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. 2025 Aug 11;197(27):E838–E840. [Article in French] doi: 10.1503/cmaj.250641-f

Grippe aviaire et utilisation du vaccin anti-H5N1 pour prévenir les zoonoses au Canada

Alexandra Nunn 1, Angela Sinilaite 1, Bryna Warshawsky 1, Marina I Salvadori 1, Isaac I Bogoch 1, Winnie Siu 1,
PMCID: PMC12350366  PMID: 40789600

Points clés

  • Les éclosions des virus de la grippe aviaire A (H5N1) de clade 2.3.4.4b continuent de se propager parmi les oiseaux et les volailles dans de nombreuses régions du monde, infectant également les mammifères, y compris l’être humain dans certains pays, et les bovins laitiers aux États-Unis.

  • On considère que ces virus ont un potentiel pandémique en raison de leur capacité à infecter les mammifères et à se propager chez eux, de leur taux de mortalité historiquement élevé chez l’humain et de l’absence générale d’immunité dans la population humaine.

  • Bien que le risque actuel d’infection pour la population humaine reste faible, Santé Canada a récemment autorisé un vaccin contre la grippe H5N1 qui, en parallèle avec les autres mesures préventives, pourrait offrir une protection supplémentaire aux personnes présentant un risque accru d’exposition au virus, comme le personnel de laboratoire manipulant le virus ou les personnes participant à l’abattage des volailles infectées.

  • La surveillance continue de la réponse immunitaire aux vaccins contre la grippe H5 ciblant les souches du virus en circulation permettra de déterminer s’il est nécessaire de mettre à jour les vaccins.

En 2024, aux États-Unis, le virus de la grippe aviaire A (H5N1) de clade 2.3.4.4b a été détecté pour la première fois chez des vaches laitières, un hôte inattendu et non reconnu auparavant, et s’est ensuite transmis à des travailleurs des fermes laitières. Alors que les éclosions dans les élevages de vaches laitières et de volailles se poursuivent, 70 cas d’infection humaine par le virus de la grippe H5N1, dont 1 décès, principalement liés à une exposition professionnelle, ont été signalés aux États-Unis. Plus rarement, des cas d’infection sont également survenus à la suite de contacts avec des cheptels de volailles de basse-cour infectées ou d’expositions non identifiées1.

Au Canada, le virus a été détecté chez des oiseaux sauvages dans chaque province et territoire, de même que chez des volailles et des mammifères sauvages dans la plupart des régions2. Bien que le risque actuel d’infection au sein de la population reste faible, les personnes en contact prolongé ou étroit (à moins de 2 m) avec des animaux infectés ou leurs sécrétions courent un risque modéré d’infection, et on estime que le potentiel d’infections graves est accru chez les enfants et les adultes immunodéprimés3. Santé Canada a récemment autorisé un vaccin contre la grippe H5N1 qui, en parallèle avec les autres mesures préventives, serait susceptible d’offrir une protection supplémentaire aux personnes présentant un risque accru d’exposition au virus. Nous examinons ici les schémas historiques et actuels de l’infection par le virus de la grippe H5N1, le potentiel de propagation pandémique du virus chez l’humain et les mesures de santé publique, y compris la vaccination.

Les virus de la grippe aviaire A (H5N1) ont provoqué des éclosions parmi les oiseaux sauvages et d’élevage, entraînant également des infections intermittentes chez les humains depuis 1997. Ces dernières années, la transmission des virus de la grippe aviaire H5N1 de clade 2.3.4.4b s’est accrue à l’échelle mondiale parmi les oiseaux et les mammifères, augmentant ainsi les possibilités de diversification génétique. On considère que les virus de la grippe aviaire H5N1 ont un potentiel pandémique, compte tenu de leur capacité à infecter les mammifères et à se propager parmi eux, de leur taux de mortalité historiquement élevé chez l’humain et de l’absence générale d’immunité dans la population humaine, laquelle n’a jamais été largement exposée aux virus de la grippe H5 ni vaccinée contre eux. Le risque de grippe aviaire est dynamique et peut évoluer à tout moment.

Dans le contexte de l’éclosion actuelle, il n’existe aucune donnée probante de transmission interhumaine du virus H5N1. Bien que les infections au virus H5N1 détectées par le passé étaient associées à des taux de létalité atteignant 50 %, en 2024 et 2025, la plupart des patients infectés par le virus de la grippe H5N1 de clade 2.3.4.4b aux États-Unis présentaient une maladie clinique bénigne, telle qu’une conjonctivite, une faible fièvre, une toux et une pharyngite. Les facteurs influençant la gravité de l’infection par le virus de la grippe H5N1 de clade 2.3.4.4b chez les humains restent à déterminer. Au Canada, le tout premier cas d’infection humaine d’origine nationale est apparu en novembre 2024, chez une adolescente de Colombie-Britannique, la source d’exposition n’ayant pas été établie. La patiente présentait une détresse respiratoire aiguë sévère et a été placée sous oxygénation par membrane extracorporelle jusqu’à ce que son état respiratoire s’améliore et qu’elle puisse recevoir son congé de l’hôpital4. La grippe aviaire H5N1 est plus infectieuse chez les oiseaux, car elle se fixe préférentiellement aux récepteurs présents dans leurs voies respiratoires supérieures. Les échantillons prélevés sur la patiente de Colombie-Britannique ont révélé notamment la présence de marqueurs d’adaptation à l’humain susceptibles d’augmenter la fixation du virus sur les cellules des voies respiratoires humaines4.

Le Canada a entrepris une surveillance continue des infections chez les vaches laitières, notamment en procédant à des analyses de lait, et à ce jour, aucune infection n’a été décelée. Les mesures visant à prévenir l’infection chez les personnes qui travaillent en contact avec des animaux infectés comprennent l’utilisation d’équipement de protection individuelle, des protocoles de biosécurité et une prophylaxie antivirale post-exposition. Les prestataires de soins de santé de première ligne doivent connaître les facteurs de risque d’exposition à la grippe aviaire, en particulier les contacts étroits ou prolongés avec des volailles d’élevage ou de basse-cour, des mammifères d’élevage ou sauvages infectés, ou leurs environnements. Le dépistage de la grippe aviaire et l’isolement doivent être recommandés pour les personnes présentant un syndrome d’allure grippale et un risque d’exposition à la grippe aviaire5.

Sur le plan de la vaccination, en février 2025, Santé Canada a autorisé une mise à jour de la souche du vaccin anti-H5N1 Arepanrix pour les personnes âgées de 6 mois et plus, à raison de 2 doses administrées à au moins 3 semaines d’intervalle6. Le vaccin cible les virus de la grippe H5N1 de clade 2.3.4.4b qui circulent actuellement chez les oiseaux et les mammifères en Amérique du Nord. Le gouvernement du Canada a acheté un premier lot de 500 000 doses. Sur la base des données actuelles et de l’avis d’experts, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a recommandé aux autorités sanitaires provinciales et territoriales d’envisager l’administration du vaccin à des populations présentant un risque accru d’exposition au virus, comme le personnel de laboratoire manipulant le virus ou les personnes participant à l’abattage des volailles infectées7. Il reviendra aux provinces et aux territoires de décider de la manière de déployer le vaccin qui leur est alloué en s’appuyant sur les recommandations du CCNI, mais les stratégies spécifiques restent encore à déterminer.

Deux fois par an, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sélectionne des souches virales pour la fabrication des vaccins contre la grippe saisonnière et propose des virus vaccinaux candidats pour les souches de la grippe aviaire et autres formes de grippe non saisonnière. Les souches de vaccins contre la grippe aviaire sont étudiées dans le cadre d’essais cliniques et peuvent être autorisées par des organismes de réglementation, tels que Santé Canada, à la fois pour une utilisation possible dans la prévention de la grippe aviaire et pour accélérer l’autorisation d’une mise à jour de la souche pandémique et son déploiement auprès du public dans l’éventualité d’une pandémie. Des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni, ainsi que l’Union européenne, ont récemment acheté des vaccins contre la grippe aviaire préparés à partir de la souche vaccinale H5N8 de clade 2.3.4.4b et dont l’hémagglutinine (H5) est bien adaptée aux virus de la grippe H5N1 en circulation. Dans le pire des scénarios où une souche H5N1 acquerrait la capacité de se transmettre entre humains, engendrant ainsi une pandémie, l’OMS décèlerait une souche pandémique, et les fabricants de vaccins passeraient de la production de vaccins contre la grippe saisonnière à celle de vaccins contre la grippe pandémique8.

Tandis que les administrations canadiennes planifient l’utilisation des stocks actuels de vaccins H5N1 dans le contexte des conditions de risque locales, les experts poursuivent leur surveillance et leurs recherches pour combler les lacunes des connaissances existantes9. Les récentes éclosions et détections de grippe aviaire H5N2 et H5N5 parmi les volailles au Canada soulèvent la question de savoir si un vaccin anti-H5N1 serait susceptible d’offrir une protection contre les virus de la grippe aviaire en rapide évolution. Des données probantes limitées portent à croire qu’une immunité à réaction croisée est anticipée du composant H5 du vaccin, quel que soit le type de neuraminidase, à moins d’une évolution substantielle du soustype H5 des souches circulantes (le rôle de la neuraminidase contenue dans les vaccins dans la réponse immunitaire est un domaine de recherche scientifique actif). Une version préliminaire d’une étude sérologique portant sur un petit échantillon de personnes vaccinées contre le virus H5N8 en Finlande semble indiquer que le vaccin produit une bonne réponse immunitaire contre les virus de la grippe H5N1 de clade 2.3.4.4b, représentatifs des souches actuellement en circulation10. La surveillance continue de la réponse immunitaire contre les souches de grippe aviaire en circulation permettra de déterminer s’il est nécessaire de mettre à jour les vaccins.

Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.250641

Footnotes

Intérêts concurrents : Isaac Bogoch déclare avoir agi à titre de consultant pour le Programme de réduction de la menace liée aux armes d’Affaires mondiales Canada. Marina Salvadori, Angela Sinilaite, Bryna Warshawsky et Winnie Siu sont employées par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). Angela Sinilaite et Winnie Siu déclarent avoir reçu un soutien financier pour leurs déplacements de la part de l’ASPC. Aucun autre conflit d’intérêts n’a été déclaré.

Cet article a été commandé et n’a pas été revu par des pairs.

Collaborations : Chaque auteur et autrice a contribué à la conception et à la mise en forme du présent travail, a participé à la rédaction du manuscrit et à la révision critique de son contenu intellectuel important, a approuvé la version finale destinée à la publication et a accepté d’endosser l’entière responsabilité de tous les aspects de ce travail.

Traduction et révision : Équipe Francophonie de l’Association médicale canadienne

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