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. 2023 Jun 5;195(22):E792–EE798. [Article in French] doi: 10.1503/cmaj.220789-f

Fièvre et polysérite causées par la fièvre méditerranéenne familiale chez une jeune femme

Kayla Richard 1, Sara Glazer 1, Erkan Demirkaya 1, Natalya Karp 1,
PMCID: PMC10241540  PMID: 37277124

Points clés

  • La fièvre méditerranéenne familiale (FMF) est le trouble autoinflammatoire monogénique le plus répandu; il se caractérise par des épisodes autorésolutifs de fièvre, de polysérite et une élévation des marqueurs de l’inflammation.

  • Si les symptômes sont non spécifiques, la FMF doit néanmoins être soupçonnée chez les personnes qui présentent des épisodes fébriles récurrents accompagnés de péritonite, de pleurésie, de péricardite et de hausse du taux de protéine C réactive, surtout chez les personnes d’origine juive ashkénaze et d’autres groupes ethniques à risque.

  • Le traitement par colchicine prévient les poussées cliniques, l’amyloïdose et l’insuffisance rénale qui peuvent être associées à la maladie.

  • Le retard de diagnostic peut avoir de graves conséquences, y compris des interventions chirurgicales superflues et les complications associées à celles-ci.

En 2015, une femme de 28 ans d’origine juive ashkénaze s’est présentée en consultation au service de génétique médicale avec des inquiétudes concernant l’hypermobilité articulaire, des ecchymoses au moindre choc, la peau extensible, une dorsalgie chronique et une légère scoliose depuis l’enfance. Les diagnostics différentiels incluaient des troubles des tissus conjonctifs comme les syndromes d’Ehlers–Danlos (SED), de Marfan et de Loeys–Dietz. Elle présentait un score de Beighton élevé (6/9), correspondant à une hypermobilité articulaire, et elle n’avait aucune des caractéristiques du syndrome de Marfan ou du syndrome de Loeys–Dietz. Son échocardiogramme était normal et ses antécédents familiaux étaient sans particularités. L’analyse d’un panel de 13 gènes s’est révélée négative à l’égard du SED et elle a reçu un diagnostic clinique de SED de type hypermobile.

Au cours des 5 années suivantes, la patiente a présenté des épisodes récurrents de fièvre, de hausse de ses taux de protéine C réactive (PCR), de douleurs abdominales et d’autres symptômes (tableau 1). Même si la plupart des épisodes duraient 1–3 jours, la patiente a souvent remarqué que ces récurrences ou aggravations de ses symptômes, par exemple, fièvre ou douleurs abdominales, se manifestaient après des interventions chirurgicales.

Tableau 1:

Chronologie des événements chez une femme de 28 ans atteinte de fièvre méditerranéenne familiale

Date Durée de l’hospitalisation, j Symptômes Anomalies aux analyses de laboratoire* Diagnostic Épreuves, interventions, observations peropératoires, anatomopathologie, complications et traitements
Fièvre Douleur abdominale Autre PCR max. Autre
Février 2015 Consultation ambulatoire au service de génétique Non Non Dorsalgie, hypermobilité SO Séquençage génétique négatif pour SED
  • SED de type hypermobile

Mars 2015 Consultation ambulatoire au service de médecine Non Oui Dorsalgie, essoufflement SO Hémoglobine, 74 g/L
  • Ulcération gastrique due aux AINS

  • Endoscopie

Juillet 2016 6 Oui Oui, QIG Non 163 Lipase 100–155 U/L
  • Préopératoire : torsion ovarienne

  • Postopératoire : endométrite et rétention urinaire

  • Échographie abdominale et pelvienne : kyste ovarien gauche et impossibilité d’écarter la torsion

  • Kystectomie ovarienne laparoscopique : kyste hémorragique à l’ovaire gauche, absence de torsion

  • Complications : fièvre, rétention urinaire et douleur postopératoires traitées comme une endométrite

Juillet–août 2016 19 Non Oui, QID Nausées, vomissements 82 SO
  • Admission : appendicite

  • Congé : douleur abdominale NED, iléus postopératoire

  • Échographie abdominale : hyperémie à l’appendice, liquide libre au QID

  • Appendicectomie laparoscopique : absence de signes d’appendicite

  • Anatomopathologie : légères anomalies inflammatoires, hyperplasie lymphoïde

  • Complications : douleur abdominale postopératoire avec iléus

Octobre 2016 35 Oui (après intervention) Oui, QSD Nausées, vomissements 201 Lipase 75–81 U/L, amylase 143 IU/L
  • Admission : pancréatite

  • Congé : dysfonction du sphincter d’Oddi

  • Échographie abdominale : épaississement de la paroi de la vésicule biliaire, boue biliaire

  • CPER et pose d’endoprothèse avec papillotomie

  • Complications : hausse du taux de PCR, douleur au QID et fièvre postopératoires

Mai 2017 6 Non Non Douleur thoracique, essoufflement SO SO
  • Épanchements bilatéraux de cause inconnue

  • Radiographie pulmonaire : épanchements pleuraux, plages pulmonaires claires

  • Oxygénothérapie à bas débit pendant 48 h

Août 2017 14 Oui Oui Constipation opiniâtre, distension abdominale SO Lipase 77–220 U/L
  • Admission : volvulus

  • Congé : dilatation du côlon transverse secondaire au SED et constipation

  • TDM abdominale : exploration d’un volvulus du sigmoïde présumé

  • Sigmoïdoscopie, colonoscopie, laparotomie exploratoire : aucun signe de volvulus, côlon redondant, paroi intestinale amincie

  • Complications : douleur et fièvre postopératoires

Octobre 2017 7 Oui Oui, épigastrique Douleur, rougeur, enflure de la main gauche 55 Leukocytes 16 × 109/L
  • Cellulite

  • Antibiothérapie intraveineuse, analgésiques

Novembre 2017 10 Oui Non Douleur au cou, céphalée SO Leukocytes 18 × 109/L
  • Thrombophlébite septique (syndrome de Lemierre)

  • Échographie du cou : signe de caillot s’étendant jusqu’à la jugulaire droite et ses tributaires

  • Antibiothérapie intraveineuse

Décembre 2017 6 Oui Oui Céphalée SO Hémoculture pour SACN positive
  • Admission : infection du cathéter central

  • Congé : bactériémie

  • TDM de la tête : normale

  • Ponction lombaire, retrait du cathéter central, insertion d’une chambre à cathéter implantable (porth-a-cath)

  • Antibiothérapie intraveineuse

Décembre 2017 34 Oui Oui, QSD Céphalée, vision trouble, constipation, perte de poids SO Lipase 103 U/L, AST et ALT > 1000 U/L
  • Admission : obstruction de l’intestin grêle, AVC possible

  • Congé : obstruction de l’intestin grêle, migraine

  • IRM cérébrale avec ARM et VRM : normale

  • Échographie abdominale : hépatomégalie, splénomégalie

  • Radiographie abdominale : niveaux hydroaériques, crainte d’obstruction de l’intestin grêle

  • Laparoscopie avec lyse des adhésions

  • Pose d’une sonde de gastrostomie

Décembre 2017 4 Non Oui Céphalée, nausées, intolérance à l’alimentation SO SO
  • Dysmotilité intestinale et gastrique, intolérance à l’alimentation

  • Sonde de gastrostomie remplacée par sonde gastro-jéjunale

Avril 2018 87 Oui Oui Distension abdominale, nausées 88 Hémoculture positive à l’égard d’Escherichia coli, genre entérocoque
  • Admission : sepsis

  • Congé : distension intestinale avec translocation bactérienne, bactériémie

  • TDM abdominale : sigmoïde redondant, distension intestinale, liquide libre

  • Colectomie totale et iléostomie

  • Complications : fièvre postopératoire, douleur et intolérance à l’alimentation

Novembre 2018 21 Oui Oui, QID SO 76 SO
  • Admission : fermeture de l’iléostomie

  • Congé : couleur postopératoire, infection de la plaie chirurgicale

  • Fermeture planifiée de l’iléostomie

  • Antibiothérapie intraveineuse

  • Complications : douleur au QID et fièvre postopératoires, soignées comme une infection

Novembre–décembre 2019 Consultations ambulatoires urgentes au service de médecine Oui Oui Douleur pelvienne, ténesme, diarrhée sanguinolente 94 SO
  • Infection du réservoir iléal

  • TDM abdominale et pelvienne : épaississement de la paroi intestinale concordant avec une infection du réservoir iléal

  • Endoscopie du réservoir iléal : inflammation de la muqueuse intestinale, agrégats lymphoïdes

  • Antibiothérapies intraveineuse et orale, corticothérapie intraveineuse

Mars 2020 Consultation au service des urgences Oui Oui, QID Douleur pelvienne, rétention urinaire 83 SO
  • Infection du réservoir iléal

  • TDM abdominale et pelvienne : épanchement liquidien au QID faisant penser à une infection ou un abcès

  • Analgésie, congé avec antibiothérapie orale, autocathétérisme intermittent

Mars–mai 2020 47 Oui Oui Douleur thoracique, vomissements, saignement rectal 151 ALT 134–368 U/L Hémoculture positive à l’égard d’E. coli
  • Urosepsis

  • Échographie abdominale : hépatomégalie (19,6 cm), splénomégalie (15,5 cm)

  • TDM thoracique : épanchement péricardique, nodules pulmonaires

Juin–décembre 2020 Consultation externe de génétique Non Non SO SO SO
  • FMF

  • Séquençage de l’exome entier (laboratoires GeneDx, États-Unis) : positif pour les mutations causant la FMF

  • Consultation urgente en rhumatologie, début de la colchicine

Remarque : AINS = anti-inflammatoire non stéroïdien, ALT = alanine aminotransférase, ARM = angiographie par résonance magnétique, AST = aspartate aminotransférase, AVC = accident vasculaire cérébrale, CPER = cholangiopancréatographie endoscopique rétrograde, FMF = fièvre méditerranéenne familiale, IRM = imagerie par résonance magnétique, Max. = maximum, NED = non encore diagnostiqué, PCR = protéine C réactive, QID = quadrant inférieur droit, QIG = quadrant inférieur gauche, QSD = quadrant supérieur droit, SACN = Staphylococcus aureus coagulase-négatif, SED = syndrome d’Ehlers–Danlos, SO = sans objet, TDM = tomodensitométrie, VRM = vénographie par résonance magnétique.

*

Plages de référence normales : ALT = 7–55 U/L, amylase = 28–100 U/L, AST = ≤ 32 U/L, CRP = 3–5 mg/L, hemoglobin = 115–160 g/L, lipase = 13–60 U/L, leukocyte = 4–10 × 109/L.

En 2016, la patiente a subi une kystectomie ovarienne pour une torsion ovarienne présumée (hypothèse infirmée), une appendicectomie pour appendicite présumée (hypothèse infirmée), et une cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique avec pose d’endoprothèse pour une pancréatite chronique présumée. En 2017, elle a reçu des diagnostics de cholécystite, de pancréatite chronique et de malnutrition, qui ont conduit à une cholécystectomie et à la pose d’un cathéter central pour nutrition parentérale totale. Elle a également présenté des douleurs thoraciques et de l’essoufflement avec épanchements pleuraux, un volvulus présumé qui a mené à une laparotomie d’urgence (hypothèse infirmée) et une thrombophlébite de la veine jugulaire interne. Les douleurs et la distension abdominales ainsi que les nausées intermittentes ont été attribuées à une dysmotilité intestinale liée au SED de type hypermobile. Elle était gravement dénutrie et son indice de masse corporelle avait chuté de 20,3 à 15,8, ce qui a justifié la pose d’une sonde de gastrojéjunostomie pour permettre une alimentation entérale et éviter les complications associées à une nutrition parentérale prolongée.

L’état clinique de la patiente s’est détérioré en 2018, avec des accès de douleurs abdominales, de constipation et d’intolérance à l’alimentation qui ont continué d’être attribués à la dysmotilité intestinale secondaire au SED de type hypermobile. Des bactéries entériques à Gram négatif ont été identifiées à 2 reprises dans des hémocultures et ont été attribuées aux effets de son SED sur l’intégrité de la paroi intestinale entraînant une translocation bactérienne. La patiente a subi une colectomie totale et une iléostomie; son rétablissement a été long, accompagné d’épisodes récurrents de fièvre, de hausse de ses taux de PCR et de douleurs abdominales. Après une période de stabilité, la fermeture de son iléostomie avec création d’un réservoir iléo-anal (réservoir en J) a été compliquée par des douleurs abdominales, de la fièvre et une hausse de ses taux de PCR à la suite de l’intervention. En 2019, elle a connu des épisodes de douleurs au quadrant inférieur gauche et de ténesme, interprétés comme une inflammation du réservoir iléal et soignés au moyen d’antibiotiques. En 2020, la patiente a eu des épisodes de douleurs pelviennes et de fièvre d’une durée de 2–3 jours, d’augmentation des marqueurs inflammatoires, d’épanchement péricardique, d’hépatosplénomégalie et de résultats d’hémocultures positifs à l’égard d’Escherichia coli. Elle a reçu un diagnostic d’urosepsis et on lui a prescrit des antibiotiques.

En 2020, la patiente a demandé qu’on réévalue son profil génétique. Aucun diagnostic clinique n’a été posé, mais on a estimé que ses problèmes de santé ne pouvaient pas s’expliquer par le SED de type hypermobile. Un généticien a demandé un séquençage de l’exome entier qui a révélé des variants pathogènes hétérozygotes complexes du gène MEFV, notamment c.2084A>G (p.Lys695Arg) et c.2177T>C (p.Val726Ala), concordant avec la fièvre méditerranéenne familiale (FMF).

La patiente a été aiguillée vers le service de rhumatologie et a commencé à prendre 0,6 mg de colchicine par jour. Durant les 2 années suivant le début du traitement par colchicine, elle a eu 2 légères poussées autorésolutives de FMF qui n’ont pas nécessité d’hospitalisation ou d’intervention. Elle a retrouvé son énergie et son état nutritionnel de base et a cessé tous les autres médicaments. Elle ne présente aucun signe d’amyloïdose rénale; sa créatinine sérique (71 mmol/L) et son urée (4,4 mmol/L) se situent à l’intérieur des limites de la normale et elle n’a aucune protéinurie.

Discussion

La fièvre méditerranéenne familiale est le trouble auto-inflammatoire monogénique le plus répandu; elle se caractérise par des épisodes autorésolutifs de fièvre, de polysérite et une augmentation des marqueurs inflammatoires14. La maladie est associée à des variants de type gain de fonction du gène MEFV qui code la protéine pyrine et entraîne un dérèglement de la production d’interleukine 1β et une réponse inflammatoire excessive1,2,4.

La maladie se manifeste par des épisodes récurrents de fièvre et de douleurs abdominales et thoraciques qui commencent subitement et atteignent rapidement leur pic d’intensité; les épisodes durent 1–4 jours et rentrent spontanément dans l’ordre. En général, aucun symptôme ne persiste entre les crises2. La fièvre méditerranéenne familiale devrait être considérée chez les malades qui ont subi une laparotomie ou une laparoscopie non concluante. Le stress, l’exposition au froid, une alimentation riche en lipides, les infections, les efforts vigoureux, les interventions chirurgicales et le cycle menstruel peuvent tous provoquer une crise. La FMF peut plus rarement prendre la forme d’un érythème de type érysipèle, d’une méningite aseptique, d’une urticaire ou d’une vascularite récurrentes3.

Les anomalies aux analyses de laboratoire lors des crises sont non spécifiques et incluent une hausse des marqueurs systémiques de l’inflammation, la leucocytose avec neutrophilie et une augmentation de la vitesse de sédimentation des érythrocytes et des taux de PCR et de fibrinogène. La protéine sérique amyloïde A est également augmentée durant les crises, mais n’est pas mesurée d’emblée à moins que l’on soupçonne un diagnostic de FMF3. L’une des complications à long terme de la maladie non traitée est l’amyloïdose rénale, qui a été observée dans environ 12 % des cas de FMF; elle peut entraîner de graves complications, notamment l’insuffisance rénale1,2. L’amyloïdose peut aussi attaquer la rate, le foie, le tractus digestif, la thyroïde et les testicules. Une péritonite récurrente et la formation d’adhérences peuvent provoquer une obstruction de l’intestin grêle. Avant que la colchicine ne soit utilisée pour le traitement de la FMF, l’infertilité était fréquente et on la croyait causée par l’obstruction des trompes de Fallope chez les femmes et l’amyloïdose testiculaire chez les hommes2,3.

La FMF est fréquente chez les personnes d’origine juive ashkénaze; le statut de porteur du gène défectueux est répandu (environ 1:7,8)5. La prévalence est d’environ 1 pour 500 à 1 pour 1000 chez les personnes d’autres origines ethniques à risque, notamment d’ascendance turque, arménienne, arabe, juive non ashkénaze, nord-africaine, italienne, grecque, chinoise et japonaise. Les facteurs de risque connus incluent des antécédents familiaux de FMF, présents chez 30 %–50 % des personnes atteintes, et l’appartenance à un groupe ethnique à risque6. Plus de 95 % des personnes porteuses du gène défectueux sont asymptomatiques; toutefois, certaines qui n’ont qu’une seule mutation peuvent manifester des symptômes et tirer profit d’un traitement par colchicine1.

Les nombreux épisodes de fièvre et de douleurs abdominales de notre patiente ont mené à plusieurs diagnostics, interventions effractives et complications. Les observations peropératoires et les rapports d’anatomopathologie postopératoires étaient souvent contradictoires lors du diagnostic initial de SED de type hypermobile et les hospitalisations ont été prolongées en raison de poussées postopératoires de douleurs, de fièvre et de hausse des taux de PCR. Au cours de sa maladie, les médecins traitants n’ont pas semblé évoquer la possibilité d’une FMF.

Le SED de type hypermobile est le sous-type le plus léger de SED et n’entraîne pas de complications menaçant le pronostic vital, même si certains de ces syndromes peuvent s’accompagner de divers types de dysmotilité gastro-oesophagienne, comme la dysmotilité oesophagienne, la gastroparésie, une modification du transit de l’intestin grêle ou du côlon ou une dysmotilité globale7. Or, contrairement au sous-type de SED vasculaire, le SED de type hypermobile ne cause pas de fragilité ou de rupture de la paroi intestinale. Les gènes associés au SED hypermobile n’ont pas encore été identifiés. Les sous-types de SED vasculaires et autres étaient peu probables chez cette patiente, compte tenu des résultats négatifs aux tests génétiques. Le SED de type hypermobile ne saurait expliquer les symptômes de cette patiente, sauf peut-être la dysmotilité intestinale7.

Après l’apparition des nouveaux symptômes en 2015, le service de génétique n’a plus été consulté jusqu’à ce que la patiente demande un suivi en 2020. Elle se qualifiait pour un profil de séquençage du génome entier selon les critères du ministère de la Santé de l’Ontario pour atteinte fonctionnelle grave, atteinte plurisystémique et progression clinique. Lorsque la FMF ou un autre syndrome de fièvre récurrente est soupçonné, un séquençage génétique axé sur les syndromes de fièvre récurrente permet d’identifier les variants de gènes pathogènes. Lorsque des variants à portée clinique inconnue ou des variants pathogènes simples sont découverts, un diagnostic peut encore être posé sur la base des signes cliniques, avec l’aide de critères diagnostiques comme les critères de classification du projet Eurofever/PRINTO1,8. Le séquençage du génome entier peut être utile dans les cas d’atteinte plurisystémique grave, même en l’absence d’un diagnostic clair. Plus d’un trouble génétique peut également être présent, comme chez notre patiente atteinte de FMF et de SED de type hypermobile.

La majorité des cas de FMF ont déjà des symptômes lorsqu’ils atteignent la vingtaine4. A posteriori, on reconnaît que la patiente a eu des épisodes de fièvre et de douleurs abdominales graves quelques fois par année, dès l’enfance. La fièvre méditerranéenne familiale doit faire partie des diagnostics différentiels en présence de fièvre récurrente, de péritonite et de hausse des taux de PCR (tableau 2).

Tableau 2:

Diagnostic différentiel en présence de fièvres récurrentes et de hausses des marqueurs inflammatoires

Affection Caractéristiques spécifiques
Fièvre méditerranéenne familiale
  • Polysérite, fièvres récurrentes, brèves poussées durant 1–4 j, intervalles variables entre les poussées

Fièvre récurrente, stomatite aphteuse, pharyngite, adénite
  • Déclenchement durant l’enfance (âge < 5 ans)

  • Fièvres récurrentes durant 3–7 j

  • Stomatite aphteuse, amygdalite (à l’occasion avec exsudat de couleur blanche), pharyngite avec hyperémie diffuse du palais entier, lymphadénopathie cervicale et mésentérique, douleur abdominale, frissons, céphalées, vomissements, diarrhée, hépatosplénomégalie et douleurs articulaires

  • Poussées toutes les 3–5 semaines. Les patients se sentent bien entre les épisodes.

Syndromes périodiques associés à la cryopyrine
  • Syndrome chronique infantile neurologique cutané et articulaire : déclenchement néonatal d’éruption cutanée urticarienne et d’arthropathie, de méningite aseptique chronique, d’atrophie cérébrale et de perte d’audition neurosensorielle

  • Syndrome familial auto-inflammatoire au froid : épisodes récurrents d’éruption cutanée pseudo-urticarienne déclenchés par l’exposition au froid, associés à sensation générale de malaise, conjonctivite et arthralgie ou myalgie

  • Syndrome de Muckle–Wells : fièvre récurrente, épisodes récurrents d’éruption cutanée pseudo-urticarienne, surdité neurosensorielle, symptômes généralisés d’inflammation (conjonctivite, céphalées, arthralgie ou myalgie) et amyloïdose secondaire

Syndrome périodique associé au récepteur du facteur de nécrose tumorale
  • Déclenchement habituellement durant la petite enfance ou l’enfance, mais à l’occasion, durant l’adolescence ou l’âge adulte

  • Les épisodes débutent avec de la myalgie et de la fièvre pendant 1–3 semaines, accompagnée de symptômes cutanés, articulaires, abdominaux et oculaires. Les lésions cutanées peuvent inclure un érythème centrifuge migratoire de type érysipèle, des plaques oedémateuses et des lésions urticariennes. Les symptômes oculaires peuvent prendre la forme de conjonctivite, d’oedème périorbital (pathognomonique) ou d’uvéite. Sérite et amyloïdose secondaires fréquentes.

Neutropénie cyclique
  • Baisse récurrente de la numération des neutrophiles sanguins (de taux inférieurs à la normale à neutropénie grave), habituellement en cycles d’une durée d’environ 21 j

  • Les symptômes durant la phase neutropénique incluent fièvre, ulcères buccaux, neumonie et péritonite

Infections virales à répétition
  • Fréquentes chez les enfants d’âge préscolaire et scolaire, contacts avec des malades

  • Symptômes associés : rhinite, toux

Endocardite infectieuse
  • Lésions de Janeway, nodosités d’Osler, pli hémorragique sous-unguéal

  • Antécédents de maladie cardiaque congénitale avec réparation chirurgicale

Immunodéficience
  • Infections profondes récurrentes, piètre réponse à l’antibiothérapie, retard de croissance

  • Antécédents familiaux d’immunodéficience

Infection parasitaire, comme le paludisme
  • Associée aux voyages

Lupus érythémateux disséminé
  • Signes cutanés, critères immunologiques positifs (anticorps antinucléaires ou anticorps anti-ADN double brin, anticorps anti-SM, antiphospholipides, taux faibles de protéines du complément, test de Coombs direct)

Maladie inflammatoire de l’intestin
  • Peut s’accompagner de légère fièvre et de douleur abdominale. Symptômes principalement gastro-intestinaux

Néoplasies (leucémie, lymphome)
  • Perte de poids, diaphorèse nocturne, douleur osseuse, ecchymoses, lymphadénopathie, hépatosplénomégalie

Le traitement par colchicine est efficace; il prévient les poussées de FMF dans plus de 60 % des cas et réduit le nombre de crises chez encore 20 %–30 % d’entre eux. La colchicine peut également prévenir la formation de dépôts de fibrilles amyloïdes et l’insuffisance rénale qui s’ensuit24,7,9. Un traitement par agent biologique anti–interleukine-1 peut servir en l’absence de réponse à la colchicine24.

Les symptômes de la FMF peuvent ressembler à ceux d’autres maladies et malheureusement, il se passe souvent des années avant qu’on obtienne le bon diagnostic, après plusieurs interventions chirurgicales superflues et de longues hospitalisations4,6,10. Le retard de diagnostic est probablement attribuable à l’absence de spécificité des symptômes et à l’évolution de la maladie en dents de scie. De plus, les médecins ne la considèrent pas toujours chez les populations ethniques à risque4.

La section « Études de cas » présente de brefs rapports de cas à partir desquels des leçons claires et pratiques peuvent être tirées. Les rapports portant sur des cas typiques de problèmes importants, mais rares ou sur des cas atypiques importants de problèmes courants sont privilégiés. Chaque article commence par la présentation du cas (500 mots maximum), laquelle est suivie d’une discussion sur l’affection sous-jacente (1000 mots maximum). La soumission d’éléments visuels (p. ex., tableaux des diagnostics différentiels, des caractéristiques cliniques ou de la méthode diagnostique) est encouragée. Le consentement des patients doit impérativement être obtenu pour la publication de leur cas. Renseignements destinés aux auteurs : www.cmaj.ca

Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.220789 ; voir le commentaire connexe ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.221652-f

Footnotes

Intérêts concurrents: Aucun déclaré.

Cet article a été révisé par des pairs.

Les auteurs ont obtenu le consentement de la patiente.

Collaborateurs: Tous les auteurs ont contribué à l’élaboration et à la conception du travail. Kayla Richard et Sara Glazer ont rédigé l’ébauche de la première version du manuscrit et y ont contribué de façon égale. Tous les auteurs ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important du manuscrit; ils ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.

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