Skip to main content
Elsevier - PMC COVID-19 Collection logoLink to Elsevier - PMC COVID-19 Collection
. 2022 Feb 7;48(5):571–582. [Article in French] doi: 10.1016/j.encep.2021.12.005

Théories du complot et COVID-19 : comment naissent les croyances complotistes ?

Conspiracy theories and COVID-19: How do conspiracy beliefs arise?

H Bottemanne a,b,c,
PMCID: PMC8818386  PMID: 35597682

Abstract

La pandémie COVID-19 causée par le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 a provoqué une crise mondiale sans précédent, associée à une prolifération de théories du complot. La prévalence de ces croyances complotistes a participé à affaiblir la crédibilité des mesures gouvernementales de santé publique, limiter l'accès des citoyens aux sources d’information fiables, et perturber la réponse des systèmes de santé face à la crise sanitaire. Plusieurs hypothèses ont été proposées en psychologie et en sciences sociales pour comprendre la genèse de ces croyances dans des contextes épidémiques, associant l’implication conjointe de facteurs psychologiques (comme la volonté de préserver sa sécurité, de maintenir une image de soi positive, ou encore de renforcer son rôle social) et sociodémographiques (comme les caractéristiques générationnelles, socioculturelles et politiques des individus). Toutefois, les découvertes récentes en sciences cognitives à propos des mécanismes élémentaires de traitement de l'information offrent un nouvel éclairage sur la génération des croyances conspirationnistes à travers les époques et les cultures. Dans cet article, nous proposons une définition de la théorie du complot et une classification des croyances complotistes pendant la pandémie de COVID-19. Nous montrons comment les mécanismes de génération et de mise à jour des croyances permettent d'expliquer la genèse des théories du complot, et nous proposons plusieurs hypothèses étayées par les recherches contemporaines en sciences cognitives et en sciences sociales à propos des théories du complot.

Mots clés: Croyance, Théorie du complot, Complotisme, COVID-19, Coronavirus, Inférence active, Principe de l’énergie libre, Cerveau bayésien

1. Introduction

La pandémie COVID-19 causée par le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 a provoqué une crise sanitaire et sociale sans précédent. Cette pandémie a été associée dès ses prémisses à une prolifération d’informations à propos de l'origine du virus, de l'efficacité des traitements, ou encore des moyens de prévention et de protection contre l’infection [1]. Ce phénomène qualifié d’infodémie a évolué parallèlement à la dissémination du virus à travers le monde, particulièrement via les médias non traditionnels comme les réseaux sociaux [2], [3]. Entre janvier et mai 2020, le nombre quotidien de publications liées au COVID-19 sur les réseaux sociaux chinois était ainsi positivement corrélé avec le nombre quotidien de cas nouvellement confirmés sur le territoire [4]. Cette progression conjointe a amené l’Organisation mondiale de la Santé à formuler que nous ne combattions pas seulement une épidémie virale, mais aussi une épidémie de l’information [5].

Au cœur de ce phénomène d’expansion de l’information, un grand nombre d’informations ne reposant pas sur des preuves issues d’études scientifiques (parfois qualifiées de fausses informations, fake news) se sont disséminées dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux [6]. Une précédente étude a montré que ces informations erronées ou détournées sont transmises six fois plus rapidement au même nombre d’individus que les informations vérifiées, participant à une véritable pression écologique de l'information [7]. Pendant la crise sanitaire, elles ont essaimé dans la communauté mondiale sous la forme de contenu faux, ou d’informations véridiques présentées de manière détournée et trompeuse [8]. Leur prévalence a pu affaiblir la crédibilité des mesures gouvernementales en matière de santé publique, semer la confusion parmi les citoyens quant aux sources d’information fiables [9], et perturber la réponse des systèmes de santé contre la crise du coronavirus [10]. Plusieurs études ont ainsi montré que les croyances fondées sur ce type d’information étaient significativement associées à une perception plus faible des risques liés au COVID-19, et à un niveau de confiance réduit envers les gouvernements et les institutions scientifiques [11].

Parmi ces thématiques infodémiques, les théories du complot (i.e. les théories suggérant une attribution causale de phénomènes à l’action d’individus qui tentent de dissimuler leur rôle) se sont rapidement retrouvées en première ligne [12]. En Chine, elles constituaient la thématique de 23,6 % des informations transmises sur les réseaux sociaux entre janvier et mai 2020 [4], tandis qu’aux États-Unis une étude du Pew Research Center montrait qu’environ 36 % des individus déclaraient croire qu’il est certainement ou probablement vrai que l’épidémie était un complot planifié [13], et que 85 % d’un échantillon de 3019 citoyens américain croyait qu’au moins une théorie du complot liée au COVID-19 était probablement ou certainement vraie [14]. Ces théories du complot se sont retrouvées sur tout type de média, et particulièrement sur les réseaux sociaux (comme Instagram, Facebook, WhatsApp, Twitter, YouTube, Reddit et Gab) [15], [16], [17]. Ces thématiques complotistes sont cruciales en termes de santé publique [18] car les croyances complotistes liées au domaine médical sont associées à une plus faible adhésion des individus aux comportements de prévention et de protection contre les agents infectieux [19], [20]. Pendant l’épidémie d’Ebola en 2014, ou encore lors de la lutte contre l’infection HIV, les croyances complotistes ont majoritairement participé à l’inefficacité des recommandations gouvernementales [21], [22]. En particulier, la perte de confiance dans les institutions politiques et scientifiques pourrait être l’un des médiateurs les plus importants de l’effet des croyances complotistes sur les comportements individuels [23], réduisant la tendance à suivre les recommandations officielles contre la pandémie [19].

Du point de vue de la psychologie sociale, ces résultats ne sont pas nécessairement surprenants [24]. Les croyances en une ou plusieurs théories du complot sont relativement courantes dans les sociétés occidentales [25]. Les dernières décennies ont été émaillées de théories du complot, de l’assassinat du président John F. Kennedy par la CIA, aux attentats terroristes du 11 septembre provoqué par le gouvernement américain, jusqu’à l’incendie volontaire de la cathédrale Notre-Dame de Paris commandité par le président français [24]. Les théories du complot foisonnent dans les discours sociaux et politiques, parfois même de la part de personnalité politique en cours d’exercice [26], [27]. Plusieurs études suggèrent ainsi qu’environ la moitié des citoyens américains ont cru à une théorie du complot entre 2006 à 2011 [28]. Par ailleurs, la tendance à générer des croyances complotistes, évaluée à l’aide d’échelle comme la Generic Conspiracist Beliefs (GCB) [29] ou le Conspiracy Mentality Questionnaire (CMQ) [30], est un trait retrouvé largement dans la population générale, pas uniquement chez les individus avec des dimensions de personnalité paranoïaque [28]. Enfin, l’adhésion aux informations associées aux théories du complot est plus fréquente lors des crises politiques, sociétales ou sanitaires majeures : les situations de peur et d’incertitude augmentent la probabilité de générer et transmettre des croyances complotistes, et l’interconnexion numérique facilite la diffusion de ces croyances [31].

Plusieurs hypothèses ont été proposées en psychologie et en sciences sociales pour comprendre la génération et la reproduction de théories du complot dans des contextes épidémiques. Ces hypothèses sont généralement focalisées sur le rôle des facteurs psychologiques individuels comme la volonté de préserver sa sécurité, de maintenir une image de soi positive, ou encore de renforcer son rôle social [32] : les théories du complot pourraient ainsi participer à renforcer le sentiment de sécurité des individus dans leur environnement, en réduisant l’incertitude concernant l'origine des phénomènes que ces théories se proposent d’expliquer, et en consolidant la place de l'individu complotiste au sein du tissu social [33]. Les hypothèses sociologiques ont également insisté sur le rôle des caractéristiques générationnelles, socioculturelles et politiques, proposant un profil type de l'adhérent, du générateur, et du diffuseur de croyances complotistes. En particulier, la diminution généralisée de la confiance dans les institutions politiques et scientifiques, et l’exacerbation de la consommation de réseaux sociaux, pourraient être préférentiellement associées avec ces processus doxastiques [25], [34].

Mais la prévalence des croyances conspirationnistes à travers les époques et les cultures suggèrent aussi qu’elles puissent être liées à des mécanismes plus élémentaires de traitement de l’information présents chez tous les êtres humains. Ces mécanismes sont susceptibles d'être expliqués par les sciences cognitives, et plus spécifiquement par les travaux portant sur les mécanismes de mise à jour des croyances (Belief Updating) [35]. En particulier, la théorie du traitement prédictif (PP, Predictive Processing) se propose d'expliquer la manière dont les croyances sont générées, et pourrait être l’une des clefs pour comprendre la manière dont les individus génèrent et transmettent des croyances complotistes. Cette théorie suggère que notre cerveau génère des croyances à propos du monde sous la forme de modèles probabilistes, puis utilise ces modèles pour prédire la probabilité des entrées sensorielles et planifier des actions pour acquérir de nouvelles informations. Ce mécanisme inférentiel a été modélisé au sein d’un cadre unificateur inspiré des statistiques bayésiennes, permettant de décrire comment ces croyances sont générées à partir des informations sensorielles, et comment elles sont utilisées pour acquérir de nouvelles informations [36]. Ce cadre a permis de comprendre comment les motivations épistémiques (par exemple, la nécessité de comprendre son environnement), les traits psychologiques (par exemple, la tolérance individuelle à l’incertitude) et les paramètres socioculturels (par exemple, la perception de son influence dans la société) déterminaient l’émergence des croyances chez un individu. Ainsi, les sciences cognitives ont un rôle à jouer dans la lutte contre les conséquences des théories du complot en termes de santé publique, notamment en expliquant comment les mécanismes cognitifs et les variables individuelles prédisent la sensibilité aux informations complotistes et l'adhésion aux comportements de protection contre le Sars-Cov-2 [37].

Dans cet article, nous proposons un modèle neurocognitif pour expliquer l'émergence des croyances complotistes, fondé sur les mécanismes de mise à jour des croyances en neurosciences théoriques et sur le principe de minimisation de l’énergie libre. Nous définirons dans un premier temps le terme de croyance complotiste et les contours du concept de théorie du complot, puis nous proposerons une classification des différentes croyances complotistes pendant la pandémie de COVID-19. Nous détaillerons ensuite les principes fondamentaux de la théorie du traitement prédictif, et son implication dans la compréhension des mécanismes de génération des croyances. Nous appliquerons cette théorie aux processus de génération des croyances complotistes, en explorant les propriétés épistémiques et affectives de l’information complotiste, les liens entre ces croyances et l'agentivité comportementale, et enfin les mécanismes associés à la résistance de ces croyances aux informations antagonistes. Enfin nous verrons comment les caractéristiques générationnelles, socioculturelles, et politiques pourraient être associées à ces mécanismes doxastiques notamment au travers du prisme de la tolérance individuelle à l’incertitude.

2. Définir la croyance complotiste

2.1. Généralités sur la théorie du complot

Un intérêt croissant pour le phénomène de théorie du complot s’est développé au cours des dernières décennies, conduisant à un grand nombre de travaux expérimentaux en psychologie sociale et en sociologie [[32], [38]]. Il persiste toutefois une indécision sur les contours de la définition de ce phénomène, et en particulier sur la nature des croyances qui en constituent le cœur [39]. Le terme de théorie du complot est apparu dans les années 1860, faisant initialement référence à l’hypothèse selon laquelle des personnes ou des groupes perçus comme puissants élaboreraient secrètement un plan pour nuire à un individu unique, un ensemble d'individus, ou à la société [39]. Toutefois, les croyances complotistes existaient bien avant leur caractérisation : on retrouve ainsi des exemples de théorie complotiste en Grèce antique ou dans l’Empire romain [40], comme dans le récit fait par Suétone de la vie des douze premiers Césars, et ce phénomène est probablement présent depuis les prémisses de la formation de groupes sociaux [[41], [42]].

À minima, une croyance complotiste peut être définie comme l’attribution causale de phénomènes du monde à l’action d’individus qui tentent de dissimuler leur implication dans ces phénomènes. La définition extensive d’une théorie du complot peut alors être proposée comme : un ensemble de croyances complotistes considérant que les causes d’un phénomène sont provoquées par l’action d’individus qui dissimulent leur rôle. Ces croyances peuvent admettre par exemple que la population est contrôlée par des forces secrètes ou inconnues, ou encore qu’un groupe d’individus agit pour son propre bénéfice de manière illégale, généralement avec l’intention de nuire contre le bien commun, même si ces caractéristiques ne sont pas nécessairement contingentes [43].

Par extension, la littérature scientifique désigne généralement comme théorie du complot tout système de croyances dans lequel des individus, appartenant principalement à une élite politique et sociale, dissimulent les raisons de leur action à d’autres individus, appartenant plutôt à des classes sociales plus défavorisées. Les processus cognitifs à l’origine de ces croyances sont partagés par la plupart des cultures, mais leur contenu spécifique (par exemple, qui fomente le complot, ou qui est visé par le complot) dépend de la culture considérée. Enfin, bien que plusieurs théoriciens aient insisté sur la nature erronée de ces croyances complotistes (en les qualifiant par exemple de « fausses croyances ») [44], cette dimension n’est pas toujours pertinente en raison de la difficulté à distinguer les vraies et les fausses croyances en règle générale.

Sans rentrer dans les débats philosophiques autour du relativisme, de nombreux travaux en épistémologie ont depuis longtemps insisté sur la difficulté à établir les fondements de la notion de justification des croyances. Il pourrait ainsi y avoir des croyances en des théories du complot qui soient vraies, au sens où l’attribution causale des phénomènes qu’elles supposent existe, sans que cela n’élimine leurs caractéristiques propres de croyances complotistes [45]. De la même manière, il peut exister au cours d’un épisode psychotique des idées délirantes qui soient vraies (par exemple, un patient avec un délire de persécution par ses voisins finissant par être réellement persécuté par ses voisins) sans que cela n’annihile ces propriétés délirantes. Le caractère véridique ou incorrect du contenu d’une croyance ne doit pas être considéré comme un déterminant permettant de la classer ou de l’exclure des croyances complotistes.

2.2. Distinguer les thématiques complotistes liées au COVID-19

Pendant la crise du COVID-19, un certain nombre de croyances complotistes ont émergé et se sont répandues dans les populations touchées par le virus au travers de vidéos et d’articles, en particulier sur les plateformes de médias alternatifs et les réseaux sociaux. Ces croyances complotistes ont concerné un vaste spectre de thématiques sociales, médicales, et politiques, complexifiant les tentatives de classification. Nous proposons ici une classification minimale permettant de distinguer deux types de croyances complotistes : des croyances fondamentales, caractérisées par un large degré de généralité, et pouvant servir de fondement à de nombreuses autres croyances ; et des croyances dérivées, caractérisées par un contenu plus restreint, généralement plus précis, et s’appuyant sur les croyances fondamentales (Tableau 1 ). Concernant la crise du COVID-19, les croyances fondamentales regroupaient par exemple :

  • des croyances sur l’origine : supposant par exemple la création volontaire du virus par un laboratoire gouvernemental pour des applications militaires, ou encore par erreur par une firme pharmaceutique privée qui essaierait de dissimuler son implication [[46], [47]] ;

  • des croyances sur l’objectif : supposant par exemple la volonté de dirigeants politiques ou d’organisations secrètes d’utiliser le virus comme une arme biologique, pour restreindre les libertés individuelles, ou encore pour maintenir une situation d’urgence afin de fragiliser les institutions démocratiques [48] ;

  • des croyances sur les risques : supposant par exemple un faible risque de contracter la maladie ou de développer une forme grave, et un risque élevé lié aux tests de dépistage ou aux moyens de protection contre le risque infectieux, associé à l’idée de mensonges systématisés des pouvoirs publics quand à ces deux dimensions [49].

Tableau 1.

Tableau illustrant des croyances complotistes fondamentales et dérivées pendant la pandémie de COVID-19. On retrouve dans ce tableau trois types de croyances complotistes fondamentales (concernant l’origine du virus, les objectifs des complotistes, et les risques du virus) et neuf types de croyances complotistes dérivées associées à ces croyances fondamentales, pendant la pandémie de COVID-19.

Croyances fondamentales Croyances complotistes dérivées
Origine du virus
« La pandémie n’est pas issue d’un processus naturel »
1. Création par une organisation secrète, un laboratoire gouvernemental, des essais militaires, ou encore après une erreur d’un laboratoire pharmaceutique privé.
2. Les technologies numériques comme le réseau sans fil 5G et les antennes relais permettent la propagation du virus au travers de la population.
3. Les écouvillons nasaux PCR ou encore les vaccins sont utilisés pour injecter le virus lui-même dans la population, avec pour objectif de favoriser sa propagation.
Objectifs des complotistes
« Il y un objectif dissimulé derrière la pandémie »
4. Création du virus pour restreindre les libertés individuelles, pour maintenir une situation d’urgence, et pour fragiliser les institutions démocratiques.
5. Projets d’entreprises multinationales (par exemple Bill Gates) d’injecter des micropuces dans la population pour exercer une influence.
6. Les écouvillons nasaux PCR ou encore les vaccins sont utilisés pour injecter des micropuces dans la population avec un objectif de surveillance généralisée.
Risques du virus
« Les outils de protection sont plus dangereux que le virus lui-même »
7. Le risque de contracter l’infection au coronavirus ou de développer une forme grave après avoir été infecté est négligeable.
8. La pandémie n’existe pas réellement, les hôpitaux sont vides et les gouvernements mondiaux simulent une crise sanitaire.
9. Les écouvillons nasaux PCR ou encore les vaccins sont plus dangereux que le virus lui-même, et ces dangers sont dissimulés à la population

A partir de ces croyances fondamentales sur les origines, les objectifs et les risques, un grand nombre de croyances dérivées ont été générées au cours de la crise sanitaire :

  • des croyances associées à l’utilisation du vaccin, ou encore à l’écouvillon nasal PCR, pour injecter des micropuces dans la population, avec un objectif de surveillance généralisée [50] ;

  • des croyances associées à l’utilisation du vaccin, ou encore à l’écouvillon nasal PCR, pour injecter le virus lui-même dans la population, avec pour objectif de favoriser sa propagation [12] ;

  • des croyances associées à la réalité de la pandémie, avec par exemple la théorie que les hôpitaux sont vides et que les gouvernements simulent une crise sanitaire, pouvant provoquer des phénomènes d’information virale comme le hashtag #FilmYourHospital (au cours duquel les individus postaient des vidéos d’hôpitaux désertés sur les réseaux sociaux à titre de preuve) [17] ;

  • des croyances associées au rôle de la technologie sans fil 5G, ou plus largement des réseaux sans fil, dans la progression de la pandémie [51] ;

  • des croyances associées au rôle de dirigeants d’entreprises multinationales dans le déclenchement de l’épidémie, comme le projet de Bill Gates d’injecter des micropuces dans la population [49] ;

  • des croyances associées aux risques du test PCR par écouvillon, avec l’idée d’une détérioration du nasopharynx, ou encore d’un risque d’endommager la barrière hémato-encéphalique ;

  • des croyances associées aux risques de la prise systématique de température, avec l’idée que la lumière infrarouge utilisée pourrait endommager considérablement la glande pinéale

Dès janvier 2020, de nombreux contenus numériques transmettant des informations de nature complotiste se sont ainsi disséminés dans les réseaux sociaux. En particulier, les hypothèses sur l’origine artificielle du coronavirus ou encore le rôle de la technologie 5G ont pu être observés dès les prémisses de la pandémie [51]. En France, un sondage Ifop publié le 28 mars 2020 pour la Fondation Jean-Jaurès et l’Observatoire du conspirationnisme dévoile que 26 % des Français croyaient que le coronavirus avait été créé en laboratoire. Dans ce sondage, 9 % estimaient qu’il avait été fabriqué accidentellement, mais 17 % des sondés croyaient que le SARS-CoV-2 avait été développé intentionnellement. Une autre étude menée en Angleterre rapportait que 25 % des participants adhéraient à des théories complotistes, et 10 % avec un degré très élevé de croyance, lorsque l’évaluation demandait une estimation probabiliste [52]. Enfin, dans une autre étude en ligne menée auprès de 845 adultes américains en avril 2020, 33 % des participants croyaient à un ou plusieurs complots à propos du COVID-19 [33]. Toutes ces études réalisées pendant la pandémie ont montré que les croyances complotistes ne constituaient pas des îlots isolés de croyance, mais étaient souvent largement partagées par de nombreux individus dans la population avec un degré variable d’adhésion.

2.3. Conséquences des croyances complotistes pendant la pandémie

Ces croyances complotistes ont également eu de nombreuses conséquences comportementales pendant la crise du COVID-19, tant sur le plan individuel que groupal. Les croyances liées au rôle de la 5G ont par exemple conduit au vandalisme de nombreuses tours cellulaires dans les nations occidentales [53], et les croyances aux théories du complot en général étaient un prédicteur fiable du non-respect des recommandations médicales [46]. Plusieurs études ont notamment souligné que l’adhésion à une théorie du complot, quelle que soit la thématique considérée, prédisait le refus des individus de se faire diagnostiquer ou de se faire vacciner [[20], [52], [54]], et ces résultats étaient similaires même lorsque la théorie du complot en question n’avait aucun lien avec la vaccination (comme des théories générales sur l’origine du virus) [54]. La stagnation du nombre de personnes vaccinées après les premiers mois d’ouverture à la couverture vaccinale pourrait d’ailleurs être liée à ces phénomènes de croyances complotistes, notamment au sein de noyaux d’individu avec un degré d’adhésion plus important envers ces croyances [[55], [56]].

Ces théories du complot culminent avec l’idée centrale que le coronavirus et le vaccin censé nous protéger contre l’infection ont été créés pour établir un réseau de surveillance mondial et restreinte les libertés individuelles, tantôt pour favoriser les intérêts financiers de multinationale du numérique, tantôt pour renforcer l’influence de gouvernements ou de dirigeants politiques [49]. Malgré la diversité des thématiques abordées, nous suggérons que ces croyances et les individus qui les génèrent ou les transmettent sont marqués par un ensemble de caractéristiques communes, en lien avec la notion d’incertitude. Dans la suite de cet article, nous verrons en quoi ces caractéristiques cognitives sont associées au fonctionnement cérébral, et comment les sciences cognitives pourraient nous informer sur la manière dont les théories du complot émergent et se répandent dans la population.

3. Le cerveau, un catalyseur d’incertitude

3.1. Le principe du traitement prédictif

Pour comprendre l’émergence de ces croyances complotistes, et leurs caractéristiques communes malgré la diversité des phénomènes et des événements qu’elles concernent, les sciences cognitives et les neurosciences théoriques peuvent apporter des indices en décrivant le fonctionnement plus général des mécanismes de mise à jour des croyances [57]. Ce champ de recherche novateur, progressivement croissant au cours de la dernière décennie, se propose de décrire sur le plan conceptuel, de modéliser de manière mathématique, puis de simuler numériquement la manière dont les individus produisent des croyances à propos de leur environnement, puis utilisent ces croyances pour interpréter et agir dans le monde [[58], [59]]. Ces modèles permettent notamment de faire des hypothèses mécanistiques précises sur les processus impliqués dans les comportements, puis de confronter ces hypothèses à des données expérimentales pour faire évoluer leur fondement théorique [60].

L’un des modèles les plus influents dans la littérature en sciences cognitives est celui du traitement prédictif (PP, Predictive Processing), et plus précisément sa formulation bayésienne avec le principe de minimisation de l’énergie libre (FEP, Free Energy Principle) [61]. Cette théorie suppose que le cerveau génère un modèle probabiliste à propos des relations causales de son environnement, sous la forme d’un réseau de croyances encodé dans l’architecture fonctionnelle des réseaux de neurones [[62], [63]]. Au fur et à mesure du temps, le cerveau accumule des preuves sensorielles afin de mettre à jour ces croyances probabilistes, en fonction de l’état actuel du monde [57]. En parallèle, il utilise ces croyances probabilistes pour réaliser des actions qui lui permettent de modifier la nature des entrées sensorielles entrantes, formant un cycle ininterrompu de croyance-action-perception en interrelation [59].

3.2. La minimisation de l’incertitude

Cette théorie suppose aussi que l’objectif du cerveau est de minimiser l’incertitude de son environnement, afin de pouvoir prédire au mieux la manière dont celui-ci va évoluer au cours du temps, et de s’y adapter efficacement [64]. Cette incertitude est représentée mathématiquement sous la forme de l’énergie libre variationnelle, une notion issue de la théorie de l’information [60]. Le FEP suggère ainsi que le cerveau cherche constamment à minimiser cette énergie libre afin de réduire l’incertitude qui existe entre les actions qu’il peut mettre en place, et l’état de son environnement [65]. La réduction de cette incertitude est possible de deux manières : premièrement, en maximisant la précision de son modèle du monde, c’est-à-dire en générant des croyances qui expliquent la manière dont le monde évolue. La croyance constitue alors une explication utile pour comprendre un ensemble de phénomènes, en particulier les relations de causalité qui existent dans le monde [60]. Par exemple, si nous apercevons un corps inanimé au sol sur le trottoir, il existe un haut degré d’incertitude (du point de vue de l’information disponible) à propos de cette entrée sensorielle. Cette incertitude, du point de vue évolutif, est dangereuse : un corps inanimé dans notre environnement immédiat peut être un indicateur d’un danger qui pourrait nous frapper d’un moment à l’autre, et il est important pour le cerveau de parvenir à expliquer les relations de cause à effet qui ont pu provoquer ce type d’entrée sensorielle, c’est-à-dire l’explication à l’origine de ce corps inanimé sur le trottoir [66]. Nous pouvons alors réduire l’incertitude associée à cette entrée sensorielle en générant la croyance que cet individu a fait un malaise vagal, un arrêt cardio-respiratoire, ou s’est endormi après une nuit alcoolisée. Ces trois croyances alternatives proposent chacune une explication possible de ce phénomène que nous percevons.

3.3. Une boucle croyance-action-perception

Secondement, le cerveau peut aussi minimiser cette énergie libre en augmentant la précision des entrées sensorielles, en particulier via les actions réalisées par l’organisme : nos entrées sensorielles multimodales (visuelles, auditives, tactiles, olfactives, gustatives, proprioceptives, intéroceptives) dépendent en effet directement des actions que nous effectuons dans notre environnement [59]. Je sens l’odeur du feu de bois si j’allume un brasier dans ma cheminée, et la saveur de la fraise si je déguste le fruit que je viens de cueillir dans la forêt : sans action, je n’ai pas accès à ces sensations. Ce sont mes actions qui déterminent le type d’entrée sensorielle que mes organes sensoriels vont être en mesure de traiter [67]. Nous pouvons ainsi diminuer l’incertitude du monde en augmentant la précision de nos entrées sensorielles : dans notre exemple, nous pouvons nous rapprocher du corps inanimé pour voir si nous percevons un pouls à son poignet, ou pour chercher si nous apercevons une bouteille de Vodka à ses côtés. C’est exactement ce qui se produit lorsque nous entendons un bruit surprenant derrière nous (incertitude sur sa cause), que nous générons une croyance sur son origine (à partir de la structure probabiliste de notre environnement immédiat), et que nous tournons la tête pour préciser l’origine de ce bruit (action minimisant l’incertitude sensorielle). La perception et l’action sont ainsi unifiées par un objectif commun : réduire l’incertitude de notre environnement afin de nous permettre d’y évoluer en sécurité et d’en tirer tous les bénéfices possibles [59].

Ce principe a été utilisé pour comprendre de nombreux phénomènes perceptuels, cognitifs, et affectifs, comme la perception visuelle binoculaire [68], la focalisation attentionnelle [69], la métacognition [70], les phénomènes hallucinatoires [71], la détermination de la valence émotionnelle [72] ou encore les variations de l’humeur [73], et a été largement utilisé dans de nombreux modèles computationnels (c’est-à-dire des modèles proposant une simulation mathématique de comportements ou de processus cognitifs) en sciences cognitives [60], puis plus largement en psychologie sociale [74] et en psychiatrie [58]. Cette formulation qui met le mécanisme de mise à jour des croyances au cœur de la cognition en insistant sur son rôle dans la réduction de l’incertitude pourrait être déterminante pour comprendre l’émergence de croyances complotistes.

4. Générer la croyance, réduire l’incertitude

4.1. De l’information complotiste à la croyance complotiste

Les phénomènes infectieux sont des générateurs massifs d’incertitude. Les maladies liées à un pathogène exogène, un virus ou une bactérie, sont généralement perçues comme moins contrôlables que les pathologies comme le diabète, le cancer ou les troubles cardiaques, et les informations qui les concernent sont vécues comme plus incertaines [[6], [75]]. Au cours d’une pandémie, les individus génèrent ainsi un grand nombre de croyances sur les caractéristiques du virus et les risques d’infection à partir d’un ensemble d’informations ambiguës avec un haut degré d’incertitude perçue [15]. Comme nous l’avons vu précédemment, ces croyances tentent de circonscrire l’incertitude du monde, sous la forme d’une théorie explicative plus ou moins fondée sur des preuves sensorielles [76].

Concernant la thématique de l’origine du Sars-Cov-2 largement débattue dans les médias et dans la population, les individus qui se demandent « d’où vient ce virus » vont commencer par accumuler de l’information qui va servir à générer des croyances spécifiques à propos de l’origine du virus. Ces croyances vont majoritairement se fonder sur les informations provenant des outils de communication qu’il utilise (médias, pairs numériques, pairs physiques) avec des données hybrides résultant à la fois d’articles scientifiques, d’articles de vulgarisation, de commentaires de ces travaux, du relais d’informations sur les médias traditionnels, et aussi de production spontanée d’informations par les pairs numériques et physiques, sous la forme d’hypothèses idiosyncratiques. Ces vecteurs vont transmettre un flux d’information, de conjectures qui se contredisent, ne parviennent pas à des conclusions formelles, faisant croître l’incertitude chez les sujets qui sont confrontés à ce processus [77].

Comme nous l’avons vu précédemment, notre cerveau cherche constamment à réduire l’incertitude. On observe généralement que cette réduction d’incertitude passe par la réalisation d’actions permettant d’étoffer les entrées sensorielles (c’est-à-dire changer le type d’information traité par notre cortex, pour générer de nouvelles hypothèses) ou par la génération de croyances qui permettent d’expliquer le phénomène incertain (c’est-à-dire changer les hypothèses qui nous permettent d’expliquer le monde). On peut ajouter une troisième voie, consistant à se détourner des phénomènes incertains et à se concentrer sur d’autres phénomènes, par exemple en jugeant que la question de l’origine du virus est sans importance et irrésoluble. Selon les individus, ces trois facettes de la minimisation de l’incertitude vont s’exprimer avec plus ou moins d’intensité, allant d’un individu recherchant compulsivement toutes les informations possibles sur l’origine du virus à un autre se détournant complètement de la question quelques secondes après se l’être posée.

C’est dans ces situations d’accroissement de l’incertitude informationnelle que s’ancre le mécanisme qui détermine la génération des croyances complotistes [50]. Lorsqu’il constate qu’il y a peu de moyens d’obtenir des réponses fiables sur lesquels il va pouvoir s’appuyer pour gérer son incertitude, le sujet peut réduire son seuil de résistance épistémique, c’est-à-dire la porosité de ses réseaux de croyance aux nouvelles informations qui lui parviennent [39]. Ce mécanisme va favoriser la confiance envers des émetteurs d’informations auxquels il n’accordait précédemment pas d’attention (biais attentionnel) ou de crédit (biais de confiance). S’engage alors un duel entre différents types d’informations incertaines, au cours duquel de nouvelles propriétés de l’information vont prendre le dessus par rapport aux précédentes phases de la génération des croyances. Dans ce duel, certaines informations avec des caractéristiques propices à la résolution de l’incertitude vont être favorisées, et traitées plus facilement par les mécanismes de génération des croyances [78].

Plus encore, la gravité croissante des événements a pu participer à l’accroissement des théories du complot sur le COVID-19. Cette tendance à la modification des hypothèses causales selon l’importance d’un phénomène est dénommée le biais de proportionnalité. Ce biais implique que des événements majeurs supposent des causes majeures, et que de grands événements doivent être expliqués par de grandes causes. Ce type de biais a été observé de nombreuses fois dans les théories du complot en lien avec des infections virales : dans le cas de l’épidémie de VIH, il a été associé aux théories de complot supposant des essais scientifiques illégaux ou des manipulations génétiques plutôt qu’une transmission zoonotique simple par contacts entre les chimpanzés et les humains [79]. Ainsi, lorsque des individus constatent qu’une épidémie entraîne peu de décès, ils sont moins enclins à développer de théories du complot que lorsque cette épidémie provoque des décès massifs [80]. De la même manière, il existe très peu de théories du complot sur la tentative d’assassinat de Ronald Reagan tandis qu’il en existe un grand nombre sur l’assassinat de JFK [81].

4.2. Propriétés épistémiques de l’information complotiste

Lors de la mise à jour des croyances, notre cerveau évalue généralement les informations qui nous parviennent en comparant la valeur épistémique de l’information (souvent assimilée au degré de réduction de l’incertitude : c’est-à-dire la capacité de l’information à réduire l’incertitude sur un phénomène), sa validité interne (la cohérence intrinsèque de l’information : sa cohérence avec le système de croyance à laquelle elle appartient), sa validité externe (la cohérence extrinsèque de l’information : sa cohérence avec l’ensemble des autres croyances, et le monde en général), et ses caractéristiques affectives (la valence de l’information : sa valeur dans notre système propre de récompense). Toutes ces caractéristiques sont primordiales pour la génération de croyances complotistes, et le défaut de l’une ou plusieurs de ces caractéristiques limitent généralement ce processus. Par exemple, un manque de cohérence interne et externe, comme c’est le cas par exemple lorsque l’on expose un individu à des récits conspirationnistes fictionnels, limite l’effet de ces informations sur l’individu. L’exposition à des récits fictionnels de nature conspirationniste ne produit d'ailleurs pas spécialement de croyances complotistes [82].

C’est alors que rentrent en jeu les théories virales (ou mémétiques) de l’information, et le rôle des propriétés épistémiques des informations retrouvées dans les théories du complot [83]. Les informations participant à la génération et l’expansion des théories du complot sont marquées par leur potentiel explicatif (c’est-à-dire leur capacité à réduire l’incertitude, renforçant leur valeur brute) et leur flexibilité adaptative (c’est-à-dire leur capacité à s’adapter à tout type de croyance, renforçant leur validité interne et externe). Dans les situations d’incertitude irrésolue, l’exigence de validité externe et interne des informations peut aussi majoritairement décroître au profit de la seule valeur épistémique de réduction de l’incertitude [57], un effet largement étayé par les preuves expérimentales dans le cas des croyances complotistes [78]. Dans ces contextes spécifiques, la capacité de l’information à réduire l’incertitude du monde prévaut, au point que des informations avec une faible validité (interne ou externe) seront utilisées préférentiellement pour bâtir de nouvelles croyances, au détriment d’informations avec une faible capacité de réduction de l’incertitude mais avec un haut degré de validité.

Par ailleurs, les théories du complot agentifient fréquemment des phénomènes naturels, ou provoqués par le hasard. Elles supposent souvent que les phénomènes sont provoqués par les actions d’individus, sous la forme de plan secret, avec un objectif prédéfini. Face à la menace abstraite et invisible d’une pandémie, les croyances impliquant des conspirateurs concrets et compréhensibles permettent de structurer le monde. Cet effet, au sens informationnel, permet de réduire encore une fois l’incertitude associée à ces phénomènes [84]. Les individus qui ont tendance à l’anthropomorphisation des phénomènes naturels, c’est-à-dire à inférer des explications intentionnelles pour des phénomènes ambiguës, sont plus susceptibles d’approuver les théories du complot [85]. Cette tendance à l’agentification pour réduire l’incertitude est une caractéristique primordiale de notre cerveau. Nous avons ainsi tendance à détecter des causes intentionnelles et anthropomorphiques lorsque nous percevons des phénomènes. La tendance à interpréter des stimuli comme des causes provoquées par un agent ou à détecter des modèles inexistants dans le déplacement aléatoire de points (ou de formes géométriques, comme dans la célèbre expérience de Heider et Simmel [86]) ont d’ailleurs été associé à la propension à générer des théories du complot [87].

Plusieurs études ont aussi montré que le degré d’adhésion à une théorie du complot était positivement corrélé à la perception d’une motivation sous-jacente (comme la recherche de bénéfices financiers) de la part des instigateurs du complot [[84], [88]]. Lorsque le sujet peut inférer que des états mentaux de pairs sont à l’origine d’un phénomène, c’est-à-dire lorsqu’il y a une intention humaine qui a pu causer un événement, il y a aussi une logique qui a pu déterminer l’émergence de ce phénomène. Cette logique peut être décrite, et appréhendée par le sujet avec les outils (croyances psychologiques, croyances politiques) qu’il possède. Plus encore, la seule attribution causale d’une intention humaine à un phénomène est parfois suffisante pour l’émergence d’une théorie du complot, en l’absence de preuves ambiguës en faveur de cette théorie [84]. Il est ainsi plus facile de croire qu’une organisation gouvernementale a fabriqué un virus dans un laboratoire secret, plutôt qu’une origine zoonotique complexe provoquée par le hasard biologique.

4.3. Propriétés affectives de l’information complotiste

Une autre dimension importante concerne le lien entre les propriétés affectives des informations complotistes et des croyances complotistes. La majorité des informations de nature complotiste proposent des hypothèses à propos d’événements souvent négatifs, impliquant des risques pour la santé, la société, la famille, ou l’individu. Elles peuvent par exemple souligner le rôle d’organisations internationales occultes dans la manipulation de notre alimentation, l’action de sectes de dirigeants pour limiter nos libertés individuelles, ou de groupes politiques pour manipuler nos pensées et nos décisions. Malgré ces propriétés, les croyances complotistes qui émergent ne provoquent pas toujours chez les sujets qui les maintiennent des émotions négatives, et sont même parfois associées à un sentiment de valorisation personnelle qui peut sembler de prime abord contre-intuitif.

Cet effet valorisant a été associé aux dimensions narcissiques individuelles et groupales étudiées en psychologie. Le narcissisme désigne un trait de personnalité caractérisé par le sentiment d’être supérieur aux autres, et que cette supériorité n’est pas suffisamment reconnue par les autres. Plusieurs hypothèses suggèrent que générer des croyances complotistes peut donner la sensation de détenir une vérité qui échappe aux autres, de comprendre mieux les phénomènes du monde, et ainsi d’augmenter le sentiment d’être un être spécial [[89], [90]]. Des études ont ainsi montré que le narcissisme individuel et le narcissisme collectif (le sentiment que son groupe social (famille, nation, civilisation) est supérieur aux autres groupes et que cette supériorité n’est pas suffisamment reconnue) prédisaient l’émergence de croyances complotistes [[91], [92]].

Par ailleurs, cet effet narcissisant est renforcé par la distance existant généralement entre le complot supposé et l’individu qui génère des théories du complot. La plupart du temps, ces croyances impliquent un complot qui impacte l’individu indirectement, mais celui-ci n’est pas directement dirigé contre lui : c’est principalement la société, ou son groupe social, qui sont touchés. Cette caractéristique est une différence majeure avec les situations psychiatriques impliquant par exemple un délire à thématique de persécution : il est bien plus déplaisant de comprendre que son voisin ou sa famille fomente un complot contre soi-même que d’imaginer qu’une organisation secrète menace l’ordre social. Chez les sujets délirants, les informations et les croyances ont d’ailleurs généralement une franche valence négative. Dans le cas de la génération de théorie du complot, ces informations répondent directement à un questionnement de l’individu et lui permettant de construire de nouvelles croyances en appréhendant d’une manière plus précise ces phénomènes, tout en gardant une relative distance vis-à-vis d’eux.

5. L’impuissance, ferment de la croyance complotiste

5.1. Restreindre l’action, biaiser la croyance

Ce cadre théorique nous permet aussi de comprendre le lien entre la perception par un individu de sa capacité à contrôler son environnement, le sentiment d’impuissance associé aux grandes crises sociales, et l’émergence de théories du complot. Comme nous l’avons vu, la théorie bayésienne de minimisation de l’énergie libre suggère que le cerveau cherche à réduire constamment l’incertitude en modifiant la nature de ses entrées sensorielles (c’est-à-dire en réalisant des actions dans le monde) et en modifiant son modèle du monde (c’est-à-dire en générant de nouvelles croyances) [76]. L’interrelation de l’action, de la perception, et de la croyance implique que l’individu va réaliser des actions en s’appuyant sur ses croyances, afin d’améliorer sa perception et ses croyances, et ainsi de suite.

Pour répondre à une question associée à un haut degré d’incertitude comme l’origine du virus, le sujet dispose de très peu de moyens pour modifier son accès aux sources d’information. Il peut certes accumuler de l’information transmise par les pairs, les médias, et les réseaux sociaux, mais son action restera limitée à ces canaux d’informations. Il ne pourra pas se rendre à Wuhan pour enquêter sur les lieux des premières contaminations, aller interroger des scientifiques pour entendre leurs conclusions, ou encore trouver par lui-même des preuves scientifiques à propos de cette origine. Comme nous l’avons vu précédemment, les informations auxquelles il aura accès en réalisant des actions (recherche sur internet, lecture de la presse, conversation avec les pairs) resteront associées à un haut degré d’incertitude, et les croyances qu’elles permettront de générer ne seront pas suffisantes pour réduire cette incertitude.

5.2. Contrôler le monde

Par ailleurs, la théorie bayésienne suggère aussi que le cerveau cherche à maintenir un faible niveau d’incertitude à propos des conséquences sensorielles prédites des actions de l’organisme, c’est-à-dire qu’il essaye à tout moment de prédire avec le plus de précision possible dans quel état sera le monde (et les organes) après la réalisation d’une action. La précision de ces prédictions est le reflet direct de la capacité de l’organisme (et par extension, de l’individu) à contrôler son environnement : lorsque les phénomènes imprévus sont rares, les résultats de nos actions sont plus prévisibles, et à l’inverse lorsqu’il se produit de nombreuses choses sur lesquels nous n’avons pas de contrôle, les résultats de nos actions deviennent imprévisibles. Dans ce contexte, la capacité du cerveau à prédire les résultats de ses actions devient un proxy de sa capacité à contrôler le monde, et plus largement du degré d’incertitude du monde.

Cette approche est intéressante dans le contexte du complotisme car plusieurs études en psychologie sociale ont montré que les croyances individuelles sur l’incapacité à contrôler son environnement (par exemple, à avoir la capacité d’agir sur les phénomènes qui nous importune) étaient directement associées à l’émergence de théorie du complot [93]. Ces études montrent que lorsque la confiance dans le résultat de ses propres actions diminue (c’est-à-dire la sensation de contrôler son environnement baisse), les croyances dans les théories du complot augmentent [[48], [94]]. Ainsi, dans une étude menée en Pologne, un manque perçu de contrôle individuel sur l’environnement immédiat prédisait à la fois des croyances générales de conspiration liées à la pandémie de Covid-19, et des croyances complotistes plus spécifiques liées au gouvernement [48], tandis qu’un sentiment de contrôle sur le plan collectif était positivement lié aux croyances générales du complot, mais négativement associé aux théories du complot liées au gouvernement.

5.3. Adhésion aux comportements de protection

En lien direct avec ces hypothèses, plusieurs études suggèrent également que les individus qui présentent des croyances complotistes sont moins susceptibles d’adhérer aux comportements de prévention et de protection contre les agents infectieux, en particulier le respect des recommandations médicales comme la distanciation sociale [95], le port du masque facial ou la volonté de se faire vacciner [[34], [46], [52], [54]]. Dans une étude de grande ampleur réalisée chez 1882 adultes en Croatie, les croyances complotistes à propos du COVID-19 prédisaient le non-respect des mesures préventives [96].

Ces croyances complotistes comportent ainsi une dimension politique et sanitaire majeure, car les théoriciens du complot sont susceptibles d’adopter des comportements de prévention non normatifs (notamment des moyens qui ne sont pas recommandés par les organes gouvernementaux officiels), en particulier lorsqu’ils perçoivent un risque pour eux-mêmes important, mais sont moins disposées à se conformer à des comportements préventifs dictés par le gouvernement [97]. Ils peuvent aussi se rassembler pour manifester sans distance ni protection, et son plus susceptibles de partager leurs opinions à un plus grand nombre d’individus, favorisant les phénomènes infodémiques [52]. Concernant la vaccination, ces croyances complotistes peuvent limiter ou ralentir l’extension de la couverture vaccinale. L’acceptation et l’hésitation vaccinale dépendent majoritairement des croyances sur la vaccination, en particulier concernant sa sécurité, son innocuité, son efficacité, mais aussi la confiance dans le système de santé, dans le laboratoire pharmaceutique, ou encore dans le praticien qui l’administre [98]. Certaines études montrent toutefois que bien que les individus avec des croyances complotistes ne respectent pas toujours les comportements de prévention officiels, la perception d’un risque important et direct pour leur santé augmente le respect de ces comportements [97].

Chez des individus complotistes qui ne croient pas à l’existence du coronavirus ou pense qu’il est sans danger, une explication élémentaire suggère qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place des comportements de protection contre le COVID-19 lorsque l’on ne croit pas en sa dangerosité. Le contenu même de ces croyances (par exemple le faible risque de contracter la maladie, et le risque élevé lié aux tests de dépistage ou aux moyens de protection) participe au non-respect des recommandations gouvernementales [20]. Cette conception est cohérente avec les données actuelles en sciences cognitives sur le lien entre détermination de l’action, motivation à agir, et génération des croyances. Toute une tradition en neuroéconomie a supposé que les attitudes, ou les actions, étaient déterminées par la conjonction de preuves en faveur de la justification du comportement, et de croyances à propos de l’utilité de ces comportements. Ainsi, je choisis de porter un masque chirurgical si j’ai des preuves que le masque protège contre le virus, et que j’ai des croyances à propos de l’utilité de me protéger contre le virus. Cependant, plusieurs études suggèrent aujourd’hui que dans de nombreuses situations les individus développent d’abord des attitudes, et trouvent ensuite des preuves pour soutenir ces attitudes [99]. Ce mécanisme permet de protéger les croyances qui sont incompatibles avec les preuves sensorielles acquises, et fait la part belle à la primauté de l’action sur la génération des croyances.

Mais en dehors de ces croyances spécifiques, les comportements de protection sont également moins respectés par des individus complotistes avec des croyances complotistes impliquant plutôt l’origine du virus ou les investigateurs de la pandémie. L’une des explications de la plus faible adhésion aux comportements de prévention et de protection contre les agents infectieux chez ces individus pourrait être que ces croyances émergentes minimisent efficacement l’incertitude, réduisant la nécessité pour les sujets de mettre en place des actions. Dans la compétition entre la génération de croyances pour mieux comprendre le monde, et la réalisation d’action pour acquérir des informations plus précises sur le monde, les croyances complotistes remplissent ainsi pleinement leur rôle.

6. Résistance contre les preuves

6.1. Une croyance monologique

L’une des caractéristiques les plus intéressantes de la croyance complotiste est son caractère monologique, c’est-à-dire son caractère indiscutable, non réfutable [[39], [100]]. La croyance complotiste ne peut généralement pas être remise en cause par des preuves contraires : on dit alors qu’elle a une invulnérabilité épistémique. Elle est par ailleurs généralement interconnectée avec un grand nombre d’autres croyances complotistes, qui se renforcent mutuellement lorsque l’une de ces croyances est menacée par des informations contraires. Les théories du complot en lien avec le coronavirus sont ainsi directement reliées à un grand nombre de théories du complot politiques, sociétales, et sanitaires.

Cette dimension monologique est majeure pour expliquer la tendance à la génération de nouvelles théories du complot chez des individus qui en ont déjà. Plusieurs études suggèrent qu’il existe des déterminants individuels dans la tendance à adhérer à des théories du complot, ou à générer de nouvelles croyances complotistes. Un individu qui a tendance à croire à une première thématique complotiste aura généralement une plus grande facilité à adhérer à d’autres thématiques complotistes [101]. Ces individus alimentent un réseau de croyances complotistes déjà bien formé en y ajoutant de nouveaux éléments, sur différentes thématiques [102] : dans la mesure où tous les phénomènes sont causés par une conspiration, la croyance préexistante en théorie du complot constitue le meilleur prédicteur de la génération de nouvelles croyances complotistes. Dans le cas du coronavirus, des croyances complotistes antérieures sur d’autres thématiques comme la vaccination ou le changement climatique [52] prédisaient aussi la probabilité de développer des croyances complotistes liées au virus [[78], [103]].

6.2. Incohérence logique

Ces résultats suggèrent que la génération de croyances complotistes, ou l’adhésion à des croyances complotistes, implique probablement des mécanismes cognitifs similaires transthématiques, pour lesquels il existe des différences individuelles en population générale [101]. Plusieurs recherches ont été menées pour explorer les déterminants individuels de la propension à développer des théories du complot, en particulier avec l’inventaire des théories du complot (BCTI, [102]). Ce questionnaire composé de 15 énoncés mesurant les croyances spécifiques en des théories du complot a montré une bonne fiabilité interne transgéographique (au cours de son utilisation en Europe et en Asie [104]), mais présente des limites liées à la dimension socioculturelle des thématiques complotistes. Le problème est qu’en évaluant l’adhésion à des contenus spécifiques de croyance (par exemple, la croyance en un complot mené par un nouvel ordre mondial), ce type d’échelle ne capture pas les croyances complotistes liées à des écosystèmes spécifiques.

Plus intrigant encore, les études que nous avons citées suggèrent que cette tendance à l’adhésion transthématique s’étend même à des théories du complot mutuellement contradictoires, ce qui constitue une violation du cadre logique régissant habituellement les mécanismes de mise à jour des croyances en population générale [105]. Pour la plupart de nos croyances, nous respectons des règles logiques élémentaires consistant à ne pas croire simultanément deux choses contraires. À l’inverse, de nombreuses croyances complotistes contradictoires peuvent coexister au sein de la théorie du complot d’un même individu : une étude a ainsi montré qu’il était possible de croire simultanément que la princesse Diana avait été tuée par la famille royale britannique, et qu’elle s’était mise en scène pour simuler sa mort [105].

6.3. L’invulnérabilité épistémique

La résistance de ces croyances complotistes aux preuves contraires a également été associée à leur dimension monologique [106], et à l’effet dénommé en psychologie sociale le « retour de flamme » [107]. Dans la mesure où il existe généralement de nombreuses autres croyances complotistes, les preuves contre la théorie du complot sont généralement interprétées comme des indices d’un effort des conspirateurs pour tenter de brouiller les pistes ou manipuler ceux qui ont découvert le complot [45]. Ces informations contraires deviennent ainsi des preuves confirmant la théorie du complot originale, et renforçant les autres croyances complotistes. Une étude a par exemple montré que la présentation d’une situation tragique d’un bébé hospitalisé pour une rougeole (due à l’absence de vaccination) à des individus avec des positions anti-vaccinales renforçait le degré d’adhésion envers leurs croyances initiales [108].

Au final, l’ensemble des mécanismes que nous avons évoqué (liés aux caractéristiques de l’information, liés à l’impuissance de l’action, liés aux processus de mise à jour des croyances) peuvent provoquer l’émergence et le maintien de croyances complotistes. Dans notre exemple concernant les croyances sur l’origine du Sars-Cov-2, l’incertitude irrésolue liée à cet événement peut ainsi provoquer une augmentation de la sensibilité aux informations avec un faible degré de cohérence intrinsèque ou extrinsèque : l’individu se retrouve alors à générer des croyances à partir d’un tissu d’informations appartenant à la sphère infodémique du complotisme avec un haut potentiel explicatif (capacité à réduire l’incertitude), une grande flexibilité adaptative (capacité à s’adapter à tout type de croyance), et un fort potentiel narcissisant (capacité à renforcer son estime personnelle). Une fois formée, cette croyance complotiste favorisera l’émergence d’autres croyances complotistes corollaires, et résistera contre les preuves contraires en mobilisant ces autres croyances. En traitant progressivement ce flux d’informations, l’individu peut ainsi générer la croyance que le virus a été créé dans un laboratoire secret à des fins de manipulation de l’ordre mondial, de bouleversement géostratégique, ou d’expérimentation sur l’homme, et se retrouver incapable de modifier sa croyance.

7. De la sociologie aux neurosciences

7.1. Caractéristiques générationnelles

Les mécanismes neurocognitifs associés aux propriétés de l’information et au rôle des prédictions sur les conséquences de l’action dans la génération de croyances complotistes ne constituent toutefois pas les seules hypothèses concernant ce phénomène. De nombreux champs de recherche issus des sciences sociales ont insisté sur le rôle des variables générationnelles, socioculturelles et politiques dans l’adhésion aux croyances complotistes. L’âge (les générations les plus jeunes), le statut social (les catégories sociales les plus défavorisées), et la polarité politique (l’extrémisme politique) ont notamment été associés à la propension à développer et transmettre des théories du complot. Dans le sondage Ifop publié le 28 mars 2020 pour la Fondation Jean-Jaurès et l’Observatoire du conspirationnisme, l’adhésion à une croyance complotiste était plus forte dans la population jeune, avec 28 % des 18–24 ans estimant que le coronavirus avait été développé intentionnellement dans un laboratoire, contre seulement 6 % pour les plus de 65 ans.

Bien que de nombreuses hypothèses alternatives mériteraient d’être explorées, plusieurs études suggèrent que le type de vecteur d’information préférentiellement utilisé par les 18–24 ans (en particulier les médias non traditionnels et les réseaux sociaux) pourrait être le déterminant principal pour la génération de ces croyances [34]. Sur ces réseaux, les informations complotistes sont plus fréquentes, et il est généralement plus difficile de discerner la validité interne et externe des informations qui s’y trouvent [109]. Plus généralement, cette population a plus confiance dans les informations véhiculées par les réseaux sociaux, et cette confiance pourrait participer à la flexibilité de leurs croyances [[34], [110]]. Ainsi, cette caractéristique générationnelle observée en sciences sociales pourrait avoir une explication liée aux propriétés épistémiques de l’information, et plus largement aux mécanismes de mise à jour des croyances.

7.2. Catégories socioprofessionnelles

De la même manière, le degré d’adhésion à ces thèses complotistes COVID-19 variait selon la catégorie socioprofessionnelle des individus dans cette étude Ifop, avec dans l’ordre décroissant les ouvriers (28 %), les chômeurs (28 %), les employés (24 %), les travailleurs indépendants (13 %) puis les cadres (12 %). D’autres études précédentes ont montré qu’un faible niveau d’éducation, ou encore la perception de son niveau social comme étant inférieur à celui des pairs, étaient positivement corrélés au conspirationnisme en général [[111], [112]]. Plusieurs études en psychologie sociale ont ainsi suggéré que cet effet pouvait provenir d’une forme de défiance des catégories sociales populaires vis-à-vis des élites et des autorités, renforçant la propension à croire à des récits mettant en scène des complots mis en œuvre par des puissances institutionnelles ou financières pour servir leurs propres intérêts [113].

Nous suggérons que cet effet pourrait aussi être corrélé à l’incertitude de l’environnement lui-même, directement en lien avec la classe sociale : les individus appartenant à des classes sociales plus défavorisées vivent généralement dans des environnements plus difficiles et sont plus souvent confrontés à de signaux de menace (physique, comme des agressions extérieures ou liées au cadre familial ; ou sociale, comme la perte de l’emploi ou encore l’exclusion sociale). Ils ont régulièrement la sensation d’avoir moins de pouvoir sur leur environnement immédiat, et perçoivent le monde comme moins contrôlable, donc plus incertain [94]. Encore une fois, ces données issues des sciences sociales coïncident avec nos hypothèses : lorsque la confiance dans le résultat de ses propres actions diminue (c’est-à-dire la sensation de contrôler son environnement baisse), le cerveau est plus susceptible de générer des croyances complotistes [[48], [94]].

7.3. Polarité politique

Enfin l’adhésion à des partis politiques d’extrême droite ou d’extrême gauche, au populisme [114], et plus largement la tendance à justifier l’autoritarisme [115], a été positivement corrélée au complotisme [[110], [116]]. À rebours de ces positionnements politiques, la tendance à adhérer au libéralisme (social, ou socio-économique) y était négativement corrélée [117]. Dans le sondage Ifop du 28 mars en France, on retrouvait ainsi la croyance que le virus avait été créé en laboratoire chez 38 % des électeurs d’extrême droite. Plusieurs théories en psychologie sociale supposent que cet effet pourrait être associé à la « détection d’alliance », un processus psychologique majeur pour les individus [118]. Au cours de l’évolution, des groupes humains ont formé naturellement des coalitions dangereuses contre d’autres groupes humains, et la capacité à détecter ces alliances a pu devenir un atout évolutif. Ces mécanismes de détection d’alliance sont par ailleurs associés au nationalisme, mais aussi au narcissisme collectif que nous avons abordé précédemment [[91], [119], [120]], et pourraient expliquer le lien entre les théories du complot et l’adhésion à ces idéologies politiques.

Toutefois, nous suggérons ici que cette association entre extrémisme politique et théorie du complot puisse aussi être liée à la tolérance à l’incertitude des individus. Plusieurs études ont montré que les électeurs d’extrême droite ou d’extrême gauche présentent généralement une intolérance à l’incertitude plus élevée que la moyenne de la population. Cette intolérance à l’incertitude se retrouve également dans l’association entre des biais inférentiels de type saut-aux-conclusions (JTC, Jumping To Conclusions : la tendance à faire des conclusions hâtives à partir de peu de preuves, témoignant d’une faible tolérance à l’incertitude) et la génération de croyances complotistes [121]. Plus la tolérance à l’incertitude est faible, plus un sujet qui se retrouvera face à un phénomène incertain aura un besoin rapide de générer des croyances robustes pour l’expliquer, parfois à partir de peu de preuves. On retrouve toutefois un certain nombre d’incohérences dans les résultats expérimentaux sur les attitudes politiques [102], et plusieurs études ont également suggéré que certaines thématiques complotistes étaient préférentiellement associées à certains types d’attitude politique. Ces spécificités mériteraient d’être explorées à la lumière des développements récents en sciences cognitives.

8. Conclusion

Dans cet article, nous avons détaillé comment les mécanismes de mise à jour des croyances étudiés sous l’angle des neurosciences théoriques et du principe de la minimisation de l’énergie libre, peuvent permettre de comprendre la génération de croyances conspirationnistes dans la population au cours de la crise COVID-19. Nous suggérons qu’il existe un lien majeur entre le degré d’incertitude perçu de l’environnement, la manière dont le cerveau peut parvenir à réduire cette incertitude, et la génération de croyances complotistes dans la population. En lien avec ce processus, les croyances complotistes fournissent aux individus un moyen d’interpréter les phénomènes du monde selon un récit cohérent, réduisant la complexité du réel. Ces croyances viennent alors répondre à un besoin cognitif, réduisant l’incertitude en clôturant le champ des possibles. Des travaux futurs sont encore nécessaires pour comprendre le lien entre ces mécanismes neurocognitifs et les caractéristiques générationnelles, socioculturelles et politiques des théories du complot, notamment au travers du prisme de la tolérance individuelle à l’incertitude.

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

Nous remercions le Dr. Lucie Joly, le Pr. Marie-Laure Joly-Guillou, et le Dr. Maymouna Mourouvaye pour leurs conseils et la relecture attentive de ce manuscrit, et le Pr. Fabien Vinckier pour les échanges sur les hypothèses computationnelles à propos des théories du complot.

Références

  • 1.Mohammed M., Sha’aban A., Jatau A.I., et al. Assessment of COVID-19 information overload among the general public. J Racial Ethn Health Disparities. 2022;9(1):184–192. doi: 10.1007/s40615-020-00942-0. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 2.Cinelli M., Quattrociocchi W., Galeazzi A., et al. The COVID-19 social media infodemic. Sci Rep. 2020;10(1):16598. doi: 10.1038/s41598-020-73510-5. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 3.Sasidharan S., Harpreet Singh D., Vijay S., et al. COVID-19: Pan(info)demic. Turk J Anaesthesiol Reanim. 2020;48(6):438–442. doi: 10.5152/TJAR.2020.1008. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 4.Zhang S., Pian W., Ma F., et al. Characterizing the COVID-19 infodemic on chinese social media: exploratory study. JMIR Public Health Surveill. 2021;7(2):e26090. doi: 10.2196/26090. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 5.World Health Organisation. Munich Security Conference. WHO. 2020 Feb 15
  • 6.Mian A., Khan S. Coronavirus: the spread of misinformation. BMC Med. 2020;18 doi: 10.1186/s12916-020-01556-3. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 7.Vosoughi S., Roy D., Aral S. The spread of true and false news online. Science. 2018;359(6380):1146–1151. doi: 10.1126/science.aap9559. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 8.Naeem S.B., Bhatti R., Khan A. An exploration of how fake news is taking over social media and putting public health at risk. Health Inf Libr J. 2021;38(2):143–149. doi: 10.1111/hir.12320. [10.1111/hir.12320. Epub 2020 Jul 12] [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 9.Lima D.L., de Medeiros Lopes M.A.A.A., Brito A.M. Social media: friend or foe in the COVID-19 pandemic? Clinics. 2020;75 doi: 10.6061/clinics/2020/e1953. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 10.Atehortua N.A., Patino S. COVID-19, a tale of two pandemics: novel coronavirus and fake news messaging. Health Promot Int. 2021;36(2):524–534. doi: 10.1093/heapro/daaa140. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 11.Pickles K., Cvejic E., Nickel B., et al. COVID-19 misinformation trends in Australia: prospective longitudinal national survey. J Med Internet Res. 2021;23(1):e23805. doi: 10.2196/23805. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 12.Stein R.A., Ometa O., Pachtman Shetty S., et al. Conspiracy theories in the era of COVID-19: a tale of two pandemics. Int J Clin Pract. 2021;75(2):e13778. doi: 10.1111/ijcp.13778. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 13.Mitchell A., Jurkowitz M., Oliphant J.B., et al. Pew Research Center; Washington DC: 2020. Three months in, many Americans see exaggeration, conspiracy theories and partisanship in COVID-19 news. [Google Scholar]
  • 14.Miller JM. Do COVID-19 Conspiracy Theory Beliefs Form a Monological Belief System? Can J Polit Sci Rev Can Sci Polit.
  • 15.Quinn E.K., Fazel S.S., Peters C.E. The Instagram infodemic: cobranding of conspiracy theories, Coronavirus disease 2019 and authority-questioning beliefs. Cyberpsychology Behav Soc Netw. 2021;24(8):573–577. doi: 10.1089/cyber.2020.0663. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 16.Li Y., Twersky S., Ignace K., et al. Constructing and communicating COVID-19 stigma on Twitter: a content analysis of tweets during the early stage of the COVID-19 outbreak. Int J Environ Res Public Health. 2020;17(18) doi: 10.3390/ijerph17186847. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 17.Ahmed W., López Seguí F., Vidal-Alaball J., et al. COVID-19 and the “Film Your Hospital” conspiracy theory: social network analysis of Twitter data. J Med Internet Res. 2020;22(10):e22374. doi: 10.2196/22374. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 18.Jakovljevic M., Bjedov S., Mustac F., et al. COVID-19 infodemic and public trust from the perspective of public and global mental health. Psychiatr Danub. 2020;32(3–4):449–457. doi: 10.24869/psyd.2020.449. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 19.Plohl N., Musil B. Modeling compliance with COVID-19 prevention guidelines: the critical role of trust in science. Psychol Health Med. 2021;26(1):1–12. doi: 10.1080/13548506.2020.1772988. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 20.Romer D., Jamieson K.H. Conspiracy theories as barriers to controlling the spread of COVID-19 in the U.S. Soc Sci Med. 1982;263:113356. doi: 10.1016/j.socscimed.2020.113356. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 21.Earnshaw V.A., Bogart L.M., Klompas M., et al. Medical mistrust in the context of Ebola: implications for intended care-seeking and quarantine policy support in the United States. J Health Psychol. 2019;24(2):219–228. doi: 10.1177/1359105316650507. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 22.Bogart L.M., Wagner G., Galvan F.H., et al. Conspiracy beliefs about HIV are related to antiretroviral treatment nonadherence among African American men with HIV. J Acquir Immune Defic Syndr. 2010;53(5):648–655. doi: 10.1097/QAI.0b013e3181c57dbc. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 23.Lewandowsky S., Gignac G.E., Oberauer K. The role of conspiracist ideation and worldviews in predicting rejection of science. PloS One. 2013;8(10):e75637. doi: 10.1371/journal.pone.0075637. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 24.Lewandowsky S., Oberauer K., Gignac G.E. NASA faked the moon landing--therefore, (climate) science is a hoax: an anatomy of the motivated rejection of science. Psychol Sci. 2013;24(5):622–633. doi: 10.1177/0956797612457686. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 25.Miller J.M., Saunders K.L., Farhart C.E. Conspiracy endorsement as motivated reasoning: the moderating roles of political knowledge and trust. Am J Polit Sci. 2016;60(4):824–844. [Google Scholar]
  • 26.Dyer O. Trump claims public health warnings on covid-19 are a conspiracy against him. BMJ. 2020;368:941. doi: 10.1136/bmj.m941. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 27.Khan Y.H., Mallhi T.H., Alotaibi N.H., et al. Threat of COVID-19 vaccine hesitancy in Pakistan: the need for measures to neutralize misleading narratives. Am J Trop Med Hyg. 2020;103(2):603–604. doi: 10.4269/ajtmh.20-0654. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 28.Oliver J.E., Wood T.J. Conspiracy theories and the paranoid style(s) of mass opinion. Am J Polit Sci. 2014;58(4):952–966. [Google Scholar]
  • 29.Brotherton R., French C.C., Pickering A.D. Measuring belief in conspiracy theories: the generic conspiracist beliefs scale. Front Psychol. 2013;4 doi: 10.3389/fpsyg.2013.00279. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 30.Bruder M., Haffke P., Neave N., et al. Measuring individual differences in generic beliefs in conspiracy theories across cultures: conspiracy mentality questionnaire. Front Psychol. 2013;4:225. doi: 10.3389/fpsyg.2013.00225. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 31.van Prooijen J.-W., Douglas K.M. Conspiracy theories as part of history: the role of societal crisis situations. Mem Stud. 2017;10(3):323–333. doi: 10.1177/1750698017701615. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 32.Douglas K.M., Sutton R.M., Cichocka A. The psychology of conspiracy theories. Curr Dir Psychol Sci. 2017;26(6):538–542. doi: 10.1177/0963721417718261. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 33.Earnshaw V.A., Eaton L.A., Kalichman S.C., et al. COVID-19 conspiracy beliefs, health behaviors, and policy support. Transl Behav Med. 2020 doi: 10.1093/tbm/ibaa090. Published online 2020 Sep 10. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 34.Allington D., Duffy B., Wessely S., et al. Health-protective behaviour, social media usage and conspiracy belief during the COVID-19 public health emergency. Psychol Med. 2020;9:1–7. doi: 10.1017/S003329172000224X. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 35.Bottemanne H., Morlaàs O., Fossati P., et al. Does the Coronavirus epidemic take advantage of human optimism bias? Front Psychol. 2020;11:2001. doi: 10.3389/fpsyg.2020.02001. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 36.Bottemanne H, Longuet Y, Gauld C. [The predictive mind: An introduction to Bayesian Brain Theory]. Encephale. 2022 Jan 7:S0013-7006(21)00260-8. doi: 10.1016/j.encep.2021.09.011. [DOI] [PubMed]
  • 37.Bottemanne H, Friston KJ. An active inference account of protective behaviours during the COVID-19 pandemic. Cogn Affect Behav Neurosci. 2021 Dec;21(6):1117–1129. doi: 10.3758/s13415-021-00947-0. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 38.Douglas K.M., Uscinski J.E., Sutton R.M., et al. Understanding conspiracy theories. Polit Psychol. 2019;40(1):3–35. [Google Scholar]
  • 39.Goertzel T. Belief in conspiracy theories. Polit Psychol. 1994;15(4):731–742. [Google Scholar]
  • 40.Kennedy G. The rhetoric of conspiracy in ancient Athens, Joseph Roisman. Rhetor Rev. 2008;27(1):90–93. [Google Scholar]
  • 41.von Rueden C., van Vugt M. Leadership in small-scale societies: Some implications for theory, research, and practice. Leadersh Q. 2015;26(6):978–990. [Google Scholar]
  • 42.West H.G., Sanders T. Transparency and conspiracy: ethnographies of suspicion in a new world order. Bibliovault OAI Repos Univ Chic Press. 2003 [Google Scholar]
  • 43.Sunstein C.R., Vermeule A. Conspiracy theories: causes and cures*. J Polit Philos. 2009;17(2):202–227. [Google Scholar]
  • 44.Swami V., Furnham A. In: van Prooijen J.W., van Lange P.A.M., editors. Cambridge University Press; Cambridge: 2014. Political paranoia and conspiracy theories; pp. 218–236. (Power politics, and paranoia: why people are suspicious about their leaders). [Google Scholar]
  • 45.Grimes D.R. On the viability of conspiratorial beliefs. PloS One. 2016;11(1):e0147905. doi: 10.1371/journal.pone.0147905. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 46.Imhoff R., Lamberty P. A Bioweapon or a Hoax? The Link Between Distinct Conspiracy Beliefs About the Coronavirus Disease (COVID-19) Outbreak and Pandemic Behavior. Soc Psychol Personal Sci. 2020 doi: 10.1177/1948550620934692. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 47.Barh D., Silva Andrade B., Tiwari S., et al. Natural selection versus creation: a review on the origin of SARS-COV-2. Infez Med. 2020;28(3):302–311. [PubMed] [Google Scholar]
  • 48.Oleksy T., Wnuk A., Maison D., et al. Content matters. Different predictors and social consequences of general and government-related conspiracy theories on COVID-19. Personal Individ Differ. 2021;168:110289. doi: 10.1016/j.paid.2020.110289. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 49.Hotez P.J. COVID19 meets the antivaccine movement. Microbes Infect. 2020;22(4–5):162–164. doi: 10.1016/j.micinf.2020.05.010. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 50.Ball P., Maxmen A. The epic battle against coronavirus misinformation and conspiracy theories. Nature. 2020;581(7809):371–374. doi: 10.1038/d41586-020-01452-z. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 51.Ahmed W., Vidal-Alaball J., Downing J., et al. COVID-19 and the 5G conspiracy theory: social network analysis of Twitter DATA. J Med Internet Res. 2020;22(5):e19458. doi: 10.2196/19458. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 52.Freeman D., Waite F., Rosebrock L., et al. Coronavirus conspiracy beliefs, mistrust, and compliance with government guidelines in England. Psychol Med. 2020;21:1–13. doi: 10.1017/S0033291720001890. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 53.Jolley D., Paterson J.L. Pylons ablaze: examining the role of 5G COVID-19 conspiracy beliefs and support for violence. Br J Soc Psychol. 2020;59(3):628–640. doi: 10.1111/bjso.12394. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 54.Teovanović P., Lukić P., Zupan Z., et al. Irrational beliefs differentially predict adherence to guidelines and pseudoscientific practices during the COVID-19 pandemic. Appl Cogn Psychol. 2020 doi: 10.1002/acp.3770. [10.1002/acp.3770.Online ahead of print] [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 55.Ullah I., Khan K.S., Tahir M.J., et al. Myths and conspiracy theories on vaccines and COVID-19: Potential effect on global vaccine refusals. Vacunas. 2021;22(2):93–97. doi: 10.1016/j.vacun.2021.01.001. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 56.Khubchandani J., Macias Y. COVID-19 vaccination hesitancy in Hispanics and African-Americans: a review and recommendations for practice. Brain Behav Immun - Health. 2021;15:100277. doi: 10.1016/j.bbih.2021.100277. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 57.Friston K., Rigoli F., Ognibene D., et al. Active inference and epistemic value. Cogn Neurosci. 2015;6(4):187–214. doi: 10.1080/17588928.2015.1020053. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 58.Montague P.R., Dolan R.J., Friston K.J., et al. Computational psychiatry. Trends Cogn Sci. 2012;16(1):72–80. doi: 10.1016/j.tics.2011.11.018. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 59.Friston K.J., Daunizeau J., Kilner J., et al. Action and behavior: a free-energy formulation. Biol Cybern. 2010;102(3) doi: 10.1007/s00422-010-0364-z. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 60.Friston K., Kilner J., Harrison L. A free energy principle for the brain. J Physiol Paris. 2006;100(1–3):70–87. doi: 10.1016/j.jphysparis.2006.10.001. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 61.Friston K. A theory of cortical responses. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci. 2005;360(1456):815–836. doi: 10.1098/rstb.2005.1622. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 62.Shipp S., Adams R.A., Friston K.J. Reflections on agranular architecture: predictive coding in the motor cortex. Trends Neurosci. 2013;36(12):706–716. doi: 10.1016/j.tins.2013.09.004. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 63.Bastos A.M., Usrey W.M., Adams R.A., et al. Canonical microcircuits for predictive coding. Neuron. 2012;76(4):695–711. doi: 10.1016/j.neuron.2012.10.038. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 64.Badcock P.B., Friston K.J., Ramstead M.J.D. The hierarchically mechanistic mind: a free-energy formulation of the human psyche. Phys Life Rev. 2019;31:104–121. doi: 10.1016/j.plrev.2018.10.002. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 65.Ramstead M.J., Kirchhoff M.D., Friston K.J. A tale of two densities: active inference is enactive inference. Adapt Behav. 2020;28(4):225–239. [1059712319862774] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 66.Bottemanne H. [Bayesian brain: Can we model emotion?] Encephale. 2021 Feb;47(1):58–63. doi: 10.1016/j.encep.2020.04.022. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 67.Bottemanne H, Chevance A, Joly L. [Psychiatry without mind?] Encephale. 2021 Dec;47(6):605–612. doi: 10.1016/j.encep.2021.05.006. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 68.Mathys C.D., Lomakina E.I., Daunizeau J., et al. Uncertainty in perception and the Hierarchical Gaussian Filter. Front Hum Neurosci. 2014;8:825. doi: 10.3389/fnhum.2014.00825. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 69.Feldman H., Friston K.J. Attention, uncertainty, and free-energy. Front Hum Neurosci. 2010;4:215. doi: 10.3389/fnhum.2010.00215. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 70.Sandved Smith L., Hesp C., Mattout J., et al. Towards a computational phenomenology of mental action: modelling meta-awareness and attentional control with deep parametric active inference. Neurosci Conscious. 2021;2 doi: 10.1093/nc/niab018. [10.1093/nc/niab018. eCollection 2021] [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 71.Friston K.J. Hallucinations and perceptual inference. Behav Brain Sci. 2005;28:764. [Google Scholar]
  • 72.Hesp C., Smith R., Parr T., et al. Deeply felt affect: the emergence of valence in deep active inference. Neural Comput. 2020;30:1–49. doi: 10.1162/neco_a_01341. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 73.Clark J.E., Watson S., Friston K.J. What is mood? A computational perspective. Psychol Med. 2018;48(14):2277–2284. doi: 10.1017/S0033291718000430. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 74.Constant A., Ramstead M.J., Veissière S.P., et al. Regimes of expectations: an active inference model of social conformity and human decision making. Front Psychol. 2019;10:679. doi: 10.3389/fpsyg.2019.00679. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 75.Lewandowsky S., Ecker U.K.H., Seifert C.M., et al. Misinformation and its correction: continued influence and successful debiasing. Psychol Sci Public Interest. 2012;13(3):106–131. doi: 10.1177/1529100612451018. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 76.Friston K.J. The free-energy principle: a unified brain theory? Nat Rev Neurosci. 2010;11(2):127–138. doi: 10.1038/nrn2787. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 77.Bottemanne H, Morlaàs O, Schmidt L, Fossati P. [Coronavirus: Predictive brain and terror management]. Encephale. 2020 Jun;46(3S):S107-S113. doi: 10.1016/j.encep.2020.05.012. [DOI] [PMC free article] [PubMed]
  • 78.Alper S., Bayrak F., Yilmaz O. Psychological correlates of COVID-19 conspiracy beliefs and preventive measures: evidence from Turkey. Curr Psychol N B NJ. 2020;29:1–10. doi: 10.1007/s12144-020-00903-0. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 79.Lamberty P., Imhoff R. Verschwörungserzählungen im Kontext der Coronapandemie. Psychotherapeut. 2021;22:1–5. doi: 10.1007/s00278-021-00498-2. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 80.Ebel-Lam A.P., Fabrigar L.R., MacDonald T.K., et al. Balancing causes and consequences: the magnitude-matching principle in explanations for complex social events. Basic Appl Soc Psychol. 2010;32(4):348–359. [Google Scholar]
  • 81.Brotherton R. Bloomsbury Publishing; 2015. Suspicious minds: why we believe conspiracy theories; p. 175. [Google Scholar]
  • 82.Nera K., Pantazi M., Klein O. “These Are Just Stories, Mulder”: exposure to conspiracist fiction does not produce narrative persuasion. Front Psychol. 2018;9:684. doi: 10.3389/fpsyg.2018.00684. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 83.Sterelny K. Memes Revisited. Br J Philos Sci. 2006;57(1):145–165. [Google Scholar]
  • 84.Bost P.R., Prunier S.G., Piper A.J. Relations of familiarity with reasoning strategies in conspiracy beliefs. Psychol Rep. 2010;107(2):593–602. doi: 10.2466/07.09.17.PR0.107.5.593-602. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 85.Brotherton R., French C.C. Intention seekers: conspiracist ideation and biased attributions of intentionality. PloS One. 2015;10(5):e0124125. doi: 10.1371/journal.pone.0124125. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 86.Heider F., Simmel M. An experimental study of apparent behavior. Am J Psychol. 1944;57:243–259. [Google Scholar]
  • 87.van Prooijen J.-W., Douglas K.M., De Inocencio C. Connecting the dots: Illusory pattern perception predicts belief in conspiracies and the supernatural. Eur J Soc Psychol. 2018;48(3):320–335. doi: 10.1002/ejsp.2331. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 88.Bost P.R., Prunier S.G. Rationality in conspiracy beliefs: the role of perceived motive. Psychol Rep. 2013;113(1):1130–1140. doi: 10.2466/17.04.pr0.113x17z0. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 89.Gligorić V., da Silva M.M., Eker S., et al. The usual suspects: How psychological motives and thinking styles predict the endorsement of well-known and COVID-19 conspiracy beliefs. Appl Cogn Psychol. 2021 doi: 10.1002/acp.3844. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 90.Imhoff R., Lamberty P.K. Too special to be duped: Need for uniqueness motivates conspiracy beliefs. Eur J Soc Psychol. 2017;47(6):724–734. [Google Scholar]
  • 91.Cichocka A., Marchlewska M., Golec de Zavala A. Does self-love or self-hate predict conspiracy beliefs? Narcissism, self-esteem, and the endorsement of conspiracy theories. Soc Psychol Personal Sci. 2016;7(2):157–166. [Google Scholar]
  • 92.Golec de Zavala A., Federico C.M. Collective narcissism and the growth of conspiracy thinking over the course of the 2016 United States presidential election: a longitudinal analysis. Eur J Soc Psychol. 2018;48(7):1011–1018. [Google Scholar]
  • 93.Kofta M., Soral W., Bilewicz M. What breeds conspiracy antisemitism? The role of political uncontrollability and uncertainty in the belief in Jewish conspiracy. J Pers Soc Psychol. 2020;118(5):900–918. doi: 10.1037/pspa0000183. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 94.Mao J.-Y., Yang S.-L., Guo Y.-Y. Are individuals from lower social classes more susceptible to conspiracy theories? An explanation from the compensatory control theory. Asian J Soc Psychol. 2020;23(4):372–383. [Google Scholar]
  • 95.Bierwiaczonek K., Kunst J.R., Pich O. Belief in COVID-19 conspiracy theories reduces social distancing over time. Appl Psychol Health Well-Being. 2020;12(4):1270–1285. doi: 10.1111/aphw.12223. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 96.Pavela Banai I., Banai B., Mikloušić I. Beliefs in COVID-19 conspiracy theories, compliance with the preventive measures, and trust in government medical officials. Curr Psychol N B NJ. 2021;26:1–11. doi: 10.1007/s12144-021-01898-y. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 97.Marinthe G., Brown G., Delouvée S., et al. Looking out for myself: exploring the relationship between conspiracy mentality, perceived personal risk, and COVID-19 prevention measures. Br J Health Psychol. 2020;25(4):957–980. doi: 10.1111/bjhp.12449. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 98.Xantus G.Z., Burke D., Kanizsai P. How to best handle vaccine decliners: scientific facts and psychological approach. Postgrad Med J. 2021 doi: 10.1136/postgradmedj-2021-139835. [10.1136/postgradmedj-2021-139835. Online ahead of print.] [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 99.Hornsey M.J., Fielding K.S. Attitude roots and Jiu Jitsu persuasion: understanding and overcoming the motivated rejection of science. Am Psychol. 2017;72(5):459–473. doi: 10.1037/a0040437. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 100.Hagen K. Conspiracy theories and the paranoid style: do conspiracy theories posit implausibly vast and evil conspiracies? Soc Epistemol. 2018;32(1):24–40. [Google Scholar]
  • 101.Swami V., Chamorro-Premuzic T., Furnham A. Unanswered questions: a preliminary investigation of personality and individual difference predictors of 9/11 conspiracist beliefs. Appl Cogn Psychol. 2010;24(6):749–761. [Google Scholar]
  • 102.Swami V., Coles R., Stieger S., et al. Conspiracist ideation in Britain and Austria: evidence of a monological belief system and associations between individual psychological differences and real-world and fictitious conspiracy theories. Br J Psychol Lond Engl. 2011;102(3):443–463. doi: 10.1111/j.2044-8295.2010.02004.x. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 103.Georgiou N., Delfabbro P., Balzan R. COVID-19-related conspiracy beliefs and their relationship with perceived stress and pre-existing conspiracy beliefs. Personal Individ Differ. 2020;166:110201. doi: 10.1016/j.paid.2020.110201. [Published online 2012 Aug 6] [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 104.Swami V. Social psychological origins of conspiracy theories: the case of the Jewish conspiracy theory in Malaysia. Front Psychol. 2021;3:280. doi: 10.3389/fpsyg.2012.00280. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 105.Wood M.J., Douglas K.M., Sutton R.M. Dead and alive: beliefs in contradictory conspiracy theories. Soc Psychol Personal Sci. 2012;3(6):767–773. [Google Scholar]
  • 106.Bottemanne H., Frileux S., Guesdon A., Fossati P, et al. [Belief updating and mood congruence in depressive disorder] Encéphale. 2021 doi: 10.1016/j.encep.2021.06.015. [S0013-7006(21)00187-1. Online ahead of print] [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 107.Nyhan B., Reifler J. When corrections fail: The persistence of political misperceptions. Polit Behav. 2010;32(2):303–330. [Google Scholar]
  • 108.Nyhan B., Reifler J., Richey S., et al. Effective messages in vaccine promotion: a randomized trial. Pediatrics. 2014;133(4):835–842. doi: 10.1542/peds.2013-2365. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 109.Lee J.J., Kang K.-A., Wang M.P., et al. Associations Between COVID-19 misinformation exposure and belief with COVID-19 knowledge and preventive behaviors: cross-sectional online study. J Med Internet Res. 2020;22(11):e22205. doi: 10.2196/22205. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 110.Kim S., Kim S. Searching for General Model of Conspiracy Theories and Its Implication for Public Health Policy: Analysis of the Impacts of Political, Psychological, Structural Factors on Conspiracy Beliefs about the COVID-19 Pandemic. Int J Environ Res Public Health. 2020;18(1) doi: 10.3390/ijerph18010266. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 111.Freeman D., Bentall R.P. The concomitants of conspiracy concerns. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol. 2017;52(5):595–604. doi: 10.1007/s00127-017-1354-4. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 112.van Prooijen J.-W. Why education predicts decreased belief in conspiracy theories. Appl Cogn Psychol. 2017;31(1):50–58. doi: 10.1002/acp.3301. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 113.Uscinski J.E., Parent J.M. Oxford University Press; 2014. American Conspiracy Theories; p. 235. [Google Scholar]
  • 114.Silva B.C., Vegetti F., Littvay L. The elite is up to something: exploring the relation between populism and belief in conspiracy theories. Swiss Polit Sci Rev. 2017;23(4):423–443. [Google Scholar]
  • 115.Prichard E.C., Christman S.D. Authoritarianism, conspiracy beliefs, gender and COVID-19: links between individual differences and concern about COVID-19, mask wearing behaviors, and the tendency to blame China for the virus. Front Psychol. 2020;11:597671. doi: 10.3389/fpsyg.2020.597671. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 116.van Prooijen J.-W., Krouwel A.P.M., Pollet T.V. Political extremism predicts belief in conspiracy theories. Soc Psychol Personal Sci. 2015;6(5):570–578. [Google Scholar]
  • 117.Hart J., Graether M. Something's going on here. J Individ Differ. 2018;39(4):229–237. [Google Scholar]
  • 118.Tooby J, Cosmides L. Conceptual Foundations of Evolutionary Psychology. In: The Handbook of Evolutionary Psychology [Internet]. John Wiley & Sons, Ltd; 2015 [cited 2021 Jul 3]. p. 5-67.
  • 119.Cichocka A., Marchlewska M., Golec de Zavala A., et al. “They will not control us”: ingroup positivity and belief in intergroup conspiracies. Br J Psychol Lond Engl. 2016;107(3):556–576. doi: 10.1111/bjop.12158. [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 120.Cikara M., Botvinick M.M., Fiske S.T. Us versus Them: Social Identity Shapes Neural Responses to Intergroup Competition and Harm. Psychol Sci. 2011;22(3) doi: 10.1177/0956797610397667. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 121.Pytlik N., Soll D., Mehl S. Thinking preferences and conspiracy belief: intuitive thinking and the jumping to conclusions-bias as a basis for the belief in conspiracy theories. Front Psychiatry. 2020;11:568942. doi: 10.3389/fpsyt.2020.568942. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]

Articles from L'Encephale are provided here courtesy of Elsevier

RESOURCES