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. 2022 Dec 12;194(48):E1669–E1671. [Article in French] doi: 10.1503/cmaj.221415-f

Approche pratique en matière de prise en charge aiguë des cas probables d’ischémie cérébrale

Shelagh B Coutts 1, Michael D Hill 1,
PMCID: PMC9828985

Points clés

  • De nombreux cas d’accident ischémique transitoire (AIT) présumés peuvent en fait être des AVC mineurs.

  • La pratique optimale consiste à investiguer et à intervenir rapidement pour prévenir tout épisode invalidant ultérieur; cela repose sur une simple stratification du risque alliée à des épreuves d’imagerie neurovasculaire effectuées sans tarder.

  • Même s’il n’est pas nécessaire de procéder de façon urgente à une épreuve d’imagerie par résonance magnétique, car la stratification du risque clinique et l’imagerie neurovasculaire permettent de reconnaître adéquatement les cas les plus à risque, elle doit être effectuée dans la semaine qui suit.

  • Une approche séquentielle rigoureuse en matière de prise en charge aiguë de l’AIT et de l’AVC mineur permet d’améliorer leur issue.

Dans un article connexe, Perry et ses collègues abordent la prise en charge des patients qui présentent un accident ischémique transitoire (AIT) ou un AVC mineur1. Les experts estiment que 41 000 personnes en sont atteints chaque année au Canada ( Jessalyn Holodinsky, Université de Calgary: communication personnelle, 2022). Le spectre de la gravité de l’ischémie cérébrale symptomatique est large, allant de légère et transitoire à grave et fatale. Par définition, l’AIT est la forme la plus bénigne d’ischémie cérébrale symptomatique, elle dure en général une quinzaine de minutes ou moins2, mais elle se définit officiellement par une résolution complète de tous les signes et symptômes neurologiques en 24 heures. Toutefois, de nombreux patients désignés comme des cas d’AIT sont en fait des cas d’AVC mineur, car ils présentent des signes et symptômes neurologiques mineurs persistants qui étaient initialement passés inaperçus ou parce que leurs symptômes sont rentrés dans l’ordre, alors que les épreuves d’imagerie cérébrale montrent encore des signes d’ischémie3,4. Il est donc inutile, sur le plan clinique, de faire une distinction entre AIT et AVC mineur. La pratique optimale consiste à investiguer et à intervenir rapidement pour prévenir un AVC ischémique invalidant, ce qui repose sur une simple stratification du risque alliée à des épreuves d’imagerie neurovasculaire effectuées sans tarder.

Les épisodes mineurs d’ischémie cérébrale sont associés à un risque accru de maladie plus grave ultérieurement. Selon une étude de 2007, avant l’avènement des traitements d’urgence, le risque estimé de récurrence d’AVC ischémiques dans les 90 jours suivants s’élevait à 17 % chez les victimes d’un AIT ou d’un AVC mineur5. Or, une évaluation et un traitement rapides de l’AIT ou de l’AVC mineur peuvent ramener ce risque à 2 % ou 3 %6,7. Il faut comprendre que l’ischémie cérébrale est une urgence médicale qui demande une intervention rapide. Comme pour l’évaluation des douleurs thoraciques, on ne peut pas poser un diagnostic sur la base des symptômes cliniques seuls; on utilise l’électrocardiogramme (ÉCG) et les taux de troponine sérique en conjonction avec les symptômes cliniques pour poser le diagnostic et orienter le traitement. De même, pour évaluer avec précision l’AIT et l’AVC mineur, on se fie aux symptômes cliniques et à des épreuves d’imagerie cérébrale et neurovasculaire effectuées d’urgence8.

L’AIT ou l’AVC mineur sont des diagnostics provisoires. Les cliniciens doivent vérifier la présence de symptômes qui concernent la motricité ou le langage. Le cas échéant, le risque d’AVC évolutif ou de récurrence précoce de l’AVC au cours des 90 jours suivants est accru; dans le cas contraire, le risque est moindre. En tout respect, nous sommes en désaccord avec Perry et ses collègues, pour qui il est acceptable de reléguer l’imagerie neurovasculaire aux consultations externes1. Selon nous, en présence d’un risque élevé, on devrait procéder immédiatement à des épreuves d’imagerie cérébrale et neurovasculaire, puisque la moitié des récurrences d’AVC surviennent au cours des 48 premières heures, dont nombre d’entre elles la nuit, durant le sommeil9. L’athérosclérose intracrânienne, des carotides extracraniennes ou des artères vertébrales est la principale cause des récurrences précoces et pour laquelle il existe des traitements efficaces reconnus.

Il faut demander une angiographie par tomodensitométrie (ATDM) ou par résonance magnétique (ARM) des artères cérébrales (de la base du crâne au vertex) puisque des résultats normaux s’accompagnent d’une excellente valeur prédictive négative en ce qui concerne les récurrences précoces, ce qui signifie que le congé peut être donné sans danger, en général avec un traitement antiplaquettaire et un suivi planifié en consultation externe10. L’échographie Doppler en mode duplex des carotides est utile pour l’examen des carotides, mais non pour l’examen de la circulation postérieure ou intracrânienne, ce qui en fait un outil diagnostique incomplet. Si on note des anomalies substantielles à l’ATDM (p. ex., occlusion vasculaire, sténose > 50 %), il faut hospitaliser, et si les résultats sont normaux à l’imagerie, le congé peut être donné avec un traitement et un suivi d’urgence à la clinique. Les scores cliniques (p. ex., ABCD2 [age, blood pressure, clinical features, duration of symptoms and diabetes]) ne se sont pas révélés utiles en pratique clinique, faute de valeur discriminante adéquate11. Nous nous fions aux épisodes récents et aux symptômes concernant la motricité ou le langage (p. ex., aphasie ou dysarthrie), plutôt qu’à un score, pour le triage vers une ATDM rapide.

Même si l’imagerie neurovasculaire aide à stratifier le risque immédiat, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est essentielle pour poser le bon diagnostic. Dans une étude de cohorte multicentrique regroupant 1028 victimes d’épisodes neurologiques focaux transitoires associés à un risque faible (c.-à-d., sans signe ni symptôme aux plans de la motricité ou du langage), nous avons constaté que 13,5 % des cas manifestaient des signes d’ischémie à l’IRM12. Étant donné que l’AIT ou l’AVC mineur peuvent ne toucher qu’un très faible volume des tissus, la lésion n’est pas toujours perceptible à la TDM. Ainsi, une TDM cérébrale « négative » seule ne permet pas d’écarter un diagnostic d’ischémie et ne doit pas être interprétée comme étant rassurante ou associée à un risque faible. Même si l’examen d’IRM n’a pas besoin d’être effectué sur-le-champ, car la stratification du risque clinique et l’imagerie neurovasculaire permettent de repérer adéquatement les cas les plus à risque, elle doit se faire dans la semaine qui suit. Un protocole de dépistage rapide de l’AVC en 10 minutes pour l’IRM cérébrale (séquence axiale pondérée en diffusion, séquence FLAIR [fluid-attenuated inversion recovery] axiale, écho de gradient ou séquences pondérées pour la susceptibilité magnétique) est adéquat sur le plan clinique. Comme l’ATDM, une IRM normale est extrêmement utile, puisqu’elle comporte une valeur prédictive négative élevée, en ce qui concerne les risques d’AVC ultérieurs, et qu’elle accroît la probabilité post-test qu’il s’agisse d’un diagnostic qui imite l’AVC (p. ex., migraine). Il nous apparaît injustifié de ne pas procéder à des épreuves d’imagerie qui peuvent clairement orienter la prise en charge, d’autant plus que l’IRM et la TDM sont à présent facilement accessibles au Canada.

Nous appliquons l’approche séquentielle suivante à la prise en charge aiguë de l’AIT et de l’AVC mineur. Premièrement, nous cherchons à poser le diagnostic. Le temps que le médecin passe en revue les signes neurologiques persistant à l’examen, l’AVC est déjà installé. La distinction entre l’AIT et l’AVC mineur n’est pas pragmatiquement significative. Nous stratifions le risque clinique et tenons pour acquis que les patients ayant manifesté des symptômes concernant la motricité et le langage (p. ex., aphasie ou dysarthrie) présentent un risque élevé de récurrence; tous les autres présentent un faible risque. Nous demandons alors une TDM cérébrale sans agent de contraste pour écarter d’autres diagnostics importants, mais rares, comme l’hématome sous-dural ou une tumeur cérébrale. L’imagerie des artères suit. En général, nous procédons à une ATDM de la base du crâne au vertex au même moment que la séance de TDM cérébrale. Si l’ATDM est complètement normale (c.-à-d., aucune occlusion, athérosclérose ou dissection artérielle ni autre anomalie vasculaire), nous nous fions à la valeur prédictive négative forte de ce résultat et nous donnons congé au patient, avec un traitement antiplaquettaire et un suivi en consultation externe, incluant une IRM cérébrale (étant donné que la TDM ne permet pas d’écarter infailliblement l’ischémie mineure) au cours de la semaine qui suit. Des épreuves d’imagerie artérielle normales signifient en général que les examens plus approfondis, comme l’échocardiographie, peuvent être effectués en consultation externe; en l’absence d’autres antécédents cardiaques, la prévalence des autres sources cardioemboliques (p. ex., thrombus ventriculaire gauche, maladie valvulaire) est faible. Nous hospitalisons quiconque présente une occlusion symptomatique ou une sténose grave. En présence de grave sténose carotidienne ipsilatérale, la revascularisation urgente par endartériectomie ou endoprothèse s’impose au cours des quelques jours suivants. Nous examinons l’ÉCG, puisqu’un premier diagnostic de fibrillation auriculaire a été posé lors d’épisodes ischémiques cérébraux chez 28,6 % des cas d’une vaste cohorte albertaine13. Si la fibrillation auriculaire s’observe à l’ÉCG et que la TDM cérébrale ne montre aucune hémorragie, nous jugeons qu’il est sûr de commencer immédiatement l’anticoagulothérapie orale parce que le volume de l’ischémie cérébrale est très restreint. Une surveillance Holter n’est pas requise si l’ÉCG montre clairement une fibrillation auriculaire.

Étant donné le fardeau élevé des AIT et des AVC mineurs observés annuellement au Canada, on dispose de trop peu de neurologues experts de l’AVC pour prodiguer universellement les traitements d’urgence. Les généralistes et les urgentologues devraient connaître la pratique optimale, qui consiste à investiguer et à intervenir rapidement pour prévenir un AVC ischémique invalidant, ce qui repose sur l’utilisation d’une simple stratification du risque alliée à des épreuves d’imagerie neurovasculaire effectuées sans tarder.

Voir la revue connexe ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.220344-f; voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.221415 et la version anglaise de la revue ici: www.cmaj/ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.220344

Footnotes

Intérêts concurrents: Michael Hill signale avoir reçu du financement de NoNO, de Boehringer Ingelheim, de Medtronic, de Biogen, des Instituts de recherche en santé du Canada et d’Alberta Innovates, de même que des honoraires de consultation de Sun Pharma, indépendamment des travaux soumis. Il détient des brevets (US 62/086,077 et US 10,916,346) et des actions ou des options d’achat d’actions de Basking Neuroscience, Pure Web et Circle. Il participe à des comités de surveillance de la sécurité des données pour les essais ARTESIA, BRAIN-AF, DUMAS et Oncovir Hiltonol, et il est membre du comité directeur de l’essai OCEAN. Il est membre du conseil d’administration de Canadian Stroke Consortium et président de la Fédération canadienne des neurosciences. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.

Cet article n’a pas été révisé par des pairs.

Collaborateurs: L’auteur et l’autrice ont contribué à la conception du travail, ont rédigé le manuscrit et en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important; il et elle ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.

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