme avantage d’être une source illimitée d’air enrichi en O2 (de l’ordre de 85 à 95 %), dès lors qu’une alimentation électrique est possible (batterie intégrée ou accès à une alimentation externe). Les débits sont cependant faibles pour les petits appareils portables et agréés pour un usage en avion, de l’ordre de 3 l/mn en flux continu (ou 6 l/mn en discontinu, délivré à la demande de manière pulsée) [8], [9], [10].

Il existe donc de très nombreuses sources d’O2, mais seul l’O2 gazeux sous pression peut être utilisé relativement facilement à bord des avions civils pour répondre aux besoins de patients de réanimation. Cependant, du fait des risques représentés, cet emport d’O2 y est fortement contrôlé et soumis à des recommandations, voire des réglementations internationales. C’est en effet un « dangerous good », un bien dangereux, qu’il n’est pas possible de transporter ou utiliser en avion sans respecter certaines règles, aboutissant ainsi à l’interdiction à bord des bouteilles d’O2 non certifiées aviation.

Quels sont les risques ?

L’incendie

Les incendies en vol ont très souvent une origine électrique, qu’il soit lié à l’équipement technique de l’appareil (panne ou défaut de conception), à l’équipement de cabine (mini fours équipant les espaces réservés au personnel navigant, souvent utilisé pour préparer les repas ou galleys) ou encore à du matériel électrique ou électronique embarqué par les passagers (en particulier depuis l’apparition des batteries au lithium).

Mais l’O2 n’est pas en reste, et peut également être impliqué. L’O2 n’est bien sûr pas un gaz inflammable, mais c’est un comburant et il peut donc initier ou favoriser un incendie. Il s’agit d’une situation pouvant rapidement devenir dramatique à bord d’un avion en vol, à la fois par l’incident difficile à contrôler et les fumées toxiques, mais aussi par l’atteinte à l’intégrité des éléments techniques et commandes de vol qui peut mettre l’appareil et ses passagers en danger.

Un tel incendie peut survenir soit du fait d’un défaut de conditionnement ou de stockage (oxygène chimique en particulier), soit du fait d’un défaut de maintenance (par exemple présence d’impuretés ou de matières grasses dans un circuit d’O2 sous pression).

L’incendie le plus tragique provoqué en vol par une bougie d’O2 chimique est celui survenu en 1996 aux USA, sur un DC9. Le vol ValueJet 592 décolle de Miami le 11 mai 1996 à 14h04, avec 105 passagers à bord. Il doit rejoindre Atlanta en 1 heure 30 de vol. À 14h10, un bruit sourd est entendu en soute et l’avion perd subitement une partie de son alimentation électrique. À 14h11 un incendie est constaté en cabine et les systèmes électriques et commandes de vols sont progressivement tous défaillants. À 14h13 l’appareil s’écrase dans les Everglades, il n’y a pas de survivant.

L’enquête montrera que l’incendie s’est développé dans la soute, provoqué par le transport en fret de façon inadaptée de générateurs chimiques d’O2, qui se sont enflammé au décollage sans doute à la suite des mouvements et vibrations alors qu’ils étaient mal conditionnés (Fig. 10 ).

Figure 10.

Figure 10

Bougie d’O2 chimique défectueuse du vol ValueJet 592 (source : Wikipedia).

Deux autres accidents similaires, moins graves, avaient été constatés quelques années auparavant :

  • en 1986, un DC10 de la compagnie ATA Airlines a été détruit au sol à Chicago, sans faire de victime, par l’incendie provoqué par des générateurs chimiques d’O2 ;

  • en 1988, un MD80 de la compagnie American Airlines, effectuant un vol de Dallas à Nashville avec 120 passagers, a présenté un feu en soute, avec fumées en cabine, sans pour autant que le vol ne soit dérouté. L’incendie en soute a été confirmé à l’atterrissage et maîtrisé au sol sans faire de victime.

À la suite de ces trois incendies, de nouvelles normes ont été édictées, en particulier en ce qui concerne le transport de tels produits dangereux, mais également pour imposer la mise en place de détecteurs de fumées et détecteurs d’incendie dans toutes les soutes des avions de ligne.

À noter bien sûr que l’O2 est un comburant. Même si ce gaz n’est pas lui-même explosif ou inflammable, il peut favoriser la survenue d’un incendie (en particulier en cas de présence d’impuretés ou de matières grasses dans le circuit d’O2 ou au niveau des connexions), ou l’entretenir et l’accroître, en particulier si son taux dans l’air vient à augmenter.

Ceci est illustré en particulier par le fait que les matériaux présents dans la cabine d’un avion sont garantis ininflammables uniquement dans la mesure où le taux d’O2 n’excède pas 23 %. Au-delà de ce seuil un matériau réputé ininflammable peut tout à fait prendre feu.

La pression

Voler implique de monter en altitude, et donc d’être exposé à une diminution importante de la pression atmosphérique. De 760 mm Hg au niveau de la mer, la pression passe aux alentours de 200 mm Hg à l’altitude croisière des jets civils. Entre autres conséquences, on note bien sûr une baisse de la pression partielle en O2 et donc une hypoxie sévère chez les passagers qui, à l’altitude croisière des jets moderne, serait incompatible avec le transport aérien de ceux-ci si aucune mesure n’était prise pour compenser la baisse de pression.

Hormis l’emport d’O2 dans les avions afin de compenser si besoin l’hypoxie, c’est la voie de la pressurisation qui a été choisie afin de permettre en toute sécurité la montée à des altitudes de vol élevées, et c’est donc la raison pour laquelle, depuis le début des années 1950s, des standards internationaux fixent l’altitude-cabine maximum acceptée sur les avions civils.

Ce terme d’altitude-cabine est une façon simple de se représenter la pression ambiante en cabine : c’est l’altitude équivalente en atmosphère standard à laquelle on retrouverait la même pression que dans la cabine. Son niveau est un savant compromis entre le confort des passagers et les contraintes structurelles de l’avion liées au différentiel de pression entre l’extérieur et l’intérieur de la cabine.

Depuis 1948, des règlements internationaux fixent l’altitude-cabine maximum qui ne peut être dépassée en altitude de croisière. Cette limite est à 8 000 pieds (soit 2 438 mètres), lorsque l’altitude de vol de 35 000 pieds (10 000 mètres) est atteinte, et c’est celle utilisée par les avions les plus anciens. Les avions plus récents (Airbus A380, Airbus A350, Boeing 787 par exemple) ont fait le choix d’une altitude-cabine plus basse, de l’ordre de 6 000 pieds (1 828 mètres) afin d’améliorer le confort des passagers, grâce à des matériaux de fuselage plus résistants et plus légers permettant un différentiel de pression plus important.

Tout ceci pour expliquer que la variation de pression en cabine est une vraie contrainte durant un vol, et que celle-ci est gardée sous contrôle grâce à une pressurisation raisonnée, au bénéfice des passagers. Mais l’emport dans cet environnement d’un gaz sous pression, tel que de l’O2, peut donc poser problème :

  • il s’agit d’un gaz sous pression importante,

  • dans un contenant métallique ou composite, pouvant donc projeter des débris dangereux,

  • dans un environnement de dimension réduite (cabine ou soute),

  • où sont présents un grand nombre de personnes (passagers) ou d’éléments techniques critique à la sécurité du vol.

Quels sont les risques ? Hormis le risque de déclenchement ou d’aggravation d’un incendie mentionné plus haut, directement lié au caractère comburant de l’O2, le simple fait d’être sous pression est un risque important.

Même si exceptionnels, des explosions de contenant d’O2 sous pression sont déjà occasionnellement décrites dans leur usage quotidien au sol, que ce soit au niveau de la bouteille elle-même (exceptionnel) ou du détendeur.

C’est heureusement infiniment plus rare en vol.

Le 25 juillet 2008, un Boeing 747 de la compagnie Qantas, en provenance de Londres, décolle de son escale technique de Hong Kong, à destination de Melbourne ; il s’agit du vol QF30 avec 346 passagers et 19 membres d’équipage. Il est 9h00 du matin. À 10h17, à une altitude de 29 000 pieds, les passagers entendent une très forte explosion, et un trou apparaît dans le plancher juste devant une des portes, en milieu de cabine. En même temps on constate une très rapide dépressurisation de la cabine, les masques à O2 tombent automatiquement et de très nombreuses alarmes techniques se déclenchent dans le cockpit ; les pilotes doivent en urgence descendre en quelques minutes à une altitude de 10 000 pieds pour rejoindre un niveau permettant une oxygénation suffisante des passagers, puis permettre un déroutement et un atterrissage en urgence à l’aéroport de Manille, Philippines. L’atterrissage se passe heureusement sans problème, il n’y a aucun blessé. À l’inspection visuelle on constate tout de suite un grand trou sur le fuselage : un segment de 2 m sur 1,50 mètre manque sur le côté droit du fuselage, sous l’aile (Figure 11, Figure 12 ).

Figure 11.

Figure 11

Dégâts sur le vol QF30. Perte de fuselage du Boeing 747 (source aviations-accidents.net : https://www.aviation-accidents.net/qantas-boeing-b747-438-vh-ojk-flight-qf30/).

Figure 12.

Figure 12

Cylindre d’O2 défectueux disparu (source Australian Transport Safety Bureau : https://www.atsb.gov.au/publications/investigation_reports/2008/aair/ao-2008-053.aspx).

L’enquête démontrera qu’à la montée en altitude, après le redécollage de Hong Kong, une des bouteilles d’O2 de subsistance de l’avion a explosé ; plus exactement la partie haute de la bouteille et le détendeur se sont séparés du corps de la bouteille. Celui-ci, projeté très violemment vers le bas, a emporté près de 2 m2 de fuselage avant de disparaître dans la mer près de 9 000 mètres plus bas, tandis que le détendeur a été projeté vers le haut, a traversé le plancher de la cabine avant de heurter et déformer la poignée d’ouverture d’une des portes.

Cet incident rarissime a pu être étudié en détail et il n’y a pas d’explication probante à celui-ci, hormis peut-être un défaut structurel ou un défaut de maintenance de la bouteille. Il illustre en tout cas parfaitement les conséquences dramatiques d’une explosion de bouteille d’O2 en vol et, en soi, justifie complètement les très nombreuses normes et recommandations régissant la fabrication des bouteilles d’O2 aviation, sa maintenance et son utilisation, afin de minimiser les risques.

Solutions et standards

Au vu des conséquences importantes mentionnées ci-dessus, de très nombreuses recommandations et standards ont donc été mis en place depuis des décennies, essentiellement par des instances nord-américaines (Federal Aviation Administration - FAA ; Department of Transport - DOT) et plus récemment européennes (European union Aviation Safety Agency - EASA) détaillant la façon dont les contenants destinés à un usage aéronautique doivent être conçus, dessinés puis maintenus, ainsi que la façon dont ils doivent être remplis, puis installés et utilisés dans les avions.

Au fil des années et des publications des instances de régulation, c’est maintenant un véritable millefeuille de réglementations qui s’applique à l’emport de bouteilles d’O2 certifiées pour l’usage en avion, le message-clef étant que seules ces bouteilles agréées peuvent être embarquées en soute ou en cabine. Une bouteille d’O2 standard, telle que celles utilisées dans une ambulance, ne peut embarquer sur un avion que si elle est complètement vide.

Ces réglementations s’appliquent à divers niveaux :

  • le contenu lui-même. Selon la norme ISO 2046 :1973, il doit s’agir d’O2 à 99,5 %, avec un maximum de 5 mg/m3 d’eau et de 60 ppm d’hydrocarbures. C’est donc un O2 sec, au contraire de l’O2 médical. Ceci est rendu nécessaire afin d’éviter la corrosion des circuits (et donc le risque de la présence d’impureté telle que des particules de rouille, pouvant initier un incendie) ainsi que le givrage de ceux-ci.

Le contenant est important et des normes de l’US Department of Transport décrivent la conception des bouteilles :

  • en acier, aluminium ou matériau composite,

  • présence de points de faiblesse permettant en cas de surpression d’éviter en partie l’explosion et permettant plutôt une éventration sans projection de débris,

  • présence d’une valve de surpression s’ouvrant si la pression du contenu dépasse une certaine limite, avec vidange totale de la bouteille en quelques minutes (peut survenir si la bouteille reste trop longtemps au soleil, mais aussi si elle est positionnée dans l’avion au sol juste devant une sortie d’air chaud).

La maintenance n’est pas en reste, et il est imposé un retour en atelier tous les cinq ans pour une réépreuve qui va permettre de vérifier le comportement de la bouteille lors de la mise sous pression, et d’effectuer une inspection interne à la recherche de criques ou de défauts de structure. La date de la réépreuve est frappée sur le corps de la bouteille, dont la durée de vie est de 25 ans. À noter qu’il ne faut jamais vider complètement une bouteille d’O2 aviation, faute de quoi elle devrait partir en réépreuve avant de pouvoir être remplie.

Une multitude de couches successives de normes et recommandations s’est donc constituée au fil du temps, depuis des décennies.

Ce sont par exemple tout d’abord les normes US DOT 3A, DOT 3AA, DOT-FRP-1 & 2 (janvier 1987), puis DOT CFFC (mars 2007) qui vont décrire ces contenants.

En décembre 2006, ce sont ensuite les recommandations européennes non contraignantes EASA CM-ECS-001 qui s’appliquent aux systèmes d’O2 embarqués fixes ou mobiles.

En 2010, les normes ISO (Organisation internationale de normalisation) 7866, ISO 9809-1, 2 & 3 vont renforcer les recommandations concernant le dessin, la construction et la maintenance des bouteilles d’O2 aviation. Celles-ci sont complétées en juillet 2012 par la norme ISO 11119-1, 2 & 3.

Enfin, en août 2011, l’Europe qui s’y intéresse à nouveau avec les standards EASA Appendix J to CS25 (Medical Evacuation) qui s’appliquent à l’utilisation des bouteilles d’O2 aviation dans le cadre des évacuations/rapatriements sanitaires. Ils sont complétés en mai 2018 par l’EASA ETSO 2C512 s’appliquant aux systèmes d’O2 portable.

Par ailleurs, les hélicoptères ne sont pas oubliés. Il est clair que les contraintes sont différentes de celles des appareils à voilures fixes : vols beaucoup plus courts, altitude de vol en général peu importante, pas de pressurisation et variations de pression faibles. C’est pourquoi les recommandations US FAA AC27-1B & AC29-2   C (retrouvées également dans l’équivalent européen EASA CS 27 & CS 29) sont relativement tolérantes et permettent une certaine flexibilité dans le choix des contenants, autorisant ainsi l’emport pour les voilures tournantes de bouteilles d’O2 standard, non-certifiées aviation, telles que celles qu’on trouve au sol dans les ambulances.

Quant aux concentrateurs d’O2, ils sont eux-mêmes concernés par des recommandations, la Federal Aviation Agency ayant la première réglementé (et surtout listé) les appareils autorisés en vol (FAA 14CFR Parts 11 & 121, Use of Certain Portable Oxygen Contrator Devices Onboard Aircrafts, Final Rule).

C’est par conséquent un vrai carcan réglementaire qui contraint sévèrement l’utilisation de l’O2 en avion, mais aussi et surtout poursuit l’objectif de la sécurité des passagers et équipages, en limitant les risques d’incident grave en vol ou au sol.

Solution innovante éprouvée en situation de crise COVID-19

L’O2 est donc à la fois indispensable lors de l’organisation de rapatriements sanitaires (surtout en situation de crise, lorsque des évacuations médicales de masse sont rendues nécessaires) et difficilement utilisable du fait des risques et contraintes évoqués [11], [12].

En activité régulière, sur un vol commercial, seules quatre bouteilles d’O2 aviation sont autorisées, soit environ 13 000 litres d’O2 gazeux. Ceci correspond à deux civières autorisées par avion, avec deux cylindres par civière.

Ce sont les autorités de l’aviation civile du pays d’enregistrement de l’avion (pour la France la Direction générale de l’aviation civile - DGAC) qui se chargent de ces réglementations et de leur bonne application.

En situation de crise, lorsqu’il est nécessaire d’affréter un avion civil afin d’effectuer une évacuation médicale de masse, il sera nécessaire que l’opérateur de cet avion ait la possibilité d’aller au-delà des deux civières et quatre bouteilles d’O2 autorisées.

C’est là que des solutions et modalités innovante doivent être envisagées, afin de permettre d’aller au-delà de ce qui est autorisé en usage quotidien, tout en préservant la sécurité.

C’est par voie de conséquence une dérogation qui doit être éventuellement obtenue auprès de l’autorité de l’aviation civile pertinente, après une étude de risques effectuée par les bureaux d’étude de l’opérateur et de l’aviation civile, à propos des civières supplémentaires, mais aussi surtout des bouteilles d’O2 supplémentaires.

Ce sont toutes ces règles et contraintes dont il a fallu tenir compte afin de permettre le récent pont aérien massif entre les Antilles françaises et la métropole, qui a permis le transport de 136 patients COVID-19 intubés-ventilés, sur des vols directs de plus de huit heures, sous l’égide du Ministère en charge de la santé et la coordination médicale des SAMU, et nécessitant l’emport de 60 000 litres d’O2 gazeux par vol.

L’objectif étant de transporter sur un seul avion le plus grand nombre possible de patients, tout en garantissant les meilleures conditions de prise en charge médicale et logistique, il a donc fallu progressivement augmenter le nombre de bouteilles et donc le volume gazeux embarqué, par des études de risque et des discussions avec l’opérateur et les autorités de l’aviation civile, pour aboutir à des dérogations, tout d’abord pour un premier vol avec neuf bouteilles d’O2 Aviation (à 127 bar, soit 3 250 litres), soit près de 30 000 litres et quatre civières.

Cette première approche a nécessité d’étudier le schéma d’implantation des bouteilles dans la cabine, mais également l’impact éventuel d’un largage accidentel inopiné de la totalité du volume gazeux des bouteilles en cabine (avec le risque que pourrait représenter l’augmentation du taux d’O2 au-delà de 23 %). C’est la raison pour laquelle des analyseurs du taux d’O2 en cabine ont été installés sur chaque bouteille (alarme fixée à 23 %) (Fig. 13 ).

Figure 13.

Figure 13

Détecteur de dépassement du taux d’oxygène dans la cabine (source International SOS).

Après un premier vol à quatre civières et 30 000 litres d’O2, de nouvelles études et discussions ont été menées permettant de monter progressivement à 6, 8, 10 et finalement 12 civières, avec un total de 18 bouteilles d’O2 aviation (soit environ 60 000 litres d’O2 gazeux).

Dans la mesure où ce véritable pont aérien a nécessité la mise en place de deux avions Airbus A350 volant en alternance, et a culminé avec un très long vol de plus de 20 heures entre la Polynésie française et Paris (avec escale technique à Pointe-à-Pitre), ce sont au total 36 bouteilles d’O2 aviation qui ont été mobilisées, mettant en évidence une autre contrainte : la faible disponibilité sur le marché de ces contenants très spécifiques, et la nécessité pour le futur de réfléchir à d’autres méthodes de fourniture d’oxygène.

Au total, 13 vols en Airbus A350 ont été ainsi menés, permettant le transport en cinq semaines de 136 patients intubés-ventilés vers la métropole. Aucun problème technique lié à l’O2 n’a été constaté durant ces missions, et le taux d’O2 est en permanence resté aux alentours de 21 %.

Conclusion

On voit bien depuis le début de la crise COVID-19 à quel point l’O2 est un élément clef dans la réponse médicale apportée à cette situation, mais également à quel point les contraintes réglementaires liées à son utilisation peuvent empêcher l’organisation d’une évacuation aérienne médicale de masse.

Ces contraintes réglementaires sont cependant absolument nécessaires afin de garantir la sécurité des vols, et donc des passagers, en particulier en situation de crise alors que le besoin peut être tel que le manque d’habitude ou la pression ressentie pourrait inciter à sortir du cadre.

Aller au-delà impose un travail approfondi avec les bureaux d’études des opérateurs aériens, ainsi qu’avec les autorités de régulation de l’aviation civile, seule approche permettant d’aboutir à un modèle satisfaisant en termes de capacité de soins et de sécurité des vols.

Par ailleurs d’autres pistes seraient certainement à étudier, en particulier la possibilité d’embarquer et utiliser en vol des concentrateurs d’oxygène de forte capacité, permettant des débits continus de plus de 10 l/mn d’air enrichi en oxygène à plus de 95 %, délivrés à une pression de 3 Bars ; ces générateurs sont cependant lourds et nécessitent une alimentation électrique de forte puissance : Ceci demanderait des études techniques conjointes entre les fabricants d’avion, les opérateurs les mettant en vol et les autorités de régulation (par exemple DGAC en France) : il pourrait s’agir d’une voie prometteuse pour faire face à de future situations de crise similaires, pour peu que ces contraintes techniques et réglementaires puissent être surmontées.

Déclaration de liens d’intérêt

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.

Références

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